Les Ténébreuses – Tome I – La Fin d’un monde

Chapitre 8 «NE PAS ÊTRE »

 

L’événement ne se passa pas encore sansquelque difficulté. Ivan put se rendre compte qu’il était recherchéavec acharnement.

On avait le désir évident de le trouver avantle jour et dans un dessein qui ne faisait aucun doute pour lui, pasplus qu’il ne doutait, du reste, que s’il ne disparaissait point cejour-là, on saurait bien s’arranger pour qu’il ne fût pointlongtemps gênant sur cette terre.

Aussi, lorsque, par les soins intelligents deZakhar, il se vit hors d’un danger immédiat, il estima que l’air deTsarskoïe-Selo ne lui valait pas grand’chose.

Grâce à la complicité du schwitzar(le concierge qui était, paraît-il, un grand ami de Zakhar et surlequel on pouvait compter moyennant la promesse d’un fabuleuxpourboire), Ivan fut revêtu d’un épais manteau de citadin, d’unetoque qui lui descendait sur les oreilles et d’un cache-nez quidissimulait à souhait son joli profil. On le fit passer par unepetite porte du parc qu’il ne connaissait pas et où un vulgaireisvô l’attendait, mais cet isvô était attelé d’un trotteur quidevait coûter un certain prix.

Ivan ne perdit point son temps à se demanderoù Zakhar pouvait se procurer des chevaux pareils, ni où il étaitallé chercher le pauvre costume d’isvotchick dont il s’étaitaffublé.

L’équipage partit comme le vent.

Il était entendu qu’on allait à Petrograd.C’était encore là que le grand-duc trouverait le mieux à se cacher,dans l’immense ville.

Sur ses ordres, Zakhar le conduisit ainsi sansencombre jusqu’au coin du pont Petrowsky, du côté des îles.

Il était encore de grand matin, et la vie, quivenait à peine de cesser dans cette sorte de bois de Boulogne dePetrograd où l’on se promenait, en cette saison, jusqu’à une heurede la nuit des plus avancées, n’avait pas encore repris. C’était ledésert.

Ivan fit renouveler à Zakhar son serment dediscrétion et lui réitéra sa promesse de faire sa fortune. Aprèsquoi, l’isvotchick et le grand-duc se séparèrent.

Tant que l’isvô fut en vue, Ivan ne bougeapas. Quand il eut disparu, il se mit en marche. Le grand air, larapidité de la course lui avaient fait du bien ; c’est toutchancelant cependant qu’il arriva, après une demi-heure de marche,dans les bois à la datcha d’Hélène.

En cette saison, la danseuse quittait sonluxueux « quartir » de la grande Morskaïe, pour sa maisonde campagne des îles.

Cependant ni les dvornicks, ni le schwitzar,ni aucun domestique ne voulurent rien entendre relativement àl’ordre qu’Ivan leur donnait d’aller réveiller leur maîtresse outout au moins de la faire réveiller.

Celle-ci se couchait à l’ordinaire forttard ; et, justement, il n’y avait que deux heures qu’elleétait rentrée.

La discussion qui se poursuivait dans lejardin, sous les fenêtres de la datcha, réveilla-t-elle Hélène, oucelle-ci, n’étant pas encore couchée, se mit-elle à sa fenêtre pourrespirer l’air embaumé du matin ? Toujours est-il qu’elleparut au premier étage et, voyant cet inconnu, si bizarrementhabillé que ses gens repoussaient assez rudement, elle demanda desexplications.

Ivan cria :

– Hélène !

La danseuse reconnut immédiatement cette voixsi chère et poussa un cri de surprise et de joie.

Elle jeta l’ordre aux domestiques de fairemonter immédiatement le gaspadine (monsieur) et referma la fenêtrede sa chambre. Son émoi était immense. Que venait-il faire ?Que signifiait ce déguisement ? Son cœur battait àl’étouffer.

Elle pensa, elle osa penser que le grand-ducl’aimait peut-être. Elle se rappela le baiser qu’il lui avait donnéet qui lui brûlait encore les lèvres, un vrai baiser d’amant dontelle avait été tout étourdie, chez Serge Ivanovitch, et elledéfaillait de joie. Elle se laissa tomber sur le coin de sa chaiselongue en murmurant :

– Mon Dieu ! mon Dieu !

Elle balbutia encore des phrasesinintelligibles en dessinant un nombre incalculable de petitescroix du bout de son pouce rose sur son front pâle.

Il entra. Elle était tellement occupée à leregarder, à considérer cette physionomie qu’elle reconnaissait àpeine, ces yeux de fièvre, ce visage ravagé, qu’elle nes’apercevait pas qu’elle était presque nue dans le peignoir dontelle s’était hâtivement enveloppée.

Elle ne se rendait point compte, non plus,qu’elle avait donné l’ordre de l’introduire dans sa chambre etqu’elle n’aurait point reçu autrement son amant.

– Monseigneur, qu’y a-t-il ?implora-t-elle.

– Ne m’appelez plus monseigneur ! Il n’ya plus de monseigneur… il n’y a plus d’Ivan Andréïevitch !…Appelez-moi comme vous voudrez !

– Vous me faites peur !… Vous êtesmalade ?… Que vous est-il arrivé ?… Pourquoi cedéguisement ?… Vous avez une figure si défaite… Asseyez-vousdonc !…

Il chercha un siège autour de lui et finit pars’asseoir sur le lit, ou plutôt par s’y laisser tomber.

– Que vous est-il arrivé, dites ?

– Serge Ivanovitch est mort !…

Elle se dressa d’un bond et vint s’asseoirprès de lui ; elle lui prit ses mains qui étaientbrûlantes :

– Que dis-tu ? que dis-tu ?… Par laVierge et les saints archanges, j’ai mal entendu !…

– Il est mort sous mes yeux ! Et quand jesuis arrivé pour le sauver, il était trop tard !… Non, non,plus rien à faire !… plus rien à faire, HélèneVladimirovna !… Que Dieu le père et l’empereur mejugent ! Ah ! je voudrais être mort à sa place !… jevoudrais ne plus être !… ne plus être, HélèneVladimirovna !

Et il se mit à pleurer comme un enfant. Elleattira la tête du jeune homme sur son sein et sentit ses larmescouler sur sa gorge.

– Raconte-moi tout, mon ami chéri ! Tusais que tu peux avoir confiance en moi !

– Je le sais ! Je le sais ! et, tuvois, je suis venu !

– Ma petite âme, ma petite âme, tu ne cours,du moins, aucun danger, toi, n’est-ce pas ?

– On a voulu me tuer aussi !

Elle eut un cri et serra cette tête adoréeentre ses mains frémissantes.

– Oh ! dit-elle, malheur à celui qui tetouchera !

Et elle l’étreignait si passionnément qu’il seréveilla soudain à la réalité de la minute présente. Il se vit dansles bras de cette belle fille demi-nue, qui la couvrait deconsolations et de caresses, dans cette chambre parfumée, sur cettecouche en désordre, dans cette atmosphère d’amour… et il dénoua lenœud de ces beaux bras qui le retenaient prisonnier, mais ce ne futpas lui qui rougit.

Ce fut elle, elle qui comprenait qu’Ivanl’éloignait parce qu’il trouvait sans doute qu’elle prenait unepart trop directe, trop intime à l’émoi de son corps et de sonâme.

Elle souffrait atrocement, ellebalbutia :

– Que vous est-il arrivé, Ivan ?Pardonnez-moi ! Vous m’avez surprise dans mon premier sommeil.Tenez, lui dit-elle, en se levant et sans se rendre bien compte desgestes qu’elle accomplissait, passons par ici, et elle ouvrit uneporte.

– C’est cela, dit Ivan, comme il eût dit autrechose, mais il était heureux de sortir de cette chambre.

Ils s’en furent dans un boudoir sombre et ilss’assirent loin l’un de l’autre. Elle faisait des effortssurhumains pour reconquérir tout son sang-froid pour prononcer desmots naturels.

Elle ne pensait pas à la mort de Serge, quiétait un bon ami à elle, un ami sûr qui avait travaillé avec elle àdes choses qu’elle seule savait.

Elle ne pensait qu’à une certaine phrasequ’elle avait entendue un jour dans la bouche de cet homme quiétait prostré en ce moment devant elle. Il avait dit, à propos deje ne sais quelle folie accomplie par un grand personnage amoureuxd’une petite danseuse de Kristowsky (le music-hall des îles) :« Comment peut-on aimer ces créatures-là ? » et ilavait dit cela devant elle ! Devant elle que le prince Khirkofentretenait. Et le prince Khirkof n’avait pas été le premier,certes ! Ivan ne s’était même pas aperçu qu’il n’aurait pas dûdire cela devant elle.

Fallait-il qu’elle comptât peu dans l’espritd’Ivan ! De fait, souvent le grand-duc lui avaitdit :

– Oh ! toi, on peut tout dire devant toi,tu ne comptes pas !

Non ! elle ne comptait pas commefemme devant Ivan. C’était clair, hélas !… Ivan finit parlever la tête vers elle et commença d’une voix basse le récit del’affreuse nuit. Il lui dit tout.

Elle fut de son avis. Il fallait qu’ildisparût. C’était une question de vie ou de mort. Et elleréfléchit :

– Je m’en charge, dit-elle, vous avez bienfait de venir ici, Ivan !

– Je suis venu vers vous tout naturellement,Hélène, parce que votre père a connu le mien, a souffert avec lui.Il me semble que nous sommes un peu frère et sœur, après ce quevous m’avez raconté dans l’atelier de ce pauvre Serge !

– Oui, frère et sœur… c’est cela… Moi, je vousaime comme une sœur, c’est cela, Ivan Andréïevitch !…

– Je vous en supplie, ne m’appelez plus ainsi,Ivan Andréïevitch est mort !… Il faudrait me trouver un autrenom… un autre nom, voyez-vous, sous lequel je rêverais de me faireune autre vie… une vie qui n’aurait rien à faire avec le cauchemarpassé… Voyons, comment va-t-on m’appeler ?… Tenez, prenonsn’importe quel nom… Pierre Féodorovitch, par exemple !

– Ah ! vous tenez à ce nom-là ! ditHélène d’une voix sèche.

Ce fut au tour d’Ivan de rougir.

– Écoutez, Hélène !… je vais tout vousdire… tout vous dire… Il ne faut pas qu’il y ait le plus petitmensonge entre nous… Je suis venu ici pour que vous me cachiez,Hélène, mais aussi, pour autre chose encore : avant dedisparaître pour toujours, je désire dire adieu à une personne… àune personne que j’aime, comprenez-vous ?…

– Oui, oui !…

– Un ange, Hélène !… une jeune filleadorable que j’aime depuis un an passé…

– Ah !…

– Il n’y a même eu entre nous que des paroles…de vaines paroles… mais nous nous adorons, c’est sûr !…

– Ah !…

– Elle ne me connaît que sous ce nom, PierreFéodorovitch. Mais Serge a dû vous parler de cettehistoire-là !… Je ne lui avais pas demandé le secret vis-à-visde vous !

– Eh bien, si, Ivan… pardon, PierreFéodorovitch… Serge m’en avait parlé et je connais votre histoire…Elle est tout à fait touchante, avoua Hélène d’une voix inerte, carelle souffrait mille morts.

– N’est-ce pas ?… Eh bien, je voudraisque vous vous rendiez vous-même chez cette personne pour lui direque je vais quitter Petrograd pour toujours et qu’avant mon départ,je serais heureux de lui faire mes adieux… Vous lui direz quej’exige qu’elle vienne, car elle pourrait faire quelque difficulté…Vous avez bien compris cela, Hélène ?…

– Oui, oui, mon ami, et je vous suisreconnaissante d’avoir pensé à moi pour une commission aussidélicate.

– Oh ! elle n’est pas seulement délicate,elle est des plus importantes. Vous allez voir. Quand vous luiaurez fait entendre que je ne puis aller chez elle et qu’il fautqu’elle vienne chez vous, ce qui sera déjà un premier pas, vousdevrez entamer une autre négociation si difficile qu’il n’y aabsolument que vous qui puissiez la faire réussir, avec votreintelligence tout à fait supérieure et cette volonté incroyable quivous fait triompher de tout et obtenir tout ce que vous voulez.C’est bien connu ! ma chère Hélène.

Hélène ne put s’empêcher de sourire dans sonmartyre.

– Vous m’accordez trop de vertus, PierreFéodorovitch, fit-elle en s’efforçant de ne mettre, dans ce qu’elleexprimait, aucune amertume. Et maintenant, dites-moi quel estl’objet de cette négociation importante ?

– C’est toujours la jeune personne. Ils’agirait de l’amener à s’enfuir de Petrograd avec moi.

– Oh ! fit Hélène sans pouvoir dissimulerun mouvement de douleur et d’ardente impatience… Ce que vous medemandez est presque impossible… tout ceci va nous faire perdre untemps précieux… je voudrais vous voir déjà en sécurité…

– Que m’importe d’être quelque part ensécurité si je ne suis pas avec Prisca !…

Il avait jeté cette phrase avec une telleforce désespérée que la danseuse eut encore froid au cœur… Elle nerépliqua rien, et Pierre Féodorovitch continua, possédé entièrementpar sa passion :

– Comprenez, Hélène, que la vie m’est à chargesi je ne connais pas l’amour de Prisca ! Voilà plus d’un anque je l’attends et je serais mort cette nuit après tout ce quej’ai appris et tout ce que j’ai vu, si je n’avais pas eu l’espoirde connaître cet amour-là ! c’est simple : il n’y aplus que cela qui compte !…

Hélène se leva, le visage extraordinairementfermé, avec une mine hostile qu’il lui voyait pour la premièrefois.

– Qu’avez-vous ?

– Rien !… je vais chez votre amie, ditHélène… permettez-moi d’aller m’habiller…

– Comme vous me dites cela !… Vous ne meparlez pas comme une sœur !… Vous voilà horriblement fâchéecontre moi, je le vois bien, ma chère petite âme… Il faut me direpourquoi, je le veux… Je suis assez malheureux pour que vous ayezun peu pitié de moi, et je sens, en ce moment, que vous mehaïssez ! Je n’avais plus que ma petite sœur, vais-je laperdre aussi !

– Vous haïr !… Tenez, je vais vous direce qui m’a fait de la peine, puisque, après tout, vous l’exigez,Pierre Féodorovitch !

Et elle dit cela sur un ton d’une tellegravité que le grand-duc attendit ses paroles avec anxiété.

– Vous m’avez dit ; Il n’y a quePrisca qui compte !… Eh bien, après ce que vous avezappris et ce que vous avez vu, cette nuit, je pensais, Pierre,qu’il y avait autre chose qui devait compter pour vous !…

Pierre pâlit à ces mots et ne sut querépondre. Il baissa la tête, car il ne pouvait soutenir l’éclatterrible qui s’était soudain allumé dans les yeux d’Hélène… Et ilavait compris… Il avait compris que ce n’était point pour qu’ilvînt si vite lui raconter une histoire d’amour qu’elle lui avaitraconté, elle, une histoire de haine et de mort… Il avait comprisque ce n’était pas par hasard qu’une telle confidence lui avait étéfaite par cette belle fille qui avait à venger son père martyrisé àcôté du sien par les mêmes bourreaux.

Elle avait été en droit de croire que la mêmehaine sacrée les unirait désormais… et il venait lui parler de sonamour pour une autre !… et il n’avait échappé à l’horreurd’une nuit où on lui avait encore assassiné son meilleur ami quepour venir charger Hélène d’une commission d’amoureux !…

Il eut la vision de son père traversant à piedles steppes sibériens, à peine couvert de quelques loques par desfroids terribles, se rendant aux mines sous le fouet des gardiens,par des pistes que quelques poteaux seulement jalonnent sur ledésert de neige… Il vit le père d’Hélène défaisant sa touloupe pourla jeter sur les épaules de son père qui allait succomber… Il vitl’exécution affreuse, le capuchon, la corde, « la cravate deStolypine », comme on appelait alors le cordon fatal… et plusprès de lui, si près… un corps tout chaud, un corps qui dormaitmaintenait au fond du lac de Tsarskoïe-Selo… si près, si près qu’ilentendait encore la voix de Serge à son oreille : « Jet’en supplie, tais-toi, tu vas nous perdre !… » Etc’était vrai que c’était lui qui l’avait perdu ! Pourquoiavait-il crié ?… Il n’était donc qu’un enfant, un enfant quine savait rien dissimuler… qui ne savait pas souffrir sans crier…un enfant qui ne savait que parler d’amour !

Et, à cause de lui, Serge était mort !…Il avait bien juré de le venger, mais déjà il avait oublié ceserment-là !…

Hélène avait raison. Il eut honte. Il se cachala tête dans les mains et demanda :« Pardon ! »

Quand il la releva, Hélène n’était plus là. Ill’appela. Elle revint. Elle était enveloppée d’un manteausombre ; une toque légère était posée sur sa tête. Unevoilette épaisse cachait ses traits.

– Où allez-vous ? demanda-t-il.

– Je vais chez votre amie !

Il lui prit ses belles mains qu’elle était entrain de ganter. Il tremblait. Il baisa ces mains et dit toutbas :

– Hélène, oubliez tout ce que je vous aidit ! Je n’ai pas le droit d’aimer !… Je ferai ce quevous voudrez, Hélène ! J’ai pensé à mon père, au vôtre, à tousles malheureux qui sont morts là-bas, et à celui qui est mort ici,à Serge Ivanovitch que j’ai juré de venger… Que faut-il que jefasse, Hélène ?… Je n’en peux plus… je suis si faible !…Ayez pitié de moi !…

Et des larmes coulèrent à nouveau sur sonjeune visage si prématurément vieilli de dix ans, comme elle le luiavait cruellement prédit quelques heures plus tôt.

– Pierre, lui dit-elle, me jurez-vous quedans six mois, si je vous fais un signe, un seul, si je vousdis : « Le moment est venu, Pierre !… les ombres deton père et de Serge Ivanovitch frappent à ta porte ! Lève-toiet viens !… » me jurez-vous que vous me suivrez sansregarder derrière vous ?…

– Je te le jure ! je te le jure,Hélène ! ma petite amie, ma petite sœur, ma petiteâme !…

– C’est bien, Pierre !… je vais chercherPrisca !

– Oh ! mon Dieu ! soupira le jeunehomme. Et vous croyez qu’elle viendra ?…

– J’en suis sûre ! affirma Hélène.

– Et tu crois qu’elle me suivra ?

– Je te jure à mon tour que je vais faire toutce qu’il faut pour cela !…

Et s’arrachant à ses embrassements qui luifaisaient trop mal, elle s’échappa… Il voulut la rattraper… il luicria :

– Mais tu ignores son adresse !

– Si ! si ! je la connais !…Canal Catherine !… Restez ici, vous ! Ne bougez pas. Vousne courez aucun danger pour le moment, ici… je vous ferai montertout ce qu’il vous faut !… et surtout soyez patient… et nevous montrez pas !

Dehors, Hélène prit un vulgaire isvô. Ellejeta l’adresse du canal Catherine au cocher en lui promettant ungros pourboire. L’isvotchick enleva d’un coup de fouet son petitcheval finlandais à longs poils, qui fila comme le vent, le long dela Néva.

Hélène souffrait horriblement, et, chosecurieuse, elle était heureuse de souffrir ! Le sacrificequ’elle faisait d’elle-même et de son amour, poussé à ce point-là,devenait pour elle une joie sacrée…

Elle se torturait avec héroïsme. N’avait-ellepoint juré à l’ombre de son père que son cœur ne serait habité paraucun autre sentiment que celui de la haine et de la vengeance,tant qu’elle n’aurait point accompli l’œuvre qu’elle avaitentreprise… Elle avait laissé se glisser dans ce cœur un amour quine devait pas y avoir de place. Elle en était punie ! Elles’en punissait elle-même avec une âpre joie sauvage… Elle s’enchâtiait presque avec Prisca qu’elle n’avait pas voulu connaître,et elle allait la lui jeter dans les bras ! à lui ! àlui ! qu’elle adorait ! Que pouvait-elle faire deplus ? Rien, en vérité !

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