Le Capitaine Hyx – Aventures effroyables de M. Herbert de Renich – Tome I

Chapitre 4LE DRAPEAU NOIR

Sur la place de la Cathédrale, je trouvaiheureusement un carro libre, sautai dedans et donnai unsérieux pourboire au bouvier alerte pour qu’il piquât jusqu’au sangses galopantes vaches, et aussi à l’enfant coureur-chasse-mouchespour qu’il excitât l’équipage de ses meilleurs cris.

Nous glissâmes comme une flèche sur les pavéspointus, suiffés, jusqu’au port.

Hélas ! ce fut en vain que, sur le quai,je cherchai trace des ravisseurs et de leurs victimes. Ici, toutétait en fête, et aux terrasses des cabarets on ne répondit mêmepoint à mes questions.

Je courus jusqu’au bout de la jetée ;elle était déserte. Au bas de l’escalier de pierre où l’ons’embarque dans les canots qui vous conduisent aux steamers enrade, pas une embarcation !

Cependant je crus distinguer un grandmouvement dans l’ombre lointaine de la plage. Je repris ma course.Arrivé sur la grève, je fus entouré aussitôt par de grandes barquesqui venaient de villages éloignés et qui sortaient à toute volée dela mer, traînées par des vaches qui étaient allées les chercherjusqu’à la lame. Ces barques apportaient à Funchal des légumes, dupoisson, de véritables cargaisons de veaux, de moutons, de porcs.Tout cela, bêtes et gens, faisait une musique diabolique, car enmême temps il y avait à chaque bord des bruits de guitare et deschants de Noël ! Sans interrompre un commerce nécessaire, cesbraves gens fêtaient la naissance de Dieu !…

À la limite de la lumière, sur l’eau, jevoyais l’ombre épaisse d’un grand croiseur auxiliaire anglais quiétait arrivé dans l’après-midi. Quant à mon steamboat, il y avaitdeux heures qu’il était parti avec mes bagages ! Quefaisais-je sur cette plage ? J’avais tout perdu, mêmeAmalia ! Mon désespoir n’avait plus de bornes !

Soudain, je découvris, parmi tant de barquesdansantes, une petite chaloupe automobile à la poupe de laquelle jen’eus pas de peine à reconnaître l’Homme à la cape !

L’embarcation devait doubler la jetée. Jecourus de nouveau vers le môle. Je ne doutais point que l’Homme àla cape n’eût tout dirigé dans cet affreux drame où je me débattaiscomme s’il me touchait autant qu’Amalia, et j’imaginai que lesvictimes pouvaient avoir été jetées prisonnières au fond de cettechaloupe même. Pour mon bonheur ou pour mon malheur, un petit canotà vapeur qui faisait le service entre les steamers et la jetée,abordait aux derniers degrés de l’escalier, au moment où j’yarrivais.

Je me jetai dans l’embarcation et promis cequ’ils voudraient aux deux hommes d’équipage s’ils rattrapaient lachaloupe automobile, qui passait alors à une demi-encâblure devantnous. Ce fut une belle poursuite. Nous remontions vers lenord-ouest, laissant derrière nous les derniers bruits de la fête,les carillons clairs des églises qui sonnaient encore là-bas, aucreux des monts, comme des clochettes de mules qui se hâtent. Nousgagnions visiblement sur le canot. Où allions-nous ?… Qui eûtpu le dire ?…

L’Homme au capuchon, devant nous, à la poupede sa barque, ne semblait pas plus s’occuper de nous que si nousn’avions pas été là à souffler notre fumée derrière lui… Mais voilàque, comme nous commencions à distinguer à l’occident unpromontoire qui portait une étoile (Porto-Santo et son phare,avant-garde des Desertas, îles abandonnées de l’archipel), l’Hommeà la cape se baissa, une lumière stria la nuit au ras desflots ; nous entendîmes une forte détonation et nous reçûmesun choc qui fit éclater dans une explosion notre fragileesquif…

J’avais été jeté du coup à la mer ! Parun miracle, je n’étais pas blessé ! Je nageai tant que je pus,me raccrochant à une épave pendant des heures. Quant à mes deuxcompagnons, ils avaient disparu ! Et sans doute, j’allais,comme eux, me laisser couler au fond, à bout de forces, quand unétrange remous me conduisit presque malgré moi sur le flanc d’uneprodigieuse carapace, que je reconnus à l’excroissance de ses deuxkiosques pour être la superstructure, certainement, du plus vastesous-marin qui soit sorti des chantiers des hommes depuis que leshommes se font la guerre au sein des eaux. Presque aussitôt, lecapot de l’un de ces kiosques fut ouvert et, avant que j’eusseaperçu une créature humaine, une hampe commença de monter hors dela nuit, sous les premiers regards du soleil… À cette hampe sedéroula un large drapeau noir marqué dans son centre d’un grand Vrouge…

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