Moulins d’autrefois

Chapitre 1

 

Ce dimanche des Rameaux, si radieux dans lamatinée, s’acheva bien mélancoliquement aussi, au moulin de LaCapelle.

Quand la jeune fille rentra des vêpres, Terralétait parti pour le chef-lieu, non sans emporter une belle carpe,tuée à l’étang d’un coup de fusil, et qui, d’après lui, devait, ensemaine sainte, faire un merveilleux effet sur l’esprit deRoucassier, le député…

Dans la nuit, la meunière, qu’avaitbouleversée la scène de dispute de midi, fut reprise de toux, defrissons, de fièvre intense et même de délire. Aline craignit unerechute grave, s’affola, voulut de nouveau envoyer quérir lemédecin. Son parrain et Cadet eurent toutes les peines du monde àlui persuader d’attendre au moins le jour. La pauvre petite revécuttoutes les affres de la nuit de Noël ; elle veilla près de samère, elle pria, s’accusant d’être la cause de ce retour du mal.Elle allait enfin renouveler la formule de son vœu, lorsque lamalade se calma, s’assoupit et goûta quelques heures de repos… Cen’était donc qu’une fausse alerte ; mais Linou y vitclairement un rappel au devoir, un signe certain que Dieu et laVierge lui savaient mauvais gré de son parjure et de son retour àl’amour d’un homme.

Terral revint de Rodez, enchanté de son voyageet convaincu que Roucassier ferait, le cas échéant, réformer soncadet. Il paraissait ne plus se souvenir de la querelle dudimanche ; et il permit à son fils et à son frère de leplaisanter sur sa visite au député, l’éternelle tête de Turc detous ceux qui étaient ou se croyaient républicains.

– Eh bien ! criait gouailleusementl’oncle Joseph, en s’interrompant de varloper, de limer ou derhabiller, tu l’as vu, le vieux singe de la Nogarède ? Iln’est pas devenu beau, n’est-ce pas ?

– Lui ? ajoutait Cadet ; quand ilmonte dans un de ses pruniers, les moineaux s’enfuient àtire-d’aile hors du domaine.

– Blaguez, blaguez, grommelait Terral àmi-voix. Roucassier est quelqu’un, quoi que vous en disiez ;et puis, il a l’oreille de l’empereur…

– Une seule ?… Alors, ça lui en faittrois, et de belle taille… T’a-t-il payé à boire, au moins ?Ta carpe valait bien un verre de son cognac de prunes, servi par lamâmânn (et il nasillait atrocement, avec l’intention de contrefairele député, célèbre dans toute la région pour son déplorableaccent).

– Elle est toujours solide, la vieilleJuive ? Et elle le mène toujours par le bout du nez, n’est-cepas ?

– Je crois bien ; elle lui fait radouberses barriques avant la vendange et porter ses œufs au marché, ungrand panier noir au bras…

– Je vous dis, protestait Terral, queRoucassier est un homme capable, et qu’il a les bras longs.

– Jusqu’à la cheville, parbleu, comme tousceux de son espèce, achevait Joseph.

Et le vieil abbé Lacroze, un prêtre retraité,qui ne manquait jamais de venir passer deux heures au moulin quandil savait y rencontrer l’oncle Joseph, s’esclaffait en se tenant leventre, aux plaisanteries de ces « fous de meuniers »,comme il appelait indistinctement les Terral. Et Regimbai le maçon,et Pomarède le menuisier, et Phélip, dit « Fén-dé-Fun »parce qu’il avait toujours la pipe au bec, Phélip l’homme àprojets, qui chantait au lutrin, savait compter par épactes,parlait latin, et paraissait partout où l’on travaille sanstravailler jamais, tous faisaient chorus avec les raillards etdaubaient sur le député de l’empereur.

Seule, dans ce milieu redevenu gai, Alineétait triste. Elle pensait au couvent, reprise par la lutteintérieure qui la minait peu à peu…

Elle fit ses Pâques le Jeudi-Saint, en ce jourqui, mieux que tout autre, commémore exactement la Cène de Jésusavec ses apôtres, la veille de sa mort. Elle pria ardemment ledivin Crucifié de lui parler bien haut, bien clair, de lui dire sielle devait aller à Lui irrévocablement.

Le lendemain, elle recevait une lettre de satante, religieuse au couvent de la Sainte-Famille, à Villefranche,à qui elle avait écrit, quelques semaines plus tôt, pour l’inviterà venir passer les congés scolaires de Pâques au moulin de LaCapelle. La sœur de Rose se disait trop souffrante pour sedéplacer, et elle pressait, à son tour, Linou de faire le voyage,ayant le plus vif désir de la revoir, et priant la meunière,maintenant guérie, de lui confier pour quelques jours son enfant deprédilection.

Cette lettre parut à Linou une réponse d’enhaut à ses pieuses instances : plus de doute, Dieu l’appelait,il fallait partir… Mais comment ? Au grand jour, après avoirdéclaré sa résolution à toute sa famille, et à Jean parsurcroît ? Certes, ce serait plus courageux, plus loyal.Seulement, que de cris, que de larmes, que de résistances et desupplications !… Ne pouvait-elle s’en aller doucement, souscouleur de visite à sa tante, quitter la maison en y laissantl’espérance d’un retour prochain ? Une fois au couvent, elle yprolongerait son séjour, trouverait des prétextes plausibles,s’essayerait à la vie religieuse, s’affermirait dans sesrésolutions. Sa mère comprendrait vite, pleurerait beaucoup, et serésignerait, étant pieuse et ayant regretté parfois, aux heuresdifficiles, de n’avoir pas abrité elle-même son cœur de sensitivederrière les murailles d’un cloître… Son père ? Sonfrère ? Son parrain ? Bah ! ils se mettraient encolère d’abord, blasphémeraient peut-être, crieraient qu’il estgrand temps qu’un nouveau Quatre-vingt-treize vienne vider etfermer tous les couvents… Mais ils se consoleraient… Tous lesjours, on voit des jeunes filles se faire religieuses, et lesmaisons d’où elles essaiment n’en vont pas plus mal.

Et Jean ? Ah ! Jeantou, le pauvregarçon ! Comme elle va le faire souffrir !… Elle lui apardonné sa trahison, lui a avoué qu’elle l’aimait toujours, s’estrepromise à lui… et maintenant… Mais c’est lâche, ce qu’elle faitlà ; et ce qu’elle projette est criminel… Criminel ?Pourquoi ?… Même en restant, il est désormais peu probablequ’elle puisse épouser le farinel du moulin des Anguilles. Lesfureurs et les menaces de son père, est-ce qu’elle se sentirait detaille à les braver ? Hélas ! non, la pauvre petite…Alors ? Puisqu’elle ne saurait surmonter les obstacles qui laséparent de son ami, autant ajouter à ces barrières humaines cellesdu mariage mystique et des grilles d’un couvent…

Au souper, devant les siens, Aline reparla dela lettre de sa tante, et demanda qu’on lui permît d’aller passerhuit jours auprès d’elle.

Tout de suite, Terral fut sur ses ergots. Ellechoisissait bien son moment pour s’absenter ! Le lendemain,Cadet allait à Saint-Jean pour le Conseil de révision. Joseph étaitattendu dans plusieurs moulins ou scieries. Il fallait porter de laplanche à Albi, achever de retirer le bois des coupes du Lagast,semer les pommes de terre, planter le jardin…

La mère intervint, timidement, commetoujours.

– Si ma sœur est souffrante, cependant !C’est quand les gens sont malades qu’il convient d’aller les voir…C’est l’affaire d’une semaine au plus… Cette pauvre petite s’estassez fatiguée à me soigner durant quatre mois, pour qu’on luiaccorde le petit congé qu’elle demande.

– Et puis, reprenait Terral, est-il bienconvenable qu’une fille comme Linou fasse seule un telvoyage ?

– On ne m’enlèvera pas, père, répondait-elleen s’efforçant de sourire.

Et l’oncle Joseph, à son tour,approuvait :

– Il ne s’agit que d’aller prendre àSaint-Amans la diligence de Saint-Jean à Rodez, laquellecorrespond, à la Primaube, avec la voiture du Levezou àVillefranche. J’accompagnerai Linou à Saint-Amans, en allanttravailler à la scierie de Castaniers ; et, à la Primaube, leconducteur Carrière, à qui je la recommanderai, l’embarquera dansle courrier qui la déposera à Villefranche même, à la porte de soncouvent. Et le retour ne sera pas plus difficile que l’aller.

– Bien, fit aigrement Cadet, et moi ? Ilparaît que je ne compte pas ? Tu veux partir sans même savoirsi je suis ou non soldat pour sept ans ? Tu es encoregentille !…

Sensible à ce reproche, Linou courut à sonfrère et l’embrassa.

– Hé, mon bon Cadet, ton numéro, ne sera mêmepas appelé ; et, s’il l’était, je suis sûre que tu ne seraispas soldat : nous avons bien trop prié pour toi, avecmaman.

Cadet haussa les épaules.

– Voilà bien des raisons de dévote !fit-il en ricanant.

– D’ailleurs, frère, pour te faire plaisir, jene partirai que mardi. Cela te va-t-il ainsi ?

Personne ne faisait plus d’objections ;et il sembla à Linou qu’elle avait dans la main la clé de la portepar où elle allait s’évader… S’évader !

Quel mot, quelle action surtout, pour unehonnête fille !… Elle qui avait eu toujours horreur de ladissimulation et du mensonge, elle allait tromper sa famille,disposer de sa vie sans même consulter ceux de qui elle latenait !…

Toute la nuit, dans une insomnie tenace, elletourna et retourna ces idées dans sa tête fiévreuse. Tantôt, ensongeant à la douleur de sa mère et de Jean, elle se promettait derevenir sur sa détermination ; et, tantôt, elle s’yaffermissait davantage par l’évocation de son vœu et de la guérisonde la chère malade qui, pour elle, en était la conséquence, et parle ressouvenir de ses lectures pieuses : « Tu quitteraston père et ta mère… » Cette phrase revenait sans cesse dansson esprit ; et elle se l’appliquait comme un commandementd’en haut. « Tu quitteras ton père et ta mère… » Est-cequ’on ne voyait pas souvent des jeunes filles, contrariées dansleur amour, s’échapper de la maison paternelle et suivre ceux à quielles s’étaient promises ? On les excusait, on les mariait, etnul ne leur jetait le blâme. À combien plus forte raison devait-onêtre indulgent envers celles qui s’en allaient, même en cachette,vers le fiancé divin et des noces mystiques !… Cet argumentfinit par tout emporter.

Le lendemain tandis que Terral était à laforêt, Cadet au chef-lieu de canton, et l’oncle Joseph à lascierie, Linou, tout en aidant sa mère, comme de coutume, faisaitses préparatifs de départ.

Mais quels serrements de cœur à toutes leschoses qu’elle quittait ! Quelle angoissante journée d’adieux,d’autant plus déchirants qu’il les fallait dissimuler : adieuxaux bêtes, adieux au lavoir, au jardin, à sa chambrette de jeunefille, où, par la fenêtre ouverte, le vieux poirier semblait luitendre ses rameaux en fleurs, dans lesquels deux chardonneretscommençaient leur nid… Au jardin, elle s’arrêta à regarder lesruches et les avettes qui en partaient, rapides et vibrantes commedes balles d’or, et y revenaient alourdies de butin ;plusieurs bourdonnaient autour de ses cheveux ; une, même, seposa sur sa manche, lasse, sans doute, sous la charge de sesminuscules corbeilles emplies de pollen.

En vaquant aux soins du ménage, elles’interrompait parfois pour contempler longuement le visage chéride sa mère, si maigre et si pâle encore, et ces yeux d’infinietristesse, qui avaient tant pleuré déjà, et qu’elle allait tantfaire pleurer encore.

– Qu’as-tu donc à me regarder ainsi ? dittout à coup Rose. Qu’est-ce que j’ai de particulieraujourd’hui ?

– Rien, maman, sinon que tes couleursreviennent, et que tu es un peu mieux portante chaque jour…

Mais, à la dérobée, elle continuait del’observer avec ferveur : on eût dit qu’elle voulaits’enfoncer profondément dans la mémoire l’image auguste, pourl’emporter vivante et la conserver à jamais.

L’après-midi, sous un prétexte quelconque,elle s’enferma dans sa chambre et écrivit au curé de LaGarde :

« Monsieur le curé,

J’ai fait ce que vous m’aviezrecommandé : j’ai prié et j’ai supplié Jésus et la Vierge dem’inspirer. Et je pars demain matin pour Villefranche, censé pouraller voir ma tante la religieuse, qui nous écrit qu’elle estmalade, mais avec l’intention de rester là-bas, et de me fairereligieuse moi-même ; je sens que c’est ma vocation… Voussavez, d’ailleurs, que je l’ai juré, la nuit où maman a manquémourir… Il est vrai qu’à la suite de votre visite, il m’étaitrevenu des hésitations. Je plaignais Jean ; et même, lelendemain des obsèques de son père, je l’ai vu si malheureux que,devant ma mère qui m’implorait pour lui, oubliant un moment monvœu, je lui ai dit que je l’aimais toujours ; et j’étaissincère… Mais mon père, survenant là-dessus, s’est mis dans unecolère terrible, a querellé maman et parrain, et a juré, que, luivivant, je n’épouserais jamais Garric… La nuit d’après, maman a étéreprise de fièvre et de suffocation, tout comme au début de lamaladie qui faillit l’emporter : preuve évidente que Dieumenaçait de me punir si je ne tenais pas mes engagements enverslui. Je ne veux pas être parjure, je ne veux pas que ma mère meure…Il m’est aussi venu à l’esprit que les scènes violentes entre monpère et elle ont presque toujours lieu à cause de moi ; jesuis un sujet de disputes ; si je restais ici et que jem’entête à vouloir Jean, mon père querellerait tant ma pauvremaman, qu’elle mourrait de chagrin, si elle échappait à la maladie.En considération de mon sacrifice, Dieu, je l’espère, rétablira lapaix entre mes chers parents… Consolez Jean de votre mieux… Tâchezd’obtenir qu’il m’oublie, et qu’il épouse celle qu’il a compromise,si elle n’est pas indigne de lui… Et consolez aussi ma mère… Pauvremaman ! Elle croit que je pars pour huit jours, et je n’ai pasle courage de la détromper… Allez la voir, monsieur le curé, leplus tôt que vous pourrez ; vous savez mieux que moi ce qu’ilfaut lui dire, ainsi qu’à mon père, à mon frère et à mon excellentparrain… Enfin, priez Dieu pour qu’après m’avoir attirée à lui, ilme garde à tout jamais. Votre petite fille en Jésus.

Aline. »

Elle porta elle-même sa lettre à la boîte deLa Capelle, et, en redescendant, elle rencontra, dans la côte,Marianne Garric, la mère de Jean, qui revenait de laver auruisseau. En apercevant la jeune fille, la bonne femme s’accota aumur et y déposa un instant son fardeau ruisselant.

– C’est vous, mademoiselle Linette… Vous alleztoujours bien ?… Votre maman aussi ?…

– Mais oui, Mariannou, maman va aussi bien quepossible, quoiqu’un peu faible encore…

– Voici les beaux jours, qui achèveront de laremettre…

– Je l’espère… Vous êtes bien chargée, mapauvre Mariannou !

– Pas au-delà, ma bonne petite ;seulement, la côte est un peu rude, et je suis toute seule, àprésent, hélas !

– Il faudra aller habiter avec Jean, le plustôt possible.

– Ah ! ce serait bien mon rêve ;mais quand pourra-t-il m’emmener ? Pas tant qu’il ne sera quedomestique chez les autres… En attendant, je viens de laver pourlui, et j’espère le voir, ce soir… Je lui donnerai le bonjour devotre part, n’est-ce pas, ma mignonne ?

– Mais certainement, Marianne… Vous lui direzaussi que je m’absente pour quelques jours…

– Vraiment ? Vous allez, sans doute, voirvotre sœur aînée ?

– Non, mais ma tante la religieuse, qui estsouffrante.

– Bon Dieu ! mais c’est tout unvoyage : j’ai entendu dire que Villefranche est très loin.

– Bah ! il n’y a qu’une journée dediligence.

– Une journée ! Sainte-Vierge !C’est à fin de pays… On vous accompagne, naturellement ?

– Jusqu’à Saint-Amans, où je prendrai lecourrier.

– Comme vous êtes courageuse !… Jeantousera bien ennuyé de vous savoir partie.

– Mais nous avons passé, naguère, bien pluslongtemps sans nous voir… Qu’est-ce que huit jours ?

– Il est vrai… N’avez-vous rien à lui fairedire, en vous en allant, mademoiselle Aline ?

Le cœur de la jeune fille se serra ; ellepâlit, baissa les yeux ; puis, héroïquement, mais d’une voixqui tremblait un peu :

– Vous lui direz d’être toujours bon,courageux et juste, et de faire ce que monsieur le curé de La Gardelui conseillera.

La bonne femme demeura interloquée… Quesignifiait pareille recommandation ? Ne comprenant pas, ellene s’en préoccupa pas autrement.

– Adieu, mère Garric, fit vivement la jeunefille en l’embrassant ; ménagez-vous, et priez pour moi…

Et elle se sauva, refoulant ses pleurs, etévitant de se retourner.

La soirée fut terrible pour elle, par lecontraste de sa détresse morale et de la joie de tous les siens,qui venaient d’apprendre que Cadet ne serait pas soldat. Celui-ciaffectait de ne montrer ni gaieté ni chagrin ; mais le pèreTerral ne se contenait plus. Songez donc ! il gardait sonfils, son continuateur, le coq de la maison, comme il disait avecorgueil. Et il le gardait parce qu’il avait fait le nécessaire, etqu’il s’était assuré l’appui du député de l’empereur.

– Oui, oui, disait-il à son frère Joseph, quihochait la tête de façon sceptique ; c’est bien lui qui a faitexempter Cadet.

– On a donc été jusqu’à son numéro ?

– Parfaitement. On prend plus d’hommes quel’an dernier ; on craint la guerre, paraît-il ; on estallé jusqu’au 65.

– Alors, répliqua l’oncle Joseph en setournant vers son neveu, on t’a réformé ? Pour quelmotif ? Faible de constitution ? Court detaille ?

– Il m’a manqué deux millimètres, se hâta derépondre le conscrit… Et encore on s’est disputé fermelà-dessus ; on m’a mesuré, remesuré, debout, couché… Qued’histoires !…

– Ah ! sans monsieur Roucassier !…fit Terral.

– Il était là, le grand singe ?

– Non, mais il avait dû agir, recommander monaffaire au préfet et au médecin du régiment.

– Enfin, tu n’en sais rien ; mais c’estla foi qui sauve, conclut l’éternel railleur.

On se mit à table. Pataud, que Terral avaitinvité, arriva en retard : comme toujours, il revenait del’affût, et portait un lièvre, ce qui lui valut toute une bordée dechoses désagréables de son frère aîné ; car, quoiquebraconnier dans l’âme aussi, l’oncle Joseph n’admettait pas que lebraconnage devînt du brigandage ; et il n’aurait pas tiré uneperdrix à l’époque de la ponte, ni un lièvre à la saison de lagestation ou de l’allaitement.

– Un lièvre de plus ou de moins !… disaitPataud. Si on n’en tuait pas, ils dévoreraient le pays… Et puis, sije n’avais pas tué celui-là, un autre l’aurait tué à ma place…

– Très fort aussi, ce raisonnement !ricana Joseph.

Mais Terral intervint pour empêcher ses frèresde se chamailler, selon leur habitude ; il voulait que toutfût à la joie autour de lui et de son héritier sauvé du régiment.Il versait rasade sur rasade, un peu échauffé déjà. Et il exigeaque Linou et sa mère quittassent le coin du feu pour venir trinquerà la ronde. Elles s’assirent un instant au bout de la table, mais,bientôt, demandèrent à se retirer.

– Eh bien ! fit Terral, allez vouscoucher ; nous, nous retournons à La Capelle ; c’est moiqui paye le café chez Flambart.

La proposition fut acceptée d’enthousiasme, etles quatre Terral s’en furent à l’auberge achever leur soirée.

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