La San-Felice – Tome III

XCVI – SAINT JANVIER PATRON DENAPLES.

Nous avons dit l’effet qu’avait produit àNaples l’annonce faite par Championnet du miracle de saint Janvierpour le lendemain.

Championnet avait joué le tout pour le tout.Si le miracle ne se faisait point, c’était une seconde sédition àétouffer ; s’il se faisait, c’était la tranquillité, et, parconséquent, la fondation de la république parthénopéenne.

Pour expliquer cette immense influence desaint Janvier sur le peuple napolitain, disons, en quelques mots,sur quels mérites s’est fondée cette influence.

Saint Janvier n’est pas, comme les autressaints du calendrier, un saint banal à force d’être cosmopolite,invoqué, comme saint Pierre et saint Paul, dans toutes lesbasiliques du monde : saint Janvier est un saint local,patriote, napolitain.

Saint Janvier remonte aux premiers siècles del’Église. Il prêcha la parole du Christ à la fin du IIIeet au commencement du IVe siècle, et convertit desmilliers de païens. Comme tous les convertisseurs, il s’attiranaturellement la haine des empereurs et subit le martyre l’an 305du Christ.

Nous serons forcé, pour faire comprendre lemiracle de la liquéfaction du sang, de donner quelques détails surce martyre.

La supériorité de saint Janvier sur les autressaints est, au dire des Napolitains, incontestable. Et, en effet,les autres saints ont bien fait, de leur vivant et même après leurmort, quelques miracles qui, discutés par les philosophes, sontarrivés jusqu’à nous sous la forme de tradition vague et d’unedemi-authenticité, tandis qu’au contraire, le miracle de saintJanvier s’est perpétué jusqu’à nos jours et se renouvelle deux foispar an, à la plus grande gloire de la ville de Naples et à lasuprême confusion des athées.

Citoyen avant tout, saint Janvier n’aimeréellement que sa patrie et ne fait rien que pour elle. Le mondeentier serait menacé d’un second déluge, ou croulerait autour del’homme juste d’Horace, que saint Janvier ne lèverait pas le boutdu doigt pour le sauver. Mais que les pluies torrentielles denovembre menacent de noyer les récoltes, que les ardeurscaniculaires d’août sèchent les citernes de son pays bien-aimé,saint Janvier remuera le ciel et la terre pour avoir du soleil ennovembre et de l’eau en août.

Si saint Janvier n’avait pas pris Naples soussa garde toute spéciale, il y a dix siècles que Naples n’existeraitplus, ou serait abaissée au rang de Pouzzoles et de Baïa. Et, eneffet, il n’y a pas de ville au monde qui ait été plus de foisconquise et dominée par l’étranger ! mais, grâce àl’intervention active et persévérante de son patron, lesconquérants ont disparu et Naples est restée.

Les Normands ont régné sur Naples ; maissaint Janvier les a chassés.

Les Souabes ont régné sur Naples ; maissaint Janvier les a chassés.

Les Angevins ont régné sur Naples ; maissaint Janvier les a chassés.

Les Aragonais ont, à leur tour, occupé letrône de Naples ; mais saint Janvier les a punis.

Les Espagnols ont tyrannisé Naples ; maissaint Janvier les a battus.

Enfin, les Français ont occupé Naples ;mais saint Janvier les a éconduits.

Et, comme nous écrivions ces mêmes paroles en1836, nous ajoutions : « Et qui sait ce que saint Janvierfera encore pour sa patrie ? »

Et, en effet, quelle que soit la dominationindigène ou étrangère, légitime ou usurpatrice, équitable oudespotique, qui pèse sur ce beau pays, il est une croyance au fonddu cœur de tous les Napolitains et qui les rend patients jusqu’austoïcisme : c’est que tous les rois et tous les gouvernementspasseront et qu’il ne restera, en définitive, à Naples que lesNapolitains et saint Janvier.

L’histoire de saint Janvier commence avecl’histoire de Naples et ne finira probablement qu’avec elle.

La famille de saint Janvier appartientnaturellement à la plus haute noblesse de l’antiquité. Le peuplequi, en 1647, donnait à sa république de lazzaroni, commandée parun lazzarone, le titre de sérénissime royale républiquenapolitaine, et, qui, en 1799, poursuivait les patriotes àcoups de pierres pour avoir osé abolir le titred’Excellence, n’aurait jamais consenti à se choisir unpatron d’origine plébéienne. Le lazzarone est essentiellementaristocrate, ou plutôt, avant tout, a besoin d’aristocratie.

La famille de saint Janvier descend en droiteligne de la famille des Januari de Rome, qui, eux-mêmes, avaient laprétention de descendre de Janus. Ses premières années sontobscures. En 304 seulement, sous le pontificat de saint Marcelin,il est nommé à l’évêché de Bénévent, que le pape vient decréer.

Étrange destinée de l’évêché bénéventin, quicommence à saint Janvier et qui finit àM. de Talleyrand !

La dernière persécution qui avait atteint leschrétiens avait eu lieu sous les empereurs Dioclétien etMaximien ; elle datait de deux ans, c’est-à-dire de 302, etavait été des plus terribles : dix-sept mille martyrsconsacrèrent de leur sang la religion naissante.

Aux empereurs Dioclétien et Maximiensuccédèrent les empereurs Constance et Galère, sous lesquels leschrétiens respirèrent un instant.

Au nombre des prisonniers entassés sous lerègne précédent dans les prisons de Gumes étaient Sosius, diacre deMisène, et Proculus, diacre de Pouzzoles. Pendant tout le tempsqu’avait duré la persécution de 302, saint Janvier n’avait jamaismanqué de leur apporter, au péril de sa vie, les secours de saparole.

Relâchés provisoirement, les prisonnierschrétiens, qui croyaient toute persécution finie, rendaient grâceau Seigneur dans l’église de Pouzzoles, saint Janvier officiant etSosius et Proculus l’aidant à l’œuvre sainte, quand, tout à coup,la trompette se fit entendre, et un héraut à cheval et tout arméentra dans l’église et lut à haute voix un ancien décret deDioclétien, que les nouveaux césars remettaient en vigueur.

Ce décret, fort curieux, qu’il soit vrai ouapocryphe, existe dans les archives de l’archevêché. Nous pouvonsdonc le mettre sous les yeux de nos lecteurs, où nous avons déjàmis quelques pièces historiques ne manquant point d’un certainintérêt.

Le voici :

« Dioclétien, trois fois grand, toujoursjuste, empereur éternel, à tous les préfets et proconsuls del’empire romain, salut !

» Un bruit qui ne nous a pointmédiocrement déplu étant parvenu à nos oreilles divines,c’est-à-dire que l’hérésie de ceux qui s’appellent chrétiens,hérésie de la plus grande impiété, reprend de nouvellesforces ; que lesdits chrétiens honorent comme Dieu ce Jésusenfanté par je ne sais quelle femme juive, insultent par desinjures et des malédictions le grand Apollon, et Mercure, etHercule, et Jupiter lui-même, tandis qu’ils vénèrent ce mêmeChrist, que les Juifs ont cloué sur une croix comme sorcier.

« À cet effet, nous ordonnons que tousles chrétiens, hommes et femmes, dans toutes les villes etcontrées, subissent les supplices les plus cruels, s’ils refusentde sacrifier à nos dieux et d’abjurer leur erreur. Si cependantquelques-uns se montrent obéissants, nous voulons bien leuraccorder leur pardon. Au cas contraire, nous exigeons qu’ils soientfrappés par le glaive et punis par la mort la plus dure(pessimo morte.) Sachez, enfin, que, si vous négligez nosdivins décrets nous vous punirons des mêmes peines dont nousmenaçons les coupables. »

Dans la suite de cette histoire, nous aurons,pour faire pendant à celui-ci, à citer un ou deux décrets du roiFerdinand. On pourra les comparer à ceux de Dioclétien, et l’onverra qu’ils se ressemblent beaucoup. Seulement, ceux de l’empereurromain sont mieux rédigés.

Comme on le comprend bien, ni saint Janvier niles deux diacres ne se soumirent à ce décret. Saint Janviercontinua de dire la messe, les deux diacres de la servir ; sibien qu’un beau matin, ils furent arrêtés tous trois dansl’exercice de leurs fonctions.

Inutile de dire que ceux qui assistaient à lamesse furent arrêtés avec eux ; plus inutile encore de direque les prisonniers ne se laissèrent point intimider par lesmenaces du proconsul, nommé Timothée, et confessèrent obstinémentle Christ.

Consignons seulement ceci, c’est qu’au momentde l’arrestation, une vielle femme, qui regardait déjà saintJanvier comme un saint, le supplia de lui donner quelques reliques.Saint Janvier alors lui présenta les deux fioles avec lesquelles ilvenait d’accomplir le mystère de l’Eucharistie, en luidisant :

– Prends ces deux fioles, ma sœur, etrecueilles-y mon sang !

– Mais je suis paralytique et ne puis mettreun pied devant l’autre.

– Bois le vin et l’eau qui y restent, et tumarcheras.

Ce fut sur saint Janvier que s’acharna plusparticulièrement le proconsul, parce que c’était lui que protégeaitparticulièrement le Seigneur.

On commença par le jeter dans une fournaiseardente ; mais le feu s’éteignit, et les charbons enflammésqui couvraient le plancher se changèrent en une jonchée defleurs.

Saint Janvier fut condamné à être jeté dans lecirque et dévoré par les lions.

Au jour indiqué pour le supplice, la foule sepressa dans l’amphithéâtre. Elle y était accourue de tous lespoints de la province ; car l’amphithéâtre de Pouzzoles était,avec celui de Capoue, – d’où se sauva, on s’en souvient, Spartacus,– un des plus beaux de la Campanie.

C’était le même, au reste, dont les ruinesexistent encore aujourd’hui et dans lequel, deux cent trente ansauparavant, le divin empereur Néron avait donné une fête àTiridate, premier roi d’Arménie, lequel, chassé de son royaume parCorbulon, qui soutenait Tigrane, était venu redemander sa couronneau fils de Domitius et d’Agrippine. Tout avait été préparé pourfrapper d’étonnement le barbare. Les animaux les plus puissants,les gladiateurs les plus habiles avaient combattu devant lui, et,comme il était resté impassible à ce spectacle et que Néron luidemandait ce qu’il pensait de ces combattants dont les effortssurhumains avaient fait éclater le cirque en applaudissements,Tiridate, sans rien répondre, s’était levé en souriant, et, lançantson javelot dans le cirque, il avait percé de part en part deuxtaureaux d’un seul coup.

Depuis le jour où Tiridate avait donné cettepreuve de sa force, jamais le cirque n’avait contenu un si grandnombre de spectacteurs.

À peine le proconsul eut-il pris place sur sontrône et les licteurs se furent-ils groupés autour de lui, que lestrois saints, amenés par son ordre, furent placés en face de laporte par laquelle les animaux devaient être introduits. À un signede Timothée, cette porte s’ouvrit et les animaux de carnages’élancèrent dans l’arène. À leur vue, trente mille spectateursbattirent des mains avec joie. De leur côté, les animaux, étonnés,répondirent par un rugissement de menace qui couvrit toutes lesvoix et éteignit tous les applaudissements ; puis, excités parles cris de la multitude, dévorés par la faim à laquelle, depuistrois jours, leurs gardiens les condamnaient, alléchés par l’odeurde la chair humaine, dont on les nourrissait aux grands jours, leslions commencèrent à secouer leur crinière, les tigres à bondir etles hyènes à lécher leurs lèvres… Mais l’étonnement du proconsulfut grand quand il vit les hyènes, les tigres et les lions secoucher aux pieds des trois martyrs, en signe de respect etd’obéissance, tandis que les liens de saint Janvier tombaientd’eux-mêmes, et que, de sa main, redevenue libre, il bénissait ensouriant les spectateurs.

Timothée, vous le comprenez bien, proconsulpour l’empereur, ne pouvait pas avoir le dernier avec un misérableévêque, d’autant qu’à la vue du dernier miracle opéré par lui, cinqmille spectateurs s’étaient faits chrétiens. Voyant que le feu nepouvait rien sur son prisonnier et que les lions se couchaient àses pieds, il ordonna que l’évêque et les deux diacres fussent misà mort par le glaive.

Ce fut par une belle matinée d’automne, le 19septembre 305, que saint Janvier, accompagné de Proculus et deSosius, fut conduit au forum de Vulcano, près d’un cratère à moitiééteint, dans la plaine de la Solfatare, pour y subir le derniersupplice. Mais à peine avait-il fait une cinquantaine de pas dansla direction du forum, qu’un pauvre mendiant, fendant la foule,vint, en trébuchant, se jeter à ses genoux.

– Où êtes-vous, saint homme ? demanda lemendiant ; car je suis aveugle et je ne vous vois pas.

– Par ici, mon fils, dit saint Janviers’arrêtant pour écouter le vieillard.

– Oh ! mon père ! s’écria lemendiant, il m’est donc, avant de mourir, accordé de baiser lapoussière que vos pieds ont foulée !

– Cet homme est fou, dit le bourreau ens’apprêtant à le repousser.

– Laissez approcher cet aveugle, je vous prie,dit saint Janvier ; car la grâce du Seigneur est avec lui.

Le bourreau s’écarta en haussant lesépaules.

– Que veux-tu, mon fils ? demanda lesaint.

– Un simple souvenir de vous, quel qu’il soit.Je le garderai jusqu’à la fin de mes jours, et cela me porterabonheur dans ce monde et dans l’autre.

– Mais, lui dit le bourreau, ne sais-tu pasque les condamnés n’ont rien à eux ? Imbécile, qui demandel’aumône à un homme qui va mourir !

– Qui va mourir ? répéta le vieillard ensecouant la tête. La chose n’est pas bien sûre, et ce n’est pointla première fois qu’il vous échappe.

– Sois tranquille, répondit le bourreau ;cette fois, il aura affaire à moi.

– Mon fils, dit saint Janvier, il ne me resteplus rien que le linge avec lequel on me bandera les yeux au momentde me décapiter ; je te le laisserai après ma mort.

– Et si les soldats ne me permettent pasd’approcher de vous ?

– Sois tranquille, je te le porteraimoi-même.

– Merci, mon père.

– Adieu, mon fils.

L’aveugle s’éloigna : le cortège repritsa marche.

Arrivé au forum de Vulcano, les trois martyrss’agenouillèrent, et saint Janvier dit à haute voix :

– Mon Dieu, par grâce, veuillez aujourd’huim’accorder le martyre que vous m’avez déjà refusé deux fois !et puisse notre sang qui va couler calmer votre colère et être ledernier sang versé par les persécutions des tyrans contre notresainte Église !

Se levant alors, il embrassa tendrement sesdeux compagnons de martyre et fit signe au bourreau de commencerson œuvre de sang.

Le bourreau trancha d’abord les deux têtes deProculus et de Sosius, qui moururent en chantant les louanges duSeigneur ; mais, comme il s’approchait de saint Janvier pourle décapiter à son tour, il fut pris d’un tremblement convulsif siviolent, que l’épée lui tomba des mains et que la force lui manquapour se courber et la ramasser.

Alors, saint Janvier se banda les yeuxlui-même, et, se mettant dans la position la plus favorable à laterrible opération :

– Eh bien, demanda-t-il au bourreau,qu’attends-tu, mon frère ?

– Je ne pourrai jamais relever cette épée situ ne m’en donnes la permission, et je ne pourrai jamais tetrancher la tête si je n’en reçois l’ordre de ta propre bouche.

– Non-seulement je te permets et te l’ordonne,frère, mais encore je t’en prie.

Aussitôt les forces revinrent au bourreau, quifrappa avec tant de vigueur, que la tête du saint et un de sesdoigts furent tranchés du même coup.

Quant à la double prière que saint Janvieravait adressée à Dieu avant de mourir, elle fut sans doute agrééedu Seigneur ; car le bourreau, en lui tranchant la tête, lemit au rang des martyrs, et, la même année de la mort du saint,Constantin, qui fut depuis Constantin le Grand et qui assura letriomphe de la religion chrétienne, s’enfuit de Nicomédie, reçut àYork le dernier soupir de Constance Chlore, son père, et futproclamé empereur par les légions de la Grande-Bretagne, des Gauleset de l’Espagne. C’est donc de l’année même de la mort de saintJanvier que date le triomphe de l’Église.

Le soir même de l’exécution, vers neuf heures,deux personnes, pareilles à deux ombres, s’avançaient timidementvers le forum désert, en cherchant des yeux les trois cadavres, quel’on avait laissés sur le lieu même du supplice.

La lune, qui venait de se lever, répandait salumière sur la plaine jaunâtre de la Solfatare, de sorte que l’onpouvait distinguer chaque objet dans tous ses détails.

Les deux personnages qui hantaient seuls celieu désolé étaient, l’un un vieillard, l’autre une vieillefemme.

Tous deux s’observèrent un instant avecdéfiance, puis, enfin, se décidèrent à marcher l’un versl’autre.

Arrivés à la distance de trois pas seulement,tous deux portèrent la main à leur front en faisant le signe de lacroix.

S’étant alors reconnus pourchrétiens :

– Bonjour, mon frère, dit la femme !

– Bonjour, ma sœur, dit le vieillard.

– Qui êtes-vous ?

– Un ami de saint Janvier. Et vous ?

– Une de ses parentes.

– De quel pays êtes-vous ?

– De Naples. Et vous ?

– De Pouzzoles. Qui vous amène à cetteheure ?

– Je viens pour recueillir le sang du martyr.Et vous ?

– Je viens pour ensevelir son corps.

– Voici les deux fioles avec lesquelles il adit sa dernière messe, et qu’il m’a données en sortant de l’égliseet en m’ordonnant de boire l’eau et le vin qui y restaient. J’étaisparalytique, ne pouvant remuer ni bras ni jambes depuis dixans ; mais à peine, selon l’ordre du bienheureux saintJanvier, eus-je vidé les fioles, que je me levai et que jemarchai.

– Et moi, j’étais aveugle. Je demandai aumartyr, au moment où il marchait au supplice, un souvenir delui : il me promit de me donner, après sa mort, le mouchoiravec lequel on lui banderait les yeux. Au moment même où lebourreau lui trancha la tête, il m’apparut, me donna le mouchoir,m’ordonna de l’appuyer sur mes yeux et de venir le soir ensevelirson corps. Je ne savais comment exécuter la seconde partie de sonordre ; car j’étais aveugle ; mais à peine eus-je portéla relique sainte à mes paupières, que, pareil à saint Paul sur laroute de Damas, je sentis tomber les écailles de mes yeux, et mevoici prêt à obéir aux ordres du bienheureux martyr.

– Soyez béni, mon frère ! car je saismaintenant que vous étiez bien véritablement l’ami de saintJanvier, qui m’est apparu en même temps qu’à vous pour m’ordonnerune seconde fois de recueillir son sang.

– Soyez bénie, ma sœur ! car, à mon tour,je vois que vous êtes bien véritablement sa parente. Mais, àpropos, j’oubliais une chose…

– Laquelle ?

– Il m’a bien recommandé de chercher un doigtqui lui a été coupé en même temps que la tête, et de les réunirreligieusement à ses saintes reliques.

– Il m’a dit de même que je trouverais dansson sang un fétu de paille, et m’a ordonné de le garder avec soindans la plus petite des deux fioles.

– Cherchons, ma sœur.

– Cherchons, mon frère.

– Heureusement, la lune nous éclaire.

– C’est encore un bienfait du saint ;car, depuis un mois, la lune était couverte de nuages.

– Voici le doigt que je cherchais.

– Voici le fétu de paille dont on m’aparlé.

Et, tandis que le vieillard de Pouzzolesplaçait dans un coffre le corps, la tête et le doigt du martyr, lavieille femme napolitaine, agenouillée pieusement, recueillait,avec une éponge, jusqu’à la dernière goutte du sang précieux et enremplissait les deux fioles que le saint lui avait données.

C’est ce même sang qui, depuis quinze siècleset demi, se met en ébullition, chaque fois qu’on le rapproche dusaint, et c’est dans cette ébullition prodigieuse, inexplicable, etqui se produit deux fois par an, que consiste le fameux miracle desaint Janvier, qui fait tant de bruit de par le monde et que, degré ou de force, Championnet comptait bien obtenir du saint.

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