Le Kama Sutra

Chapitre 3De la cour, et de la manifestation des sentiments par signes etactes extérieurs.

Un homme pauvre, doué de bonnes qualités, un homme né d’unefamille de bas étale et doué de médiocres qualités, un voisinriche, et un homme sous a dépendance de son père, de sa mère ou deses frères, ne doivent pas se marier sans avoir eu soin de se faireaimer et estimer de la fille, dès son enfance. Ainsi un garçonséparé de ses parents et qui vit dans la maison de son oncleessaiera de gagner la fille de son oncle, ou quelque autre fille,lors même qu’elle aurait été précédemment fiancée à un autre. Etcette façon de gagner une fille, dit Ghotakamukha, estirréprochable, parce qu’on peut ainsi acquérir Dharma, aussi bienque par toute autre espèce de mariage.

Lorsqu’un garçon aura de la sorte commencé à courtiser la fillequ’il aime, il passera son temps avec elle et l’amusera pardifférents jeux et divertissements convenables à son âge et à sacondition, tels que de cueillir et de rassembler des fleurs,tresser des guirlandes de fleurs, jouer le rôle de membre d’unefamille fictive, faire cuire des aliments, jouer aux dés, auxcartes, à pair ou impair, à reconnaître le doigt du milieu, aux sixcailloux, et autres jeux semblables qui pourront être en faveurdans le pays et plaire à la jeune fille. Il organisera, en outre,d’autres jeux auquels participeront plusieurs personnes, tels quede jouer à cache-cache, aux graines, à cacher des objets dansdifférents petits tas de blé et à les chercher, à colinmaillard ; et divers exercices gymnastiques ou autres jeux demême sorte, en compagnie de la jeune fille, de ses amies et de sesservantes. L’homme devra aussi marquer une grande bienveillancepour telle ou telle femme que la jeune fille jugera digne deconfiance, et il fera aussi de nouvelles connaissances ; mais,avant tout, il s’attachera par son amabilité et par de petitsservices la fille de la nourrice de sa préférée : car, s’il peut lagagner, lors même qu’elle viendrait à deviner son dessein, elle n’ymettra pas obstacle, et pourra plutôt faciliter l’union entre lajeune file et lui. Et, tout en connaissant son véritable caractère,elle ne cessera de parler de ses bonnes qualités aux parents de lajeune fille, sans même Qu’il l’en ait priée.

L’homme fera donc tout ce qui sera le plus agréable à la jeunefille, et il lui procurera tout ce qu’elle peut désirer deposséder. Ainsi il lui donnera des jouets que la plupart de sescompagnes ne connaîtront pas. Il pourra aussi lui faire voir uneboule revêtue de diverses couleurs, et d’autres curiosités de mêmesorte ; il lui donnera des poupées en drap, en bois, en cornede buffle, en ivoire, en cire, en pâte ou en terre ; desustensiles pour cuire les aliments, des figurines en bois, tellesqu’un homme et une femme debout, une paire de béliers, de chèvresou de moutons ; aussi des temples en terre, en bambou, enbois, consacrés à différentes déesses ; des cages àperroquets, coucous, sansonnets, cailles, coqs et perdrix ;des vases à eau de formes élégantes et variées, des machines àlancer de l’eau, des guitares, des supports à images, destabourets, de la laque, de l’arsenic rouge, de longuent jaune, duvermillon et du collyre ; enfin du bois de santal, du safran,des noix de bétel et des feuilles de bétel. Il lui donnera ceschoses à différentes fois, lorsqu’il aura une bonne occasion de larencontrer, et quelques-unes en particulier, quelques unes enpublic, selon les circonstances. Bref, il essaiera par tous lesmoyens de lui persuader qu’il est prêt à faire tout ce qu’elledésire.

Ensuite il obtiendra d’elle un rendez-vous dans quelque endroitretiré, et alors il lui dira que, s’il lui a donné des présents ensecret, c’était dans la crainte de déplaire à ses parents et auxsiens ; il ajoutera que ce qu’il lui a donné, d’autresl’avaient grandement désiré. Lorsque la jeune fille lui paraîtral’aimer davantage, il lui racontera des histoires amusantes, sielle en exprime le désir. Ou bien, si elle prend plaisir aux toursde main, il l’émerveillera par quelques bons tours depasse-passe ; ou, si elle semble très curieuse de voir unessai des différents arts, il lui montrera son adresse à lespratiquer. Si elle aime le chant, il lui fera de la musique ;et, à certains jours, lorsqu’ils iront ensemble aux foires etfestivals de clair de lune, ou lorsqu’elle rentrera chez elle aprèsune absence, il lui offrira des bouquets de fleurs, des ornementsde tête et d’oreilles, des anneaux, car c’est en pareillesoccasions que se doivent faire ces présents.

Il enseignera aussi à la fille de la nourrice, dans leurtotalité, les soixante-quatre moyens de plaisir pratiqués par leshommes, et, sous ce prétexte, il lui fera connaître combien il esthabile dans l’art de la jouissance sexuelle. Pendant tout ce tempsil portera un habit élégant et aura aussi bel air que possible, carles jeunes femmes aiment les hommes qui vivent avec elles et quisont beaux, bien tournés et bien habillés. Quant à dire que, touten ressentant de l’amour, les femmes ne font pas elles-mêmesd’efforts pour conquérir l’objet de leur affection, il seraitoiseux d’insister là dessus.

Maintenant, voici les signes et actes extérieurs par lesquels setrahit invariablement l’amour d une jeune fille :

Elle ne regarde jamais l’homme en face, et rougit lorsqu’il laregarde ; sous un prétexte ou un autre elle lui fait voir sesmembres ; elle le retarde secrètement lorsqu’il s’éloigned’elle ; baisse la tête lorsqu’il lui fait une question, etlui répond par des mots indistincts et des phrases sanssuite ; se plaît à rester longtemps dans sa compagnie ;parle à ses servantes sur un ton particulier, dans l’espoird’attirer son attention, lorsqu’il se trouve à une certainedistance ; ne veut pas quitter le lieu où il est ; sousun prétexte ou sous un autre le fait regarder différenteschoses ; lui raconte des fables et des histoires trèslentement, de manière à prolonger la conversation ; baise etembrasse devant lui un enfant assis sur ses genoux ; dessinedes marques ornementales sur le front de ses servantes ;exécute des mouvements vifs et gracieux lorsque ses servantes luiparlent gaiement en présence de son amoureux ; se confie auxamis de son amant, leur montre respect et déférence ; estbonne pour ses domestiques, cause avec eux, les engage à faire leurdevoir comme si elle était leur maîtresse, et les écouteattentivement lorsqu’ils parlent de son amant à quelque autrepersonne ; entre dans sa maison lorsque la fille de sanourrice l’y invite, et, par son assistance, s’arrange pour causeret jouer avec lui ; évite d’être vue de son amant lorsqu’ellen’est pas habillée et parée ; lui envoie, par l’entremise deson amie, ses ornements d’oreilles, son anneau et sa guirlande defleurs, suivant le désir qu’il aura exprimé de les voir ;porte continuellement quelque objet qu’il peut lui avoirdonné ; montre de la tristesse quand ses parents lui parlentd’un autre prétendu, et ne se mêle pas à a société des personnesqui prennent parti ou soutiennent les vues de ce dernier.

Il y a aussi, sur ce sujet, quelques versets dont voici le texte:

« Un homme qui s’est aperçu et s’est rendu compte des sentimentsd’une fille à son égard, et qui a remarqué les signes et mouvementsextérieurs auxquels on reconnaît ces sentiments, doit faire toutson possible pour s’unir avec elle. Il doit s’attacher une toutejeune fille par des jeux enfantins, une demoiselle plus âgée parson habileté dans les arts, et une fille qui l’aime en ayantrecours aux personnes qui ont sa confiance. »

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