Le Kama Sutra

Chapitre 1Pourquoi une courtisane s’adresse aux hommes ; des moyens des’attacher l’homme désiré, et de l’espèce d’homme qu’il estdésirable de s’attacher.

En ayant commerce avec les hommes, les courtisanes se procurentdes plaisirs sexuels, aussi bien que leur propre subsistance.Maintenant, lorsqu’une courtisane accueille un homme par amour,l’action est naturelle ; mais si elle s’adresse à lui pourgagner de l’argent, alors l’action est artificielle ou forcée. Mêmedans ce cas cependant, elle doit se conduire comme si elle aimaitnaturellement, car les hommes s’attachent aux femmes qui ont l’airde les aimer. En faisant connaître à l’homme son amour, ellemontrera qu’elle est entièrement exempte d’avarice, et, dansl’intérêt de son crédit futur, elle s’abstiendra de lui soutirer del’argent par des moyens déloyaux.

Une courtisane, bien habillée et parée de ses ornements, doit setenir assise ou debout à la porte de sa maison, et sans trop semettre en évidence, elle regardera dans la rue de façon à être vuepar les passants, attendu qu’elle est en quelque sorte un objetexposé en vente. Elle formera des amitiés avec telles ou tellespersonnes qui pourraient l’aider à brouiller les hommes avecd’autres femmes ; elle se les attachera en vue de réparer sesmalheurs, d’acquérir de la richesse, et de se garantir de mauvaistraitements ou d’insultes de la part de gens à qui elle aurait euaffaire de façon ou d’autre.

Ces personnes sont :

Les gardiens de la ville, ou la police.

Les officiers des cours de justice.

Les astrologues.

Les hommes pauvres, ou intéressés.

Les savants.

Les professeurs des soixante-quatre arts.

Les Pithamardas ou confidents.

Les Vitas ou parasites.

Les Vidushakas ou bouffons.

Les marchands de fleurs.

Les parfumeurs.

Les marchands de spiritueux.

Les blanchisseurs.

Les barbiers.

Les mendiants.

Et telles autres personnes qui peuvent lui être utiles pourl’objet qu’elle a en vue.

Les hommes qu’une courtisane peut cultiver, simplement pourgagner de l’argent, sont les suivants :

Les hommes d’un revenu indépendant.

Les jeunes gens.

Les hommes libres de tous liens.

Les hommes en charge sous le Roi.

Les hommes qui se sont assuré leurs moyens d’existence sansdifficulté.

Les hommes qui possèdent des sources certaines de revenu.

Les hommes qui se croient beaux.

Les hommes qui aiment à se vanter.

Un eunuque qui veut se faire passer pour homme.

Un homme qui déteste ses égaux.

Un homme qui est naturellement libéral.

Un homme qui a de l’influence sur le Roi ou ses ministres.

Un homme qui est toujours heureux.

Un homme qui est fier de sa fortune.

Un homme qui désobéit aux ordres de ses aînés.

Un homme sur qui les membres de sa caste ont l’œil ouvert.

Un fils unique dont le père est riche.

Un ascète qui est intérieurement troublé par le désir.

Un homme brave.

Un médecin du Roi.

D’anciennes connaissances.

D’un autre côté, elle s’adressera, par amour ou dans l’intérêtde sa réputation, à des hommes doués d’excellentes qualités, telsque les suivants :

Les hommes de haute naissance, connaissant bien le monde etfaisant des choses convenables en temps convenables ; lespoètes ; les conteurs de bonnes histoires ; les hommeséloquents ; les hommes énergiques, adroits dans différentsarts, prévoyant l’avenir, doués d’un grand Pouvoir de persévérance,d’une dévotion ferme, exempts de colère, libéraux, affectionnéspour leurs parents et ayant du goût pour toutes les réunions desociété, habiles à compléter les vers composés par d’autres et aucourant des différents sports, exempts de toute maladie, d’un corpsparfaitement constitué, robustes, non livrés à la boisson,infatigables aux exercices d’amour, sociables, aimant les femmes ets’attirant leurs cœurs, mais sans se livrer complètement,possesseurs de moyens d’existence indépendants, exempts d’envie,et, enfin, exempts le soupçon.

Telles sont les bonnes qualités d’un homme.

La femme aussi doit se distinguer par les caractéristiquessuivantes :

Elle doit être belle, aimable, et avoir sur le corps des signesde bon augure. Elle aimera les bonnes qualités chez les autres, etaura du goût pour la richesse. Elle se délectera aux unionssexuelles résultante de l’amour, aura l’esprit ferme, et, en ce quiconcerne la jouissance sexuelle, sera de la même catégorie quel’homme.

Elle sera toujours désireuse d’acquérir de l’expérience et dusavoir, sera exempte d’avarice, et aura toujours du goût pour lesréunions de société et pour les arts.

Les qualités générales de toutes les femmes sont les suivantes:

Intelligence, on naturel et bonnes manières ; conduiterégulière ; caractère reconnaissant ; prévoyance del’avenir avant de rien entreprendre ; activité ; bonnetenue ; connaissance des temps et des lieux convenables pourchaque chose ; langage correct ; sans rire grossier, nimalignité, ni colère ; pas d’avarice, de sottise ni destupidité ; connaissance des Kama Sutra ; adresse dansles arts qui s’y rattachent.

L’absence de l’une ou de l’autre des qualités ci-dessusconstitue les défauts des femmes.

Les courtisanes doivent éviter les catégories d’hommes ci-aprèsmentionnées :

Celui qui est atteint de consomption ; celui qui est detempérament maladif ; celui qui a des vers dans labouche ; celui dont l’haleine a l’odeur des excrémentshumains ; celui qui aime sa femme ; celui qui parledurement ; celui qui est toujours soupçonneux ; celui quiest avare ; celui qui est sans pitié ; un voleur ;un rat ; celui qui a du goût pour la sorcellerie ; celuiqui se moque d’être respecté ou non ; celui que ses ennemiseux-mêmes peuvent corrompre avec de l’argent ; et enfin, celuiqui est excessivement pudibond.

D’anciens auteurs sont d’avis qu’en s’adressant aux hommes, lescourtisanes obéissent à l’un des mobiles suivants : amour, crainte,argent, plaisir, acte quelconque de vengeance à exécuter,curiosité, chagrin, habitude, D’arma, célébrité, compassion, désird’avoir un ami, honte, ressemblance de l’homme avec quelquepersonne aimée, recherche de bonheur, envie de rompre avec unautre, conformité de catégorie avec l’homme pour l’union sexuelle,cohabitation dans un même lieu, constance, et pauvreté. MaisVatsyayana pose en principe que le désir de la richesse, larecherche du bien-être, et l’amour, sont les seules causes quipoussent les courtisanes à s’unir aux hommes.

Maintenant, une courtisane ne doit pas sacrifier de l’argentpour son amour, attendu que l’argent est la principale chosequ’elle doit avoir en vue. Mais, dans les cas de crainte, etc.,elle pourra avoir égard à la force et aux autres qualités de sonamant. De plus, bien qu’elle soit invitée par un homme à s’unir àlui, elle ne doit pas y consentir tout de suite, car les hommes ontune tendance à mépriser ce qu’ils obtiennent facilement. À cesoccasions, elle enverra d’abord les masseurs, les chanteurs, lesbouffons, qu’elle peut avoir à son service, ou, en leur absence,les Pithamardas ou confidents, et d’autres, pour tâter l’état deses sentiments et de son esprit. Au moyen de ces personnes, ellesaura si l’homme est pur ou impur, bien disposé ou non, capabled’attachement ou indifférent, libéral ou avare ; et si elle letrouve à son goût, elle emploiera alors le Vita et d’autrespersonnes pour se l’attacher.

En conséquence, le Pithamarda amènera l’homme chez elle, sous leprétexte de voir des combats de cailles, de coqs, de béliers,d’entendre le maina (sorte de sansonnet), ou d’assister à unspectacle, ou à la pratique d’un art ; ou bien, il pourraconduire la femme à la demeure de l’homme. Ensuite, lorsque l’hommesera venu dans sa maison, la femme lui donnera un objet capabled’exciter sa curiosité et de le rendre amoureux, tel qu’un présentd’amour, qu’elle lui dira spécialement destiné à son usage. Ellel’amusera aussi longtemps, en lui contant telles histoires et enfaisant telles choses qui pourront lui être le plus agréables.Lorsqu’il sera parti, elle lui enverra souvent une de sesservantes, habile à tenir une conversation enjouée, et en mêmetemps elle lui fera remettre un petit cadeau. Quelquefois aussi,elle ira elle-même le trouver, sous le prétexte d’une affairequelconque, et accompagnée du Pithamarda.

Ainsi finissent les moyens, pour la courtisane, de s’attacherl’homme qu’elle désire.

Il y a aussi, sur ce sujet, des versets dont voici le texte:

« Lorsqu’un galant se présente chez elle, la courtisane doit luidonner un mélange de feuilles de bétel et de noix de bétel, desguirlandes de fleurs et des onguents parfumés ; puis, en luimontrant son adresse dans les arts, tenir avec qui une longueconversation. Elle doit aussi lui donner des présents d’amour,échanger avec lui différents objets, et, en même temps, lui fairevoir son expérience dans les exercices sexuels. Une fois unie de lasorte avec son amant, la courtisane doit s’étudier à lui êtretoujours agréable par des dons amicaux, par sa conversation et parson habileté à varier les modes de jouissance. »

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