Le Kama Sutra

Chapitre 6Des femmes du harem royal et de la garde de sa propre épouse.

Les femmes du harem royal ne peuvent voir ni rencontrer aucunhomme, tant elles sont strictement gardées ; et leurs désirsne sauraient d’ailleurs être satisfaits, leur unique mari étantcommun à tant de femmes. Pour cette raison, elles se donnent entreelles du plaisir de différentes façons, ainsi qu’il va être dit:

Elles habillent en hommes les filles de leurs nourrices, ouleurs amies, ou leurs servantes, et accomplissent alors leur objetau moyen de bulbes, racines et fruits qui ont a forme duLingam ; ou bien elles se couchent sur une statue ont leLingam est apparent et en érection.

Certains Rois compatissants prennent ou s’appliquent desmédicaments qui leur permettent de jouir de plusieurs femmes dansla même nuit, quoique peut-être ils n’y soient guère portés de leurpropre mouvement. D’autres jouissent avec celles de leurs femmesseulement qui ont leur préférence ; d’autres enfin prennentchacune de leurs femmes à tour de rôle, régulièrement. Tels sontles moyens de jouissance qui prévalent dans les contrées de l’Est,et ce qui est dit de la jouissance de la femme est aussi applicableà l’homme.

Toutefois, par l’entremise de leurs servantes, les dames duharem royal reçoivent assez souvent dans leurs appartements deshommes déguisés en femmes. Leurs servantes et les filles de leursnourrices, qui sont au fait de tous les secrets du lieu, ont pourmission d’engager les hommes à pénétrer ainsi dans le harem, enleur parlant de la bonne fortune qui les y attend, des facilitésd’entrée et de sortie, de la grande étendue du palais, de lanégligence des sentinelles, et de la condescendance dessurveillants pour la personne des épouses royales. Mais ces femmesne doivent (mais, au moyen de mensonges, décider un homme à entrerdans le harem, car ce serait probablement occasionner sa perte.

Quant à l’homme lui même, il fera mieux de renoncer à pénétrerdans le harem, si aisé qu’en soit l’accès, à cause des nombreuxdésastres auxquels il s’y trouvera exposé. Si cependant il veut yentrer, il doit premièrement s’assurer s’il existe une sortiefacile, s’il est partout entouré du jardin de plaisance, s’il y adifférents compartiments qui en dépendent, si les sentinelles sontnégligentes, si le Roi en est absent ; et alors, au moment oùles femmes du harem lui font signe, il observera soigneusement leslocalités et entrera par le chemin qui lui sera indiqué. Si lachose lui est possible, il rôdera chaque jour autour du harem, sefamiliarisera, sous un prétexte ou sous un autre, avec lessentinelles, et se montrera aimable pour les servantes du harem quipourront connaître son dessein, et auxquelles il exprimera sonregret de ne pouvoir encore atteindre le but e ses désirs. Enfin,il laissera tout l’office d’entremetteuse à la femme qui aura accèsdans le harem, et il s’étudiera à reconnaître les émissaires duRoi.

S’il n’y a pas d’entremetteuse qui ait accès dans le harem,l’homme, alors, se tiendra dans quelque endroit où il puisse voirla femme qu’il aime et qu’il désire posséder.

Si cet endroit est occupé par les sentinelles du Roi, il sedéguisera en servante de la dame qui vient dans ledit endroit, ouqui y passe.

Lorsqu’elle le regardera, il lui fera connaître ses sentimentspar des signes et gestes extérieurs, et lui montrera des peintures,des objets à double sens, des chapelets de fleurs, des anneaux. Ilnotera soigneusement la réponse qu’elle lui fera, par mots ou parsignes ou gestes, et essaiera alors de pénétrer dans le harem. S’ilest certain qu’elle doit venir dans quelque lieu particulier, ils’y cachera, et au moment voulu entrera avec elle mêlé à sesgardes. Il peut aussi aller et venir, caché dans un lit replié, oudans une couverture de lit ; ou mieux encore, il se rendra lecorps invisible au moyen d’applications extérieures, comme celledont voici la recette :

Brûlez ensemble, sans laisser partir la fumée, le cœur d’unichneumon, le fruit de la courge longue (tumbi), et les yeux d’unserpent ; broyez les cendres et mêlez dans une égale quantitéd’eau. En se mettant sur les yeux cette mixture, un homme peutaller et venir sans être vu.

Il y a d’autres moyens d’invisibilité prescrits par lesBrahmanes de Duyana et les Jogas iras.

Un homme peut aussi entrer dans le harem durant le festival dela huitième lune, dans le mois de Nargashirsha, et durant lesfestivals de clair de lune, alors que les surveillantes du haremsont très occupées ou tout à la fête.

Voici, sur le sujet, les principes posés en règle :

L’entrée de jeunes gens dans le harem et leur sortie ontgénéralement lieu quand on introduit des objets dans le palais, ouqu’on en fait sortir, ou au moment des festivals à boire, oulorsque les surveillantes sont excédées de besogne, ou lorsqu’unedes épouses royales change de résidence, ou lorsque les femmes duRoi vont aux jardins ou aux foires, ou lorsqu’elles rentrent aupalais, ou enfin lorsque le Roi est absent pour un long pèlerinage.Les femmes du harem royal connaissent les secrets les unes desautres, et n’ayant qu’un seul objet en vue, elles se prêtentmutuellement assistance. Un jeune homme qui les possède toutes, etqui leur est commun à toutes, peut continuer à en jouir aussilongtemps que la chose reste secrète et qu’elle ne transpire pasau-dehors.

Maintenant, dans le pays des Aparatakas, les épouses du Roi nesont pas bien gardées, et beaucoup de jeunes gens pénètrent dans leharem au moyen des femmes qui ont accès au palais royal. Les femmesdu roi de Ahira font leur affaire avec les sentinelles du harem,Qu’on nomme Kshtriyas. Les épouses du Roi, dans le pays des Vatsagumas, font entrer dans le harem, en même temps que leurs messagères,les hommes qui leur conviennent. Dans le pays des Vaidharbas, lesfils des épouses du Roi entrent dans le harem à leur volonté, etjouissent des femmes, à l’exception de leurs propres mères. Dans leStri Rajya, les femmes du Roi s’abandonnent à ses compagnons decaste et à ses parents. Dans le Ganda, les femmes du Roi sont à ladiscrétion des Brahmanes, de leurs amis, de leurs domestiques et deleurs esclaves.

Dans le Samdhava, les domestiques, les frères de lait et autrespersonnes de même sorte jouissent des femmes du harem. Dans le paysdes Haimavatas, d’aventureux citoyens corrompent les sentinelles etpénètrent dans le harem. Dans le pays des Vanyas et des Kalmyas,les Brahmanes, au su du Roi, entrent dans le harem sous le prétextede donner des fleurs aux dames, causent avec elles derrière unrideau, et arrivent ensuite à les posséder. Enfin, les femmes duharem du Roi des Prachyas tiennent caché dans le harem un jeunehomme, par chaque série de neuf ou dix femmes.

Ainsi font les épouses d’autrui.

Pour ces raisons, chaque mari doit veiller sur sa femme. Devieux auteurs disent qu’un Roi doit choisir, pour sentinelles dansson harem, des hommes bien connus pour n’avoir pas de désirscharnels. Mais ces hommes, quoique affranchis eux-mêmes de désirscharnels, peuvent, par crainte ou avarice, introduire d’autrespersonnes dans le harem ; ce qui fait dire à Gonikaputra queles Rois doivent placer dans le harem des hommes à l’abri desdésirs charnels, de la crainte et de l’avarice. Enfin Vatsyayanaobserve qu’il peut entrer des hommes sous l’influence de D’arma, eten conséquence il faut choisir des gardiens également inaccessiblesaux désirs charnels, à la crainte, à l’avarice et à Dharma.

Les disciples de Babhravya disent qu’un mari doit faire lier safemme avec une autre, qui lui rapportera les secrets du voisinage,et le renseignera sur la chasteté de sa femme. Mais Vatsyayanarépond que des personnes malintentionnées réussissent toujours avecles femmes, et qu’un mari ne doit pas exposer son innocente épouseà se corrompre dans la compagnie d’une coquine.

La chasteté d’une femme se perd par l’une des causes ci-après:

Fréquentation assidue des sociétés et compagnies.

Absence de retenue.

Débauche du mari.

Manque de précautions dans ses relations avec d’autreshommes.

Absences fréquentes et prolongées du mari.

Séjour en pays étranger.

Destruction, par son mari, de son amour et de sa délicatesse desentiments.

Société de femmes dissolues.

Jalousie du mari.

Il y a aussi, sur ce sujet, des versets dont voici le texte:

« Un homme habile, qui a appris dans les Shastra les moyens deréduire les épouses d’autrui, n’est jamais trompé dans le cas deses propres femmes. Personne, toutefois, ne doit faire usage de cesmoyens pour séduire les épouses d’autrui, parce qu’ils neréussissent pas toujours et, de plus, occasionnent souvent lesdésastres, et la destruction de Dharma et d’Artha. Ce livre, dontl’objet est le bien-être ]es citoyens, et qui leur enseigne lesmoyens de garder leurs propres femmes, ne doit pas servirsimplement de guide pour débaucher les épouses d’autrui. »

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