Le Kama Sutra

Chapitre 2 De la confiance à inspirer à la fille.

Pendant les trois premiers jours qui suivront le mariage,l’homme et la femme coucheront sur le plancher, s’abstiendront deplaisirs sexuels, et prendront leur nourriture en l’assaisonnantd’alca ou de sel. Les sept jours suivants, ils se baigneront au sonde joyeux instruments de musique, se pareront, dîneront ensemble,et feront des politesses à leurs parents et aux personnes quiauront pu assister à leur mariage. Ceci est applicable aux gens detoutes les castes. Le soir du dixième jour, l’homme commencera àparler doucement à sa jeune femme, seul à seule, de façon à luiinspirer confiance. Quelques auteurs prétendent que, pour la gagnerentièrement, il ne doit pas lui parler de trois jours ; mais,observent les disciples de Babhravya, si un homme reste muetpendant trois jours, il est à craindre que la jeune femme ne sedégoûte de le voir aussi inerte qu’un pilier, et, désenchantée, nevienne à le mépriser comme un eunuque. Vatsyayana est d’avis quel’homme doit commencer par la gagner et lui inspirer confiance,mais qu’il doit s’abstenir d’abord des plaisirs sexuels. Lesfemmes, étant de nature douce, veulent qu’on les aborde avecdouceur ; si elles ont à subir un assaut brutal d’hommesqu’elles connaissent à peine, elles en conçoivent quelquefois lahaine de l’union sexuelle, quelquefois même la haine du sexe mâle.L’homme doit, en conséquence, approcher la jeune femme avec lesménagements qu’elle désire, et l’emploiera les procédés capables delui inspirer de plus en plus confiance. Ces procédés sont lessuivants :

Il l’embrassera pour la première fois de la façon qui lui plairale mieux, parce que cela ne dure pas longtemps.

Il l’embrassera avec la partie supérieure de son corps, parceque c’est plus facile et plus simple. Si la fille est d’un certainâge, ou si l’homme la connaît depuis quelque temps, il peutl’embrasser à la lueur d’une lampe ; mais s’il ne a connaîtpas bien, ou si c’est une toute jeune fille, il doit alorsl’embrasser dans l’obscurité.

Lorsque la fille aura consenti à l’embrassement, l’homme luimettra dans la bouche un tambula ou morceau de noix de bétel et desfeuilles de bétel ; et si elle refuse de les prendre, il devral’y engager par des paroles conciliantes, des prières, desserments ; enfin il s’agenouillera à ses pieds, car il est derègle que, si ombrageuse ou irritée que soit une femme, elle n’estjamais intraitable pour un homme à genoux devant elle. Au moment oùil lui donnera ce tambula, il lui baisera la bouche doucement etgracieusement, sans émettre aucun son. Ce premier point obtenu, illa fera parler, et pour l’y engager, il lui adressera des questionssur des choses qu’il ne connaîtra pas ou prétendra ne pasconnaître, et qui n’exigeront qu’une courte réponse. Si elle ne luiparle pas, il se gardera de la brusquer, mais il lui fera denouveau les mêmes questions sur un ton conciliant. Si alors elle nelui parle pas davantage, il la pressera de répondre, car, observeGhotakamu que toutes les filles écoutent ce que les hommes leurdisent, mais elles mêmes souvent ne disent pas un seul mot ». Ainsiimportunée, la fille répondra enfin par un mouvement de tête ;tandis que, si l’homme la querellait, elle ne ferait pas même cela.Lorsque l’homme lui demandera s’il lui plaît et si elle l’aime,elle gardera longtemps le silence à la fin, pressée de s’expliquer,elle répondra affirmativement par un signe de tête. Si l’homme laconnaissait avant le mariage, il devra s’entretenir avec elle parl’intermédiaire d’une amie qui peut lui être favorable, et qui,ayant la confiance de l’un et de l’autre, tiendra la conversationdes deux côtés. En pareille occasion, la fille sourira, la têtebaissée ; et si l’amie en dit plus de sa part qu’elle nedésire, elle la grondera et lui cherchera dispute. L’amie dira parplaisanterie telle ou telle chose que la fille ne voudra pas êtredite, en ajoutant : « Elle dit cela » ; sur quoi la fille diraPrestement et gentiment : « Oh ! non, je n’ai pas dit cela» ; et alors elle sourira et jettera sur l’homme un coup d’œilfurtif.

Si la fille est familière avec l’homme, elle placera près delui, sans rien dire, le tambula, l’onguent ou la guirlande qu’ilpeut avoir demandés, ou bien elle pourra les enfermer dans sonvêtement de dessus.

Pendant ce temps-là, l’homme lui touchera ses jeunes seins enpratiquant la pression sonore avec les ongles, et si elle veut l’enempêcher, il lui dira : « Je ne le ferai plus, si vous m’embrassez», et il l’amènera de cette façon à l’embrasser. Tandis qu’ellel’embrassera, il passera sa main à diverses reprises sur tout soncorps. Puis, tout doucement, il la mettra sur ses genoux et tâcherade plus en plus d’obtenir son consentement ; et si elle neveut pas céder, il l’a frappera en disant :

« Je vais imprimer les marques de mes dents et de mes ongles survos lèvres et sur vos seins ; je ferai des marques semblablessur mon propre corps, et je dirai à mes amis que c’est vous qui lesavez faites.

Que direz-vous alors ? » C’est de cette manière ou à peuprès que se créent la crainte et la confiance dans l’esprit desenfants, et l’homme devra ainsi obtenir de la fille ce qu’ildésire.

La seconde et la troisième nuit, lorsque la confiance se seraencore accrue, il lui touchera le corps tout entier avec ses mains,et le baisera partout ; il mettra aussi ses mains sur sescuisses et les massera ; et s’il y réussit, il lui masseraalors les jointures des cuisses. Si elle veut l’en empêcher, il luidira : « Quel mal y a-t-il à cela ? » et il lui persuadera dele laisser faire. Ce point gagné, il lui touchera ses partiessecrètes, dénouera sa ceinture et le nœud de sa robe, et, relevantsa jupe de dessous, lui massera les jointures de ses cuisses nues.Il fera toutes ces choses sous différents prétextes, mais il nedevra pas encore commencer le congrès réel. Ensuite il luienseignera les soixante quatre arts, lui dira combien il l’aime etquelles espérances il caressait depuis longtemps à son égard. Illui promettra aussi de lui être fidèle, dissipera toutes sescraintes au sujet de rivales, et enfin, après avoir vaincu satimidité, il se mettra en devoir de jouir d’elle de manière à nepas l’effrayer.

Telle est la façon d’inspirer confiance à la jeune femme.

Il y a en outre, sur ce sujet, quelques versets dont voici letexte :

« Un homme qui agit conformément aux inclinations d’une filledoit essayer de l’apprivoiser de telle sorte qu’elle puisse l’aimeret lui donner sa confiance. On ne réussit ni en suivant aveuglémentl’inclination d’une fille, ni en s’y opposant tout à fait, mais ilfaut adopter un moyen terme. Celui qui sait se faire aimer desfemmes, soigner leur honneur et leur inspirer confiance, celui-làest assuré de leur amour. Mais celui qui néglige une fille, parcequ’elle lui semble trop timide, n’obtient que son mépris : elle leregarde comme une bête qui ne sait pas gouverner l’esprit d’unefemme. En outre, une fille possédée de force par un homme qui neconnaît pas le cœur féminin, devient nerveuse, inquiète,abattue ; elle se prend soudain à détester l’homme qui l’aviolentée, et alors, son amour n’étant pas compris ni payé deretour, elle tombe dans le désespoir, et devient l’ennemie du sexemâle tout entier ; ou, si elle déteste particulièrement sonmari, elle a recours à d’autres hommes. »

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