Un homme dans la nuit

VII – UN SINISTRE AMOUREUX

Il était neuf heures et demie environ. Ledîner avait eu lieu au fond du jardin, sous une sorte de kiosquedont les murs disparaissaient sous les plantes grimpantes.

Par la porte entr’ouverte, la nuit entrait,toute parfumée de la respiration des fleurs.

Pas un bruit ne partait du jardin, pas unbruit ne venait de la villa.

Arnoldson et Adrienne étaient seuls,parfaitement seuls.

Ce silence, ce calme absolu, cette paix detoutes choses semblaient fortement impressionnerMme Lawrence, qui, soudain, prit peur de lasolitude dans laquelle on l’avait laissée en face de cet homme.

Car Arnoldson lui faisait peur. Elle se leva,bien que son hôte touchât encore aux fruits du dessert.

Elle dit :

– Monsieur, si vous le voulez, nousrentrerons à la villa… Lily nous fera un peu de musique… Rentrons,monsieur ; je sens que le froid de la nuit pourrait nousgagner, dans ce kiosque ouvert à tous les vents, à tous lescourants d’air…

– Le froid, madame ? fit Arnoldsonfort tranquillement, et sans se déranger le moins du monde, lefroid ? Mais nous n’avons pas encore eu de nuit aussichaude…

– Il n’empêche que les courants d’air…hasarda Adrienne, fort intriguée de l’attitude d’Arnoldson, qui nese levait pas, bien qu’elle eût déjà quitté son siège.

– Ah ! ah ! les courantsd’air !… Eh ! madame, vous voulez rire ? Ehbien ! rions…

Et, avec son infernal sourire, Arnoldsonmontra d’un geste lent les bougies allumées sur la table.

– Regardez cette cire qui brûle, madame.Contemplez cette flamme, immobile et droite, et dites-moi s’il y ades courants d’air…

Adrienne tressaillit à ce langage inattendu.Elle ne comprenait point l’obstination de cet homme, et elle enétait épouvantée. Elle avait envie de fuir. Elle repartit d’unevoix tremblante d’anxiété :

– Alors, monsieur, vous ne voulez pas mereconduire à la villa ?… Excusez-moi, mais j’ai des ordres àdonner pour demain…

Et elle se dirigea vers la porte.

Un geste de l’Homme de la nuit l’arrêta.

Elle attendit. Que voulait-ild’elle ?

Maintenant, Arnoldson avait pris un abricot,qu’il piqua de sa fourchette d’argent, et il regardait cet abricotau bout de cette fourchette.

– Des abricots en cette saison,madame ? Vous avez des abricots superbes.

– Oui. Ils viennent de Grenade. Unami…

– Un ami qui vous les a envoyés ? Unami ?… Dites-moi, madame, fit Arnoldson en coupant l’abricot,dites-moi, vous avez beaucoup d’amis ?

– Mais, monsieur… fit Adrienne, quin’osait plus s’en aller et qui se demandait où cet homme voulait envenir, vous me posez des questions…

– … qui vous paraissent stupides,n’est-ce pas ? Non, elles ne sont pas stupides… Je désiraissavoir si vous avez beaucoup d’amis, parce que je voulais vousfaire entendre qu’en ce cas vous pourriez réunir le dévouement detous ces amis-là… et que ce dévouement collectif ne pourraitatteindre à la hauteur du mien.

Cela dit, Arnoldson se leva, se mit entre laporte et Adrienne et salua :

– Voilà ce que je voulais vous faireentendre, chère madame. Je suis bien ambigu, bien contourné,prétentieux peut-être dans mes compliments. Je ne sais point fairede compliments… Mais quelque forme qu’ils revêtent, ils sonttoujours sincères, madame, oh ! très sincères…

– Eh bien ! monsieur, si vous êtesmon ami, comme vous le dites, comme vous me l’affirmez… laissez-moipasser, je vous en prie… laissez-moi partir…

– Vous êtes donc bien pressée ?

– Oui. J’ai des ordres précis à donner…Je vous l’ai déjà dit, monsieur, je trouve votre insistanceétrange… et votre politesse… est presque de… l’impolitesse…

Arnoldson se croisa les bras et ne réponditpoint à cette fin de phrase. Il se contenta de dire, fortcalme :

– Cela tombe bien mal, chère madame, bienmal en vérité !… Vous êtes pressée, je ne le suis point. Vousavez des ordres à donner, les miens sont donnés !…

– Monsieur, si vous ne me laissez passersur-le-champ, j’appelle… je crie…

– Vous n’appellerez ni ne crierez…

– Et qui m’en empêchera ?

– Moi !

– La violence ?

– Jamais, madame, jamais ! Je vousdirai simplement ceci : « J’ai des choses fortintéressantes à vous raconter qui vous intéressent, vous et vosenfants… Si vous ne m’écoutez pas, ils seront frappés dans leurfortune, et vous… dans votre cœur… » N’est-ce pas, madame, quevous m’écoutez ?…

Et il désigna d’un geste impératif un siège àAdrienne. Celle-ci, courbée maintenant sous la terreur que luiinspiraient les paroles de l’Homme de la nuit, obéit ets’assit.

Arnoldson vint prendre place à ses côtés.

– Je savais bien que nous finirions parnous entendre !

– Parlez, monsieur ! Parlezvite ! Qu’avez-vous voulu dire ?

– Oh ! ceci, uniquement ceci :c’est que M. Lawrence est en train de se ruiner, de ruiner safemme et de ruiner ses enfants pour une maîtresse qu’iladore !…

Adrienne fut debout, et d’une voixéclatante :

– C’est faux, monsieur ! Vousmentez ! Vous mentez affreusement ! Vous calomniez monmari ! Vous êtes un misérable !…

Arnoldson sourit :

– J’ai des preuves, madame…

– Des preuves ?

– Des preuves indéniables…

Et il rit encore…

– De belles et bonnes preuves… je lesai…

Adrienne se laissa retomber sur sa chaise. Sonfront brûlait ; elle porta ses mains désespérément à sonfront. Elle était horriblement pâle.

– Oh ! dit-elle d’un accentindéfinissable. Oh !… vous avez des preuves !…Montrez-les-moi…

– Je vais vous les montrer, madame, ellessont là ! là ! là ! fit Arnoldson en se frappant lapoitrine. Vous voyez comme elles gonflent les poches de maredingote, mes preuves !… Maintenant que vous êtes sage et quevous m’écoutez gentiment, nous allons, si vous le voulez bien,commencer par le commencement…

Adrienne plongea son visage dans sesmains.

– Pardon, fit Arnoldson, pardon. Je veuxvoir votre visage…

– Et pourquoi, demanda la malheureuse,voulez-vous voir mon visage ? Pour y lire toute la douleur queme font éprouver vos paroles ?…

– Est-ce qu’on sait, madame ? Maisje serais bien cruel en vérité !… Non, ce n’est pas cela… Jeveux voir votre visage parce qu’il me plaît, voilà tout.

Et il lui prit les mains et découvrit cetteface douloureuse…

– Oui, continua-t-il, lentement, j’aimevotre visage… plus que vous ne le croyez, madame. Vous êtes sibelle ! Quel est l’homme qui ne l’aimerait pas, votrevisage ? Et c’est parce que je vous… aime… – oh ! madame…en tout bien tout honneur… à mon âge !… – et que jem’intéresse par sympathie à tout ce qui vous touche, que je suisvenu vous avertir du malheur qui était suspendu sur votre tête… etqu’il est temps peut-être encore… d’atténuer… Oui, je me suisdit : « Cette pauvre Mme Lawrence, ellesi belle, si bonne, si confiante !… Elle ne sait pas ce quec’est que le mal, me disais-je, et ne le soupçonne pas ! Ellen’a sûrement jamais fait de mal de sa vie… pas même, eh !eh !… pas même à une mouche ! Eh bien ! je luiapprendrai ce que c’est que le mal… Cela la fera souffrir… maiscela lui rendra service… Eh ! eh ! elle m’en voudrad’abord, mais elle m’en sera certainement reconnaissanteensuite… » N’est-ce pas, madame, que vous m’en serezreconnaissante ? réclama Arnoldson.

– Oui, monsieur. Mais parlez… parlez…Vous voyez bien que je souffre…

– Ah ! comme vous êtespressée !… Pour une pauvre petite fois que nous nous trouvonsensemble et que nous pouvons dire des choses intéressantes endehors des importuns… Voyons ! Je disais donc que vous m’enseriez reconnaissante… Vous me permettrez, par exemple, de venirvous voir de temps en temps, de vivre plus souvent à côté de vous,dans votre atmosphère, si douce… et puis vous ne retirerezpeut-être pas votre main aussi précipitamment que vous l’avez fait,l’autre soir, à l’auberge Rouge, quand je vous l’embrassais le pluschevaleresquement du monde…

Arnoldson voulut, pour donner une conclusion àson préambule, prendre la main d’Adrienne, mais celle-ci la retiraavec horreur.

– Ah ! monsieur, s’écria-t-elle… Jevous haïssais déjà, mais, maintenant, je vous méprise et je vousmaudis… Je comprends les dessous infâmes de votre dénonciation…Faites-la, s’il vous plaît… Elle m’intéresse trop, elle intéressetrop mes enfants pour que je la repousse, mais n’attendez jamais demoi la moindre… la moindre faveur, pas même, vous m’entendez, pasmême vos lèvres sur ma main, en échange de votre épouvantablebesogne.

Arnoldson fit, en secouant la tête d’un petitair entendu :

– Eh ! voilà de noblesaccents ! Ce M. Lawrence, a-t-il de la chance d’être aiméd’une femme aussi parfaite que vous ! Ah ! l’insensé, quine se doute pas de son bonheur !… Alors, vous croyez que jen’ai rien à attendre de vous, madame ?… Ça, c’est uneopinion ; moi, j’en ai peut-être une autre… En tout cas, c’estvotre devoir de me parler ainsi… et moi, c’est le mien de vousdévoiler les vilenies de votre époux… Je commence…

Il continua à parler, regardant toujoursAdrienne et semblant se délecter dans une joie abominable à lasouffrance qu’elle ne pouvait s’empêcher de manifester.

– Vous avez certainement remarqué,madame, que votre mari n’était plus le même à votre égard, maisplus le même du tout, du tout ! Ni à votre égard, du reste, nià celui des autres… Il est distrait, parle peu, ne s’occupe guèrede vous et ne s’intéresse plus au verbiage de ses enfants.

– Oui, monsieur, je me suis aperçue deces choses.

– Et vous n’en avez point soupçonné lacause ?

– Rien, dans la vie de mon mari, nepouvait me faire croire qu’il ne m’aimerait plus un jour, qu’ilcesserait d’aimer ses enfants. J’expliquais son attitude des joursderniers par l’ennui des affaires, car je sais qu’il joue dans lesmines d’or et qu’il a des sommes considérables engagées…

– Eh bien ! il ne s’agissait pointsimplement de sa fortune, madame : il s’agissait de soncœur.

– Et qui donc me l’a volé ? réclamaâprement Adrienne.

– Qui donc ? Ah ! madame, unebien petite personne en vérité, et il est vraiment malheureux devoir préférée à une femme comme vous, une cocotte qui a tous lesvices.

– Une cocotte !… Mais alors,monsieur, vous voulez vous moquer de moi ?… Il s’agit là, sansdoute, de quelque frasque dont je ne le croyais, certes, pascapable, mais qui n’a aucune importance…

– Elle est la plus dangereuse des femmes,madame. Il y a six ans, deux hommes se sont suicidés pour cettecocotte. Depuis, d’autres se sont ruinés. Pour elle, votre mari seruine, et il se suicidera peut-être.

– Son nom ?

– Elle s’appelle Diane, et tout Paris laconnaît.

– Cette Diane qui monta sur les planchesdes Folies, et qui eut quelques succès dans lesmusic-halls ?

– Elle-même. Elle monta sur les plancheset va y remonter. Les Folies commenceront ce spectacle dansquelques jours.

Adrienne se taisait maintenant. Elle souffraittant qu’elle n’avait plus la force de protester. Elle sentait quequelque chose d’irrémédiable se passait. Chaque mot de l’Homme dela nuit la frappait au cœur.

Arnoldson se rendait parfaitement compte del’état d’âme d’Adrienne. Il lisait sur sa face toute l’horreur quelui inspirait l’acte de Lawrence, cette chose redoutable etimprévue : son amour pour une autre.

– Ils se sont vus, je crois, pour lapremière fois, dans une fête aux Variétés-Parisiennes,continua-t-il. C’est du moins là qu’ils se sont parlé pour lapremière fois. Votre mari fut frappé de la beauté de cette fille,mais ce n’est que plus tard, dans une soirée chez Diane où il futinvité, qu’il commença à l’aimer. Était-ce de l’amour ?Faut-il donner le nom d’amour à une passion inavouable, à unirraisonné entraînement des sens dont il fut soudain la victimequand il fut entré dans la presque intimité de Diane ?…

« Car votre rivale, madame – cette filleest votre rivale – lui ouvrit son intimité.

« Pour lui, elle se montra charmante etusa de toutes les séductions. Était-ce là le résultat d’une grandesympathie pour M. Lawrence ? Voilà ce que je ne sais pas,ce que nul ne sait, ce que personne peut-être ne saura jamais.

« L’âme de cette fille, si tant estqu’elle ait une âme, est quelque chose d’insondable etd’incompréhensible. On l’a vue marquer de l’amitié pour des gensqu’elle haïssait et prouver de la haine pour d’autres qu’elleadorait.

« Quoi qu’il en soit, il devint sonesclave, sa chose… »

Adrienne leva sur l’Homme de la nuit des yeuxd’une douleur telle qu’il s’arrêta. Mais on ne savait s’il secomplaisait dans la vision de ce regard douloureux ou s’ilregrettait d’être la cause, le messager de tant de malheurs.

La première hypothèse devait être la vraie,car il reprit son récit, frappant encore, portant des coups plusdécisifs à la pauvre Adrienne.

– Oui, madame, reprit-il, il fut sachose. Il l’est encore… Quand il est près d’elle, il ne voitqu’elle et, quand il s’en est éloigné, il y pense… Par quels moyensDiane est-elle arrivée à s’emparer ainsi de votre mari ? Maisà cette heure il est bien à elle, tout à elle…

– Quelle ignominie ! murmuraAdrienne.

– Quelle ignominie, en effet. Rien n’a pul’arrêter sur cette pente : ni le respect de sa femme, nil’amour de ses enfants. Cette fille a creusé pour cet homme ungouffre où il ensevelit d’une main légère et criminelle votrefortune à tous !…

Arnoldson ajouta, avec son souriresinistre :

– Cette fortune si honnêtement, sidurement gagnée… cette fortune… qui… qui ne devait rien àpersonne !… N’est-ce pas, madame, qu’elle ne devait rien àpersonne, votre fortune ?

Adrienne répondit, d’une voix qui n’étaitqu’un souffle :

– À personne…

– Eh bien, chère madame… que Lawrencecontinue quelques mois encore… et elle devra quelque chose, votrefortune…

– À qui ?

– À moi…

– À vous ?… Vous toujours !…J’avais raison, monsieur, de vous redouter, d’éprouver à vos côtésune terreur que je ne m’expliquais pas… Je vous jugeais un êtredangereux et perfide… Comme je vous jugeais bien !…

– Moi ? fit l’Homme de la nuit.Moi ? un être dangereux et perfide ?… Je ne tiens qu’àrendre service à mes amis. M. Lawrence voulut bien se dire monami… Il me demanda service, et je me suis mis à sa disposition.Vous êtes bien ingrate !

– Monsieur, je vous en supplie,épargnez-moi le supplice de votre raillerie, et dites-moi tout ceque vous savez !… Tout… Vous paraissez fort bienrenseigné.

– Très renseigné…

– Que vous me faites souffrir !…

– Vraiment ! vous souffrez ?…vous souffrez ?… Beaucoup, n’est-ce pas ?… Cette valléeest bien la vallée de misère…

Et, plus sinistre, il fit un motaffreux :

– La vallée du bois de Misère…

– Comment, monsieur, notre fortune vousdevra-t-elle quelque chose ?

– J’ai aidé votre mari dans desopérations sur les mines d’or, qui furent malheureuses. Il avaitbesoin, ce cher M. Lawrence, de gagner beaucoup d’argent.C’était pour cette femme… Elle avait des fantaisies, des lubies,des caprices…

– Il a joué en Bourse ?

– Oui, madame, sur les mines d’or, etd’après une indication. Or – voyez comme la fatalité s’est abattuesur mon pauvre ami – il s’est trouvé que ses indications, quiétaient bonnes, furent mauvaises… Très mauvaises ! Il aperdu ! Et comme, malgré ses pertes, il a contenté lesfantaisies dont je vous parlais tout à l’heure, voilà mon amiLawrence dans un bien triste état !

– Il vous doit de l’argent,monsieur ?

– Un peu… Mais ceci est affaire entre luiet moi… Nous réglerons la question d’argent. Vous, vous n’avez qu’àrégler la question… la question amour…

Plus pâle qu’une morte, Adrienne se dressadevant l’Homme de la nuit.

– Si ce que vous dites est vrai,monsieur, je suis la plus malheureuse des femmes ! Je nereverrai pas mon mari de ma vie, ou, si j’ai le malheur de le voir,ce sera pour le chasser, loin de sa femme, de ses enfants et pourle maudire !… Mais, monsieur, votre conduite à vous me paraîttellement ignoble, votre façon d’être me dénote de tels instinctset de tels désirs, vous me paraissez si vil et si répugnant que jeme demande si tout ce que vous m’avez appris ce soir n’est pas lerésultat d’une odieuse machination, d’affreux mensonges !Voilà, monsieur, que je me reproche de vous avoir écouté, d’avoir,un instant, pu penser qu’un homme comme vous était susceptible dedire d’autres choses que d’infâmes et calomnieuseschoses !

Avec un geste tragique elle cria :

– Vous mentez !…

Arnoldson sourit encore :

– Non, madame, je ne mens pas…

– Vous mentez, monsieur ! Car, sivous ne mentiez pas, au lieu de toutes ces paroles, au lieu de toutce verbiage… vous m’eussiez déjà montré les preuves dont vous meparliez tout à l’heure, ces preuves que vous n’avez pas !…Allons ! vos preuves, monsieur ! vos preuves !

– Que les femmes sont impatientes,madame ! Ces preuves, je vous les montrerai…

– Ce soir ! Tout de suite ! Jeles veux ! Quelles sont-elles ?

– Ce sont des lettres de votre mari àcette Diane. Elles vous éclaireront, croyez-moi, et vous nedouterez plus…

– J’attends !

Arnoldson ouvrit sa redingote etdit :

– Voyez, madame, comme il est des heuresoù l’on est distrait… Je croyais avoir ces preuves sur moi… Je neles ai pas…

– Vous voyez bien que vous mentez !…Misérable !

– Madame, je suis peut-être un misérable,mais je ne mens pas. Écoutez-moi. Ces lettres, je ne les ai pas. Sije vous ai parlé de preuves, c’est que je voulais que vousm’écoutiez… Vous m’eussiez chassé déjà si je ne vous avais pasparlé de mes preuves… Mais je vous les apporterai… Je ne vous lesai pas apportées ce soir parce qu’il m’a plu de ne point le faire…Je ne fais que ce qu’il me plaît… Oui, madame, et il me plaît quevous attendiez ces preuves. Et vous les attendrez…

Arnoldson, à son tour, se leva. Il dit, d’unevoix terrible :

– Oui, vous les attendrez enpleurant ! Vous les attendrez à genoux ! Vous lesattendrez en priant !… Et vous les aurez, madame !… Dansquelques jours, mettons dans une semaine, une semaine d’atroceangoisse pour vous, une semaine que vous passerez en songeant quevotre mari est auprès de cette femme et que vous n’existez pluspour lui… dans une semaine je vous les apporterai !…

« Le soir où je vous les apporterai,madame, il faudra que vous soyez préparée à me recevoirseule : vous m’entendez ?… toute seule ! Nous auronstant de choses à nous dire !… Vous aurez tant de choses àécouter ! Un long entretien, madame, entre nous s’impose, unentretien auprès duquel celui d’aujourd’hui ne saurait être qu’unelégère causerie sans importance.

« La veille de ce jour-là, vous entendrezprononcer cette phrase… Retenez cette phrase :

« Il n’y aura pas de lune cettenuit ! Le lendemain je serai près de vous, dans la villades Volubilis, avec les preuves, avec les lettres ! »

Arnoldson, ayant dit ces mots, s’en alla. Ils’en alla après un dernier regard sur cette femme, qui s’appuyait,mourante, aux murs.

Quand il fut parti, elle resta ainsi, toutedroite contre le mur. Il semblait qu’il n’y eût plus de vie enelle.

Quand elle reprit ses sens, elle s’en alla,chancelante, vers la villa, s’en fut d’une allure fantomatique danssa chambre, où elle tomba, comme l’avait prédit Arnoldson, àgenoux.

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