Actes et paroles – Depuis l’exil de Victor Hugo

Les délégués du comité électoral de la rue Bréa, DE LANESSAN, PAULIAT, MONPROFIT.
Les délégués du comité électoral des travailleurs, PIERRE CÉNAC, BONHOURE.

V ÉLECTION DU 7 JANVIER 1872 (SEINE.)
Résultat du scrutin

M. Vautrain 122,435 voix.

M. Victor Hugo 95,900-

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Le lendemain de l’élection, le 8 janvier, M. Victor Hugo adressa au peuple de Paris les paroles qu’on va lire :

AU PEUPLE DE PARIS

Paris ne peut échouer. Les échecs apparents couvrent des triomphes définitifs. Les hommes passent, le peuple reste. La ville que l’Allemagne n’a pu vaincre ne sera pas vaincue par la réaction.

A de certaines époques étranges, la société a peur et demande secours aux im- pitoyables. La violence seule a la parole, les implacables sont les sauveurs ; être sanguinaire, c’est avoir du bon sens. Le vae victis devient la raison d’état ; la com- passion semble une trahison, et on lui impute les catastrophes. On tient pour en- nemi public l’homme atteint de cette folie, la clémence ; Beccaria épouvante, et Las Casas fait l’effet de Marat.

Ces crises où la peur engendre la terreur durent peu ; leur emportement même les précipite. Au bout de peu de temps, l’ordre faux que fait le sabre est vaincu par l’ordre vrai que fait la liberté. Pour obtenir cette victoire, aucune lutte violente n’est nécessaire. La marche en avant du genre humain ébranle pacifiquement ce qui doit tomber. Le pas grave et mesuré du progrès suffit pour l’écroulement des choses fausses.

Ce que Paris veut sera. Des problèmes sont posés ; ils auront leur solution, et cette solution sera fraternelle. Paris veut l’apaisement, la concorde, la guérison des plaies sociales. Paris veut la fin des guerres civiles. La fin des guerres ne s’obtient que par la fin des haines. Comment finissent les haines ? Par l’amnistie.

L’amnistie, aujourd’hui, est la condition profonde de l’ordre.

Le grand peuple de Paris, méconnu et calomnié à cause de sa grandeur même, aura raison de tous les obstacles. Il triomphera par le calme et la volonté. Le suf- frage universel a beau avoir des éclipses, il est l’unique mode de gouvernement ; le suffrage universel, c’est la puissance, bien supérieure à la force. Désormais, tout par le vote, rien par le fusil. La justice et la vérité ont une clarté souveraine. Le passé ne se tient pas debout en face de l’avenir. Une ville comme Versailles, qui représente la royauté, ne peut être longtemps regardée fixement par une ville comme Paris, qui personnifie la république.

VICTOR HUGO.

Paris, 8 janvier 1871.

VI FUNÉRAILLES D’ALEXANDRE DUMAS
Alexandre Dumas était mort pendant le siége de Paris, hors de Paris. Le 16 avril 1872, son cercueil fut transporté à Villers-Cotterets, lieu de sa naissance. A cette occasion, M. Victor Hugo adressa à M. Alexandre Dumas fils la lettre qu’on va lire :

Paris, 15 avril 1872. Mon cher confrère,

J’apprends par les journaux que demain 16 avril doivent avoir lieu à Villers- Cotterets les funérailles d’Alexandre Dumas.

Je suis retenu près d’un enfant malade, et je ne pourrai aller à Villers-Cotterets.
C’est pour moi un regret profond.

Mais, je veux du moins être près de vous et avec vous par le cœur. Dans cette douloureuse cérémonie, je ne sais si j’aurais pu parler, les émotions poignantes s’accumulent dans ma tête, et voilà bien des tombeaux qui s’ouvrent coup sur coup devant moi ; j’aurais essayé pourtant de dire quelques mots. Ce que j’aurais voulu dire, laissez-moi vous l’écrire.

Aucune popularité, en ce siècle, n’a dépassé celle d’Alexandre Dumas ; ses suc- cès sont mieux que des succès, ce sont des triomphes ; ils ont l’éclat de la fanfare. Le nom d’Alexandre Dumas est plus que français, il est européen ; il est plus qu’eu- ropéen, il est universel. Son théâtre a été affiché dans le monde entier ; ses romans ont été traduits dans toutes les langues.

Alexandre Dumas est un de ces hommes qu’on pourrait appeler les semeurs de civilisation ; il assainit et améliore les esprits par on ne sait quelle clarté gaie et forte ; il féconde les âmes, les cerveaux, les intelligences ; il crée la soif de lire ; il creuse le cœur humain, et il l’ensemence. Ce qu’il sème, c’est l’idée française. L’idée française contient une quantité d’humanité telle, que partout où elle pé- nètre, elle produit le progrès. De là, l’immense popularité des hommes comme Alexandre Dumas.

Alexandre Dumas séduit, fascine, intéresse, amuse, enseigne. De tous ses ou- vrages, si multiples, si variés, si vivants, si charmants, si puissants, sort l’espèce de lumière propre à la France.

Toutes les émotions les plus pathétiques du drame, toutes les ironies et toutes les profondeurs de la comédie, toutes les analyses du roman, toutes les intuitions de l’histoire, sont dans l’œuvre surprenante construite par ce vaste et agile archi- tecte.

Il n’y a pas de ténèbres dans cette œuvre, pas de mystère, pas de souterrain ; pas d’énigme, pas de vertige ; rien de Dante, tout de Voltaire et de Molière ; partout le rayonnement, partout le plein midi, partout la pénétration de la clarté. Les qua- lités sont de toute sorte, et innombrables. Pendant quarante ans, cet esprit s’est dépensé comme un prodige.

Rien ne lui a manqué, ni le combat, qui est le devoir, ni la victoire, qui est le bonheur.

Cet esprit était capable de tous les miracles, même de se léguer, même de se survivre. En partant, il a trouvé moyen de rester. Cet esprit, nous ne l’avons pas perdu. Vous l’avez.

Votre père est en vous, votre renommée continue sa gloire.

Alexandre Dumas et moi, nous avions été jeunes ensemble. Je l’aimais et il m’ai- mait. Alexandre Dumas n’était pas moins haut par le cœur que par l’esprit. C’était une grande âme bonne.

Je ne l’avais pas vu depuis 1857 ; il était venu s’asseoir à mon foyer de proscrit, à Guernesey, et nous nous étions donné rendez-vous dans l’avenir et dans la patrie.

En septembre 1870, le moment est venu, le devoir s’est transformé pour moi ; j’ai dû retourner en France.

Hélas ! le même coup de vent a des effets contraires.

Comme je rentrais dans Paris, Alexandre Dumas venait d’en sortir. Je n’ai pas eu son dernier serrement de main.

Aujourd’hui je manque à son dernier cortège. Mais son âme voit la mienne. Avant peu de jours,-bientôt je le pourrai, j’espère,-je ferai ce que je n’ai pu faire en ce moment, j’irai, solitaire, dans ce champ où il repose, et cette visite qu’il a faite à mon exil, je la rendrai à son tombeau.

Cher confrère, fils de mon ami, je vous embrasse. VICTOR HUGO.

VII AUX RÉDACTEURS DE LA RENAISSANCE
Paris, 1er mai 1872. Mes jeunes confrères,
Ce serrement de main que vous me demandez, je vous l’envoie avec joie. Cou- rage ! Vous réussirez. Vous n’êtes pas seulement des talents, vous êtes des consciences ; vous n’êtes pas seulement de beaux et charmants esprits, vous êtes de fermes cœurs. C’est de cela que l’heure actuelle a besoin.

Je résume d’un mot l’avenir de votre œuvre collective : devoir accompli, succès assuré.

Nous venons d’assister à des déroutes d’armées ; le moment est arrivé où la lé- gion des esprits doit donner. Il faut que l’indomptable pensée française se réveille et combatte sous toutes les formes. L’esprit français possède cette grande arme, la langue française, c’est-à-dire l’idiome universel. La France a pour auditoire le monde civilisé. Qui a l’oreille prend l’âme. La France vaincra. On brise une épée, on ne brise pas une idée. Courage donc, vous, combattants de l’esprit !

Le monde a pu croire un instant à sa propre agonie. La civilisation sous sa forme la plus haute, qui est la république, a été terrassée par la barbarie sous sa forme la plus ténébreuse, qui est l’empire germanique. Éclipse de quelques minutes. L’énormité même de la victoire la complique d’absurdité. Quand c’est le moyen âge qui met la griffe sur la révolution, quand c’est le passé qui se substitue à l’ave- nir, l’impossibilité est mêlée au succès, et l’ahurissement du triomphe s’ajoute à la stupidité du vainqueur. La revanche est fatale. La force des choses l’amène. Ce grand dix-neuvième siècle, momentanément interrompu, doit reprendre et re- prendra son œuvre ; et son œuvre, c’est le progrès par l’idéal. Tâche superbe. L’art est l’outil, les esprits sont les ouvriers.

Faites votre travail, qui fait partie du travail universel.

J’aime le groupe des talents nouveaux. Il y a aujourd’hui un beau phénomène littéraire qui rappelle un magnifique moment du seizième siècle. Toute une gé- nération de poëtes fait son entrée. C’est, après trois cents ans, dans le couchant du dix-neuvième siècle, la pléiade qui reparaît. Les poëtes nouveaux sont fidèles à leur siècle ; de là leur force. Ils ont en eux la grande lumière de 1830 ; de là leur éclat. Moi qui approche de la sortie, je salue avec bonheur le lever de cette constel- lation d’esprits sur l’horizon.

Oui, mes jeunes confrères, oui, vous serez fidèles à votre siècle et à votre France. Vous ferez un journal vivant, puissant, exquis. Vous êtes de ceux qui combattent quand ils raillent, et votre rire mord. Rien ne vous distraira du devoir. Même quand vous en semblerez le plus éloignés, vous ne perdrez jamais de vue le grand but : venger la France par la fraternité des peuples, défaire les empires, faire l’Europe. Vous ne parlerez jamais de défaillance ni de décadence. Les poëtes n’ont pas le droit de dire des mots d’hommes fatigués.

Je suivrai des yeux votre effort, votre lutte, votre succès. C’est par le journal en- volé en feuilles innombrables que la civilisation essaime. Vous vous en irez par le monde, cherchant le miel, aimant les fleurs, mais armés. Un journal comme le vôtre, c’est de la France qui se répand, c’est de la colère spirituelle et lumineuse qui se disperse ; et ce journal sera, certes, importun à la pesante masse tudesque victorieuse, s’il la rencontre sur son passage ; la légèreté de l’aile sert la furie de l’aiguillon ; qui est agile est terrible ; et, dans sa Forêt-Noire, le lourd caporalisme allemand, assailli par toutes les flèches qui sortent du bourdonnement parisien, pourra bien connaître le repentir que donnent à l’ours les ruches irritées.

Encore une fois, courage, amis !

VIII AUX RÉDACTEURS DU PEUPLE SOUVERAIN
Chers amis,

Depuis trois ans, avec le Rappel , vous parlez au peuple. Avec votre nouveau journal, vous allez lui parler de plus près encore.

Parler au peuple sans cesse, et tâcher de lui parler toujours de plus en plus près, c’est un devoir, et vous faites bien de le remplir.

Je me suis souvent figuré un immense livre pour le peuple. Ce livre serait le livre du fait, rien de plus en apparence, et en réalité le livre de l’idée. Le fait est iden- tique au nuage ; il sort de nous et plane sur nous ; c’est une forme flottante propre à notre milieu, qui passe, qui contient de l’ascension et de la chute, qui résulte de nous et retombe sur nous, en ombre, en pluie, en tempête, en fécondation, en dé- vastation, en enseignement. Le livre que je m’imagine saisirait cet enseignement, il préciserait le contour et l’ombre de chaque fait. Il conclurait. Conclure est donné à l’homme. Créer, l’oeil fixé sur l’idéal ; conclure, l’oeil fixé sur l’absolu ; c’est à peu près là toute notre puissance. Ce livre serait le registre de la vie populaire, et, en marge de ce que fait la destinée, il mettrait ce que dit la conscience. De la loi de tout il déduirait la loi de tous. Il sèmerait la crainte utile de l’erreur. Il inquiéte- rait le législateur, il inquiéterait le juré ; il déconseillerait l’irrévocable et avertirait le prêtre ; il déconseillerait l’irréparable et avertirait le juge. Rapidement, par le simple récit et par la seule façon de présenter le fait, il en montrerait le sens phi- losophique et social. D’une audience de cour d’assises, il extrairait l’horreur de la peine de mort ; d’un débat parlementaire, il extrairait l’amour de la liberté. D’une défaite nationale, il extrairait de la volonté et de la fierté ; car, pour un peuple qui a sa régénération morale à opérer, il vaut mieux être vaincu que vainqueur ; un vaincu est forcé de périr ou de grandir. La stagnation de la gloire se comprend, la stagnation de la honte, non. Ce livre dirait cela. Ce livre n’admettrait aucun empiétement, pas plus sur une idée que sur un territoire. En même temps qu’il déshonorerait les conquêtes, il ferait obstacle aux damnations. Il réhabiliterait et rassurerait. Il dirait, redirait et redirait la parole de mansuétude et de clémence ; il parlerait à ceux qui sont en liberté de ceux qui sont en prison ; il serait importun aux heureux par le rappel des misérables ; il empêcherait l’oubli de ce qui est loin- tain et de ce qui semble perdu ; il n’accepterait pas les fausses guérisons ; il ne lais- serait pas se fermer les ulcères sous une peau malsaine ; il panserait la plaie, dût-il indigner le blessé ; il tâcherait d’inspirer au fort le respect du faible, à l’homme le respect de la femme, au couronné le respect du calomnié, à l’usurpateur le res- pect du souverain, à la société le respect de la nature, à la loi le respect du droit. Ce livre haïrait la haine. Il réconcilierait le frère avec le frère, l’aîné avec le puîné, le bourgeois avec l’ouvrier, le capital avec le travail, l’outil avec la main. Il aurait pour effort de produire la vertu d’abord, la richesse ensuite, le bien-être matériel étant vain s’il ne contient le bien-être moral, aucune bourse pleine ne suppléant à l’âme vide. Ce livre observerait, veillerait, épierait ; il ferait le guet autour de la civilisation ; il n’annoncerait la guerre qu’en dénonçant la monarchie ; il dresserait le bilan de faillite de chaque bataille, supputerait les millions, compterait les ca- davres, cuberait le sang versé, et ne montrerait jamais les morts sans montrer les rois. Ce livre saisirait au passage, coordonnerait, grouperait tout ce que l’époque a de grand, le dévouement héroïque, l’œuvre célèbre, la parole éclatante, le vers illustre, et ferait voir le profond lien entre un mot de Corneille et une action de Danton. Dans l’intérêt de tous et pour le bien de tous, il offrirait des modèles et il ferait des exemples ; il éclairerait, malgré elle et malgré lui, la vertu qui aime l’ombre et le crime qui cherche les ténèbres ; il serait le livre du bien dévoilé et du mal démasqué. Ce livre serait à lui seul presque une bibliothèque. Il n’aurait pour ainsi dire pas de commencement, se rattachant à tout le passé, et pas de fin, se ramifiant dans tout l’avenir. Telle serait cette bible immense. Est-ce une chimère qu’un tel livre ? Non, car vous allez le faire.

Qu’est-ce que c’est que le journal à un sou ? C’est une page de ce livre.

Certes, le mot bible n’est pas de trop. La page, c’est le jour ; le volume, c’est l’an- née ; le livre, c’est le siècle. Toute l’histoire bâtie, heure par heure, par les événe- ments, toute la parole dite par tous les verbes, mille langues confuses dégageant les idées nettes. Sorte de bonne Babel de l’esprit humain.

Telle est la grandeur de ce qu’on appelle le petit journal.

Le journal à un sou, tel que vous le comprenez, c’est la réalité racontée comme La Fontaine raconte la fable, avec la moralité en regard ; c’est l’erreur raturée, c’est l’iniquité soulignée, c’est la torsion du vrai redressée ; c’est un registre de justice ouvert à la confrontation de tous les faits ; c’est une vaste enquête quotidienne, politique, sociale, humaine ; c’est le flocon de blancheur et de pureté qui passe ; c’est la manne, la graine, la semence utilement jetée au vent ; c’est la vérité éter- nelle émiettée jour par jour. Œuvre excellente qui a pour but de condenser le col- lectif dans l’individuel, et de donner à tout peuple un cœur d’honnête homme, et à tout homme une âme de grand peuple.

Faites cela, amis. Je vous serre la main. Paris, 14 mai 1872.

IX RÉPONSE AUX ROMAINS
En mai 1872, le peuple romain fit une adresse au peuple français. Victor Hugo fut choisi par les romains comme intermédiaire entre les deux peuples.

En cette qualité, il dut répondre. Voici sa réponse :

Citoyens de Rome et du monde,

Vous venez de faire du haut du Janicule une grande chose.

Vous, peuple romain, par-dessus tous les abîmes qui séparent aujourd’hui les nations, vous avez tendu la main au peuple français.

C’est-à-dire qu’en présence de ces trois empires monstres, l’un qui porte le glaive et qui est la guerre, l’autre qui porte le knout et qui est la barbarie, l’autre qui porte la tiare et qui est la nuit, en présence de ces trois formes spectrales du moyen âge reparues sur l’horizon, la civilisation vient de s’affirmer La mère, qui est l’Italie, a embrassé la fille, qui est la France ; le Capitole a acclamé l’Hôtel de Ville ; le mont Aventin a fraternisé avec Montmartre et lui a conseillé l’apaisement ; Caton a fait un pas vers Barbès ; Rienzi a pris le bras de Danton ; le monde romain s’est incliné devant les États-Unis d’Europe ; et l’illustre république du passé a sa- lué l’auguste république de l’avenir. A de certaines heures sinistres, où l’obscurité monte, où le silence se fait, où il semble qu’on assiste à on ne sait quelle coali- tion des ténèbres, il est bon que les puissants échos de l’histoire s’éveillent et se répondent ; il est bon que les tombeaux prouvent qu’ils contiennent de l’aurore ; il est bon que le rayon sorti des sépulcres s’ajoute au rayon sorti des berceaux ; il est bon que toutes les formes de la lumière se mêlent et s’entr’aident ; et chez vous, italiens, toutes les clartés sont vivantes ; et lorsqu’il s’agit d’attester la pensée, qui est divine, et la liberté, qui est humaine, lorsqu’il s’agit de chasser les préjugés et les tyrans, lorsqu’il s’agit de manifester à la fois l’esprit humain et le droit popu- laire, qui donc prendra la parole si ce n’est cette alma parens qui, en fait de génies, a Dante égal à Homère, et, en fait de héros, Garibaldi égal à Thrasybule ?

Oui, la civilisation vous remercie. Le peuple romain fait bien de serrer la main au peuple français ; cette fraternité de géants est belle. Aucun découragement n’est possible devant de telles initiatives prises par de telles nations. On sent dans cette volonté de concorde l’immense paix de l’avenir. De tels symptômes font naître dans les cœurs toutes les bonnes certitudes.

Oui, le progrès sera ; oui, le jour luira ; oui, la délivrance viendra ; oui, la conscience universelle aura raison de tous les clergés, aussi bien de ceux qui s’appuient sur les codes que de ceux qui s’appuient sur les dogmes ; oui, les soi-disant hommes im- peccables, prêtres ou juges, les infaillibles comme les inamovibles, confesseront la faiblesse humaine devant l’éternelle vérité et l’éternelle justice ; oui, l’irrévocable, l’irréparable et l’inintelligible disparaîtront ; oui, l’échafaud et la guerre s’évanoui- ront ; oui, le bagne sera ôté de la vie et l’enfer sera ôté de la mort. Courage ! Espoir ! Il est admirable que, devant les alliances malsaines des rois, les deux capitales des peuples s’entendent ; et l’humanité tout entière, consolée et rassurée, tressaille quand la grande voix de Rome parle à la grande âme de Paris.

Paris, 20 mai 1872.

X QUESTIONS SOCIALES L’ENFANT.-LA FEMME
§ 1.- L’Enfant .

A M. TRÉBOIS, Président de la Société des écoles laïques .

Monsieur, Vous avez raison de le penser, j’adhère complètement à l’éloquente et irréfutable lettre que vous a adressée Louis Blanc. Je n’ai rien à y ajouter que ma signature. Louis Blanc est dans le vrai absolu et pose les réels principes de l’instruction laïque, aussi bien pour les femmes que pour les hommes.

Quant à moi, je vois clairement deux faits distincts, l’éducation et l’instruction. L’éducation, c’est la famille qui la donne ; l’instruction, c’est l’état qui la doit. L’en- fant veut être élevé par la famille et instruit par la patrie. Le père donne à l’enfant sa foi ou sa philosophie ; l’état donne à l’enfant l’enseignement positif.

De là, cette évidence que l’éducation peut être religieuse et que l’instruction doit être laïque. Le domaine de l’éducation, c’est la conscience ; le domaine de l’instruction, c’est la science. Plus tard, dans l’homme fait, ces deux lumières se complètent l’une par l’autre.

Votre fondation d’enseignement laïque pour les jeunes filles est une œuvre lo- gique et utile, et je vous applaudis.

Paris, 2 juin 1872.

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