Actes et paroles – Depuis l’exil de Victor Hugo

V LES CHATIMENTS
L’édition parisienne des Châtiments parut le 20 octobre. Paris était bloqué de- puis plus d’un mois. Le livre fut donc, à cette époque, enfermé dans Paris comme le peuple même. Les Châtiments furent mêlés à ce siége mémorable, et firent leur devoir dans Paris pendant l’invasion, comme ils l’avaient fait hors de France pen- dant l’empire.

Paris, 22 octobre 1870. Monsieur le directeur du Siècle ,
Les Châtiments n’ont jamais rien rapporté à leur auteur, et il est loin de s’en plaindre. Aujourd’hui, cependant, la vente des cinq mille premiers exemplaires de l’édition parisienne produit un bénéfice de cinq cents francs. Je demande la permission d’offrir ces cinq cents francs à la souscription pour les canons.

Recevez l’assurance de ma cordialité fraternelle. VICTOR HUGO.
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LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES A VICTOR HUGO
Paris, 29 octobre 1870. Cher et honoré président,
La Société des gens de lettres veut offrir un canon à la défense nationale.

Elle a eu l’idée de faire dire par les premiers artistes de Paris quelques-unes des pièces de ce livre proscrit qui rentre en France avec la république, les Châtiments.

Fière de vous qui l’honorez, elle serait heureuse de devoir à votre bienveillante confraternité le produit d’une matinée tout entière offerte à la patrie, et elle vous demande de nous laisser appeler ce canon le Victor Hugo .

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RÉPONSE DE VICTOR HUGO

Paris, 30 octobre 1870.

Mes honorables et chers confrères,

Je vous félicite de votre patriotique initiative. Vous voulez bien vous servir de moi. Je vous remercie.

Prenez les Châtiments , et, pour la défense de Paris, vous et ces généreux ar- tistes, vos auxiliaires, usez-en comme vous voudrez.

Ajoutons, si nous le pouvons, un canon de plus à la protection de cette ville auguste et inviolable, qui est comme une patrie dans la patrie.

Chers confrères, écoutez une prière. Ne donnez pas mon nom à ce canon. Donnez- lui le nom de l’intrépide petite ville qui, à cette heure, partage l’admiration de l’Europe avec Strasbourg, qui est vaincue, et Paris, qui vaincra.

Que ce canon se dresse sur nos murs. Une ville ouverte a été assassinée ; une cité sans défense a été mise à sac par une armée devenue en plein dix-neuvième siècle une horde ; un groupe de maisons paisibles a été changé en un monceau de ruines. Des familles ont été massacrées dans leur foyer. L’extermination sau- vage n’a épargné ni le sexe ni l’âge. Des populations désarmées, n’ayant d’autre ressource que le suprême héroïsme du désespoir, ont subi le bombardement, la mitraille, le pillage et l’incendie ; que ce canon les venge ! Que ce canon venge les mères, les orphelins, les veuves ; qu’il venge les fils qui n’ont plus de pères et les pères qui n’ont plus de fils ; qu’il venge la civilisation ; qu’il venge l’honneur uni- versel ; qu’il venge la conscience humaine insultée par cette guerre abominable où la barbarie balbutie des sophismes ! Que ce canon soit implacable, fulgurant et terrible ; et, quand les prussiens l’entendront gronder, s’ils lui demandent : Qui es-tu ? qu’il réponde : Je suis le coup de foudre ! et je m’appelle Châteaudun !

VICTOR HUGO.

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AUDITION DES Châtiments

AU THÉÂTRE DE LA PORTE-SAINT-MARTIN.

5 novembre.

Le comité de la Société des gens de lettres fait imprimer et distribuer l’annonce suivante :

« La Société des gens de lettres a voulu, elle aussi, donner son canon à la défense nationale, et elle doit consacrer à cette œuvre le produit d’une Matinée littéraire , dont son président honoraire, M. Victor Hugo, s’est empressé de fournir les éléments.

« L’audition aura lieu mardi prochain, à deux heures précises, au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Plusieurs pièces des Châtiments y seront dites par l’élite des artistes de Paris. »

PROGRAMME PREMIÈRE PARTIE
Notre Souscription M. JULES CLARETIE. Les Volontaires de l’An II M. TAILLADE. A ceux qui dorment Mlle DUGUÉRET. Hymne des Transportés M. LAFONTAINE. La Caravane Mlle LIA FÉLIX. Souvenir de la nuit du 4 M. FRÉDÉRICK-LEMAITRE.

DEUXIÈME PARTIE

L’Expiation M. BERTON. Stella Mlle FAVART. Chansons M. COQUELIN. Joyeuse Vie Mme MARIE-LAURENT. Patria , musique de BEETHOVEN Mme GUEYMARD- LAUTERS.

« A la demande de la Société des gens de lettres, M. Raphaël-Félix a donné gratuitement la salle ; tous les artistes dramatiques, ainsi que M. Pasdeloup et son orchestre, ont tenu à honneur de prêter également un concours désintéressé à cette solennité patriotique. »

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