Agatha Christie La troisième fille

— Sept étages… C’est haut.

— La mort a été instantanée. Je suis heureux de pouvoir l’affirmer. Bien sûr, il peut s’agir d’un accident.

Poirot hocha la tête.

— Vous ne pouvez penser cela sérieusement, Mr McFarlane. Cette mort a été sûrement volontaire.

— Ma foi, on préfère toujours suggérer une possibilité plus simple. Je crains que Mrs Charpentier n’ait pas été une femme heureuse.

— Merci de votre compréhension. Je pourrai, grâce à vous, donner à sa famille en France, un tableau très clair de ce qui s’est passé.

Par contre, en ce qui le concernait, Poirot ne trouvait pas la situation tellement claire. Jusqu’ici, rien ne justifiait sa théorie voulant que la mort de Louise Charpentier ait été un événement important. Il répéta ce prénom : Louise… qui lui rappelait quelque chose, mais quoi ?

CHAPITRE XVII

Le chef-inspecteur Neele, assis derrière son bureau, l’air important et compassé, salua poliment Poirot et lui indiqua un siège. Dès que le jeune homme qui venait d’introduire le visiteur se fut retiré, l’attitude du policier changea.

— Alors, que cherchez-vous à présent, vieux fouineur ?

— Vous le savez déjà.

— J’ai, en effet, rassemblé quelques faits mais je ne crois pas qu’il y ait grand-chose pour vous dans ce trou-là.

— Pourquoi dites-vous un trou ?

— Parce que vous ressemblez exactement à un chat assis près d’un trou et guettant la sortie de la souris. Mais, si vous voulez mon avis, le trou est vide. Josuha Restarick jouissait d’une excellente réputation. Affaire de famille… jusqu’ici tout du moins, car Simon Restarick ne laisse pas d’héritier et Andrew n’a qu’une fille. Il existait aussi une vieille tante du côté de la mère, chez laquelle la fille d’Andrew vécut à sa sortie de l’école, après la mort de sa mère. Cette tante est décédée, il y a environ six mois. Légèrement timbrée, je crois… Elle appartenait à plusieurs sectes religieuses assez particulières mais pas dangereuses. Simon Restarick était le genre de businessman ordinaire. Sa femme le secondait sur le plan social. Ils s’étaient mariés assez tard.

— Et Andrew ?

— Andrew semble avoir souffert de la manie des voyages, il n’est jamais resté longtemps au même endroit, errant à travers l’Afrique du Sud, l’Amérique du Sud, le Kenya et autres pays. Son frère le pressa plusieurs fois de revenir au pays, mais il ne voulut jamais rien entendre. Il n’aimait ni Londres ni les affaires. Je ne sais ce qui l’a poussé à revenir en Angleterre après la mort de son frère, probablement sa nouvelle épouse qui est une très jolie femme de beaucoup sa cadette. Pour le moment ils logent chez le vieux Sir Roderick Horsefield dont le frère avait épousé la tante d’Andrew Restarick.

— Y a-t-il la moindre trace de démence d’un côté ou de l’autre de la famille ?

— Je ne pense pas, à part la tante et ses religions fantaisistes.

— En somme, tout ce que vous pouvez m’assurer c’est qu’il y a beaucoup d’argent dans la famille.

— Beaucoup d’argent d’origine très respectable. Remarquez qu’une grande partie de cet argent a été apporté par Andrew Restarick.

— Qui en héritera ?

— Cela dépend des dispositions que prendra Andrew. À mon avis, sa femme ou sa fille.

— Ainsi, toutes deux sont appelées un jour à hériter d’une très grosse fortune ?

— Assurément.

— Il n’y aurait pas, par exemple, une autre femme à laquelle Andrew s’intéresserait ?

— Nous n’avons rien découvert de ce côté.

— Un jeune homme un peu malin – remarqua pensivement Poirot – pourrait facilement découvrir tout cela.

— Et épouser la fille ? Rien ne l’en empêcherait. Bien sûr, son père pourrait décider de la déshériter.

Poirot consulta une liste méticuleusement dressée qu’il tenait à la main.

— Parlez-moi de la Wedderburn Gallery.

— Une affaire assez déplaisante s’y est produite. Ils ont vendu à un millionnaire du Texas venu ici spécialement pour acheter des toiles, un Renoir et un Van Gogh. On s’est posé des questions sur l’authenticité du Renoir, bien qu’on ait eu aucune raison de douter de la sincérité de la Wedderburn Gallery. Il y eut un procès et de nombreux experts donnèrent leur avis. En fin de compte, comme il arrive bien souvent, ils se contredirent tous et la Gallery offrit de racheter le tableau en question. Mais le millionnaire refusa car le plus grand expert à la mode lui avait affirmé que l’œuvre était bien l’original. Il repartit avec son tableau mais depuis, une légère suspicion plane sur la galerie d’art.

Poirot jeta un coup d’œil à ses notes.

— Avez-vous découvert quelque chose sur Mr David Baker ?

— Il fait partie de la bande habituelle. Une canaille… Vit du trafic de la cocaïne, de l’héroïne… Les filles le plaignent, estimant que la vie lui est trop dure alors qu’il possède du génie. Sa peinture n’est pas appréciée. Rien d’autre que la bonne vieille rengaine habituelle.

— Passons à Mr Reece-Holland, député.

— Sur le plan politique, il réussit assez bien. Une ou deux affaires douteuses dans la Cité, mais dont il se tira sans dommage. Un fin matois, à mon avis.

Poirot en vint à son dernier point.

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