C’était ainsi…

Chapitre 14

 

Le bruit courait, – et les bonnes genscraignaient bien que ce ne fût vrai : Fikandouss, suicidé,mort en état de péché mortel, allait être enterré, avec lesréprouvés, dans le coin du cimetière qu’on appelait le « trouaux chiens ».

Heureusement, il n’en fut rien. On racontaensuite que M. le curé, seul au grenier en présence ducadavre, y avait encore surpris un atome de vie et avait pu luidonner l’absolution. Pierken eut un ricanement de mépris devant uneaussi flagrante imposture ; mais, tout de même, Fikandouss futenseveli comme un bon chrétien, en terre consacrée.

Tous les ouvriers de la fabrique assistèrentaux obsèques. M. de Beule et M. Triphon semontrèrent un instant à l’église et, le cierge à la main, firent letour du catafalque. Sidonie était également présente.

Elle se tenait discrètement derrière unpilier, non loin des autres ouvrières. Dans un coin se trouvaientJustin-la-Craque et Komèl. Le service fut rapidement bâclé. Lacloche se dépêcha de sonner le glas ; et les porteurs,Pierken, Léo, Free, Berzeel s’avancèrent lentement avec la bièredevant la tombe, où déjà attendaient le curé et ses acolytes, avecla croix et les bannières.

En un petit groupe serré, les camaradesentouraient la fosse. Ils étaient pâles et, dans leurs habits dudimanche, ils paraissaient plus hâves, plus minables que dans leurtenue de travail. Le cercueil était recouvert d’un drap de veloursnoir avec une grande croix jaune. Ce drap décoloré avait pris unton roussâtre qui semblait la nuance assortie à la mort despauvres. Le sacristain l’enleva et apparut le simple bois blanc. Leprêtre psalmodiait ; les gens s’agenouillèrent. Lentement,avec un son creux sur les cordes, le cercueil descendait. Leshommes regardaient fixement, la face contractée. On aurait ditqu’ils se voyaient eux-mêmes descendre dans la fosse. Dans les yeuxvitreux de Justin il y avait des larmes. Komèl avait l’air demâchonner quelque chose. Les sœurs du défunt et quelques-unes desouvrières pleuraient doucement, la tête cachée sous le lourdcapuchon de leur longue mante noire. M. le curé aspergea d’eaubénite les fidèles agenouillés et rentra dans l’église avec sesaides. En chocs sourds les premières mottes de terre tombèrent surles planches sonores. On eût dit de brefs coups de tambour voilés.Ou des pilons qui s’enfoncent. Très vite le bois fut recouvert enentier. Il ne restait plus qu’un tout petit coin qui s’obstinait àapparaître, comme un bout de papier blanc qu’on aurait jeté là.

Alors, les camarades partirent…. C’était unedouce et radieuse matinée de septembre, avec des parfums dansl’air. Les maisons du village reluisaient et riaient, comme lavéeset repeintes à neuf au tiède soleil. Le coq de cuivre au haut duclocher semblait d’or. Tout doucement, les derniers oiseaux del’été chantaient….

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