La Burlesque Équipée du cycliste

Chapitre 8OMISSIONS

Je ne détaillerai pas le reste des faits et gestes de M.Hoopdriver à Guildford, dans ce grand jour d’inauguration de soncongé annuel. On ne trouvera pas mention ici de ses évolutions parla vieille ville, au crépuscule, ni de son ascension au « dos duCochon » pour voir s’allumer presque ensemble, les uns au-dessous,les autres au-dessus, les petits réverbères et les petitesétoiles ; de son retour, ensuite, à l’hôtel et café duMarteau Jaune ; de la façon dont il soupa bravementdans la grande salle, et se joignit à la conversation générale surla direction des ballons et sur les possibilités futures del’électricité, attestant que la direction des ballons « finiraitsans faute par être trouvée », et que l’électricité étaitdécidément une chose « merveilleuse, merveilleuse » ; de lafaçon dont il suivit la partie de billard, conseillant plusieursfois : « bille en tête » ou « par la bande », d’un tonoraculaire ; et de la façon dont il se sentit des envies debâiller, et de la façon dont cependant il ouvrit sa carte routière,et l’étudia attentivement. Je ne vous dirai pas non plus, par lemenu, comment il alla s’installer dans le salon et marqua d’unpetit trait, tracé avec la plus rouge des encres rouges, la routede Londres à Guildford, ni comment il inscrivit sur le feuillet deson carnet les heures de départ et d’arrivée, la distance parcourueet la vitesse moyenne à l’heure.

Non, je vais passer par-dessus tout cela. Mais un moment vint oùles envies de bâiller furent si fortes que, bien à regret vraiment,il dut se résigner à clore cette grande et splendide journée.Hélas ! Pourquoi faut-il que les journées prennent fin ?À une amicale petite femme de chambre, dans le vestibule, ildemanda sa bougie, monta l’escalier, et pénétra dans sa chambre,retraite intime où un romancier discret, et qui, en outre, se piqued’écrire pour le cercle familial, ne se permettra point de lesuivre. Du moins dois-je encore vous dire qu’il s’agenouilla aupied de son lit, heureux et somnolent, et qu’il récita sa prièretout à fait avec les mêmes abréviations et intonations qu’il avaitapprises de sa mère vingt ans auparavant.

Mais à présent que sa respiration est devenue profonde etrégulière, nous pouvons bien nous glisser un moment dans sa chambreet le surprendre à ses rêves. Il est couché sur le côté gauche, lebras sous l’oreiller. Malheureusement la pièce est noire, et sonvisage est tout caché sous les draps. C’est dommage : car si vousaviez pu entrevoir ce visage, certainement vous vous seriez aperçu,en dépit de la moustache si précieuse aux rares poils ébouriffés,en dépit même des paroles un peu malsonnantes sorties, naguère, dedessous cette moustache, que l’homme étendu devant vous n’était,après tout, qu’un petit enfant endormi.

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