La Dame de Monsoreau – Tome II

Chapitre 18Étymologie de la rue de la Jussienne.

Remy prit son malade par-dessous le bras,tourna à gauche, prit la rue Coquillère et la suivit jusqu’aurempart.

– C’est étrange, dit Bussy, tu me conduisdu côté des marais de la Grange-Batelière, et tu prétends que cequartier est sain ?

– Oh ! monsieur ! dit Remy, unpeu de patience, nous allons tourner autour de la rue Pagevin, nousallons laisser à droite la rue Breneuse, et nous allons rentrerdans la rue Montmartre ; vous verrez la belle rue que la rueMontmartre !

– Crois-tu donc que je ne la connaispas ?

– Eh bien ! alors, si vous laconnaissez, tant mieux ! je n’aurai pas besoin de perdre dutemps à vous en faire voir les beautés, et je vous conduirai toutde suite dans une petite jolie rue. Venez toujours, je ne vous disque cela.

Et, en effet, après avoir laissé la porteMontmartre à gauche et avoir fait deux cents pas, à peu près, dansla rue, Remy tourna à droite.

– Ah çà ! mais tu le fais exprès,s’écria Bussy ; nous retournons d’où nous venons.

– Ceci, dit Remy, est la rue de laGypecienne, ou de l’Égyptienne, comme vous voudrez, rue que lepeuple commence déjà à nommer la rue de la Gyssienne, et qu’ilfinira par appeler, avant peu, la rue de la Jussienne, parce quec’est plus doux, et que le génie des langues tend toujours, àmesure qu’on s’avance vers le Midi, à multiplier les voyelles. Vousdevez savoir cela, vous, monseigneur, qui avez été enPologne ; les coquins n’en sont-ils pas encore à leurs quatreconsonnes de suite, ce qui fait qu’ils ont l’air, en parlant, debroyer de petits cailloux et de jurer en les broyant ?

– C’est très juste, dit Bussy ; maiscomme je ne crois pas que nous soyons venus ici pour faire un coursde philologie voyons, dis-moi où allons-nous ?

– Voyez-vous cette petite église ?dit Remy sans répondre autrement à ce que lui disait Bussy.Hein ! monseigneur ! comme elle est fièrement campée,avec sa façade sur la rue et son abside sur le jardin de lacommunauté ! Je parie que vous ne l’avez, jusqu’à ce jour,jamais remarquée ?

– En effet, dit Bussy, je ne laconnaissais pas.

Et Bussy n’était pas le seul seigneur qui nefût jamais entré dans cette église de Sainte-Marie-L’Égyptienne,église toute populaire, et qui était connue aussi des fidèles quila fréquentaient sous le nom de chapelle Quoqhéron.

– Eh bien ! dit Remy, maintenant quevous savez comment s’appelle cette église, monseigneur, et que vousen avez suffisamment examiné l’extérieur, entrons-y, et vous verrezles vitraux de la nef : ils sont curieux.

Bussy regarda le Haudoin, et il vit sur levisage du jeune homme un si doux sourire, qu’il comprit que lejeune docteur avait, en le faisant entrer dans l’église, un autrebut que celui de lui faire voir des vitraux qu’on ne pouvait voir,attendu qu’il faisait nuit.

Mais il y avait autre chose encore que l’onpouvait voir, car l’intérieur de l’église était éclairé pourl’office du Salut : c’était ces naïves peintures du seizièmesiècle, comme l’Italie, grâce à son beau climat, en garde encorebeaucoup, tandis que, chez nous, l’humidité d’un côté, et levandalisme de l’autre, ont effacé, à qui mieux mieux, sur nosmurailles, ces traditions d’un âge écoulé, et ces preuves d’une foiqui n’est plus.

En effet, le peintre avait peint à fresque,pour François Ier et par les ordres de ce roi, la vie de sainteMarie l’Égyptienne ; or, au nombre des sujets les plusintéressants de cette vie, l’artiste imagier, naïf et grand ami dela vérité, sinon anatomique, du moins historique, avait, dansl’endroit le plus apparent de la chapelle, placé ce momentdifficile où, sainte Marie, n’ayant point d’argent pour payer lebatelier, s’offre elle-même comme salaire de son passage.

Maintenant, il est juste de dire que, malgréla vénération des fidèles pour Marie l’Égyptienne convertie,beaucoup d’honnêtes femmes du quartier trouvaient que le peintreaurait pu mettre ailleurs ce sujet, ou tout au moins le traiterd’une façon moins naïve, et la raison qu’elles donnaient, ou plutôtqu’elles ne donnaient point, était que certains détails de lafresque détournaient trop souvent la vue des jeunes courtauds deboutique que les drapiers, leurs patrons, amenaient à l’église lesdimanches et fêtes.

Bussy regarda le Baudoin, qui, devenu courtaudpour un instant, donnait une grande attention à cette peinture.

– As-tu la prétention, lui dit-il, defaire naître en moi des idées anacréontiques, avec ta chapelle deSainte-Marie-l’Égyptienne ? S’il en est ainsi, tu t’es trompéd’espèce. Il faut amener ici des moines et des écoliers.

– Dieu m’en garde, dit le Haudoin :Omnis cogitatio libidinosa cerebrum inficit.

– Eh bien, alors ?

– Dame ! écoutez donc, on ne peutcependant pas se crever les yeux quand on entre ici.

– Voyons, tu avais un autre but, enm’amenant ici, n’est-ce pas, que de me faire voir les genoux desainte Marie l’Égyptienne ?

– Ma foi, non, dit Remy.

– Alors, j’ai vu, partons.

– Patience ! voici que l’offices’achève. En sortant maintenant nous dérangerions les fidèles.

Et le Haudoin retint doucement Bussy par lebras.

– Ah ! voilà que chacun se retire,dit Remy. faisons comme les autres, s’il vous plaît.

Bussy se dirigea vers la porte avec uneindifférence et une distraction visibles.

– Eh bien, dit le Haudoin, voilà que vousallez sortir sans prendre de l’eau bénite. Où diable avez-vous doncla tête ?

Bussy, obéissant comme un enfant, s’acheminavers la colonne dans laquelle était incrusté le bénitier.

Le Haudoin profita de ce mouvement pour faireun signe d’intelligence à une femme qui, sur le signe du jeunedocteur, s’achemina de son côté vers la même colonne où tendaitBussy.

Aussi, au moment où le comte portait la mainvers le bénitier en forme de coquille, que soutenaient deuxÉgyptiens en marbre noir, une main un peu grosse et un peu rouge,qui cependant était une main de femme, s’allongea vers la sienne ethumecta ses doigts de l’eau lustrale.

Bussy ne put s’empêcher de porter ses yeux dela main grosse et rouge au visage de la femme ; mais, àl’instant même, il recula d’un pas et pâlit subitement, car ilvenait de reconnaître, dans la propriétaire de cette main,Gertrude, à moitié cachée sous un voile de laine noir.

Il resta le bras étendu, sans songer à fairele signe de la croix, tandis que Gertrude passait en le saluant etprofilait sa haute taille sous le porche de la petite église.

À deux pas derrière Gertrude, dont les coudesrobustes faisaient faire place, venait une femme soigneusementenveloppée dans un mantelet de soie, une femme dont les formesélégantes et jeunes, dont le pied charmant, dont la tailledélicate, firent songer à Bussy qu’il n’y avait au monde qu’unetaille, qu’un pied, qu’une forme semblables.

Remy n’eut rien à lui dire, il le regardaseulement ; Bussy comprenait maintenant pourquoi le jeunehomme l’avait amené rue Sainte-Marie-l’Égyptienne et l’avait faitentrer dans l’église.

Bussy suivit cette femme, le Haudoin suivitBussy.

C’eût été une chose amusante que cetteprocession de quatre figures se suivant d’un pas égal, si latristesse et la pâleur de deux d’entre elles n’eussent pas déceléde cruelles souffrances.

Gertrude, toujours marchant la première,tourna l’angle de la rue Montmartre, fit quelques pas en suivantcette rue, puis tout à coup se jeta à droite dans une impasse surlaquelle s’ouvrait une porte.

Bussy hésita.

– Eh bien, monsieur le comte, demandaRemy, vous voulez donc que je vous marche sur les talons ?

Bussy continua sa route.

Gertrude, qui marchait toujours la première,tira une clef de sa poche, et fit entrer sa maîtresse, qui passadevant elle sans retourner la tête.

Le Haudoin dit deux mots à la camériste,s’effaça et laissa passer Bussy ; puis Gertrude et luientrèrent de front, refermèrent la porte, et l’impasse se retrouvadéserte.

Il était sept heures et demie du soir, onallait atteindre les premiers jours de mai ; à l’air tiède quiindiquait les premières haleines du printemps, les feuillescommençaient à se développer au sein de leurs enveloppescrevassées.

Bussy regarda autour de lui : il setrouvait dans un petit jardin de cinquante pieds carrés, entouré demurs très hauts, sur le sommet desquels la vigne vierge et lelierre, élançant leurs pousses nouvelles, faisaient ébouler, detemps à autre, quelques petites parcelles de plâtre, et jetaient àla brise ce parfum âcre et vigoureux que le frais du soir arrache àleurs feuilles.

De longues ravenelles, joyeusement élancéeshors des crevasses du vieux mur de l’église, épanouissaient leursboutons rouges comme un cuivre sans alliage.

Enfin, les premiers lilas, éclos au soleil dela matinée, venaient, de leurs suaves émanations, ébranler lecerveau encore vacillant du jeune homme, qui se demandait si tantde parfums, de chaleur et de vie ne lui venaient pas à lui, siseul, si faible, si abandonné il y avait une heure à peine, ne luivenaient pas uniquement de la présence d’une femme si tendrementaimée.

Sous un berceau de jasmin et de clématite, surun petit banc de bois adossé au mur de l’église, Diane s’étaitassise, le front penché, les mains inertes et tombant à ses côtés,et l’on voyait s’effeuiller, froissée entre ses doigts, unegiroflée qu’elle brisait sans s’en douter et dont elle éparpillaitles fleurs sur le sable.

À ce moment, un rossignol, caché dans unmarronnier voisin, commença sa longue et mélancolique chanson,brodée de temps en temps de notes éclatantes comme des fusées.

Bussy était seul dans ce jardin avec madame deMonsoreau, car Remy et Gertrude se tenaient à distance : ils’approcha d’elle ; Diane leva la tête.

– Monsieur le comte, dit-elle d’une voixtimide, tout détour serait indigne de nous : si vous m’aveztrouvée tout à l’heure à l’église Sainte-Marie-l’Égyptienne, cen’est point le hasard qui vous y a conduit.

– Non, madame, dit Bussy, c’est leHaudoin qui m’a fait sortir sans me dire dans quel but, et je vousjure que j’ignorais….

– Vous vous trompez au sens de mesparoles, monsieur, dit tristement Diane. Oui, je sais bien quec’est M. Remy qui vous a conduit à l’église, et de forcepeut-être ?

– Madame, dit Bussy, ce n’est point deforce… Je ne savais pas que j’y devais voir….

– Voilà une dure parole, monsieur lecomte, murmura Diane en secouant la tête et en levant sur Bussy unregard humide. Avez-vous l’intention de me faire comprendre que, sivous eussiez connu le secret de Remy, vous ne l’eussiez pointaccompagné ?

– Oh ! madame !

– C’est naturel, c’est juste, monsieur,vous m’avez rendu un service signalé, et je ne vous ai point encoreremercié de votre courtoisie. Pardonnez-moi, et agréez toutes mesactions de grâces.

– Madame….

Bussy s’arrêta ; il était tellementétourdi, qu’il n’avait à son service ni paroles ni idées.

– Mais j’ai voulu vous prouver, moi,continua Diane en s’animant, que je ne suis pas une femme ingrateni un cœur sans mémoire. C’est moi qui ai prié M. Remy de meprocurer l’honneur de votre entretien ; c’est moi qui aiindiqué ce rendez-vous : pardonnez-moi si je vous aidéplu.

Bussy appuya une main sur son cœur.

– Oh ! madame, dit-il, vous ne lepensez pas.

Les idées commençaient à revenir à ce pauvrecœur brisé, et il lui semblait que cette douce brise du soir quilui apportait de si doux parfums et de si tendres paroles luienlevait en même temps un nuage de dessus les yeux.

– Je sais, continua Diane, qui était laplus forte, parce que depuis longtemps elle était préparée à cetteentrevue, je sais combien vous avez eu de mal à faire macommission. Je connais toute votre délicatesse. Je vous connais etvous apprécie, croyez-le bien. Jugez donc ce que j’ai dû souffrir àl’idée que vous méconnaîtriez les sentiments de mon cœur.

– Madame, dit Bussy, depuis trois joursje suis malade.

– Oui, je le sais, répondit Diane avecune rougeur qui trahissait tout l’intérêt qu’elle prenait à cettemaladie, et je souffrais plus que vous, car M. Remy, – il metrompait sans doute, – M. Remy me laissait croire….

– Que votre oubli causait ma souffrance.Oh ! c’est vrai.

– Donc, j’ai dû faire ce que je fais,comte, reprit madame de Monsoreau. Je vous vois, je vous remerciede vos soins obligeants, et vous en jure une reconnaissanceéternelle…. Maintenant croyez que je parle du fond du cœur.

Bussy secoua tristement la tête et ne réponditpas.

– Doutez-vous de mes paroles ?reprit Diane.

– Madame, répondit Bussy, les gens quiont de l’amitié pour quelqu’un témoignent cette amitié comme ilspeuvent : vous me saviez au palais le soir de votreprésentation à la cour ; vous me saviez devant vous, vousdeviez sentir mon regard peser sur toute votre personne, et vousn’avez pas seulement levé les yeux sur moi ; vous ne m’avezpas fait comprendre, par un mot, par un geste, par un signe, quevous saviez que j’étais là ; après cela, j’ai tort,madame ; peut-être ne m’avez-vous pas reconnu, vous ne m’aviezvu que deux fois.

Diane répondit par un regard de si tristereproche, que Bussy en fut remué jusqu’au fond des entrailles.

– Pardon, madame, pardon, dit-il ;vous n’êtes point une femme comme toutes les autres, et cependantvous agissez comme les femmes vulgaires ; cemariage ?

– Ne savez-vous pas comment j’ai étéforcée à le conclure ?

– Oui, mais il était facile à rompre.

– Impossible, au contraire.

– Mais rien ne vous avertissait donc que,près de vous, veillait un homme dévoué ?

Diane baissa les yeux.

– C’était cela surtout qui me faisaitpeur, dit-elle.

– Et voilà à quelles considérations vousm’avez sacrifié. Oh ! songez à ce que m’est la vie depuis quevous appartenez à un autre.

– Monsieur, dit la comtesse avec dignité,une femme ne change point de nom sans qu’il n’en résulte un granddommage pour son honneur, lorsque deux hommes vivent, qui portent,l’un le nom qu’elle a quitté, l’autre le nom qu’elle a pris.

– Toujours est-il que vous avez gardé lenom de Monsoreau par préférence.

– Le croyez-vous ? balbutia Diane.Tant mieux !

Et ses yeux se remplirent de larmes.

Bussy, qui la vit laisser retomber sa tête sursa poitrine, marcha avec agitation devant elle.

– Enfin, dit Bussy, me voilà redevenu ceque j’étais, madame, c’est-à-dire un étranger pour vous.

– Hélas ! fit Diane.

– Votre silence le dit assez.

– Je ne puis parler que par monsilence.

– Votre silence, madame, est la suite devotre accueil du Louvre. Au Louvre, vous ne me voyiez pas ;ici vous ne me parlez pas.

– Au Louvre, j’étais en présence deM. de Monsoreau. M. de Monsoreau me regardait,et il est jaloux.

– Jaloux ! Eh ! que lui faut-ildonc, mon Dieu ! quel bonheur peut-il envier, quand tout lemonde envie son bonheur ?

– Je vous dis qu’il est jaloux,monsieur ; depuis quelques jours il a vu rôder quelqu’unautour de notre nouvelle demeure.

– Vous avez donc quitté la petite maisonde la rue Saint-Antoine ?

– Comment ! s’écria Diane emportéepar un mouvement irréfléchi, cet homme, ce n’était donc pasvous ?

– Madame, depuis que votre mariage a étéannoncé publiquement, depuis que vous avez été présentée, depuiscette soirée du Louvre, enfin, où vous n’avez pas daigné meregarder, je suis couché ; la fièvre me dévore, je memeurs ; vous voyez que votre mari ne saurait être jaloux demoi, du moins, puisque ce n’est pas moi qu’il a pu voir autour devotre maison.

– Eh bien, monsieur le comte, s’il estvrai, comme vous me l’avez dit, que vous eussiez quelque désir deme revoir, remerciez cet homme inconnu ; car, connaissantM. de Monsoreau comme je le connais, cet homme m’a faittrembler pour vous, et j’ai voulu vous voir pour vous dire :«Ne vous exposez pas ainsi, monsieur le comte, ne me rendez pasplus malheureuse que je ne le suis.»

– Rassurez-vous, madame ; je vous lerépète, ce n’était pas moi.

– Maintenant, laissez-moi achever tout ceque j’avais à vous dire. Dans la crainte de cet homme, que nous neconnaissons pas, mais que M. de Monsoreau connaîtpeut-être, dans la crainte de cet homme, il exige que je quitteParis ; de sorte que, ajouta Diane en tendant la main à Bussy,de sorte que, monsieur le comte, vous pouvez regarder cet entretiencomme le dernier… Demain je pars pour Méridor.

– Vous partez, madame ! s’écriaBussy.

– Il n’est que ce moyen de rassurerM. de Monsoreau, dit Diane ; il n’est que ce moyende retrouver ma tranquillité. D’ailleurs, de mon côté, je détesteParis ; je déteste le monde, la cour, le Louvre. Je suisheureuse de m’isoler avec mes souvenirs de jeune fille ; il mesemble qu’en repassant par le sentier de mes jeunes années, un peude mon bonheur d’autrefois retombera sur ma tête comme une doucerosée. Mon père m’accompagne. Je vais retrouver là-bas M. etmadame de Saint-Luc, qui regrettent de ne pas m’avoir près d’eux.Adieu, monsieur de Bussy.

Bussy cacha son visage entre ses deuxmains.

– Allons, murmura-t-il, tout est finipour moi.

– Que dites-vous là ? s’écria Dianeen se levant.

– Je dis, madame, que cet homme qui vousexile, que cet homme qui m’enlève le seul espoir qui me restait,c’est-à-dire celui de respirer le même air que vous, de vousentrevoir derrière une jalousie, de toucher votre robe en passant,d’adorer enfin un être vivant et non pas une ombre, je dis, je disque cet homme est mon ennemi mortel, et que, dussé-je y périr, jedétruirai cet homme de mes mains.

– Oh ! monsieur le comte !

– Le misérable ! s’écriaBussy ; comment ! ce n’est point assez pour lui de vousavoir pour femme, vous, la plus belle et la plus chaste descréatures ; il est encore jaloux ! Jaloux ! monstreridicule et dévorant : il absorberait le monde.

– Oh ! calmez-vous, comte,calmez-vous, mon Dieu !… il est excusable, peut-être.

– Il est excusable ! c’est vous quile défendez, madame !

– Oh ! si vous saviez ! ditDiane en couvrant son visage de ses deux mains, comme si elle eûtcraint que, malgré l’obscurité, Bussy n’en distinguât larougeur.

– Si je savais ? répéta Bussy.Eh ! madame, je sais une chose, c’est qu’on a tort de penserau reste du monde quand on est votre mari.

– Mais, dit Diane d’une voix entrecoupée,sourde, ardente ; mais, si vous vous trompiez, monsieur lecomte, s’il ne l’était pas !

Et la jeune femme, à ces paroles, effleurantde sa main froide les mains brûlantes de Bussy, se leva ets’enfuit, légère comme une ombre, dans les détours sombres du petitjardin, saisit le bras de Gertrude et disparut en l’entraînant,avant que Bussy, ivre, insensé, radieux, eût seulement essayéd’étendre les bras pour la retenir.

Il poussa un cri, et se leva chancelant.

Remy arriva juste pour le retenir dans sesbras et le faire asseoir sur le banc que Diane venait dequitter.

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