L’AVEUGLEMENT de José Saramago

Il était presque six heures du soir quand le téléphone sonna pour la dernière fois. Le médecin était assis à proximité, il souleva le combiné, Oui, Oui, c’est moi, dit-il, il écouta attentivement ce que son correspondant lui disait et se borna à faire un léger signe de tête avant de raccrocher. Qui était-ce, lui demanda sa femme, Le ministère, une ambulance viendra me chercher dans une demi-heure, Tu t’attendais à ça, Oui, plus ou moins, Où vont-ils t’emmener, Je ne sais pas, à l’hôpital je suppose, Je vais te sortir une valise, te préparer du linge, un costume, Ce n’est pas un voyage, Nous ne savons pas ce que c’est. Elle le conduisit avec ménagement jusqu’à la chambre à coucher, le fit s’asseoir sur le lit, Reste tranquillement ici, je m’occupe de tout. Il l’entendit se déplacer d’un côté et de l’autre, ouvrir et fermer des tiroirs et des armoires, sortir des vêtements et les ranger aussitôt dans la valise posée par terre, mais il ne pouvait pas voir qu’en plus de ses vêtements à lui il y avait dans la valise plusieurs jupes et corsages, deux pantalons, une robe, des chaussures qui ne pouvaient être que de femme. Il pensa vaguement qu’il n’aurait pas besoin d’autant de vêtements mais il se tut, ce n’était pas le moment de parler de futilités. On entendit un claquement de serrures, puis la femme dit, Voilà, l’ambulance peut venir. Elle plaça la valise à côté de la porte qui donnait sur l’escalier, refusant l’aide de son mari qui disait, Laisse-moi t’aider, ça je peux le faire, je ne suis pas totalement invalide. Puis ils allèrent s’asseoir sur un canapé dans la salle de séjour et attendirent. Ils se tenaient par la main, l’homme dit, Je ne sais pas combien de temps nous serons séparés, et elle répondit, Ne te fais pas de mauvais sang.

Ils attendirent presque une heure. Quand la sonnette retentit, elle se leva pour aller ouvrir mais il n’y avait personne sur le palier. Elle se dirigea vers l’interphone et répondit, Très bien, il descend. Elle retourna auprès de son mari et lui dit, On t’attend en bas, ils ont reçu expressément l’ordre de ne pas monter, On dirait vraiment que le ministère a peur, Allons-y. Ils prirent l’ascenseur pour descendre, elle aida son mari à franchir les dernières marches et à entrer dans l’ambulance, puis elle revint vers l’escalier chercher la valise, la souleva toute seule et la poussa à l’intérieur. Elle monta enfin dans l’ambulance et s’assit à côté de son mari. Le chauffeur de l’ambulance protesta, Je peux seulement emmener le monsieur, ce sont les ordres que j’ai reçus, vous devez sortir, madame. La femme répondit calmement, Vous devez aussi m’emmener, je suis devenue aveugle à l’instant même.

4

L’idée était sortie de la cervelle du ministre lui-même. Quel que fût l’angle sous lequel on l’examinait, il s’agissait d’une bonne idée, sinon d’une idée parfaite, tant du point de vue des aspects purement sanitaires de la situation que de celui de ses conséquences sociales et de ses implications politiques. Aussi longtemps que les causes ne seraient pas éclaircies ou plutôt, pour employer un langage adéquat, l’étiologie du mal blanc, car c’est ainsi qu’avait été désignée la malsonnante cécité par un assesseur inspiré et débordant d’imagination, aussi longtemps qu’on ne lui aurait pas trouvé traitement et cure, et peut-être même un vaccin qui prévienne l’apparition de futurs cas, toutes les personnes devenues aveugles, ainsi que celles qui avaient été en contact physique ou en proximité directe avec elles, seraient rassemblées et isolées de façon à éviter d’ultérieures contagions, qui, si elles se produisaient, se multiplieraient plus ou moins selon ce qu’il est convenu d’appeler en mathématique une progression géométrique. Quod erat demonstrandum, conclut le ministre. En paroles à la portée de l’entendement de chacun, il s’agissait de mettre en quarantaine toutes ces personnes, selon l’ancienne pratique héritée des temps du choléra et de la fièvre jaune, à une époque où les bateaux contaminés ou simplement soupçonnés d’avoir été infectés devaient rester au large pendant quarante jours, En attendant la suite des événements. Ces mots mêmes, En attendant la suite des événements, intentionnels par le ton mais sibyllins en raison de leur imprécision, furent prononcés par le ministre, qui précisa sa pensée plus tard, Je voulais dire qu’il pourrait aussi bien s’agir de quarante jours que de quarante semaines, ou de quarante mois, ou de quarante ans, ce qu’il faut c’est que ces gens ne sortent pas de là, Il reste maintenant à décider où nous allons les parquer, monsieur le ministre, dit le président de la commission de logistique et de sécurité, créée en toute hâte et chargée du transport, de l’isolement et du ravitaillement des patients, De quelles possibilités disposons-nous dans l’immédiat, s’enquit le ministre, Nous disposons d’un asile d’aliénés vide et désaffecté en attendant qu’on lui trouve une autre destination, d’installations militaires qui ne servent plus à rien à la suite de la récente restructuration de l’armée, d’une foire industrielle dont l’aménagement est quasiment achevé et aussi, je n’ai pas réussi à me faire expliquer pourquoi, d’un hypermarché en liquidation, À votre avis, lequel de ces locaux conviendrait le mieux à nos besoins, La caserne offre les meilleures conditions de sécurité, Naturellement, Elle présente toutefois un inconvénient, elle est trop grande, la surveillance des internés serait difficile et dispendieuse, Je vois, Quant à l’hypermarché, il faudrait probablement s’attendre à divers empêchements d’ordre juridique, à des aspects légaux à prendre en considération, Et la foire, La foire, monsieur le ministre, je crois préférable de ne pas y songer, Pourquoi, L’industrie serait sûrement contre, des millions ont été investis dans cette foire, Dans ce cas, il reste l’asile d’aliénés, Oui, monsieur le ministre, l’asile d’aliénés, Eh bien, va pour l’asile, D’ailleurs il présente les meilleures conditions sous tous les rapports car, outre le fait qu’il est muré sur tout son pourtour, il a aussi l’avantage de se composer de deux ailes, une que nous destinerons aux aveugles proprement dits et l’autre aux suspects, en plus du corps de bâtiment qui servira pour ainsi dire de no man’s land, par où transiteront ceux qui sont devenus aveugles pour aller rejoindre ceux qui sont déjà aveugles, J’entrevois un problème, Lequel, monsieur le ministre, Nous allons être obligés d’y installer du personnel pour orienter les transferts or je ne crois pas que nous puissions compter sur des volontaires, Je ne pense pas que cela sera nécessaire, monsieur le ministre, Expliquez-vous, Au cas où l’une des personnes soupçonnées de contamination deviendrait aveugle, comme cela arrivera tôt ou tard naturellement, vous pouvez être sûr, monsieur le ministre, que les autres, ceux qui conserveront encore la vue, la flanqueront dehors sur-le-champ, Vous avez raison, Tout comme elles refuseront l’entrée à un aveugle qui s’aviserait de vouloir changer de local, Bien raisonné, Merci, monsieur le ministre, pouvons-nous donc mettre nos plans à exécution, Oui, vous avez carte blanche.

La commission agit avec promptitude et efficacité. Avant la tombée de la nuit, tous les aveugles dont on avait connaissance avaient été rassemblés, ainsi qu’un certain nombre de contaminés présumés, du moins ceux qu’il avait été possible d’identifier et de localiser en une opération éclair de ratissage menée principalement dans les milieux familiaux et professionnels des personnes atteintes de perte de la vue. Le médecin et sa femme furent les premiers à être transportés dans l’asile d’aliénés. Des soldats montaient la garde. Le portail fut ouvert juste assez pour les laisser passer et aussitôt refermé. Une grosse corde allait du portail à la porte principale du bâtiment et servait de main courante, Déplacez-vous un peu plus à droite, vous trouverez une corde, saisissez-la et avancez tout droit, toujours tout droit, jusqu’aux marches, il y en a six, avertit un sergent. À l’intérieur du bâtiment, la corde se divisait en deux, une partie bifurquait vers la gauche, l’autre vers la droite, le sergent avait crié, Attention, votre côté à vous est le droit. Tout en traînant la valise, la femme guidait son mari vers le dortoir qui se trouvait le plus près de l’entrée. Il était tout en longueur, comme une infirmerie du temps jadis, avec deux rangées de lits peints en gris mais dont la peinture avait commencé à s’écailler il y a longtemps. Les couvre-lits, les draps et les couvertures étaient de la même couleur grise. La femme conduisit son mari au fond du dortoir, le fit asseoir sur un des lits et lui dit, Ne sors pas d’ici, je vais aller voir de quoi tout ça a l’air. Il y avait d’autres dortoirs, de longs corridors étroits, des pièces qui avaient dû être des cabinets de médecins, des lieux d’aisances immondes, une cuisine qui n’avait pas encore perdu son odeur de mauvaise nourriture, un grand réfectoire avec des tables recouvertes de plaques de zinc, trois cellules matelassées jusqu’à une hauteur de deux mètres et tapissées de liège au-dessus. Derrière le bâtiment il y avait une clôture à l’abandon et des arbres mal soignés, dont les troncs semblaient avoir été écorchés. L’on voyait partout des débris. La femme du médecin entra à l’intérieur. Elle découvrit des camisoles de force dans une armoire à moitié ouverte. Quand elle rejoignit son mari, elle lui demanda, Imagines-tu où on nous a amenés, Non, elle allait ajouter, Dans un hospice de fous, mais il l’interrompit, Tu n’es pas aveugle, je ne puis consentir à ce que tu restes ici, Oui, tu as raison, je ne suis pas aveugle, Je vais demander qu’on te ramène à la maison, dire que tu les as trompés pour rester avec moi, Cela ne vaut pas la peine, d’ici ils ne peuvent pas t’entendre, et même s’ils t’entendaient ils ne t’écouteraient pas, Mais tu vois, Je vois pour l’instant, mais il est à peu près certain que je deviendrai aveugle moi aussi un de ces jours, ou dans une minute, Va-t’en, je t’en prie, N’insiste pas, d’ailleurs je parie que les soldats ne me laisseraient même pas mettre un pied sur les marches, Je ne peux pas te forcer, Non, mon amour, tu ne peux pas, je reste ici pour t’aider, et aussi les autres qui viendront, mais ne leur dis pas que je vois, Quels autres, Tu ne crois tout de même pas que nous serons les seuls, C’est de la folie, Forcément, nous sommes dans un hospice de fous.

Les autres aveugles arrivèrent tous ensemble. Ils avaient été ramassés chez eux, les uns après les autres, l’homme de l’automobile fut le premier de tous, le voleur qui l’avait volé, la jeune fille aux lunettes teintées, le petit garçon louchon, non, pas lui, lui on avait été le chercher à l’hôpital où sa mère l’avait emmené. Sa mère n’était pas avec lui, elle n’avait pas eu l’astuce de la femme du médecin, déclarer qu’elle était aveugle sans l’être, c’est une créature simple, incapable de mentir, fût-ce pour son bien. Ils entrèrent dans le dortoir en se bousculant et en palpant l’air, ici il n’y avait pas de corde pour les guider, ils devraient apprendre à leurs dépens, en souffrant, le garçon pleurait, réclamait sa mère, la jeune fille aux lunettes teintées s’efforçait de le tranquilliser, Elle va venir, elle va venir, disait-elle, et avec ses lunettes elle pouvait aussi bien être aveugle que ne pas l’être, les autres remuaient les yeux d’un côté et de l’autre et ne voyaient rien, tandis qu’elle, avec ses lunettes, juste parce qu’elle disait, Elle va venir, elle va venir, c’était comme si la mère désespérée était véritablement sur le point de surgir à la porte. La femme du médecin approcha la bouche de l’oreille de son mari et susurra, Quatre personnes sont entrées, une femme, deux hommes et un gamin, Les hommes, quel aspect ont-ils, demanda le médecin à voix basse. Elle les décrivit, et lui, Celui-là je ne le connais pas, l’autre, d’après son portrait, m’a tout l’air d’être l’aveugle qui est venu dans mon cabinet, Le petit garçon louche, et la femme porte des lunettes teintées, elle semble jolie, Tous deux sont venus me consulter. À cause du bruit qu’ils faisaient en cherchant un endroit où ils se sentiraient en sécurité, les aveugles n’entendirent pas cet échange de paroles, ils pensaient sans doute qu’il n’y avait pas d’autres personnes comme eux ici et ils n’avaient pas perdu la vue depuis assez longtemps pour avoir affiné leur sens de l’ouïe au-dessus du niveau normal. Enfin, comme s’ils étaient arrivés à la conclusion qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, ils s’assirent chacun sur le lit contre lequel ils avaient pour ainsi dire trébuché, les deux hommes à côté l’un de l’autre, mais ils ne le savaient pas. La jeune fille continuait à consoler le petit garçon à voix basse, Ne pleure pas, tu verras que ta maman ne tardera pas à venir. Un silence se fit ensuite, alors la femme du médecin dit de façon à être entendue au fond du dortoir où se trouvait la porte, Ici, il y a déjà deux personnes, combien êtes-vous. La voix inattendue fit sursauter les nouveaux venus, mais les deux hommes continuèrent à garder le silence, c’est la jeune fille qui répondit, Je crois que nous sommes quatre, il y a ce jeune garçon et moi, Qui d’autre encore, pourquoi les autres ne parlent-ils pas, demanda la femme du médecin, Il y a moi, murmura une voix d’homme, comme si prononcer ces mots lui coûtait, Et moi, marmonna à son tour d’un ton contrarié une autre voix d’homme. La femme du médecin se dit, Ces deux-là se comportent comme s’ils avaient peur que l’un ne reconnaisse l’autre. Elle les voyait crispés, tendus, le cou en avant comme s’ils flairaient quelque chose, mais, curieusement, leur expression était semblable, un mélange de menace et de peur, pourtant la peur de l’un n’était pas identique à la peur de l’autre, et les menaces non plus. Que peut-il bien y avoir entre eux, se demanda-t-elle.

À cet instant, une voix forte et sèche se fit entendre, la voix de quelqu’un qui avait l’habitude de donner des ordres. Elle venait d’un haut-parleur fixé au-dessus de la porte par où ils étaient entrés. Le mot Attention fut prononcé trois fois, puis la voix commença, Le gouvernement regrette d’avoir été forcé d’exercer énergiquement ce qu’il estime être son droit et son devoir, qui est de protéger la population par tous les moyens possibles dans la crise que nous traversons et qui se manifeste apparemment sous la forme d’une apparition épidémique de cécité, provisoirement désignée sous le terme de mal blanc, et il souhaite pouvoir compter sur le civisme et la collaboration de tous les citoyens pour endiguer la propagation de la contagion, à supposer qu’il s’agisse bien de contagion et que nous ne nous trouvions pas simplement face à une série de coïncidences pour le moment inexplicables. La décision de réunir dans un même lieu les personnes affectées, et dans un lieu proche mais séparé les personnes qui ont eu avec celles-ci un contact quelconque, a été prise après mûre réflexion. Le gouvernement est parfaitement conscient de ses responsabilités et il espère que ceux à qui ce message s’adresse assumeront aussi en citoyens disciplinés les responsabilités qui leur incombent et considéreront que l’isolement où ils se trouvent actuellement représente un acte de solidarité vis-à-vis du reste de la communauté nationale, au-delà de toutes considérations personnelles. Cela dit, nous vous invitons à prêter attention aux instructions suivantes, premièrement, les lumières devront toujours rester allumées, toute tentative de manipulation des interrupteurs sera inutile, ils ne fonctionnent pas, deuxièmement, abandonner l’édifice sans autorisation sera synonyme de mort immédiate, troisièmement, dans chaque dortoir il y a un téléphone qui pourra être utilisé uniquement pour demander à l’extérieur le remplacement des produits d’hygiène et de nettoyage, quatrièmement, les internés laveront leurs effets à la main, cinquièmement, il est recommandé d’élire des responsables de dortoir, ceci est une recommandation, pas un ordre, les internés s’organiseront du mieux qu’ils l’entendront, dès lors qu’ils respecteront les règles ci-dessus énoncées et celles que nous énonçons ci-dessous, sixièmement, des caisses de nourriture seront déposées trois fois par jour à la porte d’entrée, à droite et à gauche, et sont destinées respectivement aux patients et aux suspects de contamination, septièmement, tous les restes devront être incinérés, étant considérés comme restes, outre les reliefs de nourriture, les caisses, les assiettes et les couverts, fabriqués de matériaux combustibles, huitièmement, l’incinération devra s’effectuer dans les cours intérieures de l’édifice ou à proximité de la clôture, neuvièmement, les internés seront tenus pour responsables de toute conséquence négative découlant de ladite incinération, dixièmement, en cas d’incendie, fortuit ou intentionnel, les pompiers n’interviendront pas, onzièmement, les internés ne devront pas compter non plus sur la moindre intervention de l’extérieur au cas où des maladies se déclareraient parmi eux, ainsi que dans l’éventualité de désordre ou d’agression, douzièmement, en cas de mort, quelle qu’en soit la cause, les internés enterreront le cadavre près de la clôture sans formalités, treizièmement, la communication entre l’aile des patients et l’aile des suspects de contamination se fera par le corps central du bâtiment, celui par où ils sont entrés, quatorzièmement, les suspects de contamination qui deviendraient aveugles se transporteront immédiatement dans l’aile de ceux qui sont déjà aveugles, quinzièmement, cette annonce sera répétée tous les jours, à cette même heure, pour mettre au courant les nouveaux venus. Le gouvernement et la nation espèrent que chacun accomplira son devoir. Bonne nuit.

Dans le premier silence qui s’ensuivit, l’on entendit la voix claire du garçonnet, Je veux ma mère, mais ces paroles furent articulées sans expression, à la façon d’un mécanisme répétitif automatique qui aurait laissé précédemment en suspens une phrase et qui la déclencherait tout à coup hors de propos. Le médecin dit, Les ordres que nous venons d’entendre ne laissent subsister aucun doute, nous sommes isolés, et plus isolés probablement que quiconque ne l’a jamais été et sans espoir de pouvoir sortir d’ici avant qu’un remède à cette maladie ne soit découvert, Je connais votre voix, dit la jeune fille aux lunettes teintées, Je suis médecin, médecin ophtalmologue, Vous êtes le médecin que j’ai consulté hier, c’est sa voix, Oui, et vous, qui êtes-vous, J’avais une conjonctivite, je suppose que je l’ai encore, mais maintenant que je suis aveugle ça n’a plus tellement d’importance, Et ce petit qui est avec vous, Ce n’est pas le mien, je n’ai pas d’enfant, J’ai examiné hier un jeune garçon qui louchait, c’était toi, demanda le médecin, Oui, c’était moi, monsieur, la réponse du garçon était empreinte d’un ton de dépit, comme s’il n’aimait pas qu’on mentionnât son défaut physique, et il avait raison, car ce défaut, celui-là comme bien d’autres, rien qu’à en parler, d’à peine perceptible devient plus qu’évident. Y a-t-il encore quelqu’un d’autre que je connaisse, demanda de nouveau le médecin, l’homme qui est venu hier à mon cabinet accompagné de son épouse est-il ici, l’homme qui est devenu subitement aveugle au volant de son automobile, C’est moi, répondit le premier aveugle, Il y a encore une autre personne, qu’elle veuille bien dire qui elle est, nous allons être obligés de vivre ensemble pendant nous ne savons pas combien de temps, il est donc indispensable que nous fassions connaissance. Le voleur de voitures grommela entre ses dents, Oui, oui, pensant que cela suffirait pour confirmer sa présence, mais le médecin insista, Vous avez la voix d’une personne relativement jeune, vous n’êtes pas le patient âgé qui souffrait de cataracte, Non, docteur, ce n’est pas moi, Comment êtes-vous devenu aveugle, Dans la rue, Et quoi d’autre, Rien d’autre, j’étais dans la rue et je suis devenu aveugle. Le médecin allait lui demander si sa cécité était blanche elle aussi mais il se tut, à quoi bon, à quoi cela les avancerait-il, quelle que fût la réponse, cécité blanche ou cécité noire, aucun d’eux ne sortirait d’ici. Il tendit une main hésitante vers sa femme et rencontra la sienne à mi-chemin. Elle déposa un baiser sur sa joue, personne d’autre ne pouvait voir ce front flétri, cette bouche molle, ces yeux morts, comme de verre, effrayants car ils semblaient voir et ne voyaient pas, Mon tour aussi viendra, pensa-t-elle, quand, peut-être tout de suite, sans que j’aie le temps d’aller au bout de ce que je suis en train de me dire, à n’importe quel moment, comme eux, ou peut-être me réveillerai-je aveugle, je deviendrai aveugle en fermant les yeux pour dormir, croyant m’être tout juste endormie.

Elle regarda les quatre aveugles assis sur les lits, avec à leurs pieds le maigre bagage qu’ils avaient pu emporter, le garçonnet avec son cartable d’écolier, les autres avec des petites valises, comme pour un week-end. La jeune fille aux lunettes teintées bavardait à voix basse avec le gamin, et dans la rangée de l’autre côté, l’un près de l’autre, séparés seulement par un lit vidé, sans le savoir, le premier aveugle et le voleur de voitures se faisaient face. Le médecin dit, Nous avons tous entendu les ordres, nous savons que personne ne viendra nous aider quoi qu’il arrive, il serait donc bon de commencer déjà à nous organiser car ce dortoir ne tardera pas à se remplir, celui-ci et les autres, Comment savez-vous qu’il y a d’autres dortoirs, demanda la jeune fille, Avant de nous installer dans celui-ci nous avons un peu repéré les lieux, celui-ci est plus près de la porte d’entrée, expliqua la femme du médecin en serrant le bras de son mari pour lui recommander d’être prudent. La jeune fille dit, Le mieux serait de nommer le docteur responsable, après tout il est médecin, À quoi sert un médecin sans yeux et sans remèdes, Un médecin a de l’autorité. La femme du médecin sourit, Je trouve que tu devrais accepter, si les autres sont d’accord, bien entendu, Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, Pourquoi, Pour l’instant nous ne sommes que six ici, mais demain nous serons sûrement plus nombreux, tous les jours des gens arriveront, ce serait parier sur l’impossible que d’escompter que tous seront disposés à accepter une autorité qu’ils n’auront pas choisie et qui, en plus, n’aura rien à leur donner en échange de leur acquiescement, et cela à supposer aussi qu’ils reconnaissent une autorité et une règle, Alors, ça sera difficile de vivre ici, Nous aurons beaucoup de chance si c’est seulement difficile. La jeune fille aux lunettes teintées dit, Ma proposition partait d’une bonne intention, mais le docteur a effectivement raison, chacun tirera la couverture à soi.

Ébranlé par ces paroles ou incapable de contenir plus longtemps sa fureur, un des hommes se mit brusquement debout, C’est ce type qui est coupable de notre malheur, si j’avais des yeux je le tuerais à l’instant même, vociféra-t-il en indiquant l’endroit où il croyait que se trouvait l’autre. L’erreur de direction n’était pas grande, mais le geste dramatique eut un effet comique car le doigt accusateur désignait une table de chevet innocente. Calmez-vous, dit le médecin, dans une épidémie il n’y a pas de coupables, tout le monde est victime, Si je ne m’étais pas montré serviable, comme je l’ai été, si je ne l’avais pas aidé à rentrer chez lui, j’aurais encore mes précieux yeux, Qui êtes-vous, demanda le médecin, mais l’accusateur ne répondit pas, il semblait regretter d’avoir parlé. L’on entendit alors la voix d’un autre homme, Il m’a ramené chez moi, c’est vrai, mais après il a profité de mon état pour me voler ma voiture, C’est faux, je n’ai rien volé, Si, monsieur, vous m’avez volé, Si quelqu’un vous a piqué votre bagnole, ce n’est pas moi, comme récompense pour ma bonne action je suis devenu aveugle, et d’ailleurs où sont les témoins, j’aimerais bien les voir, Les disputes ne mènent à rien, dit la femme du médecin, la voiture est là-bas dehors, vous êtes tous les deux ici dedans et vous feriez mieux de faire la paix, souvenez-vous que nous allons devoir vivre ensemble, Moi j’en connais un qui ne vivra pas avec lui, dit le premier aveugle, vous ferez ce que vous voudrez, mais moi je vais m’installer dans un autre dortoir, je ne vais pas rester à côté d’un filou comme ce type qui a été capable de voler un aveugle, il se plaint d’être devenu aveugle à cause de moi, heureusement qu’il a perdu la vue, au moins il y a encore une justice en ce bas monde. Il saisit sa valise et traînant les pieds pour ne pas trébucher, tâtonnant avec sa main libre, il se dirigea vers la travée qui séparait les deux rangées de grabats, Où sont les dortoirs, demanda-t-il, mais il n’entendit pas la réponse, si réponse il y eut, car il sentit soudain un méli-mélo de bras et de jambes s’abattre sur lui, c’était le voleur de voitures qui exécutait tant bien que mal sa menace de se venger de l’auteur de ses maux. Qui dessous, qui dessus, ils roulèrent dans l’espace étroit, se cognant contre les pieds des lits pendant que, de nouveau effrayé, le garçon louchon recommençait à pleurer et à réclamer sa mère. La femme du médecin attrapa son mari par un bras, sachant qu’elle ne pourrait pas mettre fin à la bagarre toute seule, et elle le conduisit dans la travée où, pantelants, les lutteurs furieux se colletaient. Elle guida les mains de son mari, elle-même se chargea de l’aveugle le plus à sa portée, et ils eurent beaucoup de mal à les séparer. Vous vous conduisez stupidement, les tança le médecin, si vous avez envie de transformer ce séjour en enfer, continuez comme ça, vous êtes sur la bonne voie, mais souvenez-vous que nous sommes livrés à nous-mêmes, aucun secours ne viendra de l’extérieur, vous avez entendu ce qui a été dit, Il m’a volé mon auto, geignit le premier aveugle, plus moulu et roué de coups que l’autre, Laissez tomber, qu’est-ce que ça peut faire maintenant, dit la femme du médecin, vous ne pouviez déjà plus vous en servir quand on vous l’a volée, Oui, c’est vrai, mais c’était ma voiture, et ce voleur l’a emmenée je ne sais où, Très probablement, dit le médecin, votre voiture se trouve à l’endroit où cet homme est devenu aveugle, Vous êtes un homme intelligent, docteur, ça ne fait pas un pli, dit le voleur. Le premier aveugle fit un mouvement comme pour se libérer des mains qui le retenaient, mais sans forcer, comme s’il avait compris que l’indignation, fût-elle justifiée, ne lui restituerait pas sa voiture et que sa voiture ne lui restituerait pas ses yeux. Mais le voleur se fit menaçant, Si tu crois que tu vas t’en sortir comme ça, tu te trompes lourdement, je t’ai volé ta voiture, oui, c’est moi qui te l’ai volée, mais toi tu m’as volé la vue, va savoir qui de nous deux est le pire voleur, Arrêtez, protesta le médecin, ici nous sommes tous aveugles et nous ne nous plaignons pas et nous n’accusons personne, Moi, le mal des autres, je m’en accommode fort bien, répondit le voleur d’un ton méprisant, Si vous voulez aller dans un autre dortoir, dit le médecin au premier aveugle, ma femme pourra vous guider, elle s’oriente mieux que moi, J’ai changé d’idée, je préfère rester ici. Le voleur se moqua de lui, Vous avez peur d’être seul, voilà tout, des fois qu’un ogre de ma connaissance vous tomberait sur le paletot, Ça suffit, s’écria le médecin avec impatience, Hé, ho, petit docteur, gronda le voleur, dites-vous bien qu’ici nous sommes tous égaux, vous n’allez pas me donner d’ordre, Je ne vous donne pas d’ordre, je vous dis seulement de laisser cet homme en paix, D’accord, d’accord, mais il ne faut pas me chercher des poux dans la tête, la moutarde me monte vite au nez et je deviens méchant comme un âne rouge, je peux être bon garçon comme tout le monde mais je suis un ennemi qui ne fait pas de cadeaux. Avec des gestes et des mouvements agressifs, le voleur chercha le lit sur lequel il s’était assis précédemment, poussa sa valise dessous, puis annonça, Je me couche, à son ton c’était comme s’il avait dit, Tournez-vous, je me déshabille. La jeune fille aux lunettes teintées dit au garçonnet louchon, Toi aussi, tu vas aller au lit, tu te coucheras de ce côté-ci, et si tu as besoin de quelque chose pendant la nuit appelle-moi, J’ai envie de faire pipi, dit le gamin. En l’entendant, tous ressentirent une envie soudaine et urgente d’uriner et ils pensèrent, avec ces mots ou d’autres, Reste à savoir comment on va faire, le premier aveugle tâtonna sous son lit pour voir s’il n’y avait pas un pot de chambre, tout en espérant ne pas en trouver car il aurait eu honte d’uriner en présence d’autres personnes, elles ne pouvaient pas le voir, c’était vrai, mais le bruit de l’urine est indiscret, impossible à déguiser, les hommes, eux au moins, peuvent user d’un stratagème qui n’est pas à la portée des femmes, en cela ils ont plus de chance. Le voleur s’était assis sur son lit et disait, Merde, où que c’est qu’on pisse dans cette baraque, Surveillez votre langage, il y a un enfant ici, protesta la jeune fille aux lunettes teintées, Eh bien oui, ma cocotte, mais ou bien tu dégottes un endroit, ou bien ton bébé pissera bientôt dans sa culotte. La femme du médecin dit, Je vais essayer de trouver les cabinets, il m’a semblé sentir une odeur, là-bas, Je vous accompagne, dit la jeune fille aux lunettes teintées en prenant le garçonnet par la main, Je pense qu’il vaut mieux que nous y allions tous ensemble, déclara le médecin, comme ça nous connaîtrons le chemin pour quand nous en aurons besoin, Toi, je t’ai percé à jour, pensa le voleur de voitures, mais il n’osa pas le dire à haute voix, tu ne veux pas que ta chère petite femme m’emmène pisser chaque fois que l’envie m’en prendra. Cette pensée, à cause de son sous-entendu implicite, provoqua chez lui une petite érection qui le surprit, comme si la cécité devait avoir pour conséquence la perte ou la diminution de l’appétit sexuel, Bon, se dit-il, finalement je n’ai pas tout perdu, et parmi les morts et les blessés il y aura bien quelqu’un qui en réchappera, et s’abstrayant de la conversation il lâcha la bride à son imagination. On ne lui en laissa pas le temps, le médecin disait, Nous allons nous mettre à la queue leu leu, ma femme marchera devant, chacun placera la main sur l’épaule de la personne devant lui, comme ça nous ne risquerons pas de nous perdre. Le premier aveugle dit, Moi je ne vais pas avec ce type-là, il se référait évidemment à celui qui l’avait volé.

Qu’ils se cherchassent ou qu’ils voulussent s’éviter, ils avaient beaucoup de mal à se mouvoir dans l’étroite travée, d’autant plus que la femme du médecin devait elle aussi se déplacer comme si elle était aveugle. La file se mit enfin en place, derrière la femme du médecin il y avait la jeune fille aux lunettes teintées qui tenait le garçonnet louchon par la main, puis le voleur, en caleçon et tricot de corps, puis le médecin, et en queue, pour l’instant à l’abri des agressions, le premier aveugle. Ils avançaient très lentement, comme s’ils ne se fiaient pas à celle qui les guidait, tâtant l’air avec leur main libre, cherchant au passage l’appui de quelque chose de solide, un mur, l’embrasure d’une porte. Placé derrière la jeune fille aux lunettes teintées, le voleur, excité par le parfum qui s’exhalait d’elle et par le souvenir de son érection récente, décida de se servir plus utilement de ses mains, il caressa la nuque de la jeune fille sous les cheveux avec une main et de l’autre il lui palpa directement le sein, sans faire de manières. Elle se secoua pour échapper à cette impudence, mais l’homme la tenait solidement. Alors la jeune fille envoya violemment sa jambe en arrière dans un mouvement de ruade. Le talon de sa chaussure, fin comme un stylet, se planta dans le gras de la cuisse nue du voleur qui lança un hurlement de surprise et de douleur. Que se passe-t-il, demanda la femme du médecin en regardant derrière elle, J’ai trébuché, répondit la jeune fille aux lunettes teintées, j’ai dû faire mal à la personne qui me suit. Le sang jaillissait entre les doigts du voleur qui, gémissant et pestant, essayait d’évaluer les conséquences de la ruade, Je suis blessé, cette nana ne voit pas où elle met les pieds, Et vous, vous ne voyez pas où vous mettez les mains, répondit sèchement la jeune fille. La femme du médecin comprit ce qui s’était passé, elle sourit tout d’abord mais s’aperçut vite que la plaie avait vilaine allure, le sang coulait le long de la jambe du pauvre diable, or ils n’avaient ni eau oxygénée, ni mercurochrome, ni pansements, ni bandages, ni désinfectant, rien. La file s’était désagrégée, le médecin demandait, Où êtes-vous blessé, Ici, Où ici, À la jambe, vous ne voyez donc pas, la nana m’a transpercé avec son talon, J’ai trébuché, ce n’est pas de ma faute, répéta la jeune fille, mais aussitôt, exaspérée, elle explosa, Ce salaud m’a pelotée, il s’imagine que je suis quoi. La femme du médecin intervint, Maintenant il faut laver la blessure et la bander, Et où est-ce qu’il y a de l’eau, demanda le voleur, Dans la cuisine, il y a de l’eau dans la cuisine, mais nous n’avons pas besoin d’y aller tous, mon mari et moi y conduirons ce monsieur, les autres n’auront qu’à nous attendre ici, nous ne serons pas longs, J’ai envie de faire pipi, dit le garçon, Retiens-toi un petit instant, nous serons vite de retour. La femme du médecin savait qu’elle devait tourner à droite puis à gauche, puis prendre un long couloir qui formait un angle droit, la cuisine se trouvait tout au bout. Après quelques minutes elle fit semblant de s’être trompée, s’arrêta, retourna en arrière, puis s’exclama, Ah, ça y est, je me souviens, et ensuite ils allèrent directement à la cuisine, il ne fallait pas perdre davantage de temps, la blessure saignait abondamment. Au début, l’eau qui coula était sale, ils durent attendre qu’elle devienne claire. Elle était tiède, croupie, comme si elle avait pourri à l’intérieur des tuyaux, mais le blessé la reçut avec un soupir de soulagement. La plaie avait un vilain aspect, Et maintenant comment allons-nous lui bander la jambe, demanda la femme du médecin. Il y avait des chiffons sales sous une table qui avaient dû servir de serpillières, mais c’eût été une grave imprudence de s’en servir comme bandage, Ici, apparemment, il n’y a rien, dit-elle en feignant de chercher, Mais je ne peux pas rester dans cet état, docteur, le sang n’arrête pas de couler, je vous en supplie, aidez-moi et excusez-moi si tout à l’heure j’ai été mal élevé avec vous, se lamentait le voleur, Nous sommes précisément en train de vous aider, dit le médecin, puis, Enlevez votre tricot, c’est le seul moyen. Le blessé grommela qu’il en avait besoin, mais il l’ôta. La femme du médecin en fit rapidement un rouleau dont elle entoura la cuisse, elle le serra avec force et réussit à faire un nœud grossier avec les pointes formées par les bretelles et le bas du vêtement. Ce n’était pas des mouvements qu’un aveugle pût exécuter facilement, mais elle ne voulut pas perdre de temps à feindre davantage, avoir fait semblant de se perdre suffisait amplement. Le voleur trouva la situation anormale, en bonne logique c’était le médecin, même s’il n’était qu’ophtalmologue, qui aurait dû placer le bandage, mais la consolation de se savoir soigné se superposa aux doutes, de toute façon vagues, qui l’espace d’un instant avaient effleuré sa conscience. Ils retournèrent tous les trois à l’endroit où se trouvaient les autres, le voleur en boitillant, et la femme du médecin vit immédiatement que le garçonnet louchon n’avait pas pu se retenir et avait uriné dans sa culotte. Ni le premier aveugle ni la jeune fille aux lunettes teintées ne s’en étaient aperçu. Une flaque d’urine s’étendait aux pieds du garçon, l’ourlet du pantalon gouttait encore. Mais la femme du médecin dit comme si de rien n’était, Allons chercher ces cabinets. Les aveugles agitèrent les bras devant leur visage en se cherchant mutuellement, mais pas la jeune fille aux lunettes teintées qui déclara d’emblée qu’elle ne voulait pas marcher devant l’effronté qui l’avait pelotée, et la file se reconstitua enfin, le voleur et le premier aveugle ayant permuté et placé le médecin entre eux. Le voleur boitait plus nettement, il traînait la jambe. Le tourniquet l’incommodait et la blessure palpitait si fort que c’était comme si son cœur avait changé de place et se trouvait maintenant au fond de la plaie. La jeune fille aux lunettes teintées conduisait de nouveau le petit garçon par la main, mais il se mettait le plus possible sur le côté, de peur que quelqu’un ne découvrît son laisser-aller, comme le médecin qui renifla, Ça sent l’urine ici, et sa femme jugea bon de confirmer son impression, Oui, c’est vrai, il y a une odeur. Elle ne pouvait pas dire que l’odeur venait des cabinets car ils en étaient encore loin, et, devant se comporter en aveugle, elle ne pouvait pas non plus révéler que l’odeur venait du pantalon mouillé du gamin.

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