CCLXVII
LA nuit passe, le jour se lève clair. Dans lestours de Saragosse Charles met une garnison. Il y laissa millechevaliers bien éprouvés : ils gardent la ville au nom del’empereur. Le roi monte à cheval ; ainsi font tous ses hommeset Bramidoine, qu’il emmène captive ; mais il ne veut rien luifaire, que du bien. Ils s’en retournent, pleins de joie et defierté. Ils occupent Nerbone de vive force et passent. Charlesparvient à Bordeaux, la cité [… ] : sur l’autel du baron saintSeurin, il dépose l’olifant, rempli d’or et de mangons ; lespèlerins qui vont là l’y voient encore. Il passe la Gironde sur lesgrandes nefs qu’il y trouve. jusqu’à Blaye il a conduit son neveu,et Olivier, son noble compagnon, et l’archevêque, qui fut sage etpreux. En de blancs cercueils il fait mettre les troisseigneurs : c’est à Saint-Romain qu’ils gisent, les vaillants.Les Français les remettent à Dieu et à ses Noms. Par les vaux, parles monts, Charles chevauche : jusqu’à Aix, il ne veut passéjourner aux étapes. Tant chevauche-t-il qu’il descend au perron.Quand il est arrivé dans son palais souverain, il mande parmessagers ses jugeurs, Bavarois et Saxons, Lorrains etFrisons ; il mande les Allemands, il mande les Bourguignons,et les Poitevins et les Normands et les Bretons, et ceux de France,qui entre tous sont sages. Alors commence le plaid de Ganelon.