Divers contes

Le père Clément

L’architecte rentra chez lui et trouva sapauvre vieille mère qui l’attendait pour souper. Mais il ne voulutpas se mettre à table, et, prenant un crayon et du papier, ilcommença, sans répondre à ses instances, à essayer de fixerquelques-unes de ces lignes fugitives qu’il avait vues éclore sousla baguette de Satan.

La bonne femme alla se coucher tout enpleurs ; depuis son retour de ses voyages, elle nereconnaissait plus son fils, tant il était inquiet et tourmenté, ettant cette inquiétude et ce tourment le changeaient à sonégard.

L’architecte passa la nuit tout entière àtirer des lignes et à les effacer. Il y avait, dans ce planmystérieux dont il avait entrevu un angle, un caractère dehardiesse fantastique à laquelle il ne pouvait atteindre. Au jour,accablé de lassitude, il se jeta sur son lit ; mais lesommeil, au lieu d’être pour lui un repos, lui fut un nouveausupplice. Il se réveilla à moitié fou, et courut à l’église deSaint-Géréon, auquel il avait une dévotion toute particulière.

Arrivé en face d’elle, il s’arrêta devant leportail. C’était une petite et lourde basilique romane duXIe siècle, construite par l’archevêqueAnnon, sur l’emplacement de l’ancien temple de Sainte-Hélène, etqui ressemblait bien plus à un tombeau qu’à une église. Alors il neput s’empêcher de songer à la différence qu’il y avait entre cestours élancées, ces flèches aiguës et ces colonnettes hardies qu’ilavait vues la veille éclore sous la baguette magique de Satan et lamassive bâtisse byzantine qu’il avait devant les yeux. Aussioublia-t-il complètement qu’il était venu pour prier, et s’enalla-t-il droit devant lui, sans savoir où il allait, préoccupé desa seule et éternelle pensée.

Il erra ainsi tout le jour ; puis lesoir, sans qu’il pût se souvenir des chemins qu’il avait pris, nise rendre compte comment il se trouvait là, il se retrouva endehors de la porte des Francs, sur la promenade et près du banc oùla veille il s’était assis. La nuit était tombée ; lapromenade était solitaire, et un seul homme, ainsi que lui, étaitresté hors des murs. C’était le petit vieillard. Au premier coupd’œil, l’artiste le reconnut et s’approcha de lui.

Il était debout devant le rempart et, avec uneverge d’acier, dessinait sur la muraille. Chacun de ses traitsétait une ligne de feu, qui s’effaçait petit à petit, de sorte qu’àmesure que le plan magnifique s’avançait, la partie la plusanciennement faite commençait par pâlir et finissait pars’éteindre. Si bien qu’il était impossible à l’œil de suivre lesnouvelles lignes, et à la mémoire de se rappeler lesanciennes ; l’architecte haletant vit ainsi passer devant lui,dans ses moindres détails, une cathédrale phosphorique qui, au boutd’un instant, se perdit dans l’obscurité, mais dont il lui eût étéimpossible de reproduire l’ensemble.

Il poussa un profond soupir.

– Ah ! ah ! c’est toi, ditSatan en se retournant. Je t’attendais.

– Me voilà, répondit l’architecte.

– Je savais que nous n’étions pasbrouillés, moi. Tiens, j’ai retouché le plan. Que dis-tu de ceportail ?

Et promenant de nouveau sa baguette sur lamuraille, il y fit éclore la triple porte d’une basilique defeu.

– Magnifique, dit l’architecte,n’essayant pas même de dissimuler son enthousiasme.

– Et de cette tour ? continua Satanen répétant le même jeu.

– Splendide !

– Et de cette nef ?

– Merveilleuse !

– Eh bien ! tout cela est à toi, situ veux.

– Et qu’exiges-tu en échange ?

– Ta signature.

– Et tu me donneras ton plan ?

– En toute propriété.

– Je ferai tout ce que tu voudras.

– À demain, minuit.

– À demain, minuit.

Satan disparut sans qu’on pût savoir de quelcôté il était parti, et l’architecte rentra dans la ville.

Sa vieille mère l’attendait comme laveille ; elle non plus, n’avait point mangé. L’architecte semit à table, et d’abord cette démonstration rassura quelque peu lapauvre femme ; mais bientôt elle s’aperçut que son filsobéissait purement et simplement à un besoin physique, mais que sonesprit était si loin de son corps, que l’un n’était pour rien dansce que l’autre faisait.

De plus en plus préoccupé, l’architecte seleva de table et se retira dans sa chambre ; sa mère n’osa l’ysuivre, mais elle s’assit sur le seuil, afin d’être à sa portées’il avait besoin de quelque chose.

Pendant quelque temps, elle l’entenditsoupirer et prier ; mais comme il n’y avait encore rien làd’inquiétant, elle se garda bien d’entrer. Puis il se coucha.Longtemps encore elle l’entendit se tourner et se retourner dansson lit ; puis il se fit un instant de repos, auquelsuccédèrent des plaintes et des gémissements. Enfin, il lui parutqu’on se disputait dans la chambre ; un bruit se fit entendre,pareil à celui d’une lutte ; cette lutte amena des crisétouffés. Il lui sembla que son fils appelait au secours. Alorselle entra, croyant le trouver aux prises avec quelque assassin. Ilétait seul et rêvait, criant de toute sa force :

– Non, non, Satan ! tu n’auras pasmon âme !

À ce nom redouté, la pauvre mère fit le signede la croix sur le front même du dormeur, ce qui parut quelque peule calmer ; puis elle se mit en prières, au pied du lit,devant une belle madone aux vives couleurs, qu’avait donnée à sonfils un pèlerin qui arrivait de Constantinople. À mesure que laprière avançait, le sommeil de l’architecte redevenait plustranquille ; enfin, quand elle fut finie, sa respiration étaitpure et douce comme celle d’un enfant.

Le lendemain il se leva assez calme, ets’étant mis à la fenêtre pour respirer l’air du matin, il vitsortir sa mère vêtue de deuil ; elle l’aperçut et vint àlui.

– Où allez-vous ainsi, ma mère ?demanda-t-il, et pourquoi êtes-vous tout en noir ?

– Parce que c’est aujourd’huil’anniversaire de la mort de ton père, et que je vais àSaint-Géréon demander au curé une messe pour les âmes dupurgatoire.

– Hélas ! hélas ! murmural’architecte, il n’y aura ni messe ni prière qui pourra tirer monâme de l’abîme où elle sera.

– Ne veux-tu pas venir avec moi ?demande la bonne femme.

– Non, ma mère ; seulement si vousrencontrez le vieux père Clément, envoyez-le-moi : c’est unsaint homme, et je serais bien aise de le consulter sur un cas deconscience qui me tourmente.

– Dieu te conserve dans ces saintesintentions, mon fils ; car, ou je me trompe bien, ou l’ennemides hommes tourne autour de toi.

– Allez, ma mère, dit l’architecte.

La bonne femme s’éloigna, et l’artiste restapensif à sa fenêtre. Au bout d’un instant, il vit le vieux pèreClément qui tournait le coin de la rue, et qui s’avançait vers lamaison. Il referma la fenêtre et l’attendit.

Le vieux moine entra : c’était, commel’avait dit l’architecte, non seulement un saint homme, mais encoreun savant homme qui avait tiré des griffes de Satan nombre d’âmesprêtes à se perdre. Mais comme il vivait dans un éternel étatd’innocence et de pureté, quelque envie qu’eût le diable de luirendre le mal qu’il lui faisait, la chose avait toujours étéimpossible ; et si violentes qu’eussent été les différentesluttes qu’il avait eu à soutenir avec lui, il en était toujourssorti vainqueur : de sorte que Satan s’était si souvent brûléles griffes à l’endroit du saint homme, que depuis longtemps il nes’y frottait plus, et lui laissait tranquillement gagner leparadis.

Aussi était-il si expert en ces sortes dematières, qu’à peine eut-il jeté les yeux sur l’architecte, qu’envoyant ses traits fatigués et défaits, il jugea de l’âme par levisage, et s’écria :

– Ô mon fils ! vous avez demauvaises pensées.

– Oui, oui, murmura l’architecte, oui, debien mauvaises pensées, mon père ; aussi vous ai-je faitappeler pour m’aider à les combattre.

– Contez-moi cela, mon fils, dit le moineen s’asseyant.

– Mon père, vous savez que je suis chargépar monseigneur l’archevêque Conrad de bâtir la cathédrale.

– Oui je le sais, et il ne pouvaits’adresser à un plus digne architecte.

– Voilà qui vous trompe, mon père,répondit l’artiste en baissant la voix comme s’il était honteux del’aveu humiliant que la vérité le forçait à faire ; j’aicomposé plans sur plans, et peut-être y en avait-il parmi tousquelques-uns qui eussent été dignes de quelques villes secondairescomme Vorms, Dusseldorf ou Coblentz ; mais celui qui a composéun plan digne de notre ville de Cologne, continua l’architecte avecun soupir, c’est un autre que moi, mon père.

– Ah ! ah ! fit le moine ;et n’y a-t-il donc pas moyen de le lui acheter pour del’or ?

– Je lui ai offert tout ce que j’enavais, et il m’a répondu en me montrant une bourse pleine dediamants.

– N’y a-t-il donc pas moyen de le luiprendre de force ? dit le moine qui, dans son désir de voirCologne devenir la reine du Rhin, se laissait malgré lui entraînerun peu au-delà des bornes de la charité chrétienne.

– J’ai voulu le lui prendre de force, monpère ; mais il m’a terrassé comme un enfant, et m’a mis monpropre poignard sur la poitrine.

– Alors il ne le veut céder à aucunecondition ?

– Si fait ; mais à une seule, monpère.

– Laquelle ?

– C’est que je lui engagerai mon âme.

– Mais cet autre architecte, c’est doncSatan ?

– C’est Satan.

– Et tu dis, répondit le moine sansparaître autrement effrayé du nom terrible que venait de prononcerl’artiste, que cette cathédrale ferait de Cologne la merveille del’Allemagne.

– Elle en ferait la reine du monde, monpère.

– Jésus ! s’écria le saint hommeenjoignant les mains et en levant les yeux au ciel.

Puis se retournant du côté del’architecte :

– Est-ce que tu tiens beaucoup à tonâme ? lui demanda-t-il.

L’architecte regarda le moine sans étonnement,car il comprenait, lui qui était prêt à vendre son éternité,combien l’éternité d’un autre devait être peu de chose aux yeuxd’un homme qui voyait, au prix de cette éternité, sa ville devenirla plus belle de la terre.

– Mon père, lui dit-il, sans doute j’ytiens comme à un don qui vient de Dieu et que j’aurais voulu rendreà Dieu ; mais cependant je suis prêt à la sacrifier, si cesacrifice peut faire de moi le premier architecte du monde.

– J’aimerais mieux, dit le moine, te voirfaire ce sacrifice à Dieu qu’à toi-même. Mais, quel que soit lemotif qui te pousse, comme c’est la religion qui doit en profiter,je viendrai à ton aide. Cependant prends garde à l’orgueil, carc’est l’orgueil qui te perdra.

– Eh quoi ! s’écria l’architecte, jepourrais avoir le plan sans être damné ?

– Peut-être.

– Comment cela, mon père ? ditesvite.

– Tu as essayé de la corruption et de laforce : il te reste la ruse.

– La ruse, mon père. Oubliez-vous quel’Écriture appelle Satan le Rusé ?

– Oh ! oh ! si fin qu’il soit,dit le moine, ce n’est pas la première fois qu’avec l’aide de Dieu,un pauvre moine l’emportera sur lui. Saint Antoine, qui a eu toutesa vie affaire à lui, n’a-t-il pas fini par en triompher ?Saint Barnabé ne lui a-t-il pas pris le nez avec des pincettesrouges ? Enfin, les magistrats d’Aix-la-Chapelle ne luiont-ils pas donné l’âme d’un loup au lieu de celle d’unhomme ?

– C’est vrai, dit l’architecte.

– Eh bien ! dit le moine, viens teconfesser et communier dans l’église de Saint-Géréon, et, quand tuseras en état de grâce, je te dirai ce que tu as à faire.

L’architecte suivit le père Clément, seconfessa et communia. Puis, après qu’il eut reçu le corps de notreSeigneur Jésus-Christ, le moine, l’emmenant dans sa cellule, luiremit une relique dont la sainteté et la puissance lui avaient étédémontrées par une quantité d’expériences qu’il avait faites avecelle.

– Tenez, mon fils, lui dit-il, prenezcette relique, et ce soir, quand Satan vous montrera le plandiabolique, prenez-le d’une main comme pour l’examiner à votreaise, tandis que lui le tiendra de l’autre : alors touchez-luila main avec cette relique, et, quelque envie qu’il ait de leretenir, je vous réponds qu’il le lâchera. Alors, ne vous effrayezde rien, il hurlera, il menacera, il tournera autour de vous,faites-lui toujours face avec la relique, et ne craignez rien. Dieuest plus fort que Satan, et Satan se lassera le premier.

– Mais, mon père, dit l’architecte, quandje n’aurai plus la relique, n’y a-t-il point de danger que Satanrevienne, et me torde le cou ?

– Non, tant que vous serez en état degrâce ; mais gare au péché mortel.

– Alors, s’écria l’architecte, je suissauvé, mon père, car je ne suis ni gourmand, ni envieux, ni avare,ni paresseux, ni colère, ni luxurieux.

– Vous avez oublié l’orgueil, monfils ; prenez garde à l’orgueil : c’est celui-là qui aperdu le plus beau des anges, et il peut vous perdre à votretour.

– Je veillerai sur moi, ditl’architecte ; d’ailleurs, j’aurai recours à vous, monpère.

– Que le Seigneur te conduise, monenfant ! murmura le vieillard en lui donnant sabénédiction.

– Amen ! dit l’architecte,et il se retira chez lui, où il passa le reste de la journée enprières.

À l’heure convenue, il se rendit à l’endroitindiqué par le diable : mais la promenade étaitsolitaire ; il n’y avait nulle part ni vieillard, ni homme, nienfant. L’artiste se promena un instant seul, craignant que lediable ne manquât à sa parole. Sur ces entrefaites, minuit sonna.Au dernier coup du battant de la cloche :

– Me voilà, dit une voix pleine et fortequi parlait derrière l’architecte.

Celui-ci se retourna en tressaillant, car ilne reconnaissait point là la voix qui lui était familière. Eneffet, non seulement Satan avait changé de voix, mais encore deforme. Ce n’était plus le petit vieillard aux yeux ardents, à labarbe pointue et au pourpoint noir ; c’était un beau jeunehomme de vingt à vingt-cinq ans, aux formes merveilleuses, à lafigure hautaine, au front large et pâle, tout sillonné encore de lafoudre du ciel. Il tenait d’une main le plan et de l’autre lepacte. L’artiste recula d’un pas, ébloui qu’il était de cetteinfernale beauté.

– Ah ! cette fois, je te reconnais,lui dit-il, et tu n’as pas besoin de me dire ton nom : tu esle démon de l’orgueil.

– Eh bien ! lui dit Satan, tu voisque je ne t’ai pas trompé ; es-tu prêt ?

– Oui, dit l’architecte ; mais,avant de signer, montre-moi le plan ; je te paie assez cherpour savoir ce que j’achète.

– C’est juste, dit Satan, regarde.

Et, déroulant le plan, il le lui présenta sansle lâcher.

L’architecte fit alors ce que le moine luiavait dit de faire. Sous prétexte de le voir de plus près, il pritle parchemin par le bas de la feuille, tandis que Satan le tenaitpar en haut ; et, pendant qu’au clair de la lune, il ledévorait du regard, il glissa son autre bras en dessous, et touchaavec la relique sainte la main dont le diable tenait le plan.

Celui-ci, brûlé jusqu’aux os, fit un bond enarrière en jetant un grand cri, laissant le précieux papier auxmains de l’architecte.

– Au nom du Père, et du Fils et duSaint-Esprit, s’écria l’artiste en faisant le signe de la croixavec la relique, retire-toi, Satan.

Celui-ci poussa un rugissement terrible.

– C’est un prêtre qui t’aconseillé ; c’est une ruse d’Église, c’est encore quelquenouveau tour de ce misérable moine.

– Au nom du Père, et du Fils et duSaint-Esprit, continua l’architecte en redoublant ses signes decroix.

– Attends, attends, dit le démon, toutn’est pas fini.

Au même instant l’architecte vit devant lui unlion énorme qui se battait les flancs avec sa queue, et qui, lagueule béante et les dents découvertes, s’apprêtait à ledévorer.

Mais il ne se laissa point intimider par lelion ; l’animal furieux eut beau secouer sa crinière, tournerautour de lui et bondir, il lui présenta sans cesse la sainterelique ; de sorte que, constamment repoussé, le lion finitpar reculer. L’architecte profita de ce moment pour faire le signede la croix. Le monstre poussa un rugissement et disparut.

Au même moment l’architecte entendit un grandbruit d’ailes au-dessus de sa tête. Un aigle immense fondait surlui des profondeurs du ciel, et la lune était voilée par sapuissante envergure ; mais il se douta bien que c’était Satanqui venait l’attaquer sous une nouvelle arme, et serrant toujoursson plan d’une main sur sa poitrine, de l’autre il présenta au roide l’air la relique bénie.

Alors il en fut de l’aigle comme du lion.Après avoir volé tout autour de lui, avoir essayé de l’assommer àcoups d’ailes, de l’étreindre dans ses serres, de le déchirer avecson bec, Satan comprit qu’il n’y avait rien encore à faire souscette nouvelle forme. L’oiseau gigantesque poussa un cri etdisparut.

L’architecte croyait être quitte enfin de sonennemi, lorsqu’il vit une masse qui se mouvait dans l’ombre :c’était un serpent colossal qui déroulait ses mille anneaux ets’approchait en sifflant ; trois fois il s’enroula surlui-même autour de l’architecte, l’enfermant dans un triple cercled’écailles, tandis que, dressant sa tête vacillante, il cherchaitde ses yeux ardents la place où plonger la flamme bisaiguë qui luisortait de la gueule ; mais ses combats précédents avaientdéjà familiarisé l’artiste avec ces luttes fantastiques, et letalisman sacré, après l’avoir préservé du lion et de l’aigle, lepréserva du serpent, qui poussa un long sifflement et disparut àson tour.

Alors Satan se retrouva devant l’architectesous sa première forme.

– C’est bien, lui dit-il, je suis vaincu,et tu triomphes, grâce à ton Dieu, à tes prêtres et à tesreligieux. Mais cette église que tu m’as volée ne s’achèvera pas,et ton nom, que tu veux rendre immortel, sera oublié et inconnu.Adieu, prends garde que je te surprenne en péché mortel.

À ces mots, Satan bondit de l’endroit où ilétait jusque dans le Rhin, où il s’enfonça et disparut avec unfrémissement pareil à celui qu’eût produit un fer rougi.

L’architecte, tout joyeux, rentra dans laville et regagna sa maison, où il trouva sa mère et le père Clémenten prières. Il leur raconta tout ce qui s’était passé. La pauvrefemme pleurait et faisait le signe de la croix ; le bon moinese frottait les mains et applaudissait à sa ruse. L’artiste lui ditquels avaient été les adieux de Satan.

– Eh bien ! dit le moine, le diableest encore plus loyal que je ne croyais, puisqu’il t’aprévenu ; maintenant, c’est à toi de te tenir sur tes gardes,et d’écarter de toi tout péché mortel. Une dernière fois, défie-toide l’orgueil.

L’architecte promit qu’il veillerait sur lui,et le moine sortit pour regagner son couvent, le laissant l’hommele plus heureux de la terre. La mère se retira à son tour, necomprenant qu’à demi tout ce qui s’était passé, mais heureuse parceque son fils était heureux.

Resté seul, l’artiste, sans quitter le planqu’il avait failli payer au prix de son âme, s’agenouilla, et fitune longue prière pour remercier Dieu de l’aide qu’il lui avaitdonnée ; puis il se coucha après avoir roulé le plan sous sonoreiller, s’endormit, et vit sa cathédrale en rêve.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer