Georges

Chapitre 9La rose de la rivière noire

Après avoir payé à Miko-Miko l’éventailchinois dont, à son grand étonnement, Georges lui avait dit leprix, la jeune fille que nous avons entrevue un instant sur leseuil de la porte, était, tandis que son nègre aidait le marchand àrecharger sa marchandise, rentrée chez elle toujours suivie de sagouvernante ; et, toute joyeuse de son acquisition du jour,dont la destinée était d’être oubliée le lendemain, elle avait été,avec cette démarche flexible et nonchalante qui donne tant decharme aux femmes créoles, se coucher nonchalamment sur un largecanapé, dont la destination bien visible, était de servir de litaussi bien que de siège. Ce meuble était placé au fond d’uncharmant petit boudoir, tout bariolé de porcelaines de la Chine etde vases du Japon ; la tapisserie qui en recouvrait lesmurailles était faite de cette belle indienne que les habitants del’île de France tirent de la côte de Coromandel, et qu’ilsappellent patna. Enfin, comme c’est l’habitude dans les payschauds, les chaises et les fauteuils étaient en cannes, et deuxfenêtres qui s’ouvraient en face l’une de l’autre, l’une sur unecour toute plantée d’arbres, l’autre sur un vaste chantier,laissaient, à travers les nattes de bambou qui servaient depersiennes, passer la brise de la mer et le parfum des fleurs. Àpeine la jeune fille était-elle étendue sur le canapé qu’une petiteperruche verte à tête grise, grosse comme un moineau, s’envola deson bâton, et, se posant sur son épaule s’amusa à becqueter le boutde l’éventail, que sa maîtresse, par un mouvement machinal,s’amusait de son côté à ouvrir et à fermer.

Nous disons par un mouvement machinal, parcequ’il était visible que ce n’était déjà plus à son éventail, toutcharmant qu’il était, et quelque désir qu’elle eût manifesté del’avoir, que pensait en ce moment la jeune fille. En effet, sesyeux, en apparence fixés sur un point de l’appartement où aucunobjet remarquable ne motivait cette fixité, avaient évidemmentcessé de voir les objets présents pour suivre quelque rêve de sapensée. Il y a plus : sans doute ce rêve avait pour elletoutes les apparences de la réalité ; car, de temps en temps,un léger sourire passait sur son visage, et ses lèvres s’agitaient,répondant par un muet langage à quelque muet souvenir. Cettepréoccupation était trop en dehors des habitudes de la jeune fille,pour qu’elle ne fût pas bientôt remarquée de sa gouvernante ;aussi, après avoir suivi pendant quelques instants en silence lejeu de physionomie de son élève :

– Qu’avez-vous donc, ma chère Sara ?demanda ma mie Henriette.

– Moi ? Rien, répondit la jeune fille entressaillant comme une personne qu’on éveille en sursaut. Je joue,comme vous voyez, avec ma perruche et mon éventail, voilà tout.

– Oui, je le vois bien vous jouez avec votreperruche et votre éventail ; mais, à coup sûr, au moment où jevous ai tirée de votre rêverie, vous ne pensiez ni à l’une ni àl’autre.

– Oh ! ma mie Henriette, je vousjure…

– Vous n’avez pas l’habitude de mentir, Sara,et surtout avec moi, interrompit la gouvernante ; pourquoicommencer aujourd’hui ?

Les joues de la jeune fille se couvrirentd’une vive rougeur ; puis, après un momentd’hésitation :

– Vous avez raison, chère bonne, luidit-elle ; je pensais à tout autre chose.

– Et à quoi pensiez-vous ?

– Je me demandais quel pouvait être ce jeunehomme qui est passé là si à propos pour nous tirer d’embarras. Jene l’ai jamais aperçu avant aujourd’hui, et, sans doute, il estarrivé avec le vaisseau qui a amené le gouverneur. Est ce donc unmal que de penser à ce jeune homme ?

– Non, mon enfant, ce n’est point un mal d’ypenser ; mais c’était un mensonge de me dire que vous pensiezà autre chose.

– J’ai eu tort, dit la jeune fille,pardonne-moi.

Et elle avança sa charmante tête vers sagouvernante, qui, de son côté, se pencha vers elle et l’embrassa aufront.

Toutes deux demeurèrent en silence pendant uninstant ; mais, comme ma mie Henriette, en Anglaise sévèrequ’elle était, ne voulait pas laisser l’imagination de son élèves’arrêter trop longtemps sur le souvenir d’un jeune homme, et queSara, de son côté, éprouvait un certain embarras à se taire, toutesdeux ouvrirent la bouche en même temps pour entamer un autre sujetde conversation. Mais leurs premières paroles se choquèrent enquelque sorte, et chacune s’étant arrêtée pour laisser parlerl’autre, il résulta du conflit des mots trop pressés un autremoment de silence. Cette fois, ce fut Sara qui le rompit.

– Que vouliez-vous dire, ma mieHenriette ? demanda la jeune fille.

– Mais, vous-même, Sara, vous disiez quelquechose. Que disiez-vous ?

– Je disais que je voudrais bien savoir sinotre nouveau gouverneur est un jeune homme.

– Et, dans ce cas, vous en seriez fort aise,n’est-ce pas, Sara ?

– Sans doute. Si c’est un jeune homme, ildonnera des dîners, des fêtes, des bals, et cela animera un peunotre malheureux Port-Louis, qui est si triste. Oh ! les balssurtout ! s’il pouvait donner des bals !

– Vous aimez donc bien la danse, monenfant ?

– Oh ! si je l’aime ! s’écria lajeune fille.

Ma mie Henriette sourit.

– Y a-t-il donc aussi du mal à aimer ladanse ? demanda Sara.

– Il y a du mal, Sara, à faire toutes chosescomme vous les faites, avec passion.

– Que veux-tu, chère bonne, dit Sara d’unpetit air câlin plein de charme qu’elle savait prendre dansl’occasion, je suis ainsi faite : j’aime ou je hais, et je nesais cacher ni ma haine ni mon amour. Ne m’as-tu pas dit souventque la dissimulation était un vilain défaut ?

– Sans doute ; mais, entre dissimuler sessensations et s’abandonner sans cesse à ses désirs, je diraispresque à son instinct, répondit la grave Anglaise, que lesraisonnements primesautiers de son élève embarrassaient quelquefoisautant que les élans de sa nature primitive l’inquiétaient end’autres moments, il y a une grande différence.

– Oui, je sais que vous m’avez souvent ditcela, ma mie Henriette. Je sais que les femmes d’Europe, cellesqu’on appelle les femmes comme il faut, du moins, ont trouvé unadmirable milieu entre la franchise et la dissimulation :c’est le silence de la voix et l’immobilité de la physionomie.Mais, pour moi, chère bonne, il ne faut pas être tropexigeante ; je ne suis pas une femme civilisée, je suis unepetite sauvage, élevée au milieu des grands bois et au bord desgrandes rivières. Si ce que je vois me plaît, je le désire, et, sije le désire, je le veux. Puis on m’a un peu gâtée, vois-tu, ma mieHenriette, et toi comme les autres ; cela m’a renduevolontaire. Quand j’ai demandé, on m’a donné presquetoujours ; et, quand on m’a refusé par hasard, j’ai pris, eton m’a laissé prendre.

– Et comment cela s’arrangera-t-il, lorsque,avec ce beau caractère, vous serez la femme deM. Henri ?

– Oh ! Henri est un bon garçon ; ilest déjà convenu entre nous, dit Sara avec la plus parfaiteinnocence, que je lui laisserai faire ce qu’il voudra, et que, moi,je ferai ce que je voudrai. N’est-ce pas, Henri ? continuaSara en se tournant vers la porte, qui s’ouvrait en ce moment pourdonner passage à M. de Malmédie et à son fils.

– Qu’y a-t-il, ma chère Sara ? demanda lejeune homme en s’approchant d’elle et en lui baisant la main.

– N’est-ce pas que, lorsque nous seronsmariés, vous ne me contrarierez jamais, et que vous me donnereztout ce qui me fera plaisir ?

– Peste ! dit M. de Malmédie,j’espère que voilà une petite femme qui fait ses conditionsd’avance !

– N’est-ce pas, continua Sara, que, si j’aimetoujours les bals, vous m’y conduirez toujours et que vous yresterez tant que je voudrai, tout au contraire de ces vilainsmaris qui s’en vont après la septième ou huitièmecontredanse ? n’est-ce pas que je pourrai pécher tant que jevoudrai ? n’est-ce pas que, si j’ai envie d’un beau chapeau deFrance, vous me l’achèterez ? d’un beau châle de l’Inde, vousme l’achèterez ? d’un beau cheval anglais ou arabe, vous mel’achèterez ?

– Sans doute, dit Henri en souriant. Mais, àpropos de chevaux arabes, nous en avons vu deux bien beauxaujourd’hui, et je suis aise que vous ne les ayez pas vus, vousSara ; car, comme ils ne sont probablement pas à vendre si parhasard vous en aviez eu envie, je n’aurais pas pu vous lesdonner.

– Je les ai vus aussi, dit Sara ;n’appartiennent-ils pas à un jeune homme de vingt-cinq à vingt-sixans, à un étranger brun, avec de beaux cheveux et des yeuxsuperbes ?

– Diable ! Sara, dit Henri, il paraît quevous avez encore plus fait attention au cavalier qu’auxchevaux ?

– C’est tout simple, Henri : le cavaliers’est approché de moi et m’a parlé, tandis que je n’ai vu leschevaux qu’à une certaine distance, et ils n’ont pas mêmehenni !

– Comment, ce jeune fat vous a parlé,Sara ? Et à quelle occasion ? reprit Henri.

– Oui, à quelle occasion ? demandaM. de Malmédie.

– D’abord, dit Sara, je ne me suis pas aperçuele moins du monde de sa fatuité, et voilà ma mie Henriette quiétait avec moi et qui ne s’en est pas aperçue non plus ;ensuite, à quelle occasion il m’a parlé ? Oh ! mon Dieu,rien de plus simple : je rentrais de l’église, lorsque j’aitrouvé, m’attendant sur le pas de la porte, un Chinois avec sesdeux paniers tout pleins d’étuis, d’éventails, de portefeuilles etd’une multitude d’autres choses encore. Je lui ai demandé le prixde cet éventail… Voyez comme il est joli, Henri ?

– Eh bien, après ? demandaM. de Malmédie. Tout cela ne nous dit point comment cejeune homme vous a parlé.

– J’y viens, mon oncle, j’y viens, réponditSara. Je lui demandais donc le prix ; mais il y avait uninconvénient à ce qu’il me le dit : le brave homme ne parlaitque chinois. Nous étions donc très embarrassées, ma mie Henrietteet moi, demandant à ceux qui nous entouraient pour voir les jolisobjets que le marchand avait étalés, s’il n’y avait pas parmi lesassistants quelqu’un qui pût nous servir d’interprète, lorsque lejeune homme s’est avancé, et, se mettant à notre disposition, aparlé au marchand dans sa langue, et, se retournant de notre côté,nous a dit : « Quatre-vingts piastres. » Ce n’estpas cher, n’est-ce pas, mon oncle ?

– Hum ! fitM. de Malmédie ; c’est le prix qu’on payait un nègreavant que les Anglais défendissent la traite.

– Mais ce monsieur parle donc chinois ?demanda Henri avec étonnement.

– Oui, répondit Sara.

– Oh ! mon père, s’écria Henri enéclatant de rire ; oh ! vous ne savez pas : il parlechinois !

– Eh bien, qu’y a-t-il de si risible àcela ? demanda Sara.

– Oh ! rien du tout, reprit Henri encontinuant de s’abandonner à son hilarité. Comment donc ! maisc’est un charmant talent que possède là le bel étranger, et c’estun homme bien heureux. Il peut causer avec les boîtes à thé et lesparavents.

– Le fait est que le chinois est une languepeu répandue, répondit M. de Malmédie.

– C’est quelque mandarin, dit Henri continuantde s’égayer aux dépens du jeune étranger, dont le hautain regardlui était demeuré sur le cœur.

– En tout cas, répondit Sara, c’est unmandarin lettré car, après avoir parlé chinois au marchand, il m’aparlé français à moi, et anglais à ma mie Henriette.

– Diable ! il parle donc toutes leslangues, ce gaillard-là ? dit M. de Malmédie. Il mefaudrait un homme comme cela dans mes comptoirs.

– Malheureusement, mon oncle, dit Sara, celuidont vous parlez me paraît avoir été à un service qui l’auradégoûté de tous les autres.

– Et auquel ?

– À celui du roi de France. N’avez-vous pas vuqu’il porte à la boutonnière le ruban de la Légion d’honneur, et unautre ruban encore.

– Oh ! à l’heure qu’il est, tous cesrubans-là se donnent sans que celui qui les reçoit ait besoind’avoir été militaire.

– Mais encore, en général, faut-il que celui àqui on les donne soit un homme distingué, reprit Sara, piquée sanssavoir pourquoi, et défendant l’étranger par cet instinct sinaturel aux cœurs simples, de défendre ceux qu’on attaqueinjustement.

– Eh bien, dit Henri, il aura été décoré parcequ’il connaît le chinois ! Voilà tout.

– D’ailleurs, nous saurons tout cela, repritM. de Malmédie avec un accent qui prouvait qu’il nes’apercevait aucunement de la pique qui avait eu lieu entre lesdeux jeunes gens ; car il est arrivé sur le bâtiment dugouverneur, et, comme on ne vient pas à l’île de France pour enpartir le lendemain, nous aurons, sans aucun doute, l’avantage dele posséder quelque temps.

En ce moment, un domestique entra, apportantune lettre au cachet du gouverneur, et qu’on venait d’apporter dela part de lord Murrey. C’était une invitation pourM. de Malmédie, pour Henri et pour Sara, au dîner quiavait lieu le lundi suivant, et au bal qui devait suivre cedîner.

Les irrésolutions de Sara étaient fixées àl’endroit du gouverneur. C’était un fort galant homme, que celuiqui débutait par une invitation de dîner et de bal ; aussiSara poussa-t-elle un cri de joie à l’idée de passer toute une nuità danser ; cela tombait d’autant mieux que le dernier vaisseauvenu de France lui avait apporté de délicieuses garnitures de robeen fleurs artificielles qui ne lui avaient pas fait la moitié duplaisir qu’elles auraient dû lui faire, attendu qu’elle ne savaitpas, en les recevant, quand l’occasion se présenterait de lesmontrer.

Quant à Henri, cette nouvelle, malgré ladignité avec laquelle il la reçut, ne lui fut pas indifférente aufond ; Henri se regardait, à raison d’ailleurs, comme un desplus beaux garçons de la colonie, et, tout convenu qu’était sonmariage avec sa cousine, tout son promis qu’il était, enfin, il nese faisait pas faute, en attendant, de coqueter avec les autresfemmes. La chose lui était facile, au reste, Sara n’ayant jamais,soit insouciance, soit habitude, manifesté à cet égard la moindrejalousie.

Pour M. de Malmédie, il se rengorgeafort à la vue de cette invitation, qu’il relut trois fois, et quilui donna une plus haute idée encore de son importance, puisque,deux ou trois heures à peine après l’arrivée du gouverneur, il setrouvait déjà invité à dîner avec lui, honneur qu’il ne faisait,selon toute probabilité, qu’aux plus considérables de l’île.

Au reste, cela changea quelque chose auxdispositions prises par la famille Malmédie. Henri avait arrêté unegrande chasse aux cerfs pour le dimanche et le lundi suivants, dansle quartier de la Savane, qui, à cette époque, étant encore désert,abondait en grand gibier ; et, comme c’était en partie sur lespropriétés de son père que la chasse devait avoir lieu, il avaitinvité une douzaine de ses amis à se trouver, le dimanche matin, àune charmante maison de campagne qu’il possédait sur les bords dela rivière Noire, l’un des quartiers les plus pittoresques del’île. Or, il était impossible de maintenir les jours indiqués,attendu que l’un de ces jours était celui désigné par le gouverneurpour son bal ; il devenait donc urgent d’avancer la partie devingt-quatre heures, et non pas pour MM. de Malmédieseulement, mais encore pour une partie de leurs invités, quidevaient naturellement être appelés à l’honneur de dîner chez lordMurrey. Henri rentra donc chez lui pour écrire une douzaine delettres, que le nègre Bijou fut chargé de porter à leurs adressesrespectives, et qui annonçaient aux chasseurs la modificationapportée au premier projet.

M. de Malmédie, de son côté, pritcongé de Sara, sous le prétexte d’un rendez-vous d’affaires ;mais, en réalité, pour annoncer à ses voisins que, dans troisjours, il pourrait leur dire franchement son opinion sur le nouveaugouverneur attendu que, le lundi suivant, il dînait avec lui.

Quant à Sara, elle déclara que, dans unecirconstance si inattendue et si solennelle, elle avait trop depréparatifs à faire pour partir avec ces messieurs, le samedimatin, et qu’elle se contenterait de les rejoindre le samedi soirou le dimanche dans la matinée.

Le reste de la journée et toute celle dulendemain se passa donc comme l’avait prévu Sara dans lespréparatifs de cette importante soirée, et, grâce au calmequ’apporta ma mie Henriette dans tous ses arrangements, le dimanchematin, Sara put partir comme elle l’avait promis à son oncle.L’important était fait, la robe était essayée, et la couturière,femme éprouvée répondait que, le lendemain matin, Sara latrouverait faite ; s’il y manquait quelque chose, une partiede la journée restait pour les corrections.

Sara partait donc dans des dispositions aussijoyeuses que possible : après le bal, ce qu’elle aimait lemieux au monde, c’était la campagne ; en effet, la campagnelui offrait cette liberté de paresse ou de caprice de mouvement quece cœur aux désirs extrêmes ne trouvait jamais entièrement dans laville ; aussi, à la campagne, Sara cessait-elle de reconnaîtreaucune autorité, même celle de ma mie Henriette, la personne qui,au bout du compte, en avait le plus sur elle. Si son esprit était àla paresse, elle choisissait un beau site, se couchait sous unetouffe de jamboses ou de pamplemousses, et, là, elle vivait de lavie des fleurs, buvant la rosée, l’air et le soleil par tous lespores, écoutant chanter les figuiers bleus et les fondi-jala,s’amusant à regarder les singes sauter d’une branche à l’autre ouse suspendre par la queue, suivant des yeux dans leurs mouvementsgracieux et rapides ces jolis lézards verts tachetés et rayés derouge, si communs à l’île de France, qu’à chaque pas on en faitfuir trois ou quatre ; et, là, elle restait des heuresentières, se mettant, pour ainsi dire, en communication avec toutela nature, dont elle écoutait les mille bruits, dont elle étudiaitles mille aspects, dont elle comparait les mille harmonies. Sonesprit, au contraire, était-il au mouvement, alors ce n’était plusune jeune fille ; c’était une gazelle, c’était un oiseau,c’était un papillon ; elle franchissait les torrents, à lapoursuite des libellules aux têtes étincelantes comme desrubis ; elle se penchait sur les précipices pour y cueillirdes sauges aux larges feuilles, où les gouttes de rosée tremblentcomme des globules de vif-argent ; elle passait, pareille àune ondine sous une cascade dont la poussière humide la voilaitcomme une gaze, et alors, tout au contraire des autres femmescréoles, dont le teint mat se colore si difficilement, ses joues àelle, se couvraient d’un incarnat si vif, que les nègres, habituésdans leur langage poétique et coloré à donner à chaque chose un nomdésignateur, n’appelaient Sara que la Rose de la Rivière Noire.

Sara, comme nous l’avons dit, était donc bienheureuse, puisqu’elle avait en perspective, l’une pour le jourmême, l’autre pour le lendemain, les deux choses qu’elle aimât leplus au monde, c’est-à-dire la campagne et le bal.

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