La Reine des Épées

Chapitre 3Frédéric et Bastian.

C’était la première fois qu’on venait demandermademoiselle Chérie au château de Rosenthal. Le comte Spurzeim etson valet se regardèrent ; puis, pour mettre en pratique legrand principe de la diplomatie, le comte tira son foulard et semoucha ; Hermann fit de même, et le nouveau venu n’obtint pasd’abord d’autre réponse.

– Sais-tu, murmurait Spurzeim derrièreson foulard, que ces deux gaillards-là ont bien mauvaisemine ?

– J’ai vu des bandits qui étaient plusproprement habillés, répliqua Hermann.

Par le fait, nos deux camarades arrivaient endéplorable état. On eût dit qu’ils s’étaient frottés à toutes lesbroussailles du canton. Le plus jeune, celui qui avait des cheveuxblonds et dont la figure pâle exprimait la fatigue et lasouffrance, avait perdu sa coiffure en chemin ; son dolmandéchiré ne tenait plus guère sur ses épaules, et à travers saredingote ouverte on voyait des gouttelettes de sang plein sachemise. L’autre avait sa casquette et son dolman à peu prèsentiers ; mais son genou passait par une large déchirure quifendait son pantalon du haut en bas.

Cela ne l’empêchait point d’avoir l’airtrès-content de lui-même et de se présenter comme un homme sûr deson fait.

– Je vous demande, répéta-t-il encaressant le vaste fourneau de sa pipe attachée à son cou par uncordon vert, je vous demande si c’est ici la demeure demademoiselle Chérie ?

– Oui, répondit Hermann sèchement.

– Avance, Frédéric ! dit le grosgarçon en se tournant vers son compagnon, n’aie pas peur… nousvoici au bout de nos fatigues.

Frédéric restait appuyé contre son arbre, etses regards, fixés sur le château, cherchaient à deviner déjàlaquelle de ces gothiques croisées éclairait la chambre deChérie.

– Et que lui voulez-vous, à cettedemoiselle ? demanda Hermann, que son maître poussait enavant.

– Nous voulons l’embrasser, répondit legros garçon.

Hermann fit un haut-le-corps.

– Ça vous étonne, domestique ?reprit le nouvel arrivant. Moi, je vous avoue que j’aimerais mieuxm’entretenir directement avec ce conseiller privé honoraire qui estlà derrière vous, et dont la bonne tête m’a frappé vivement il y atrois semaines… Oui, monsieur, ajouta-t-il avec volubilité enécartant de la main Hermann et en s’adressant au comte, j’ai eul’honneur de vous voir aux fêtes de Ramberg… Je m’appelle Bastianet ce jeune homme a nom Frédéric… Je suis l’ami de Frédéric etFrédéric est mon ami : c’est notre position dans le monde…Quant à mademoiselle Chérie, nous sommes ses oncles.

– Ses oncles ! répéta Spurzeim.

– Ses tuteurs, si mieux vous aimez.

Hermann s’était replié sur son maître.

– Ce sont des étudiants,murmura-t-il.

– Je le vois parbleu bien !… Il fautnous défaire d’eux et lestement, car nous avons déjà bien assezd’embarras comme cela !

Bastian avait fait une pirouette surlui-même ; il exécutait un moulinet assez fort avec son bâtonde voyage et regardait tout autour de lui.

– Ce n’est pas mal ici, disait-il, pasmal du tout !… comment trouves-tu ce parc, Frédéric ?… lesite est beau et c’est en bon air : à tout prendre, Chérie estassez bien logée.

Comme son compagnon ne répondait pas ; ilappuya ses deux mains sur son bâton et le regarda en face. Danscette position, il tournait le dos aux deux diplomates, le maîtreet le valet, qui délibéraient à voix basse.

– Ah çà ! parle donc, toi, Frédéric,dit-il d’un ton de reproche ; c’est étonnant comme tu asbaissé, mon ami, toi à qui j’ai connu tant de talent !…J’aimerais mieux voyager avec un Renard !

– Laissez-moi faire, dit Hermann aucomte, je vais arranger cela.

– Voyons, Frédéric, voyons, poursuivaitBastian qui lui secouait le bras, tu vas nous faire passer pour desgens du commun !

Hermann lui toucha l’épaule par derrière etBastian se retourna.

– C’est encore vous, domestique !…s’écria-t-il.

– Monsieur, interrompit Hermann,mademoiselle n’est pas visible.

– Ah bah !… fit Bastian ;est-ce vrai, cela, monsieur le conseiller privéhonoraire ?

Le comte inclina gravement sa têtepoudrée.

– Une migraine… commença Hermann.

– Entends-tu ce qu’il dit,Frédéric ? s’écria Bastian qui tira sa botte à tabac pourbourrer sa pipe ; Chérie a la migraine !… Du diable sielle savait ce que c’est que la migraine, autrefois !… Veux-tuen bourrer une ?… Non ! est-ce que tu as la migraineaussi, toi ? Tu me laisses tout le poids de laconversation.

Il referma bruyamment la boîte et mit le tuyaude sa pipe dans sa bouche.

– Eh bien, domestique, reprit-il encherchant son briquet, nous avons, Frédéric et moi, un remèdecontre la migraine… Emboîtez le pas, s’il vous plaît, etconduisez-nous chez mademoiselle notre nièce.

Il prit Hermann par les deux épaules et luifit faire un demi-tour.

Le comte avait eu tout le temps de préparerses effets ; il choisit ce moment pour intervenir, et se plaçaen face de Bastian, qui mettait son amadou allumé sur le fourneaude sa pipe.

– Monsieur, dit-il en s’inclinant avecraideur, je n’aurais eu, pour ma part, aucune répugnance à vousrecevoir…

– Attention ! interrompit Bastian,qui se tourna vers Frédéric, ceci me paraît êtrel’ultimatum.

– Mais, poursuivit le vieux comte avec leplus incisif de tous ses sourires à la Voltaire, vous n’ignorez pasque cette demeure appartient à mon neveu, monsieur le baron deRosenthal…

– Qui est à Stuttgard !… interrompitjoyeusement le gros Bastian.

– Qui est ici… répliqua Spurzeim.

– Tiens ! tiens !… fit Bastianun peu déconcerté. On nous avait dit pourtant…

Puis il ajouta par habitude :

– Parle donc, toi, Frédéric… que diable,c’est à ton tour !

– Mon cher neveu, poursuivit le diplomated’un accent patelin, a le tort de ne pas beaucoup aimer messieursles étudiants de l’université de Tubingue… Il serait peut-êtreprudent pour ceux-ci de rester le moins de temps possible sur sesterres… Particulièrement s’ils se trouvent dans certaineposition…

Il s’interrompit et sembla hésiter.

– Quelle position ?… demanda Bastianavec inquiétude.

– Cher monsieur, répliqua le diplomate,vous devez connaître cette position infiniment mieux que moi… Lesdragons de Sa Majesté sont bien montés et vous êtes à pied…

Bastian tressaillit et les belles couleurs deses joues disparurent.

– Vous dites ?… balbutia-t-il.

– Je dis, acheva le vieux comte, que lafrontière n’est pas loin, et qu’à un quart de lieue d’ici lamontagne commence à être impraticable pour la cavalerie… Je n’ai,du reste, aucun conseil à vous donner, mes chers messieurs, et jesuis bien votre serviteur.

Il s’inclina de nouveau et tourna les talons.Bastian, qui restait tout interdit, tenant à la main sa pipe entrain de s’éteindre, le regarda s’éloigner et l’entendit crier àHermann :

– Va vite prévenir mon neveu le colonelde l’arrivée de ces messieurs.

Hermann prit sa course.

Bastian jeta un coup d’œil vers la brèche quilui avait servi d’entrée et grommela entre ses dents :

– Diable d’enfer ! voilà unvieillard essentiellement désagréable !… Moi, je ne comptaispas du tout sur le Rosenthal… On aura lâché de Tubingue des pigeonsvoyageurs, puisqu’ils savent déjà par ici que les dragons sont ànotre poursuite… As-tu entendu ce qu’il a dit, toi,Frédéric ?

Le jeune étudiant sembla s’éveiller d’unrêve.

– Non, répondit-il.

– Le pauvre garçon baisse, baisse !…se dit Bastian ; il n’a plus du tout de talent !… Ehbien ! mon vieux, reprit-il tout haut, on nous a reçus ici àcoups de pied ou peu s’en faut, et je crois que le plus prudent estde déguerpir avec la rapidité de l’éclair.

Frédéric fixa sur lui ses yeux mornes ettristes.

– Je veux la voir !… prononça-t-illentement.

– Tu veux la voir ! tu veux lavoir ! répéta Bastian avec impatience et en contrefaisant savoix ; c’est bien facile à dire… Pardieu ! moi aussi, jevoudrais la voir !

Il se prit à se promener à grands pas sur legazon et croisa ses bras sur sa poitrine.

– Oh oui ! poursuivit-il, tandis queses gros yeux réjouis prenaient une certaine expression demélancolie ; pour cela j’ai fait sept lieues à pied, j’aisauté des fossés dont mon pantalon se souviendra, j’ai traversé deshaies qui gardent de ma laine…, car j’avais le diable au corps, carma passion fougueuse grandissait dans la solitude au point que lapipe me semblait fade, la bière lourde et le vin du Rhinéventé !… Je souffrais, ô mon Dieu ! tous les tourmentsdes amants célèbres ! – Mais il ne suffit pas de vouloir,continua-t-il tout haut ; ce vieux singe de conseiller privéhonoraire a parlé de dragons. Le Rosenthal est ici… et je n’adorepas l’idée d’entrer en relations suivies avec ce militaire. T’enviens-tu ?

– Je veux la voir !… prononçaFrédéric à voix basse et comme s’il eût répété un refrain.

Bastian fixa sur lui un regard decompassion.

– Il y en a que l’amour rend idiots, maislà, parfaitement ! grommela-t-il. Ça me fait de la peine de levoir baisser comme cela ! Voyons, Frédéric, mon bonhomme,reprit-il, quand tu auras radoté quinze cents fois cette bêtise-là« Je veux la voir ! je veux la voir ! »penses-tu que ça t’avancera beaucoup ?… Au fond, si j’ai peurdu Rosenthal, ce n’est pas pour moi, je ne suis pas crimineld’État, ce n’est pas après moi que court la cavalerie… Mais dans taposition, quand on est poursuivi…

Frédéric lui mit la main sur l’épaule ;un rayon fugitif se ralluma dans ses yeux ; il se redressa etson front eut comme un reflet de cette volonté indomptable qui lefaisait jadis le premier et le maître parmi ses compagnons.

– Je te dis que je veux la voir !répéta-t-il une troisième fois avec une sorte de violence.

Bastian changea de ton.

– Eh bien ! moi, je te dis,reprit-il en mettant de côté son accent protecteur, que tu risqueston cou, mon bon frère Frédéric, et que ce n’est passpirituel ! Quel était le programme des opérations quand noussommes sortis de Tubingue ?… Gagner la frontière, voir Chérieen passant, mais en passant seulement ! Le temps de fumer unepipe et de boire une demi-douzaine de tasses à la santé del’université… Du moment que Chérie est invisible pour cause demigraine ou autre, du moment que la cave inhospitalière nous refusedes flots de johannisberg, la partie est manquée et la fête remiseindéfiniment… En conséquence, moi, je murmure : Bonsoir, lesvoisins, et je demande à contempler les beautés de la nature endehors de cet enclos féodal !… T’en viens-tu ?

Au lieu de répondre, Frédéric s’assit surl’herbe au pied de son arbre.

– Diable d’enfer !… s’écria Bastian,il paraît que j’en suis pour mes frais d’éloquence.

– Va-t’en si tu veux, dit Frédéric avecfatigue.

– Mais toi, mon bon frère ?…

– Moi, je reste !

– Longtemps ?…

– Je ne sais.

– Voyons… cinq minutes ?

Frédéric passa sa main sur son front.

– Tiens, Bastian, laisse-moi !…murmura-t-il.

– Mais que veux-tu faire ici ?

Frédéric garda le silence.

– Écoute, reprit Bastian, je me suischargé de toi, car les autres savent bien que tu es devenu moinsraisonnable qu’un enfant… Si je te donne une demi-heure,viendras-tu me rejoindre ?

– Oui, répliqua Frédéric machinalement etsans songer à ce qu’il disait, j’irai te rejoindre.

– Ta parole ?

– Ma parole.

– Eh bien ! je vais t’attendre dansla forêt… À bientôt !

Il jeta un dernier regard vers le château, etil lui sembla entendre les portes s’ouvrir et se fermer avecfracas. Il gagna précipitamment la brèche ; sur la brèche, ilresta deux ou trois secondes en équilibre.

– Partir sans voir Chérie !…pensa-t-il, et sans goûter le marcobrunner de ces caves du moyenâge !… J’appelle cela un dévouement stupide !… Mais il mesemble que je vois grouiller une armée de valets dans les fossés,et l’idée de fréquenter ce grand coquin de Rosenthal n’éveille enmoi que des sensations pénibles !…

Il sauta dans le chemin creux et disparut ensifflant.

Un long soupir de soulagement souleva lapoitrine de Frédéric ; il était seul, et il était aussiheureux d’être seul que si ce tiers importun l’eût laissé entête-à-tête avec Chérie. Il avait besoin de solitude, il voulaitdescendre tout au fond de son cœur pour y puiser un à un ses cherset poignants souvenirs.

Frédéric était trop jeune, Frédéric n’étaitpas assez fort, sans doute, pour cet amour écrasant qui ledomptait ; Frédéric aimait comme on subit la torture. Au tempsoù son amour était heureux, Frédéric souffrait déjà ;maintenant que son amour était sans espoir, Frédéric semourait.

C’était un pauvre enfant trop faible pour cesluttes du cœur.

Dès qu’il s’agissait des batailles du glaive,c’était un héros ; mais le désespoir avait pénétré du premiercoup, comme la pointe empoisonnée d’un poignard, jusqu’aux sourcesde sa vie.

Son âme était plus changée encore que sonvisage. Si ses joues brillantées avaient pâli, si le feu de sonregard s’était éteint dans les larmes, son âme engourdie dormait etn’aspirait même plus au réveil. C’était un pauvre enfant quis’affaissait volontairement sous le poids de sa détresse et quipleurait lâchement comme une femme.

Il n’y avait plus rien pour lui, ni présent niavenir ; le désir lui manquait comme l’espoir. Il se réfugiaitdans l’inertie mortelle, comme les malades condamnés se réfugientdans l’opium.

Lui qui naguère était le premier, sanscomparaison ni conteste, parmi cette jeunesse, ivre de vie,exubérante d’audace, de l’université de Tubingue, lui qui était lemaître, le roi, l’Épée, il se laissait tomber sans se plaindre etsans le savoir au dernier rang de ses camarades.

Autour de lui on disait : « Ce n’estplus que l’ombre de Frédéric ! » et l’ombre de Frédéricn’entendait pas.

Vous avez vu passer parfois ces malheureuxempoisonnés par l’ancienne médecine, complice entêtée de lamaladie ; ces convalescents, comme on les appelle, sucés parla saignée barbare, vidés par le sauvage émétique, réduits à néantpar Sangrado et sa science anthropophage : ils vont toutfrileux, cherchant instinctivement le soleil du bon Dieu qui réparele crime de l’ignorance humaine ; ils vont redemandant à lanature inépuisable le sang qui est resté aux lèvres desvampires ; ils vont, excitant la pitié de tous : l’enfantqui les heurterait par mégarde en passant les ferait choir.

Ainsi passait, désormais, Frédéric dans lavie. Mais ce n’était pas, hélas ! le sang qui luimanquait ; c’était le cœur. Les rayons bénis du soleil de Dieune pouvaient rien pour ranimer son agonie.

Il aimait ; le mal qui le tuait étaitl’objet même de son adoration, et il ne voulait point seguérir.

Frédéric était assis sur l’herbe et sa têtes’appuyait au tronc moussu du chêne dont les branches robustesétendaient au-dessus de lui leur feuillage ; le jouravançait ; un vent tiède montait de la plaine.

Frédéric avait devant lui le parc immense,dont les gazons s’entremêlaient de pièces d’eau et de bouquets deverdure. Au centre du parc et sur un plan incliné, se dressait lenoble château de Rosenthal, avec sa ceinture de douvesfleuries.

Frédéric ne regardait ni le parc, ni lesgazons riants, ni l’orgueilleux château ; mais tout celainfluait sur lui à son insu et changeait son découragement amer enune sorte de paresse molle qui avait son charme et sa douceur.

– Ce que je veux faire ici ?…pensa-t-il tout haut après un long silence, le sais-je !… Ilme fallait voir cela pour comprendre tout mon bonheur perdu… Il mefallait passer triste et seul parmi les enchantements de ce paradispour deviner les joies qui me sont à jamais refusées… Vivre ici,dans ces montagnes qui sont ma patrie… vivre avec elle, lui donnertoutes les heures de ma vie, tous les battements de moncœur !… Passer mes jours à guetter chacun de ses désirs pourle réaliser bien vite ! Sécher ses belles larmes avec mesbaisers d’époux et m’enivrer sans cesse de ses sourires… J’avaisrêvé cela, c’est vrai, Seigneur mon Dieu !

Il appuya ses deux mains contre son front.

– Je l’aimais, murmura-t-il d’une voixbrisée, je ne vivais que par elle !… Quand elle est partie,tout a été fini pour moi, j’ai bien senti cela ! Ma force, majeunesse, mon âme, tout ce qui était en moi, tout ce qui était mois’élançait sur ses traces… Et c’était ainsi qu’elle devait nousrecevoir !… reprit-il en laissant retomber ses deux bras surl’herbe, le long de ses flancs. Elle nous avait abandonnés, elledevait nous renier !…

Un sourire amer vint autour de ses lèvres.

– Mais pourquoi parler ainsi ?poursuivit-il encore en inclinant sa tête sur sa poitrine. Pourquoise plaindre et pourquoi se révolter ?… J’ai beau faire, pauvremalheureux que je suis, son image adorée sera toujours la maîtressede mon cœur ; je ne la briserai point, je ne la chasseraipoint… Je les préférerai toujours, ces souvenirs qui me navrent, àl’odieux bonheur de l’oubli… J’aime mieux souffrir, pourvu quej’aime !

Sous le feuillage, les oiseaux chantaient, labrise qui passait parmi les fleurs arrivait tout embaumée. Frédéricavait fermé les paupières ; cet harmonieux repos de la naturele magnétisait comme la musique suave et lente qui appelle ausommeil les sultanes d’Orient. Ce n’était pas encore le sommeilpourtant, mais c’était déjà le rêve : ses souvenirs prenaientune forme ; il voyait Chérie avec sa robe blanche et sa têtenue, Chérie qui venait d’atteindre sa quinzième année. Non plus lajeune fille froide et fière qui semblait le fuir, mais la Chériedes premiers jours, sa protectrice, son amie, qui le cherchaitpartout, qui venait vers lui en courant, qui écartait à deux mainsles boucles folles de ses cheveux blonds pour lui tendre son frontd’enfant et lui dire de sa voix, plus douce que la voix desanges : « Bonjour, mon frère Frédéric ! »

Un bruit léger se fit ; Frédéric ouvritles yeux et poussa un grand cri. L’image qu’il avait vue en songeétait là devant lui, mais plus belle. Chérie le regardait avec sesgrands yeux bleus, souriants et humides. Elle avait une robe demousseline blanche dont le vent soulevait les plistransparents.

Elle se mit à genoux auprès du pauvreFrédéric, qui croyait rêver encore ; et comme ses cheveux,rejetés en avant par ce mouvement, inondaient son visage, elle lesprit à deux mains pour dégager son front, où montait une teinterosée, et le tendit aux baisers du jeune homme, en lui disant commeautrefois, de sa voix plus douce que la voix des anges : –Bonjour, mon frère Frédéric !

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