Le Coup d’état de Chéri-Bibi

VI – INCIDENT

L’homme était dans un décor des plus gracieux,des plus riches et des plus galants. Il était dans le boudoir de labelle Sonia et cet homme, c’était Jacques.

Jacques se mit immédiatement au travail surune petite table signée de Boule, entre un grand paravent deCoromandel qui se déployait devant la porte de la chambre à coucheret une coquette bibliothèque pratiquée dans la vieille boiseriegrise, style Marie-Antoinette.

Ça n’était pas une chose banale que lespectacle de cet homme travaillant à bouleverser l’État par le plusprodigieux des coups de force, dans ce boudoir charmant oùflottaient les parfums les plus délicats, sanctuaire de l’amourtransformé en officine politique.

Jacques avait tiré de la poche intérieure deson vêtement deux longs portefeuilles qu’il avait vidés sur latable.

Il y avait là plusieurs centaines defeuillets, les uns à en-tête de la Chambre des députés, les autresà en-tête du Sénat.

Sur ces feuillets où s’étalaient des formulesimprimées, il apparaissait des blancs que Jacques remplissait d’uneécriture rapide.

Soudain, il leva la tête : un pastraversait le salon à côté et on introduisait une clef dans laserrure de la porte qui donnait sur cette pièce.

Sonia parut.

– Je vous sais gré de me rejoindre sitôt. Voulez-vous m’aider ? dit-il ; D’oùvenez-vous ?

Et se remettant à écrire :

– Les domestiques, votre femme dechambre ?

– Ils dorment. Vous savez bien que vousm’avez habituée à me passer de tout service depuis que vous m’avez« envahie » ! Seulement, mon cher, ce soir, avant departir, il faudra que vous m’ôtiez quelques agrafes !

Il la regarda. Elle laissa tomber son manteauet elle se montrait à lui telle qu’il ne l’avait pas encore vue, etcependant telle qu’elle avait été toute la soirée, dans une robeaudacieuse qui avait fait sensation ; mais jusque-là, envérité, il avait été tellement préoccupé qu’en paraissant la voiril ne l’avait pas regardée…

– Sapristi ! fit-il, il est étonnantqu’étant habillée de la sorte vous ayez encore besoin de quelqu’unpour vous déshabiller !

– Toujours aimable !

– Je vous ai demandé où vous êtes allée.Vous avez dû avoir un certain succès !

– Bast ! fit-elle, on ne s’occupeque de vous ! Nous sommes allés un instant à Magic, au bald’Ispahan, avec Martinez et Lucienne Drice, puis on a soupé audancing. Je voulais tâter le pouls de l’opinion.

– J’imagine qu’elle n’est point tropmauvaise ?

– Très bonne ! On ne parle que de« vos assassinats »… et l’on dit : « Il esttrès fort. Rien ne l’arrête ! »

– J’espère que vous ne croyez point àtoutes ces stupidités !

– Eh ! eh ! mon cher !est-ce que je sais, moi ? Je vous connais si peu !

Elle était venue à lui, de sa démarche lente,royale, harmonieuse, et s’était assise près de lui, son corps lefrôlant ; et il était irrité par le chaud parfum de cettebelle femme dans un moment où il avait besoin de tout sonsang-froid.

– Comme vous froncez les sourcils !dit-elle. Je vous gêne ?

– Oui, vous êtes vraiment tropbelle !

– C’est le premier compliment de lajournée. Maintenant, je puis me retirer ?

– Non, restez ! J’ai besoin de vous.Et ne soyez plus coquette pendant… pendant simplement vingt-quatreheures !

– Ce sera long ! Mais que neferais-je pas pour vous ? Allons ! Je vous lepromets ! Parlons donc de choses sérieuses.

Et, instantanément, elle lui montra un masquegrave, d’une beauté intelligente et sévère, dans l’encadrement desmerveilleux colliers de perles qui faisaient le tour de sonopulente chevelure d’or, glissaient de ses oreilles, encerclaientson cou, retombaient sur sa chair d’albâtre en girandoles.

Au-dessus de la table, elle avait joint sesmains longues, chargées de bagues, habiles à éprouver le bronze,l’ivoire, la soie, les belles étoffes, glissa entre elles unporte-plume.

– Écrivez, comme moi, sur tous cesfeuillets, dans ces vides, ces mots : « Ce matin,lundi, cinq heures ! » Puisque Askof n’est pas là,il faut bien que vous me serviez de secrétaire ! Pourquoin’est-il pas là, Askof ?

– Parce que je lui ai dit que vous ne luidonneriez rendez-vous qu’à trois heures et demie du matin ! Jevoulais vous parler de cet homme avant que vous le revoyiez !Méfiez-vous de lui, mon cher ami… Il vous déteste… Il vous détesteparce qu’il m’aime…

– Je ne vois pas, exprima Jacques d’unefaçon froidement évasive qui serra le cœur de la belle Sonia… je nevois pas, en vérité, la relation…

– Oh ! je sais ! je sais !Je sais que vous ne m’aimez pas. Mais il s’est peut-être imaginéque je vous aimais… et peut-être s’est-il imaginé aussi que vousm’aimiez !

– Ensuite ? Ma belle amie, vous mestupéfiez. Le baron d’Askof sait que je suis fiancé depuislongtemps et il me connaît assez pour ne pas me faire l’injure decroire que si j’avais levé les yeux sur une personne comme vous,Sonia, qui êtes la plus belle et la plus intelligente des femmes,mon dessein n’aurait pas été de vous consacrer ma vie ! Or, mavie ne m’appartient plus !

Il avait prononcé toutes ces phrasesrapidement, tout en continuant de travailler.

Quand il avait parlé de sa fiancée, leporte-plume avait tremblé dans les mains de Sonia…

– Enfin, poursuivit-il sans lever latête, est-ce que mon attitude, toujours des plus correctes…

– Dites : des plus froides…corrigea-t-elle… Nous avons toujours l’air, quand nous sommesensemble, de deux hommes d’affaires… Vous n’avez pas toujours étéainsi.

– Quoi ?

– Oui, au début de nos relations, quandil s’agissait pour vous de me conquérir… Oh ! de me conquérirà vos projets, de faire de moi votre chose dans le but d’accomplirvotre dessein… rappelez-vous comme vous étiez galant, empressé… Moncher, d’autres qu’Askof ont pu vous croire épris, moi, toute lapremière…

– Allons donc, vous voulez rire !Excusez-moi, Sonia, je dois vous paraître un peu…

– Oui, un peu brutal…

– Merci, je méritais un autre mot, maisvous êtes une femme trop supérieure pour n’avoir pas compris, dèsle premier jour, qu’il ne pouvait y avoir dans ma pensée de placepour l’amour, à l’heure où elle était si entièrement, si férocementprise par l’abominable politique.

– Eh bien ! mon cher, sans doute quevous me voyez plus supérieure que je ne le suis en réalité car… (cedisant, elle s’était levée et, dérangeant quelques livres dans labibliothèque, elle avait glissé sa main dans une cachetteprofonde)… car, lorsque je recevais les billets que voici ;j’ai eu la naïveté de vous croire amoureux, oui, moncher !

Et elle jeta devant lui un sachet parfumé dontquelques lettres s’échappèrent. Il les parcourut, sourit etdit : « C’est pourtant vrai ! »

– Vous me mentiez donc ! Il n’yavait pas un mot sincère dans tous ces jolis compliments !

– Non, Sonia, je ne vous mentaispas ! Si vous voulez absolument que je vous répète ce que jevous écrivais alors, je vous dirai encore : « Sonia, vousêtes adorable ! » Et c’est même à cause de cela que je nevous l’ai plus écrit ! J’ai eu peur de vous adorer, ma chèreamie, voilà toute l’histoire.

– Jacques, continua-t-elle d’une voixgrave, j’ai vu aujourd’hui Mlle de la Morlièreà la Chambre. Savez-vous bien qu’elle est jolie ? Trèsjolie.

Jacques ne répondait pas… Il fronçaitterriblement les sourcils. Elle eut l’incroyable courage de luidemander :

– Vous l’aimez, n’est-ce pas ?

– Oui, répliqua l’autre, brusque etfurieux.

Sonia n’avait pas bougé. Deux lourdes larmescoulaient maintenant le long de ses belles joues.

Alors, elle aussi, se mit à écrire… à écrire…,et puis ce fut elle qui reprit la parole, d’une voix qu’elleessayait d’affermir.

– Je vois, dit-elle, que c’estpour lundi, cinq heures du matin, ce jour-là vous triompherez, ounous serons séparés pour toujours ou réunis dans la mort, ce quiest la même chose, car je ne vous survivrai pas. La viem’ennuierait trop après des heures pareilles, excusez-moi donc, monami, si avant cette minute tragique j’ai voulu savoir… Je ne mereprocherai pas de vous avoir détourné une seconde de votre but etje me déclarerai satisfaite de ce triste entretien, s’il a pu vousmettre en garde contre Askof.

– C’est lui d’abord, interrompit Jacques,qui nous a fait connaître l’un à l’autre et, de cela, je lui seraiéternellement reconnaissant. C’est lui qui a imaginé de fairecommuniquer votre hôtel avec ce débit de boissons et de fairecreuser une porte dans le mur de mon appartement de l’avenue d’Iénade telle sorte que, lorsqu’on me croit chez moi, je suistranquillement ici, à démolir la Constitution, aidé par la plusaimable et la plus dévouée des secrétaires ! C’est Askofencore qui a trouvé ce curieux moyen de communiquer entre nous,grâce au plus amusant et au plus insoupçonné des mots d’ordre« le truc des cacahuètes ! »

– Oh ! depuis que la liste voléenous est revenue dans un cornet de cacahuètes, vos cacahuètesm’épouvantent !

– Finissons-en avec ces bulletins,voulez-vous ? Puisqu’il est entendu que nous nous méfionsmaintenant d’Askof, il est inutile, quand il viendra tout àl’heure, qu’il les voie…

– Mais comment ferez-vous parvenir cesbulletins de convocation ? demanda Sonia, vous ne lesconfierez pas à la poste ?

– Jamais de la vie ! C’est à vousque je les confierai ! C’est par votre entremise qu’ilsparviendront à leur adresse. Il n’y a encore que vous et moi quiconnaissions l’heure exacte à laquelle j’ai fixé l’extraordinaireconvocation des Chambres. Ma chère amie, vous ferez signer cesbulletins par Lavobourg dans la journée de dimanche ; sasignature légalisera en quelque sorte cette exceptionnelleconvocation et déterminera les plus hésitants… Mais, comprenez-moibien ! À partir de la minute où Lavobourg aura signé, il nefaudra plus que Lavobourg vous quitte ! Car alors nous seronstrois à connaître l’affaire et je trouve que c’est beaucoup, mais,au fond, si Lavobourg ne vous quitte pas et si vous ne cessez de lesurveiller, je serai tranquille.

– Je vous le promets, Lavobourg signeraet ne me quittera pas. Mais pour faire parvenir ces convocations àleur adresse, comment ferai-je ?

– Vous avez vu l’homme qui est venutantôt de Versailles ?

– Oh ! parfaitement !

– Eh bien ! cet homme qui est un amisûr du général Mabel sera, dans la nuit de dimanche, au bal duGrand Parc avec vingt soldats de mon ancien bataillon du Subdamoun,caserné en ce moment à Versailles. Ces hommes me sont dévouésjusqu’à la mort. Ils seront à Paris dimanche, en civil. Ce sont euxqui déposeront à la dernière heure, entre les mains mêmes desparlementaires désignés, toutes les convocations après que vous lesaurez remises à leur chef, l’émissaire que vous connaissez. J’aifait retenir une loge pour vous au bal du Grand Parc qui commence àminuit et demi. Vous vous y rendrez avec des amis et Lavobourg,naturellement… À deux heures du matin, l’homme s’approchera de vouset vous lui donnerez le paquet sous le manteau.

– Tout cela est parfait !

– Ah ! encore une grave besogne.Quand Lavobourg aura signé les bulletins, vous les mettrezvous-même sous enveloppe et vous inscrirez avec soin sur cesenveloppes les noms de la liste.

– Alors, dites-moi, Jacques… Il mesemble… il me semble que je comprends… mais c’est bien audacieux ceque vous allez faire là… alors, vous… vous ne convoquez que lesdéputés et sénateurs de la liste ?

– Évidemment !

– Eh bien ! et les autres ?

– Les autres n’auront pas, par hasard,été touchés par la convocation qui se sera égarée ou qui leurarrivera trop tard… je tiens des bulletins en réserve que jene leur ferai parvenir, à ceux-là, que lorsque tout sera terminé…et alors, nous serons en pleine légalité ! Nousaurons déjà voté la révision de la Constitution !

– Et le président de la République danstout cela ?

– Nous laisserons le chef de l’État endehors de toute l’affaire ; il ne l’apprendra que lorsque lesChambres seront déjà à Versailles. Il n’aura pas à intervenir. Onne touchera pas à sa personne, ni à son grade, si j’ose dire. Etcomme la loi n’aura pas été violée, il n’aura qu’à laisser faire.Son silence et son abstention, c’est tout ce qu’on lui demande,pour le moment.

– Et après ? questionna Sonia,curieuse.

– Après, voici comment les choses vont sepasser :

« À cinq heures du matin, les Chambresauront décidé la révision immédiate et la réunion de l’Assembléenationale à Versailles pour le matin même. La séance durera dixminutes, pas plus. Là-dessus, les sénateurs et les députés quireprésentent la nation et qui s’arrogent le droit de passer, en unepareille crise, au-dessus de la procédure inutilement dilatoire del’inscription et de la publication au Journal officiel, serendent à Versailles (des autos seront prêtes). À sept heures,l’Assemblée nationale entrera en séance et décidera de commencer larévision sur l’heure, émettra un vote déclarant suspect legouvernement, nommera pour la durée des travaux de révision ungouvernement provisoire réduit à sa plus simple expression :un duumvirat !

– Qui seront les duumvirs ?

– Moi et votre ami Lavobourg… chargés,comme on dit, d’expédier les affaires courantes, de veiller à lasécurité de l’Assemblée et de protéger ses travaux.

– Mais croyez-vous que l’Assemblée voussuivra dans cette voie ?

– J’en suis sûr. D’ici là, je l’auraieffrayée. Ils feront ce que je voudrai. Le président du Sénat à quirevient la présidence de l’Assemblée aura, à Paris même, signé unordre donnant au général Mabel, commandant la place de Versailles,la garde de l’Assemblée nationale. Quand l’Assemblée arriveralà-bas, elle trouvera avec joie toutes les troupes debout et monfameux bataillon dans la cour du château, tout cela prêt à lasoutenir et à la défendre, mais entendez-moi, Sonia, prêt aussià la faire marcher, si j’en donne l’ordre àMabel !

– Mon Dieu ! tout ce que vous medites-là est à peine croyable… Mais, à Paris, dès que le bruit desévénements du matin se répandra et que l’on saura ce qui se passe àVersailles, le gouvernement, qui dispose de tout Paris, marcheracontre Versailles !

– Vous oubliez qu’il marchera alorscontre la loi !

– Eh ! mon cher, ne jouons pas surles mots. Il prétendra que c’est vous qui l’avez violée !

– Non, il ne prétendra pas cela, car jene lui en laisserai pas le temps !

– Et Flottard ! Vous oubliezFlottard ! le gouverneur civil du gouvernement militaire deParis ! Il accourra avec ses troupes.

– Ah çà ! mais Sonia, vous ne m’avezdonc pas entendu ? Je vous ai dit que l’Assemblée nommeraimmédiatement un gouvernement provisoire de duumvirs dont je seraile chef. Il n’y a pas cinq minutes, vous entendez, cinq minutes quej’aurai été chargé, moi, par l’Assemblée légale de la nation, de sasécurité, que j’aurai expédié téléphoniquement l’ordre d’arrêterFlottard et tous les membres du gouvernement déclarés suspects etla plupart de nos plus fortes têtes !

– Jamais Cravely n’obéira !

– Me prenez-vous pour un niais ?Croyez-vous que j’aie besoin de cet imbécile ? C’est lapréfecture qui marche, ma chère Sonia !

– J’ai toujours dit que le préfet depolice était un parfait galant homme !

– Oh ! il ne marchera que sinous réussissons ! Il ne voudra rien faire avant lecoup de téléphone de Versailles, mais alors, couvert par unepseudo-légalité, il sera à fond avec nous. Jusqu’à cette minute, ilne nous servira qu’à isoler ceux dont nous voulons êtredébarrassés. Certains fils téléphoniques reliant les ministères auPalais-Bourbon seront, à partir d’une certaine heure, dansl’impossibilité de servir ! Oh ! nous avons pensé àtout ! On pigera ces bons messieurs de l’extrême-gauche aulit. Oh ! on ne leur fera pas grand mal ! Ils auront unréveil étonné, voilà tout ! Et maintenant, avez-vousconfiance ?

– Quel homme vous faites, Jacques !Si vous réussissez, où vous arrêterez-vous ?

– Moi, mais ma chère, vous oubliez que jesuis avant tout un bon républicain.

Ils en avaient fini avec les bulletins. Il enfit un paquet qu’il enveloppa simplement dans un journal et le luitendit :

– Tenez ! Vous avez dans vos bellesmains la destinée de la République…

Il savait ce qu’il faisait en se débarrassantentre ses mains du précieux colis. D’abord s’il pouvait redouterpersonnellement une hésitation dernière de ce cœur pusillanime deLavobourg, il était sûr que celui-ci ne saurait point résister àSonia et qu’il signerait sur sa prière ou sur son ordre. Ensuite,l’affaire maintenant était en route quoi qu’ilarrivât !

La jeune femme accepta le dépôt avec uneallégresse intérieure sans égale.

Elle s’était rapprochée de lui et le brûlaitde la flamme ardente de son regard.

Il ne sut point lui résister quand elle luiprit la main et qu’elle l’entraîna en lui disant :

– Venez ! Il faut que vous sachiezoù, jusqu’à demain soir, je cache les bulletins… Si par hasard ilm’arrivait un accident, il faut tout prévoir…

Déjà elle avait soulevé le rideau et pénétréavec lui dans sa chambre… Elle lui lâcha la main, fit de lalumière, parut ne pas s’occuper de lui, n’être nullement gênée parla présence de cet homme dans cette pièce où il n’avait jamaispénétré et où était préparé le repos de la célèbre Sonia Liskinne,dans un luxe rare et troublant.

Cependant, le parfum délicat et souverain donttoute cette intimité de jolie femme était imprégnée agissait surlui comme sur un collégien, en dépit de toute sa force d’âme, etdéjà il entendait à peine ce qu’elle lui disait.

Il regardait glisser la forme désirable sur letapis où l’on avait jeté des peaux de bêtes ; il la vit montersur un tabouret qui lui faisait une sorte de piédestal, se haussersur la pointe des cothurnes, ce qui lui permit d’atteindre auxrayons d’une petite bibliothèque qui se trouvait à la tête dulit.

– Tenez ! c’est ici ! Derrièrece livre… personne n’ira les chercher là… je les mets là avec lafameuse liste… Vous ne savez pas ce qu’il y a encore dans ma petitecachette ? Tenez ! le cornet de cacahuètes… le cornet depapier rose… que nous avons trouvé sur la table du boudoir avec laliste qui m’a été si mystérieusement rapportée à moi ! Tout demême ! quel curieux mystère ! et pourquoi cescacahuètes ?

– Sans doute, répondit Jacques qui fiteffort, lui aussi, pour dire quelque chose… sans doute pour nousfaire comprendre que celui qui nous rapportait la liste volée étaitun de nos amis, Un de ceux qui viennent quelquefois travailler icile soir avec moi… et qui connaît le chemin des cacahuètes et quin’a pas voulu se désigner autrement… Alors ? alors, ma chèreSonia, ne pensons plus aux cacahuètes !

Il avait dit cela d’une voix si étrange et sinouvelle… Elle le regarda du haut de son tabouret…

Il était près d’elle et il lui tendit la mainpour qu’elle descendît. Elle prit cette main qui était brûlante etsauta légère comme Diane chasseresse.

Cependant, le haut talon de son cothurne lafit, un quart de seconde, chanceler.

Un quart de seconde ! un quart deseconde ! Il ne faut qu’un quart de seconde à l’Amour ou à laMort qui guettent, poussés par la Destinée.

Pendant ce quart de seconde-là, Sonia glissasur la poitrine de Jacques. Il l’y retint. Elle poussa un soupir etil lui donna un baiser. Et, pendant les secondes qui suivirent, etles minutes, et les heures… tout fut oublié !

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