LE COUTEAU SUR LA NUQUE AGATHA CHRISTIE

— Oui. Le meurtrier savait exactement l’endroit où il devait frapper pour atteindre les centres vitaux à la base du crâne.

— Peut-être est-ce un médecin ? observa Jenny.

— Miss Adams comptait-elle un médecin au nombre de ses amis ?

Jenny secoua la tête.

— Pas en Angleterre en tout cas, car elle m’en aurait sûrement parlé.

— Encore une question : Miss Adams portait-elle des lunettes ?

— Des lunettes !… Jamais de la vie !

— À propos, miss Adams connaissait-elle Bryan Martin ? demanda Poirot.

— Oh ! oui. Elle l’a connu tout enfant, mais ils ne se voyaient plus que rarement. Carlotta le trouvait trop infatué par le succès.

Jenny consulta sa montre et poussa un cri.

— Je me sauve ! Vous ai-je été de quelque utilité, monsieur Poirot ?

— N’en doutez pas, mademoiselle, et j’aurai même encore recours à vos services.

— Quand bon vous semblera, monsieur Poirot.

Elle nous donna une vigoureuse poignée de main ; ses dents blanches étincelèrent dans un sourire, puis elle nous quitta.

— Une jeune personne très intéressante, observa Poirot, en réglant l’addition.

— Elle m’est sympathique, dis-je.

— Il est toujours agréable de parler à une jeune femme d’esprit vif.

— Un peu sèche, peut-être. La mort de son amie ne paraît pas l’avoir bouleversée comme je m’y attendais.

— Évidemment, elle n’a rien de commun avec ces femmes qui sans cesse fondent en larmes.

— Avez-vous tiré de cette entrevue tout ce que vous escomptiez ?

Poirot hocha la tête.

— Non. J’en escomptais davantage… J’espérais déceler la personnalité de « D. », l’énigmatique « D. », qui a offert la petite boîte en or à Carlotta Adams. Malheureusement, Carlotta était une femme discrète qui ne divulguait à personne ses affaires de cœur. D’autre part, la mystification a pu lui être proposée par une connaissance de hasard qui lui aura offert une importante somme d’argent ; cette personne, ayant aperçu la boîte en or que Carlotta portait dans son sac, aura réussi à découvrir ce qu’elle contenait.

— Mais comment est-on parvenu à lui faire absorber une aussi forte dose de véronal… et quand ?

— Souvenez-vous que l’appartement resta ouvert pendant que la bonne se rendit à la poste. J’avoue que cette hypothèse est loin de me satisfaire ; elle laisse trop de place à l’imprévu. Allons, remettons-nous à l’ouvrage. Il nous reste deux faits à vérifier.

— Lesquels ?

— Le premier est le coup de téléphone à un numéro du central de Victoria. Il est probable que Carlotta aura voulu annoncer son succès aussitôt rentrée chez elle. Où donc se trouvait-elle entre dix heures cinq et minuit ? Peut-être à un rendez-vous avec l’instigateur de la supercherie, auquel cas l’appel téléphonique aurait plutôt été adressé à une personne amie.

— Et la seconde piste ?

— Il s’agit de la lettre envoyée par Carlotta à sa jeune sœur. Il est possible – je dis seulement possible – que dans cette lettre Carlotta ait tout raconté en détail, sans pour cela manquer à sa promesse, la missive ne devant parvenir à destination qu’une semaine plus tard.

— Voilà qui serait merveilleux !

— Ne fondons pas trop d’espoir là-dessus, Hastings. Ce serait simplement du hasard. Pour le moment, étudions l’autre aspect du crime.

— Qu’appelez-vous « l’autre aspect » ?

— L’ensemble de ceux à qui profite le décès de lord Edgware.

Je haussai les épaules.

— À part son neveu et sa femme…

— Et celui qui voulait épouser sa femme, ajouta Poirot.

— Le duc ? Il est à Paris.

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