LE COUTEAU SUR LA NUQUE AGATHA CHRISTIE

Poirot se tut un moment. Japp le regardait d’un air inquisiteur.

— Vous avez une idée derrière la tête, monsieur Poirot ?

— À propos, je ne sais encore ce que vous attendez de moi. Voyons, vous avez un beau crime… Vous tenez l’assassin… et même le mobile. Au fait, quel est le véritable mobile ?

— Jane Wilkinson désirait se marier avec un autre homme. Elle l’a dit devant témoins il y a quelques jours. Il paraît même qu’elle proférait des menaces et voulait se rendre en taxi chez son mari pour le tuer.

— À la bonne heure, vous êtes bien renseigné, mon cher Japp : très bien renseigné. On s’est empressé de vous mettre au courant.

— Nous entendons bien des choses, expliqua Japp d’un air fin.

Poirot ramassa un journal que le policier avait apporté et l’ouvrit d’un geste machinal. Ses yeux parcouraient le texte, mais ses pensées étaient ailleurs.

— Vous n’avez pas encore répondu à ma question, dit-il enfin ; pourquoi venez-vous me trouver ?

— Parce que j’ai appris que vous étiez à Regent Gate hier à midi.

— Je comprends.

— Aussitôt, je me suis dit : Pourquoi lord Edgware a-t-il fait appeler M. Poirot ? Que redoutait-il ? Avant de rien entreprendre, il est prudent que j’aille m’entretenir avec M. Poirot.

— Qu’entendez-vous par « rien entreprendre » ? Sans doute, arrêter la femme ?

— Tout juste.

— Vous ne l’avez pas encore vue ?

— Oh ! si ! Je me suis rendu sur-le-champ à l’hôtel Savoy. Je n’allais pas risquer de la laisser m’échapper.

— Ah ! Ainsi vous…

Poirot s’interrompit. Son regard, qui, jusque-là, avait erré sans rien voir sur le journal, sembla soudain attiré par un entrefilet, et l’expression de son visage changea. Il leva la tête et demanda à l’inspecteur de Scotland Yard :

— Eh bien, mon ami, que vous a dit lady Edgware ?

— Je lui ai débité le boniment habituel : il nous fallait son témoignage et nous la priions de se tenir à notre disposition… Allez prétendre après cela que la police anglaise ne se comporte pas loyalement ?

— Elle en est même idiote, déclara Poirot. Et que vous a dit lady Edgware ?

— Elle a piqué une crise de nerfs. Oh ! pour sûr c’était bien imité… en vraie artiste.

— Alors, vous croyez que cette crise de nerfs était feinte ?

Japp cligna de l’œil.

— Et vous, qu’en pensez-vous, monsieur Poirot ? On ne me la fait pas, à moi. Elle n’a pas perdu connaissance une seconde.

— Possible. Et après ?

— Ma foi, elle est revenue à elle… ou plutôt a fait semblant. Elle a gémi, pleuré et tout ce qui s’ensuit ; une domestique à l’air revêche lui administrait des sels. Enfin, elle a réclamé un avocat. Elle ne parlerait qu’en présence de celui-ci. Une femme qui sort d’une crise de nerfs et demande un homme de loi, cela vous semble naturel ?

— Oui, étant donné les circonstances.

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