Chapitre 4Des devoirs d’une entremetteuse.
Si une femme a manifesté son amour ou son désir par des signesou des mouvements de son corps, et qu’ensuite elle ne se laisseplus loir que rarement ou pas du tout, ou s’il s’agit d’une femmerencontrée pour la première fois, l’homme doit employer uneentremetteuse pour s’approcher d’elle.
Or l’entremetteuse, après s’être insinuée dans la confiance dela femme en agissant suivant ses dispositions, essaiera de luifaire haïr ou mépriser son mari en tenant avec elle d’artificieusesconversations en lui parlant de médecines pour avoir des enfants,en lui racontant les contes de diverses sortes sur les voisins, deshistoires sur les femmes des autres, et en célébrant sa beauté, sasagesse, sa générosité, son bon naturel. Elle lui dira : « C’est envérité bien dommage que vous, une femme si excellente sous tous lesrapports, soyez sous la domination d’un tel mari. Belle dame, iln’est pas fait même pour vous servir. » L’entremetteuse parleraensuite à la femme de la faible passion de son mari, de sajalousie, de sa coquinerie, de son ingratitude, de son aversionpour les plaisirs, de sa sottise, de sa mesquinerie, et de tous lesautres défauts qu’il peut avoir et qu’elle pourra bien connaître.Elle insistera particulièrement sur tel défaut ou imperfection quilui paraîtra devoir être plus sensible à la femme. Si l’épouse estune femme-biche, et le mari un homme-lièvre, il n’y a rien àdire ; mais s’il était un homme-lièvre, et elle unefemme-jument ou une femme-éléphant, alors elle lui ferait sentir ladisproportion.
Gonikaputra est d’avis que, dans le cas où la femme en est à sapremière intrigue, ou qu’elle n’a fait connaître son amour qu’avectoutes sortes de réticences, l’homme doit alors se procurer et luienvoyer une entremetteuse qui la connaisse déjà et en qui elle faitconfiance.
Mais revenons à notre sujet. L’entremetteuse parlera à la femmedu dévouement et de l’amour de l’homme, et lorsqu’elle verragrandir sa confiance et son affection, elle lui dira alors cequ’elle devra faire, le la manière suivante : « Écoutez ceci, belledame ; voilà un homme, de bonne famille, qui vous a vue, etqui en perd la tête. Le pauvre jeune homme, d’une nature sisensible ! il n’a jamais été aussi rudement éprouvé, et jecrains bien qu’il ne succombe à son affliction, qu’il ne finissepar en mourir ! » Si la femme prête à ces paroles oreillefavorable, alors, le jour suivant, l’entremetteuse, qui observé dessignes de bon augure sur son visage, dans ses yeux dans saconversation, lui Parera de nouveau de l’homme, et contera leshistoires d’Ahaffa et d’Indra, de Sacountala et hyanti, ou d’autressemblables qui pourront s’adapter à l’occasion.
Elle lui vantera la force de l’homme, ses talents, son habiletédans soixante-quatre sortes de plaisirs mentionnées par Babhravya,bonne mine, et sa liaison avec quelque noble dame, n’importe que cedernier point soit vrai ou non.
De plus, l’entremetteuse notera avec soin la conduite de lafemme à son égard. Si elle lui est favorable, voici quels serontses procédés :
Elle l’accueillera d’un air souriant, s’assiéra tout prèsd’elle, et lui demandera : « Où avez-vous été ? Qu’avez-vousfait ? Où avez-vous dîné? Où avez-vous dormi ? Où vousêtes-vous assise ? » Elle ira aussi trouver l’entremetteusedans des endroits solitaires ; là, elle lui contera deshistoires, bâillera contemplativement, poussera de longs soupirs,lui donnera des présents, la fera ressouvenir de quelque joyeusejournée, et la renverra en souhaitant de la revoir, et en luidisant d’un air enjoué : « Oh ! jolie parleuse, pourquoim’avez-vous dit ces méchantes paroles ? » Puis elle observeraque ce serait péché d’avoir commerce avec cet homme ; et ellene dira rien des rendez-vous ou conversations qu’elle aura déjà puavoir avec lui, mais désirera qu’on l’interroge là-dessus, et enfinrira de la passion de l’homme, mais sans lui en faire un crime.
Ainsi finit la conduite de la femme avec l’entremetteuse.
Lorsque la femme aura manifesté son amour comme il vient d’êtredit, l’entremetteuse l’attisera en lui apportant des gages amoureuxde la part de l’homme. Mais si la femme ne le connaît pas bienpersonnellement, l’entremetteuse l’amènera à ses fins en célébrantet en exaltant ses bonnes dualités, et en lui contant des histoiresde son amour pour elle. Uddalaka dit à ce propos que si un homme etune femme ne se connaissent pas personnellement, et s’ils ne sesont pas montré l’un à l’autre des signes d’affection, l’emploid’une entremetteuse est inutile.
Les disciples de Babhravya, d’un autre côté, affirment que s’ilsse sont montré l’un à l’autre des signes d’affection, quoique ne seconnaissant pas personnellement, il y a lieu d’employer uneentremetteuse. D’après Gonikaputra, cet emploi est de saison pourvuqu’ils se connaissent, lors même qu’il n’y aurait pas eu de signesd’affection.
Vatsyayana, lui, établit que même s’ils ne se connaissent paspersonnellement et ne se sont montré l’un à l’autre aucun signed’affection, tous les deux cependant peuvent donner leur confianceà une entremetteuse.
Or l’entremetteuse fera voir à la femme les présents, tels quenoix de bétel et feuilles de bétel, parfums, fleurs et anneaux, quel’homme pourra lui avoir donnés pour elle, et sur ces présentsseront imprimées les marques des dents et des ongles de l’homme,avec d’autres signes.
Sur l’étoffe qu’il pourra lui envoyer, il dessinera avec dusafran ses jeux mains jointes ensemble, pour signifier son ardenteprière.
L’entremetteuse fera voir aussi à la femme des figuresornementales de différentes sortes découpées dans des feuilles,ainsi que des ornements d’oreilles et des chapelets de fleurscontenant des lettres d’amour où sera exprimé le désir de l’homme,et elle la déterminera à lui envoyer en retour des présentsaffectueux. Une fois ces présents acceptés de part et d’autre,l’entremetteuse, de sa propre initiative, arrangera entre eux unrendez -vous.
Les disciples de Babhravya disent que ce rendez-vous doit avoirlieu à l’époque où l’on visite le temple une divinité, ou àl’occasion de foires, parties de jardin, représentationsthéâtrales, mariages, sacrifices, festivals et funérailles, ouencore lorsqu’on va se baigner à la rivière, ou bien en temps decalamités naturelles, d’incursions de brigands ou d’invasion dupays par l’ennemi.
Gonikaputra est d’avis que ces rendez-vous doivent de préférencele donner dans les demeures de femmes amies, de mendiants,d’astrologues et d’ascètes. Mais Vatsyayana décide que le seul lieuconvenable à ce sujet est celui dont l’entrée et la sortie sontfaciles, où il a été pris des dispositions Pour éviter toutaccident, et où l’homme, ayant une fois pénétré dans la maison,peut la quitter au moment voulu sans risquer une rencontrefâcheuse.
Maintenant, voici quelles sont les différentes sortesd’entremetteuses ou messagères :
