Le Voleur

Chapitre 7DANS LEQUEL ON APPREND, ENTRE AUTRES CHOSES, CE QUE DEVIENNENT LESANCIENS NOTAIRES

 – Mon avis, me ditRoger-la-Honte dans le cab que nous venons de prendre à CannonStreet, c’est que si Paternoster nous donne cent mille francs desvaleurs que nous lui apportons, ce sera beau.

– Paternoster ? Quiest-ce ?

– Ah ! oui, tu ne sais pas.C’est l’homme chez lequel nous allons laver nos papiers.

– Le nom est irlandais, jecrois…

– Oui, mais celui qui le porte estFrançais. C’est vrai, ça ; tu n’es au courant de rien ;mais dans quelques jours… Eh ! bien, Paternoster, c’est unancien officier ministériel ; il était notaire, je ne saisplus où, du côté de Bourges ou de Châteauroux…

– Et il a levé le pied, comme tantd’autres de ses confrères, avec les fonds de ses clients, et ils’est sauvé ici…

– Pas tout à fait. On l’aurait faitextrader et il serait au bagne à l’heure qu’il est. Voici commentles choses se sont passées : Paternoster était marié avec unefemme très jolie, qu’il n’aimait guère – car il n’a d’autre passionque celle de l’argent – et qui ne l’aimait pas du tout. Elle étaitla maîtresse d’un député qui venait d’être fait ministre, et quil’a encore été depuis. Paternoster – j’ai oublié le nom qu’ilportait en France – le savait, mais fermait les yeux. Cela nefaisait le compte ni du ministre ni de la femme qui auraient étéfort aises qu’un divorce leur procurât la liberté complète qu’ilsdésiraient. Comment parvinrent-ils à faire entendre raison, sur cechapitre, à Paternoster ? C’est assez facile à expliquer parle simple énoncé des événements qui se succédèrent avec rapidité.D’abord, sur la plainte fortement motivée de la femme, un divorcefut prononcé contre Paternoster ; le soir même, cet excellentnotaire mettait la clef sous la porte de son étude et disparaissaitavec les épargnes confiées à ses soins vigilants ; quinzejours après, il était arrêté ; et, deux mois plus tard,condamné à dix ans de travaux forcés ; il est inutile de tedire que les fonds qu’il s’était appropriés, avaient été dilapidésdans des opérations de Bourse, et qu’on n’en retrouva pas uncentime.

– Je le crois facilement. Mais jene vois point, jusqu’ici, quel bénéfice Paternoster avait retiré desa complaisance.

– Attends un peu. Trois jours aprèssa condamnation, il fut relâché clandestinement.

– Quoi ! Mis enliberté ?

– Absolument. Le ministre n’avaiteu qu’un mot à dire… Mais ne fais donc pas semblant d’ignorercomment les choses se passent en France… Paternoster vint doncretrouver à Londres les écus dont il avait dépouillé ses clients,et qui, au lieu de cascader à la Bourse, étaient empiléssoigneusement dans les coffres d’une banque anglaise. Je merappelle l’avoir vu arriver ici ; J’étais un soir à VictoriaStation, par hasard, et j’ai vu descendre du train continental lebonhomme à figure de renard que tu vas voir tout à l’heure et quej’ai bien reconnu, depuis, dans le Paternoster qui s’est mis àtrafiquer avec nous ; ce soir-là, il était accompagné d’uncuré et d’une toute jeune fille vraiment charmante. Je ne les aijamais revus, ni l’un ni l’autre. Je ne sais pas ce que c’était quele curé ; j’ai entendu dire que la petite était la fille dePaternoster, une fille qu’il a eue d’un premier mariage. Ah !nous voici arrivés…

Le cab s’arrête, en effet, dans une deces rues étroites qui sillonnent la Cité de Londres, devant unehaute maison noire dont, bientôt, nous montons l’escalier. Audeuxième étage, Roger-la-Honte tourne le bouton d’une porte et nousnous trouvons dans une grande pièce garnie de cartonniers et delongues tables, où travaillent deux ou trois clercs. Sur uneinterrogation de Roger, l’un d’eux se lève, se dirige vers uneporte, au fond de la salle, derrière laquelle il disparaît. Ilrevient une minute après, nous invite à le suivre et nous introduitdans une petite pièce un peu mieux meublée que la première ;un homme assis devant un grand bureau couvert de papiers se lève ànotre entrée, tend la main à Roger-la-Honte et m’accueille d’unprofond salut.

– Vous voilà enfin ! dit-il àRoger. Il y a un grand mois que je n’ai eu le plaisir de vous voir.Monsieur est de vos amis, je présume ?

Roger-la-Honte me présente ;Paternoster se déclare enchanté et continue :

– J’espère que votre santé estbonne. Et les affaires ? Difficiles, hein ? Tout le mondese plaint un peu. Mais je parie que vous avez trouvé moyen de fairequelque chose ?

Je l’examine, pendant qu’il parle. Uneface glabre, sans couleur, un grand nez, des yeux verdâtres de chatmalfaisant diminués, semble-t-il, par de gros sourcils poivre etsel qui se rejoignent et barrent le front, une bouche qui paraîtavoir été fendue d’un coup de canif, des cheveux gris, légèrementbouclés, qui rappellent les perruques des tabellionsd’opéra-comique. Mais la plume d’oie traditionnelle serait malvenue à se ficher dans ces cheveux-là, et les lunettes d’orn’iraient pas du tout sur ce grand nez ; ce n’est pas là unetête à faire rire, une figure de cabotin ; c’est la volonté,tenace et muette, maîtresse d’elle-même, qui a mis sa marque sur cevisage et cette tête, si laide qu’elle soit, est une tête d’homme.L’ossature est puissante ; et les lèvres, qui se crispent pourlaisser filtrer l’ironie, pourraient s’ouvrir, si elles levoulaient, pour lancer d’effrayants coups de gueule.

– Nous avons fait quelque chose, eneffet, dit Roger-la-Honte en ouvrant son sac de voyage et endéposant sur le bureau le paquet de titres que nous apportons deBruxelles ; vous allez nous donner votre avis là-dessus ;et si vous ne nous offrez pas deux cent mille francs séancetenante, j’irai dire partout que vous ne vous y connaissezpas.

– On ne vous croirait pas, ricanePaternoster. Donnez-vous donc la peine de vous asseoir… Oh !Oh ! mais vous n’exagérez pas trop ; c’est une belleaffaire. À vue de nez et au cours moyen, il y a là plus de quatrecent mille francs. Malheureusement…

– Ah ! dit Roger-la-Honte avecun geste désespéré, voilà que ça commence !…

– Attendez donc que ce soit finipour vous plaindre, interrompt Paternoster qui continue àfeuilleter les valeurs, de ses longs doigts maigres. Vous êtestoujours pressé… Malheureusement, vous avez été faire ce coup-là enBelgique.

– Qui vous l’a dit ? demandeRoger-la-Honte.

– Ce sont ces papiers eux-mêmes quime l’apprennent. Ce sont là des placements de Belge. Jamais unFrançais, à l’heure actuelle, ne garnirait son portefeuille decette façon-là. Des tas de valeurs industrielles !

– Elles sont souvent excellentes,dis-je.

– Je ne le nie pas. Je leschoisirais de préférence, pour mon compte, si j’avais de l’argent àplacer. Mais mes clients ne raisonnent pas comme moi. Il leur fautdes fonds d’États, ou des valeurs garanties par les États ; lereste ne représente rien à leurs yeux ; ils n’ont pasconfiance ; et le genre d’affaires que je traite ne peut êtrebasé que sur la confiance. Voilà pourquoi je me tue à vous dire defaire, autant que possible, vos coups en France. Voilà un bonpays ! Vous n’y trouvez pas, on presque pas, de valeursindustrielles aux mains des particuliers ; l’instabilité desinstitutions politiques leur interdit ce genre d’achats. Ils nepossèdent guère que de la Rente ou des Chemins de fer. Excellentpays pour les voleurs ! La peur y a discipliné lescapitaux.

– Oui, dit Roger-la-Honte. Maisquand on vous apporte du Crédit foncier ou des emprunts de Villes,vous n’en voulez pas.

– Naturellement ! Ce n’est pasgaranti, au moins officiellement, par l’État ; par conséquent,ça ne vaut rien pour mes clients. Ils changeront peut-être d’avisun jour, mais pas avant longtemps, je crois ; c’est aussil’opinion du ministre de Perse, et le premier secrétaire del’ambassade Ottomane en tombait d’accord avec moi, pas plus tardqu’hier soir.

– Je vois, dis-je, que vous placezvotre papier en Orient.

– Pour la plus grande partie,répond Paternoster, et même en Extrême-Orient ; le Japon y apris goût depuis quelques années et la Chine donne de bellesespérances. Voyez, Monsieur, comme le Progrès choisit, pour samarche en avant, les voies les plus inattendues ! L’Asiatiquequi se rend acquéreur d’un de ces titres qui rapportent à peine 3pour cent à l’Européen, touche, lui, 10 ou 12 pour cent, étantdonné le prix auquel il achète. Il découvre instantanément toute lagrandeur de la civilisation occidentale et les rapports des Blancset des Jaunes deviennent tous les jours plus fraternels. Ce n’estpas tout. L’Asiatique, enrichi grâce à vous, comprend qu’il n’aaucun intérêt à rêver la ruine des puissances européennes ;et, au lieu de se préparer à nous faire courir ce fameux Périljaune si joliment portraituré par l’Empereur d’Allemagne, il noussouhaite, après ses prières du soir, toutes les prospéritésimaginables. Ah ! vous faites le bonheur de bien du monde,sans vous en douter. Et tant de gens éprouvent le besoin de crierharo sur les voleurs ! C’est drôle qu’on se sente obligé, à lafin du XIXe siècle, de prêcher la tolérance…

– Et les personnes qui achètent cestitres n’ont aucune difficulté à en toucher lesintérêts ?

– Aucune ; on se garde bien deleur causer le moindre ennui. Cela amènerait des complicationsqu’il est nécessaire d’éviter dans l’intérêt de l’harmonieuniverselle, répond Paternoster avec un sourire patriarcal. Pourles valeurs au porteur, cela passe comme une lettre à laposte ; pour les valeurs nominatives, nous opérons, avantlivraison, un petit travail de lavage ou de grattage, quelque peusuperficiel, mais qui suffit très bien. J’ai deux de mes clercs quisont très habiles, pour ça ; il est vrai qu’ils ont conquisleurs grades à Oxford ; l’un d’eux, celui qui vous a reçus,est le troisième fils d’un lord ; si ses deux frères, dont lasanté est très mauvaise, viennent à mourir, comme c’est probable,il sera Pair d’Angleterre avant peu… Ah ! oui, continuePaternoster en poursuivant son examen des papiers, bien des gensdont les actions ou les obligations ont été dérobées seraient fortétonnés d’apprendre que les coupons continuent à en être touchésrégulièrement par un général persan, un grand seigneur japonais, unkaïmakan d’Asie Mineure ou un mandarin à bouton de cristal. C’estpourtant la vérité… C’est deux cent mille francs, je crois, quevous demandiez pour ça ?

Nous faisons, Roger-la-Honte et moi, unsigne affirmatif.

– C’est une grosse somme, assurePaternoster en hochant la tête. Quand on pense, ajoute-t-il enposant la main sur la pile de valeurs, que ces papiers représententautant d’argent, autant de travail, autant de misère !… Maisvous ne vous souciez guère de cela. Vous n’êtes pas sentimentaux.Vous volez tout le monde, et allez donc ! au hasard de lafourchette. Il doit y avoir cependant de l’argent bien répugnant,même à voler… Eh ! bien, mes amis, ces papiers représententautre chose encore ; ils représentent notre univers civilisé.Le monde actuel, voyez-vous, du petit au grand, c’est une Sociétéanonyme. Des actionnaires ignorants et dupés ; des conseilsd’administration qui se croisent les bras et émargent ; deshommes de paille qui évoluent on ne sait pourquoi ; et toutesles ficelles qui font mouvoir les pantins tenues par des mainsoccultes…

– Voilà un beau discours, ditRoger-la-Honte. Monsieur Paternoster, il faut poser votrecandidature aux prochaines élections générales. Mais que nousoffrez-vous ?

– Diable ! votre ton est sec,ricane Paternoster. Mais vous avez sans doute le droit de parlerhaut. Vous devez être riches ?

– Nous ? Non. Nous volons,hélas ! simplement pour nous mettre en mesure devoler.

– Je vois ça. Comme lesfonctionnaires recueillent des taxes avec le produit desquelles onles paye pour qu’ils récoltent de nouveaux impôts… La chaîne sansfin de l’exploitation roulant sur la poulie folle de la sottisehumaine… Eh ! bien, Messieurs, voici ce que je vouspropose : je garde la Rente, les Chemins de fer et le Suez, jevous rends toutes les valeurs industrielles, et je vous donnecinquante mille francs.

– Vous plaisantez, ditRoger-la-Honte ; cinquante mille francs, c’est ridicule. Et,quant aux valeurs industrielles, que voulez-vous que nous enfassions ?

– Renvoyez-les à leur propriétaire,répond Paternoster. Figurez-vous que vous êtes des potentats et quevous faites remise d’une partie de ses taxes à l’un de vos fidèlessujets ; la clémence convient à la grandeur et le vol est unimpôt direct, perçu indirectement par les gouvernements. Il yaurait beaucoup à dire là-dessus. En tous cas, de tous les impôts,le vol est celui que les civilisés payent le plus douloureusement,mais le plus consciemment… Oui, renvoyez-les à leur propriétaire.Ce ne sera pas la première fois que les larrons auront renduservice aux honnêtes gens. On a dit que la propriété, c’est levol ; quelle confusion ! La propriété n’est pas levol ; c’est bien pis ; c’est l’immobilisation des forces.Le peu d’élasticité dont elle jouit, elle le doit aux fripons. Levoleur a articulé la propriété, et l’honnête homme est sonbâtard.

– Avez-vous réfléchi enparlant ? demande Roger. Vous me semblez bien autoritaire, àvotre tour.

– Que voulez-vous ? Les hommesd’argent le sont tous, aujourd’hui. Les agioteurs etcourtiers-marrons s’appellent les Napoléon de la finance ; etun coulissier anglais se fait de quotidiennes réclames illustréesqui le représentent vêtu de la redingote grise et coiffé du petitchapeau… Cependant, si vous vouliez être raisonnables…

– Nous ne demandons pasmieux.

– Nous allons voir. Eh ! bien,je consens à garder les valeurs industrielles, quoiqu’elles nepuissent pas me servir à grand’chose. Et, pour le tout, je vousoffre… Attention ! je vais citer un chiffre, et il faudra merépondre oui ou non. Vous me connaissez, monsieur Roger-la-Honte,bien que j’aie le plaisir de voir monsieur votre ami pour lapremière fois ; vous savez que je ne reviens jamais sur unchiffre donné définitivement… Pour le tout, je vous offre troismille livres sterling.

– Qu’en penses-tu ? me demandeRoger.

– Fais comme tu voudras.

– C’est bon, dit Roger ; nousacceptons. Mais nous nous vengerons. Prenez garde à votrecaisse.

– La voilà, ma caisse, ditPaternoster en nous montrant un sac noir, la bag anglaise,longue et peu profonde, qui se balance sans trêve aux mains destrafiquants de la cité ; elle ne me quitte pas ; jel’emporte et je la remporte avec moi ; vous serez malins sivous venez la prendre… Après tout, vous auriez tort de m’envouloir. Je ne peux réellement pas vous offrir un sou de plus, etje hais toutes les discussions d’argent. Si c’était possible, pourla vente des titres volés, je préconiserais l’arbitration ;pas obligatoire, pourtant… Voyons, je vais vous donner cinq centslivres en billets et un chèque pour le reste.

Nous acquiesçons d’un sourire etPaternoster, après nous avoir compté les banknotes, se met endevoir de remplir le chèque.

– Voilà, dit-il en nous le tendant.Avez-vous l’air content, mon Dieu ! Moi, si j’étais voleur,voulez-vous que je vous dise ce qui me ferait surtoutplaisir ? Ce serait de penser que chacun de mes larcinsdémolit les calculs des statisticiens, fausse leurs évaluationssoi-disant rigoureuses de la richesse des nations…

Il nous reconduit jusqu’à la porte et sedéclare pénétré de l’espoir qu’il nous reverra avantpeu.

– Ah ! sapristi,j’oubliais ! s’écrie-t-il comme nous le quittons. Un de mesex-confrères, un notaire du centre de la France, m’a signalél’autre jour un joli coup qu’il y aura à faire dans sa ville d’iciun mois ou deux. Je vous ferai signe, dès le moment venu. C’est unebonne affaire et je veux vous la réserver. Je ne vous demanderaique dix pour cent pour le tuyau ; il faut que j’en rende aumoins cinq au confrère, ainsi… Gentil, hein ?… Aurevoir…

Nous descendons l’escalier en silence.Notre cab nous attend devant la maison ; nous y montons etRoger donne au cab l’adresse d’un hôtel du West-End.

– Malgré tout, dis-je quand nousnous levons de table, vers neuf heures, je ne sais pas si nousaurions trouvé mieux que ce que nous a donnéPaternoster.

– Non, dit Roger ; il nemanque pas, à Londres, de gens exerçant le même métier quelui ; mais c’est crapule et compagnie. Paternoster est encorele plus honnête… À présent, si tu veux, nous allons faire unevisite à Broussaille.

– C’est une excellenteidée.

Nous voilà partis. Le cab file tout lelong de Piccadilly, descend Brompton Road et s’arrête à Kensington,devant une des petites maisons qui bordent un squarequadrangulaire. Nous descendons et Roger fait, à plusieursreprises, résonner le marteau de cuivre qui pend à la porte. Maiscette porte, personne ne vient l’ouvrir ; la maison sembleinhabitée. Les stores sont tirés à toutes les fenêtres, quen’éclaire aucune lumière.

– Bizarre ! dit Roger.Broussaille a dû sortir et la bonne a profité de son absence pouraller se promener de son côté. Voilà une maison bien tenue !Je parie que Broussaille est à l’« Empire. »Allons-y.

Nous y allons. Nous y sommes ; etil y a même dix minutes que nous parcourons le promenoir sans queRoger-la-Honte ait pu apercevoir sa sœur.

– Vous n’avez pas vuBroussaille ? demande-t-il à toutes les femmes.

– Non, répondent-elles ; nousne l’avons pas vue.

Une grande rousse qui vient d’entrer sedirige vers nous en souriant.

– Je suis sûre que tu cherches tasœur, dit-elle à Roger.

– Oui. Sais-tu où elleest ?

– Je ne sais pas où elle est, maisje sais avec qui elle est. Je l’ai rencontrée tout à l’heure avecune dame de Paris.

– Comment est-elle, cettedame ?

– C’est une brune, assez jolie, pastoute jeune, très bien mise.

– Grande ?

– Moins que moi, mais assezforte.

– Bon ! Je sais qui c’est.Merci.

– Écoute un peu, dit la granderousse en le retenant par le bras. Tu vas apprendre dunouveau ; je ne te dis que ça !

– Quel nouveau ?Quoi ?

– Ah ! je ne veux rien teraconter ; tu verras ; il n’y aurait plus de surprise,murmure la grande rousse en s’éloignant.

– Je me demande ce qu’elle veutdire, s’écrie Roger en descendant l’escalier. Mais nous le sauronsbientôt, Broussaille est à deux pas d’ici, à l’hôtel Pathis ;j’en suis certain ; Ida ne descend jamais autrepart.

– Ida, c’est la dame deParis ?

– Oui ; une sage-femme trèschic ; elle vient assez souvent ici ; elle a toute uneclientèle de ladies ; tu comprends, c’est ici comme enFrance…

– Oui, on ne parvient pas toujoursà interner Cupidon dans un cul-de-sac, et alors…

– Alors, on envoie un télégramme àIda qui a toujours son aiguille, landerirette, au bout du doigt,comme Mimi Pinson. Du reste, elle peut rester fille, toujours commeMimi Pinson, car c’est une bonne fille.

Nous attendons une minute à peine aubureau de l’hôtel : une servante, qui a été nous annoncer,revient nous chercher en courant. Nous montons au second étage etnous sommes introduits dans un petit salon où, devant une tablecouverte encore des reliefs du dîner, deux femmes sont assises quise lèvent à notre approche. La plus jeune saute au cou deRoger-la-Honte qui l’embrasse avec effusion. Dès qu’il parvient àse dégager, il va serrer la main que lui tend la dame brune, àlaquelle il me présente. Elle m’accueille fort aimablement, sedéclare ravie et sonne pour demander du Champagne.

– Quelle mauvaise idée vous avezeue de ne pas venir vous faire inviter à dîner, dit-elle ;nous nous sommes ennuyées à mourir, toutes seules.

– Il aurait fallu deviner taprésence à Londres, répond Roger ; et d’ailleurs, mon amiRandal n’aurait pas osé.

– Vraiment ! s’écrieIda ; êtes-vous timide à ce point-là,Monsieur ?

– Beaucoup plus encore,dis-je ; ainsi, je n’aurai jamais l’audace de vous direcombien vous êtes charmante.

– À la bonne heure, ditBroussaille ; je vois que vous avez des défauts qu’il est plusprudent de ne pas corriger.

– Tu n’es pas honteuse de parler deprudence à ton âge ? demande Ida en rougissant unpeu.

Le fait est qu’elle n’est pas mal dutout ; pas de la première jeunesse, bien entendu ;vingt-neuf ans qui en valent trente-trois, sans aucun doute ;mais il n’a pas trop plu sur sa marchandise. Je la regarde, pendantqu’on dessert la table et qu’on apporte le champagne. Oui, unebelle brune, coiffée en femme fatale, avec de longs cils quivoilent mal les sensualités impétueuses que recèlent les yeux, trèsnoirs et cernés d’une ombre bleuâtre ; le front un peu blancet les pommettes un peu rouges ; la peau d’un éclat très vifavec comme un léger nuage cendré, par-dessous ; beaucoup duton des photographies peintes, peut-être. Cette femme-là est uneviveuse, mais une laborieuse aussi ; elle se couche tard, maisse lève tôt ; elle s’amuse, mais elle travaille ; ellemène cette existence en partie double, si fréquente chez lesParisiennes, qui leur donne l’attrait spécial des fleursartificielles, moins fraîches que les autres sans doute, mais quine savent pas se faner. Une belle gorge ; des dents deloup ; une mignonne fossette au menton.

– Je vous préviens que Broussailleva être jalouse, me dit-elle ; vous ne regardez quemoi.

– Ah ! dis-je, je me livrais àl’éternelle comparaison entre la grâce des blondes et la majestédes brunes. Mais mademoiselle Broussaille n’y perdra rien pouravoir attendu.

– Mademoiselle est restée aucouvent, dit Broussaille, et il faut l’y laisser ; appelez-moiBroussaille tout court, ou je ne vous pardonne pas d’avoir commencévos comparaisons par les brunes.

Je tiens à me faire pardonner ; jel’appelle Broussaille et je la tutoierai même, si cela lui faitplaisir. Elle est très jolie, cette petite cocotte ; elle atout le charme d’un jeune faon, d’un gracieux petit animal, lasouplesse et la rondeur chaude d’une caille ; de grands yeuxbleus, très naïfs, et quelque chose d’anglais dans laphysionomie : comme la lèvre supérieure légèrement aspirée parles narines ; ce n’est pas vilain du tout. Une peau fraîche etsatinée sur laquelle glissent les ombres ; et ses cheveux,surtout, ses magnifiques cheveux chaudron dont la masse, relevéetrès haut sur la nuque nacrée, met au visage d’enfant une auréolesoyeuse et bouclée qui laisse seulement apercevoir, comme unefraise un peu pâle piquée d’une goutte de rosée, le lobe endiamantédes oreilles.

C’est une créature de plaisir, unenature fruste sur laquelle la ridicule éducation du couvent aglissé comme glisse la pluie sur une coupole ; un tempéramentd’instinctive pour laquelle la joie de vivre existe mais quipossède, si rudimentairement que ce soit, le sentiment dessouffrances et des besoins des autres, la divination de l’humanité.C’est une simple et une jolie.

C’est une petite bête, aussi. Du moins,son frère le déclare sans hésitation. À la troisième bouteille deChampagne, Roger-la-Honte a voulu savoir quelle était la nouvellequ’il devait apprendre, suivant la prédiction faite par la granderousse, à l’Empire ; et il a demandé aussi des renseignementssur l’aspect mystérieux de la maison de Kensington. Là-dessus,Broussaille s’est troublée visiblement, a semblé chercher unencouragement dans les regards d’Ida, et a fini par raconter unepitoyable histoire. Il y a trois mois environ, elle a acheté à unJuif pour trois cents livres de bijoux qu’elle a payés avec desbillets à quatre-vingt-dix jours, portant intérêt ; de plus,elle a donné au Juif, qui avait promis de renouveler les billetspendant un an au moins, une garantie sur ses meubles. L’échéancedes trois premiers mois tombait avant-hier ; le Juif a refuséde renouveler les effets et, comme Broussaille, prise au dépourvu,ne se trouvait point en mesure de le payer sur-le-champ, il aenlevé le mobilier.

– Tu vois si j’ai du malheur,murmure-t-elle avec des larmes dans les yeux ; il n’y a mêmeplus une chaise chez moi… Ah ! c’est horrible…

– Ne la gronde pas, Roger, imploreIda. Elle est un peu étourdie, tu sais ; mais elle m’a juréses grands dieux qu’elle ne ferait plus des sottisespareilles.

– Non, sanglote Broussaille ;non, je ne le ferai plus jamais. Ne me gronde pas…

Mais Roger n’en a pas la moindre envie.Il rit à gorge déployée.

– Ah ! ah ! C’estvraiment drôle ! Je ne me serais jamais douté de ça, parexemple ! Dis donc, Randal, te rappelles-tu comme je medémanchais le poignet, tout à l’heure, à frapper à la porte ?Ce qu’elle aurait ri si elle avait pu nous voir ! Heureusementque nous ne revenons pas les mains vides, hein ? Allons,Broussaille, viens m’embrasser et ne pleure plus. Demain, nousirons te commander un mobilier…

– Ah ! dit Broussaille dontles larmes se sèchent comme par enchantement, je t’en coûte, del’argent ! Et tu as tant de mal à le gagner ! Ça ne faitrien, va ; je te rendrai tout en bloc un de ces jours, et tupourras aller à Venise… Quand je pense qu’avec ce que tu vasdépenser demain pour les meubles tu aurais pu y aller, je suisfurieuse contre moi.

– Est-elle gentille ! murmureIda. On la mangerait…

– C’est bon, dit Roger. Ne parlonsplus de ça. J’irai à Venise une autre fois… Passe-moi cettebouteille, là-bas… Mais quant à ton Juif, continue-t-il en faisantsauter le bouchon, je lui raccourcirai le nez et je lui allongerailes oreilles, pas plus tard que la nuit prochaine. Je suis sûr queses bijoux ne valaient pas trois mille francs. C’est le pèreBinocar, au moins ? Oui. Eh ! bien, il payera ladifférence. S’il ose se montrer dans les rues d’ici un mois, ilaura du toupet…

– Ah ! s’écrie Ida, faisattention. Ne va pas trop loin ; un mauvais coup est si vitedonné ! Et ça coûte plus cher que ça ne vaut. Il fauttellement se surveiller dans l’existence !

– Tu as raison, répond Roger ;mais si tu mettais tes préceptes en pratique, tu n’aurais pas del’eau à boire.

– Peut-être ; il faut prêcherla prudence et jouer d’audace.

– De l’audace, dis-je, il vous enfaut pas mal, à vous ; le jeu que vous jouez n’est pas sansdangers…

– Oh ! vous savez, quand onest adroite… Il n’y a guère à craindre que les dénonciations desmédecins.

– Ils vous dénoncent ? demandeBroussaille.

– Je te crois, ma petite !Chaque fois qu’ils peuvent. Nous leur faisons concurrence, tucomprends ; ils voudraient se réserver le monopole desavortements… Et pour ce qu’ils font ! C’est du propre. Envoilà, des charcutiers sans conscience ! C’est honteux, lafaçon dont ils estropient les femmes.

– Et la Justice, dis-je, ne tientguère la balance égale entre eux et vous.

– Dites que c’est dérisoire. Qu’unemalheureuse sage-femme ait délivré, par pitié souvent et hors detoute raison d’intérêt, une jeune fille pauvre d’un enfant quil’aurait toute sa vie empêchée de gagner son pain, et on l’arrêtesur des ouï-dire, et on la condamne sans preuves ; qu’unmédecin ait envoyé au cimetière, par sa maladresse de bête brute,des vingtaines de femmes, qu’il ait cinquante plaintes déposéescontre lui, et l’on refuse de le poursuivre, et le gouvernement luidonne une situation officielle. Ne me dites pas quej’exagère ; je citerais des noms si je voulais.

– On pourrait les accuser d’autrechose encore, ces soi-disant savants de la Faculté. C’est leprestige abrutissant de leur science charlatanesque qui est arrivéà donner aux êtres la peur de l’existence, ce souci du lendemainqui avilit, cette résignation égoïste et dégradante ; c’est lacruauté de leur science impitoyable et sanglante qui incite lesêtres à tuer leurs petits. C’est la science, la science deséconomistes et des vivisecteurs, des imbéciles et des assassins,qui est en train de dépeupler la France.

– On cherche des remèdes, ditRoger ; on parle d’un impôt sur les célibataires.

– Pourquoi pas, dis-je, une loidécrétant que l’âge de la nubilité est abaissé de deux ans ?Ce serait moins ridicule.

– Ah ! oui, dit Ida, queltroupeau d’ânes, ces législateurs qui ne savent même plus nousmontrer comment on meurt pour vingt-cinq francs ! Dire qu’ilsne se rendent même pas compte que le seul moyen d’arrêter cemouvement de dépopulation, c’est de donner à la femme la libertépleine et entière depuis l’âge de seize ans, comme ici, etd’autoriser la recherche de la paternité.

– Lorsque la femme sera libre enFrance, dit Roger, la France cessera d’être la France – la Francequ’elle est. – Les législateurs qui nous font voir comment on vitpour vingt-cinq francs n’en doutent point, sois-en certaine.Conclusion…

– Conclusion : il fautcontinuer. Eh bien, on continuera ; jusqu’à ce que ça finisse.Ce qui est consolant, c’est qu’à mesure que le nombre desnaissances diminue, celui des médecins augmente. Ils sont tant,qu’ils ne savent plus où donner du scalpel. On m’a assuré qu’ilsencombrent les ports de la Manche. On les embarque sur les naviresqui vont à Terre-Neuve, à condition qu’ils aideront à saler et àdécouper le poisson.

– Au moins, là, leurs bistourisservent à quelque chose.

– À empoisonner la morue. Je faisgras le Vendredi Saint, depuis que j’ai appris ça.

– Rien que ça de luxe ! ditBroussaille. Madame ne se refuse plus rien. On voit bien que lesaffaires marchent. Eh ! bien, moi, je pense que les riches quituent leurs gosses mériteraient qu’on leur coupât le cou ; etquant aux pauvres qui en font autant, je pense qu’il faut qu’ilssoient rudement lâches pour aimer mieux assassiner leurs petits quede faire rendre gorge aux gredins qui leur enlèvent les moyens deles élever.

– Tu as raison ; pourtant, ilfaut dire la vérité : les filles pauvres, si grande que soitleur misère, se résolvent difficilement à l’acte qui coûte si peuaux dames des classes dirigeantes. Si elles n’étaient pointtraquées comme elles le sont, les malheureuses, mises ensurveillance, dès qu’on s’aperçoit de leur grossesse, par lesmouchards payés ou amateurs qui pullulent en France et qui veillentà ce qu’elles payent l’impôt sur l’amour ; si elles n’étaientpoint affolées par les formalités légales, que nécessite laconscription, et qui doivent stigmatiser leur vie à elles etl’existence de leurs enfants, elles auraient bien rarement recoursaux manœuvres abortives. Quant à la bourgeoisie – c’est labourgeoisie avorteuse.

– À tous les points de vue,dis-je ; elle ne mérite pas d’autre nom. C’est la bourgeoisieavorteuse.

– Bravo ! crie Roger-la-Honte.Vilipendons la bourgeoisie ! Nous en avons bien le droit, jecrois, nous qui sommes obligés d’en vivre.

– Ah ! dit Ida, on n’en dirajamais ce qu’il en faudrait dire… Oh ! à propos, Roger, j’airevu ma cliente… Tu sais bien, la petite femme du monde que j’avaismise en rapports avec Canonnier et qui lui a donné de si bonstuyaux. Elle est venue me voir le jour où je suis partie pourLondres, et m’a dit de faire mon possible pour lui ramenerquelqu’un. Si tu venais, hein ? Nous partirions ensembledemain soir.

– Attends un peu, répondRoger ; il faut que je réfléchisse… Et toujours pas denouvelles de Canonnier ?

– Non ; depuis plus de deuxans. Tout ce qu’on, a su c’est qu’il s’était échappé de Cayenne, ily a six mois… On dit qu’il est en Amérique… C’est sa fille qui a eude la chance ! Adoptée par cette famille de magistrats… Jel’ai vue au Bois et au théâtre, plusieurs fois, à côté de sa mèreadoptive. Mon cher, on dirait une princesse.

– C’est tout naturel, ditRoger ; son père est le roi des voleurs… Ma foi, ma petiteIda, j’en suis désolé, mais je ne peux pas aller à Paris. J’aipromis à un camarade de lui donner un coup de main pour uneaffaire, en Suisse, et ça va venir ces jours-ci. Tout à faitdésolé… Mais, tiens ! pourquoi n’irais-tu pas, toiRandal ?

– Oui, pourquoi ? demande Idaen se tournant vers moi.

Je n’ai pas de raison à donner, et ilest décidé que j’irai. Je manque d’expérience ? Ça ne faitrien. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Je viendraichercher Ida demain soir et nous prendrons le train ensemble, pourla Ville-Lumière. Nous nous levons, Roger et moi.

– Comment ! s’écrie Ida ;vous partez déjà ? Et il n’est que deux heures du matin !Pour qui va t’on nous prendre ?

Mais ses objurgations n’ont aucunsuccès ; et nous nous retirons après lui avoir souhaité unebonne nuit, ainsi qu’à Broussaille, dont le lit fut emporté parl’inexorable Juif et à qui elle a offert l’hospitalité.

S’il avait pensé, cet Hébreu malfaisant,qu’il mettait définitivement sur la paille la sœur deRoger-la-Honte, il pourra bientôt s’apercevoir de son erreur.Broussaille et Ida sont venues nous voir aujourd’hui, vers uneheure ; nos souhaits n’avaient point été vains et ellesavaient parfaitement dormi. Nous avons déjeuné ensemble ;après quoi, nous avons couru les magasins, pendant toutel’après-midi, afin de procurer à la jolie blonde le mobilierindispensable. Ça demande beaucoup plus de temps qu’on ne croirait,ces choses-là. Nous avions employé la matinée, Roger et moi, àdéposer la plus grande partie de notre argent dans une banquesérieuse ; et comme je me suis souvenu, heureusement, desvingt mille francs promis avant-hier à Issacar, je les lui aienvoyés. Qu’ils lui servent, à cet excellent Issacar ! Je luisouhaite bonne chance – et à moi aussi.

Car je ne sais pas ce qui m’attend aprèstout ; et je trouverai peut-être autre chose que des roses,dans le chemin que j’ai choisi.

Voilà Ces tristes réflexions auxquellesje me livre, tout à fait malgré moi, dans le train qui m’éloigne deLondres. Ida est assise en face de moi ; mais son babil neparvient guère à me distraire ; je lui trouve une expressionde gaîté un peu forcée, quelque chose de trop enfantin dans lesgestes…

– Comme vous avez l’airsongeur ! me dit-elle, sur le bateau ; auriez-vous déjàgagné le spleen, en Angleterre ?

– J’espère que non ; mais jeme laissais aller à des méditations philosophiques ; je medemandais comment la Société actuelle ferait pour se maintenir,sans voleurs et sans putains.

– Oh ! dit Ida, voilà unegrande question ! Voulez-vous que je vous donne monavis ? C’est qu’elle ne se maintiendrait pas cinqminutes.

La traversée est belle et courte. ÀCalais, nous nous trouvons seuls dans notrecompartiment.

– Avez-vous un domicile àParis ? me demande Ida.

– Non, je n’en ai plus ; maisne vous inquiétez pas de moi ; je descendrai au premier hôtelvenu.

– Quel enfantillage ! Vous yserez horriblement mal. Venez donc chez moi ; la place nemanque pas et je vous invite en camarade.

Je me défends, pour la forme.

– Laissez-vous donc faire, ditIda ; vous ne serez pas dérangé ; je n’ai pas depensionnaire en ce moment. Et c’est si gentil, chez moi ! J’aiun salon… on se croirait chez un dentiste américain. Si saintVincent de Paul vivait encore, je suis sûre qu’il viendrait mefaire une visite.

Je ne veux pas être plus difficile quesaint Vincent de Paul, et je promets de me laisserfaire.

– À la bonne heure, dit-elle ;je savais bien que vous finiriez par entendre raison. Ah ! queje serais contente d’être arrivée ! On a si froid, à voyagerla nuit… les nuits sont glaciales… J’ai pourtant mon grandmanteau…

– Ah ! moi qui oubliais… J’aijustement un boa dans ma valise.

– Un boa ?

– Oui… Le voilà.

– Vraiment, il est beau. Maiscomment ?… Oh ! que je suis sotte !… Vous m’enfaites cadeau ?… Un boa volé, je n’oserai jamais le mettre…Tant pis, je le mets tout de même. Quelle horreur ! Maisnécessité n’a pas de loi ; j’ai tellement froid ! Touchezle bout de mon nez, pour voir ; il est glacé… Mettez-vous àcôté de moi, pour me réchauffer un peu. Je suis si frileuse !…Plus près. Tout près…

Peut-on être frileuse à cepoint-là !…

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