Le Voleur

Chapitre 5OÙ COURT-IL ?

– Naturellement, si vous essayezd’expliquer ça à un gendarme, il y a fort à parier qu’il vousprendra pour un aliéné dangereux. Mais il n’en est pas moins vraique le voleur, c’est l’Atlas qui porte le monde moderne sur sesépaules. Appelez-le comme vous voudrez : banquier véreux,chevalier d’industrie, accapareur, concussionnaire, cambrioleur,faussaire ou escroc, c’est lui qui maintient le globe enéquilibre ; c’est lui qui s’oppose à ce que la terre deviennedéfinitivement un grand bagne dont les forçats seraient les serfsdu travail et dont les garde-chiourmes seraient les usuriers. Levoleur seul sait vivre ; les autres végètent. Il marche, lesautres prennent des positions. Il agit, les autresfonctionnent.

– Et leurs fonctions consistent àvoler, dis-je.

– Si l’on veut pousser les choses àl’extrême, certainement, répond Issacar en allumant une cigarette.Mais pourquoi hyperboliser ? Il est bien évident que l’homme,en général, est avide de gains illicites et que le petit nombre deceux qui n’ont pas assez d’audace pour agir en pirates, avec leslettres de marque octroyées par le Code, rêvent de se conduire enforbans. Le genre humain est admirablement symbolisé, à ce point devue, par le trio qui fit semblant d’agoniser, voici dix-huitsiècles, au sommet du Golgotha : le larron légal à droite, lelarron hors la loi à gauche, et Jésus la bonté même, représentantla soumission craintive aux pouvoirs constitués, au milieu.Seulement, quand on a dit cela, on n’a pas dit grand’chose. On aétabli les éléments inaltérables de l’âme actuelle, mais on aignoré les diversités extérieures de son agencement. Il y a fleurset fleurs, bien que, primordialement, toutes les parties de lafleur soient des feuilles ; et il y a filous et filous bienque, par leur fonds, tous les hommes soient des fripons.

– N’allez-vous pas trop loin, àvotre tour ?

– Je ne pense pas. Je ne croispoint que la nature humaine soit mauvaise en elle-même, ou, aumoins, incurablement mauvaise ; pas plus que je ne crois aucriminel-né. Ce sont là des mensonges conventionnels, fort commodessans doute, mais qu’il ne faudrait point ériger en axiomes. Jecrois à l’influence détestable, irrésistible, du déplorable milieudans lequel nous vivons. Que la corruption engendrée par ce milieusoit profonde et générale, il n’y a pas lieu d’en douter ; lesêtres qui échappent à son action sont en bien petit nombre. Ilsexistent, cependant ; car c’est soutenir un paradoxeabominable que d’affirmer qu’il n’y a point d’honnêtes gens. Lespersonnes les plus versées en la matière n’ont point de doutes à cesujet. M. Alphonse Bertillon assure même qu’on pourraittrouver à Paris, parmi les êtres placés dès leur jeunesse dans cesconditions qui sont le lot des criminels que nous sommes tous plusou moins, une centaine d’hommes devenus et restés parfaitementhonnêtes. « On les trouverait tout de même, dit-il, mais ceseraient cent imbéciles. » Imbéciles ou non, peu importe. Ilsuffit qu’ils existent.

– C’est suffisant, eneffet.

– Partant donc de ce point quel’honnête homme n’est pas un mythe, mais une simple exception, nousnous trouvons en face d’une masse énorme dont les éléments,absolument analogues au point de vue physiologique oupsychologique, ne se différencient qu’en raison de leur agencementau point de vue social. Pour diviser en deux parties les unitésmalfaisantes qui composent cette masse, on est obligé de prendre leCode pénal pour base d’appréciation.

– Bien entendu ; le Code,c’est la conscience moderne.

– Oui. Anonyme et à risqueslimités… La première partie est composée, d’abord, de criminelsactifs, dont la loi ignore, conseille ou protège les agissements,et qui peuvent se dire honnêtes par définition légale ; puis,de criminels d’intention auxquels l’audace ou les moyens fontdéfaut pour se comporter habituellement en malfaiteurs patentés, etdont les tentatives équivoques sont plutôt des incidents isolésqu’une règle d’existence ; ceux-là aussi peuvent se direhonnêtes. Cette catégorie tout entière a pour caractéristique lerespect de la légalité. Les uns sont toujours prêts à commettretous les actes contraires à la morale, soit idéale, soitgénéralement admise, pourvu qu’ils ne tombent point sousl’application directe d’un des articles de ce Code qu’ilsperfectionnent sans trêve. Les autres, tout en les imitant de leurmieux, de loin en loin et dans la mesure de leurs faibles facultés,ne sont en somme que des dupes grotesques et de lamentablesvictimes qui ne consentent, pourtant, à se laisser dépouiller quepar des personnages revêtus à cet effet d’une autorité indiscutableet qualifiés de par la loi. Classes dirigeantes et masses dirigées.De par la loi, Monsieur, de par la loi ! Vous savez quelle estla conséquence d’un pareil ordre de choses. Égoïsme meurtrier enhaut, misère morale et physique en bas ; partout, laservitude, l’aplatissement désespéré devant les Tables de la Loiqui servent de socle au Veau d’Or.

– Certes, l’esclavage estgénéral ; et le joug est plus lourd à porter, peut-être, pourles dirigeants que pour les dirigés. Il est vrai qu’ils ontl’espoir, sans doute, d’arriver à accaparer toute la terre, àmonopoliser toutes les valeurs, à asservir scientifiquement lereste du monde et à le parquer dans les pâturages désolés de lacharité philanthropique. Je suis convaincu que pas une voix nes’élèverait pour protester s’ils parvenaient à établir un pareilrégime.

– C’est fort probable. L’éducationde l’humanité est dirigée depuis longtemps vers un but semblable,et les utopistes du Socialisme la parachèvent. Mais la tentative,si l’on osait la risquer, ne réussirait pas, et voicipourquoi : il y a toute une catégorie d’individus qui n’ontcure des lois, qui s’emparent du bien d’autrui sans se servird’huissiers et qui lèvent des contributions sur leurs contemporainssans faire l’inventaire de leurs ressources. Ce sont les voleurs.Il faut leur laisser ce nom, qui n’appartient qu’à eux seuls, depar la loi, et même étymologiquement. Vola, ça ne veut pasdire : une sébile. Examinez la paume des mains deslégislateurs, dans un Parlement quelconque, lorsqu’on vote à mainslevées, et vous conviendrez que, le titre de voleurs ne sauraits’appliquer aux coquins qui mendient les uns des autres, pourcommettre leurs méfaits, l’aumône de la légalité. Je ne dis pasqu’il ne se trouve point de voleurs véritables, parmi ces filous encarte ; il y en a, et il y en aura de plus en plus ; maisc’est encore l’exception. Quant au vrai voleur, ce n’est pas dutout, quoi qu’on en dise, un commerçant pressé, négligent desformalités ordinaires, une sorte de Bachi-Bouzouk du capitalisme.C’est un être à part, complètement à part, qui existe par lui-mêmeet pour lui-même, indépendamment de toute règle et de tous statuts.Son seul rôle dans la civilisation moderne est de l’empêcherabsolument de dépasser le degré d’infamie auquel elle estparvenue ; de lui interdire toute transformation qui n’aurapoint pour base la liberté absolue de l’Individu ; de labloquer dans sa Cité du Lucre, jusqu’à ce qu’elle se rende sansconditions, ou qu’elle se détruise elle-même, comme Numance. Cerôle, il ne le remplit pas consciemment, je l’accorde ; maisenfin, il le remplit. Je n’admets pas que le voleur soit la victimerévoltée de la Société, un paria qui cherche à se venger del’ostracisme qui le poursuit ; je le conçois plutôt comme unecréature symbolique, à allures mystérieuses, à tendances dont onignore généralement la signification, comme on ignore la raisond’être de certains animaux qui, cependant, ont leur utilité etqu’on ne détruit que par habitude aveugle et par méchanceté bête.Le voleur va à son but, non pas que le crime soit bien attrayant etque ses profits soient énormes, mais parce qu’il ne peut faireautrement. Il sent peser sur lui l’obligation morale de faire cequ’il fait. Je dis bien : obligation morale.« Le renard, en volant les poules, a sa moralité, assureCarlyle ; sans quoi il ne pourrait pas les voler. » Quoide plus juste ?

– Rien au monde. C’est faire ducrime ce qu’il est : une matière purement sociologique. Etc’est faire du criminel ce qu’il est aussi : une conséquenceimmédiate de la mise en train des mauvaises machinesgouvernementales, un germe morbide qui apparaît, dès leur origine,dans l’organisme des sociétés qui prennent pour base l’accouplementmonstrueux de la propriété particulière et de la morale publique,qui se développe avec elles et ne peut mourir qu’avec elles. C’estfaire du voleur un individu possédant une moralité spéciale qui luienlève la notion de l’harmonique enchaînement de l’organisationcapitaliste, et qu’il refuse de sacrifier au bien général définipar les légistes. C’est faire de lui le dernier représentant,abâtardi si l’on y tient, de la conscience individuelle.

– Certainement, dit Issacar. Maisce n’est pas seulement son dernier représentant ; c’est sonreprésentant éternel. Toutes les civilisations qui ne se sont pasfondées sur les lois naturelles ont vu se dresser devant elles cetépouvantail vivant : le voleur ; elles n’ont jamais pu lesupprimer, et il subsistera tant qu’elles existeront ; il estlà pour démontrer, per absurdum, la stupidité de leurconstitution. Les gouvernements ont un sentiment confus de cetteréalité ; et, avec une audace plus ingénue peut-êtrequ’ironique, ils déclarent que leur principale mission est demaintenir l’ordre, c’est-à-dire la servilité générale, et de faireune guerre sans merci au criminel, c’est-à-dire à l’individu queleurs statuts classent comme tel.

– C’est absolument comme si unconquérant affirmait, que sa seule raison d’être est de subjuguerdes provinces. Sa présence n’a pas besoin d’être expliquée. Mais ilest probable que les masses exploitées finiront par s’apercevoirque leur pire ennemi n’est pas le criminel traqué par la police etexclusivement sacrifié comme un bouc émissaire pour assurer à laloi une sanction indispensable. La faim fait sortir le loup dubois…

– Les loups sont des loups, répondIssacar ; et les hommes… Il y a annuellement cinquante millesuicides en Europe ; et, en France seulement, quatre-vingt-dixmille personnes meurent de faim et de privations, tandis quesoixante-dix mille autres sont internées dans les asiles d’aliénéspar suite de chagrins et de misère. Croyez-vous que cette foule demisérables ait des principes moraux plus solides que ceux de leurscontemporains ? Pas du tout. Il n’y a plus que dans certainsmilieux révolutionnaires qu’on croie encore à l’honnêteté. Mais ladistance est si grande, de la pensée à l’acte ! Plutôt que dela franchir, ils préfèrent la mort.

– Pourtant, dis-je, ils sontpresque tous chrétiens ; et leur religion leur enseigne lanécessité de l’audace. Le ciel même, dit l’évangile, appartient auxviolents qui le ravissent. Violenti rapiunt illud. Quepensez-vous de cette promesse du paradis faite auxcriminels ?

– Elle m’amuse. Pourtant, elle estd’une grande profondeur, et les casuistes ne l’ont pas ignoré. Parle fait, les criminels commencent à jouir sur cette terre deprivilèges que ne partagent point les honnêtes gens. On disaitautrefois que le voleur avait une maladie de plus que les autreshommes : la potence ; on peut dire aujourd’hui qu’il aune maladie de moins : la maladie du respect. Et, ce qu’il y ade plus curieux, c’est que ce respect qu’il ressent de moins enmoins, il l’inspire de plus en plus. Allez voir juger, par exemple,une affaire d’adultère ; le voleur, devant le public et mêmele tribunal, fait bien meilleure figure que le volé. Et quivoudrait, croire, à présent, que la faillite n’a pas été instituéepour le bien du débiteur, pour lui refaire unevirginité ?

– Personne, assurément. On pourraitmême aller beaucoup plus loin que vous ne le faites ; et jeserais porté à admettre que cette considération pour le larronaugmente en raison exacte du mépris croissant pour la misère.Penser qu’après dix-huit siècles de civilisation chrétienne lespauvres sont condamnés en naissant ! Et ils sont condamnéscomme voleurs. Tu as volé de la vie, de la force, de lalumière ! Tu es condamné à payer avec ta chair, avec ton sang,avec ton geste de bête, avec ta sueur, avec tes larmes ! Etl’ignoble comédie que la charité infinie les oblige à jouer !Quand vous entendez un homme chanter dans la rue, vous pouvez êtresûr qu’il n’a pas de pain.

– Que voulez-vous ? ricaneIssacar. Ils ont contre eux l’opinion publique – la même qui ferasemblant de vous honnir si vous vous laissez pincer au cours d’uncambriolage. – Seulement le pauvre est réprouvé à perpétuité, etsans merci ; car la dignité de l’infortune est morte. Vous,vous ne serez déshonoré que pour un temps, et jusqu’à un certainpoint ; car vous aurez été assez habile pour mettre en lieusûr le produit de vos précédents larcins. Il n’y a qu’une opinionpublique, voyez-vous : c’est celle de la Bourse ; elledonne sa cote tous les jours. Lisez-la en faisant votre compte,même si vous revenez du bagne. Vous saurez ce qu’on pense devous.

– J’ai déjà eu l’occasion de laconsulter une fois, cette opinion publique ; lorsque j’aivoulu m’assurer de la valeur des titres avec lesquels mon oncleavait réglé ses comptes de tutelle.

– Oui, je sais ; elle vous arépondu : cent mille francs, à peu près. C’était comme si ellevous avait dit : Tu risqueras cette somme dans une entreprisequelconque, et tu la perdras ; car ton capital est mince etles gros capitaux n’existent que pour dévorer les petits. Ou bien,tu chercheras à joindre à tes maigres revenus ceux d’un de cesemplois honnêtes qui, pour être peu lucratifs, n’en sont pas moinspénibles. Ceux qui les exercent ne mangent pas tout à fait à leurfaim, sont vêtus presque suffisamment, compensent l’absence desjoies qu’ils rêvent par l’accomplissement de devoirs sociaux quel’habitude leur rend nécessaires ; et, à part ça, viventlibres comme l’air – l’air qu’on paye aux contributionsdirectes.

– La perspective était engageante.Néanmoins, elle ne m’attirait pas. J’étais assez bien doué, il estvrai, et si j’avais eu de l’ambition… Mais je n’ai pas d’ambition.Arriver ! À quoi ? Chagrin solitaire ou douleur publique.Manger son cœur dans l’ombre ou le jeter aux chiens. D’ailleurs, jen’avais pas la notion déprimante de l’avenir. Je voulais vivre pourvivre.

– Ne faites pas de la résolutionque vous avez prise une question de principes, dit Issacar. Rien demauvais comme les principes. Vous êtes, ainsi que tous les autrescriminels, poussé par une force que vous ne connaissez pas, quin’est point héréditaire, et à laquelle les milieux que vous aveztraversés ont simplement permis un libre développement. Le voleurest un prédestiné.

– C’est possible. Moi, je voleparce que je ne suis pas assez riche pour vivre à ma guise, et queje veux vivre à ma guise. Je n’accepte aucun joug, même celui de lafatalité.

– Prenez garde. Si vous vousdérobez à toute domination, vous vous condamnez à subir toutes lesinfluences passagères.

– Ça m’est égal. Et puis, j’aimevoler.

– Voilà une raison. On peuts’éprendre de tout, même du plaisir et du crime, avec sincérité et,j’oserai le dire, avec élévation.

– Vous n’avez peut-être pas tort,après tout, de parler du voleur comme d’un prédestiné. Il me sembleque, même si j’étais resté riche, je n’aurais été attiré vers rien,ou seulement vers des choses impossibles.

– Vous auriez été un isolé ou unlibertin, car vous êtes un individu ; étant pauvre, vous êtesun malfaiteur par définition légale. Dans une société où tous lesdésirs d’actes et les appétits sont réglés d’avance, le crime soustoutes ses formes, de la débauche à la révolte, est la seuleéchappatoire prévue, et implicitement permise par la loi aux forcesvives qui ne peuvent trouver leur emploi dans le mécanismeréglementé de la machine sociale, et auxquelles la pauvreté défendl’isolement. Vous auriez pu tenter n’importe quoi ; on vousaurait reconnu tout de suite comme un caractère, et vous auriez étéperdu. La lanterne avec laquelle Diogène cherchait un homme, etqu’avait déjà tenue Jérémie, l’Individu la porte sur la poitrine,aujourd’hui – afin qu’on puisse le viser au cœur et le fusillerdans les ténèbres.

– Puisque je dois être un voleur,et rien qu’un voleur…

– Pourquoi : rien qu’unvoleur ? Ne pouvez-vous être quelque autre chose en mêmetemps ? Vous êtes déjà ingénieur ; continuez. Le loisirne vous manquera pas. Vous auriez tort de vous cantonner dans uneoccupation unique. Il faut être de votre temps, mais pas trop. Lagrande préoccupation de notre époque est la division du travail,car on affirme aujourd’hui que les parties ne doivent plus avoir derapports avec le tout. Il n’y a que le vol qui ne soit pas unespécialité. N’en faites pas une.

– Soit. Je voulais dire qu’il y adeux sortes de filous ; l’escroc et le voleur proprement dit.L’un nargue les lois, l’autre ne leur fait même pas l’honneur des’occuper d’elles ; je veux agir comme ce dernier.

– Affaire de tempérament. Moi, jepréfère l’escroquerie, pour la même cause ; mais je n’ai pasla maladie du prosélytisme. Soyez un larron primitif, un larronbarbare si vous voulez. Permettez-moi seulement de vous donner unbon conseil : faites aux lois l’honneur de vous inquiéterd’elles. Comparez les statuts criminels des différents peuples, etleurs codes ; comparez aussi leurs régimes pénitentiaires etl’échelle de ces régimes ; et, avant de tenter un coup,examinez dans quel pays et dans quelles conditions il estpréférable de le risquer ; laissez le moins possible auhasard ; sachez d’avance quel sera votre châtiment, et commentvous le subirez, si vous êtes pris. Je souhaite que vous ne lesoyez jamais ; mais mes vœux ne sont point une sauvegarde.Jusqu’ici, vous n’avez commis qu’un vol, fort imprudent et d’uneaudace presque enfantine ; grâce à un concours decirconstances extraordinaires, vous n’avez même pas été soupçonné.On a bien raison de dire qu’il n’y a que l’invraisemblable quiarrive ! Cependant, ne vous y fiez pas.

– Je ne m’y fie pas.

– Et surtout, souvenez-vous bienqu’il faut éviter à tout prix les violences contre les personnes.L’assassinat, soit pour l’attaque de la propriété à conquérir, soitpour la défense de la propriété qu’on vient d’annexer, est unprocédé grossier et anachronique qu’un véritable voleur doitrépudier absolument. Tout ce qu’on veut, mais pas labutte.

– C’est mon avis.

– Le genre de vie que vouschoisissez, à part ses risques (mais quelle profession n’a pas sesdangers ?) me semble pleine de charmes pour un espritindépendant. Carrière accidentée ! Vous verrez du pays, etpeut-être des hommes. On passe partout avec de l’argent, et l’on nevous demande guère d’où il vient ; excusez cettebanalité.

– De bon cœur. Ma vie ne serapeut-être pas très gaie, et ne sera point, sûrement, ce quej’aurais désiré qu’elle fût. Mais elle ne sera pas ce qu’on auraitvoulu qu’elle eût été ! La loi, qui a permis qu’on me fîtpauvre, m’a condamné à une existence besogneuse et sans joie. Jem’insurge contre cette condamnation, quitte à en encourird’autres.

– Ne vous révoltez pas trop, ditIssacar ; ça n’a jamais rien valu. Contentez-vous de donnerl’exemple en vivant à votre fantaisie. Pourtant, si vous pouvezretirer un plaisir d’une comparaison entre l’état qui sera le vôtreet la situation que vous assignait la bienveillance de la Société,ne vous refusez pas cette satisfaction.

– C’est un parallèle quej’établirai souvent, et à un point de vue surtout.

– Celui des femmes, jeparie ?

– Tout juste ! Ah ! lesbourgeois sont bien vils ; mais ce qu’elles sont lâches, leursfilles ! Elles peuvent se vanter de le traîner, le boulet deleur origine !

– Comme vous vous emportez !Ne pouvez-vous dire tranquillement que les honnêtes filles duTiers-État ont la prétention ridicule de vouloir faire payer leurhonnêteté beaucoup puisqu’elle ne vaut ?… Auriez-vous euquelque petite histoire avec une de ces demoiselles, ces tempsderniers ? Votre brusque arrivée à Bruxelles, quand j’yréfléchis, me laisserait croire à un drame.

– Ni drame ni comédie ;quelque chose de pitoyable et qui n’a pas même de nom. N’en parlonspas ; c’est fini. Seulement, j’en ai assez, des femmes quiportent un traité de morale à la place du cœur et qui saventétouffer leurs sens sous leurs scrupules. Ah ! des femmes quin’aient pas d’âme, et même pas de mœurs, qui soient de glorieusesfemelles et des poupées convaincues, des femmes auréoléesd’inconscience, enrubannées de jeunesse et fleuries de juponsclairs !…

– Vous en aurez, dit Issacar. Je nevous promets point que leur immoralité ne vous ennuiera pas autant,au fond, que la moralité des autres ; mais elle est moinsmonotone et vous distraira quelquefois. Ce sont de bonnes filles,pas si bonnes que ça tout de même, qui ont assez de défauts pourfaire faire risette à leurs qualités, et auxquelles l’instructionobligatoire a même appris l’orthographe. En vérité, je me demandece que les honnêtes femmes peuvent encore avoir à leur reprocher.Elles reniflent, parce qu’elles n’osent pas se moucher de peurd’enlever leur maquillage, mais elles ont des pièces d’or dansleurs bas. Oui, je sais bien, vous vous moquez de ça… Enfin, on n’apas à s’occuper des toilettes ; c’est quelque chose par letemps qui court… Ah ! sapristi, quelle heure est-ildonc ?

– Cinq heures et quart.

– Bon. Nous avons encore dixminutes à nous ; il nous en faux cinq tout au plus pour allerà notre rendez-vous. Je mets ces dix minutes à profit. Voulez-vousme prêter vingt mille francs ?

– Très volontiers.

– J’ai l’intention, voyez-vous, detenter quelque chose du côté du Congo. J’ai une idée…

– Vous ne croyez donc plus auxports de mer ?

– Si ; mais la question n’estpas mûre ; les Belges y viendront, n’en doutez pas, et jecrois même qu’après avoir creusé des bassins dans toutes leursvilles ils feront la conquête de la Suisse, pour créer un port àLa-Chaux-de-Fonds ; seulement, il faut attendre. Ah ! sivous vouliez marcher avec moi, nous serions desprécurseurs…

– Je regrette de ne le pouvoir,dis-je ; mais je ne veux pas me mêler d’affaires. Pourtant, jesuis très heureux de vous être utile, car vous m’avez renduservice.

– En m’occupant de la négociationdes titres et des bijoux dont vous avez soulagé cette bonne vieilledame ? C’était si naturel ! Je regrette seulement de n’enavoir pu tirer que cent trente mille francs. Mais vous verrezvous-même, avant peu, combien nous sommes exploités.

– Je n’en serai pas surpris.Voulez-vous que je vous donne un chèque ce soir ?

– Non, répond Issacar ; vousm’enverrez ces vingt mille francs de Londres, après-demain matin,en bank-notes anglaises.

– Après-demain matin ! Mais jene serai pas à Londres…

– Si. Vous y serez demain soir àsix heures. C’est moi qui vous le dis. À présent, en route,chantonne Issacar en prenant son chapeau. Le café où nous devonsvoir mon homme est à deux pas d’ici.

Tout à côté, en effet ; en face dela Bourse. C’est l’heure de l’apéritif et l’établissement regorgede clients attablés devant des boissons rouges, et jaunes, etvertes. Des hommes aux figures désabusées de contrefacteursimpénitents, qui trichent aux cartes ou se racontent desmensonges ; des femmes d’une grande fadeur, joufflues et commegonflées de fluxions malsaines, avec des bouches quémandeuses etdes paupières lourdes s’ouvrant péniblement sur des yeux decelluloïd qui meurent d’envie de loucher.

Après un moment d’hésitation, nous nousdirigeons vers une table qu’encombre un jeune homme blond ;c’est la seule qui soit aussi faiblement occupée. Le jeune hommeblond, plongé dans la lecture d’un journal, nous autorise àl’investir ; aussitôt, je me poste sur son flanc gauche etIssacar lui fait face avec intrépidité.

– Pour qui la chaise qui restelibre ? Pour qui ? dis-je à Issacar dès que le garçonnous a munis de pernicieux breuvages.

– Pour un fort honnête homme, grosindustriel, fabricant de produits chimiques, qui brûle du désir defaire votre connaissance et de vous voir placer deux cent millefrancs pour le moins dans ses mains sans tache.

– Quelle singulière idée vous avezde me mettre en rapports avec des gens…

– Chut !Chut !

Issacar se retourne pour faire signe àl’honnête industriel qui vient d’entrer et dont il a reconnu lasilhouette dans une glace. L’honnête industriel a aperçu le signal.Il s’avance en souriant ; le ventre trop gros, les membrestrop courts, une tête d’Espagnol de contrebande avec des moustachesà la Velasquez, le front déprimé, ridé comme par l’habitude ducasque, les doigts épais, courts, cruels, écartés comme pourl’égouttement de l’eau bénite. Issacar fait les présentations commes’il n’avait fait autre chose de sa vie ; et la chaise libreperd sa liberté.

– Monsieur, me dit l’honnêteindustriel, j’ai appris par M. Issacar combien vous êtesdésireux de trouver, en même temps qu’un moyen d’utiliser vosmerveilleuses facultés d’ingénieur et d’inventeur, un placementrémunérateur pour vos capitaux. Je pense que je puis vous offrir,pour une fois, cette double possibilité, savez-vous. C’est aussil’avis de notre honorable ami M. Issacar, et je suis heureuxqu’il ait ménagé cette entrevue, pour une fois, afin que je puissevous exposer l’état de mes affaires, savez-vous. Si vous lepermettez, je vais, sans autre préambule, vous donner une idée demon entreprise.

Je permets tout ce qu’on veut ; etl’honnête industriel commence ses explications. Il parle le plusvite qu’il peut et j’écoute le moins possible. Mon Dieu ! MonDieu ! pourvu que ça ne dure pas trop longtemps !… Àl’expiration du premier quart d’heure, le jeune homme blond, à côtéde moi, commence à donner des signes d’impatience ; il s’agitenerveusement sur la banquette et déplie son journal avec rage. Tantpis pour lui ! Il n’a qu’à s’en aller, s’il n’est pas content.Ah ! que je voudrais pouvoir en faire autant !… Au boutd’une demi-heure, je prends le parti d’interrompre l’honnêteindustriel.

– Monsieur, lui dis-je, le tableauque vous venez de m’exposer est tracé de main de maître, et je doisavouer que vous m’avez presque convaincu. Le moindre des produitschimiques prend dans votre bouche une valeur toute particulière, etje crois que les résultats que vous avez atteints jusqu’ici ne sontrien en comparaison de ceux que vous pouvez espérer. Je mepermettrai cependant de faire mes réserves sur la potasse. Il mesemble que vous ne rendez pas suffisamment justice à lapotasse.

– Moi ? fait l’honnêteindustriel interloqué ; mais je n’en ai pas encoreparlé !

– Justement. Votre silence estplein de sous-entendus hostiles. N’oubliez pas, Monsieur, que jesuis ingénieur ; rien n’échappe à un ingénieur.

– Je le vois bien, murmurel’honnête industriel, très confus.

– Quoi qu’il en soit, dit Issacarqui s’aperçoit sans doute que je m’engage sur un mauvais terrain,quoi qu’il en soit, je puis vous assurer, Monsieur, que vos parolesont fait la plus grande impression sur M. Randal. Je connaisM. Randal. Il est peu expansif, comme tous les hommes modestesbien que pénétrés du sentiment de leur valeur ; mais j’airemarqué l’intérêt soutenu avec lequel il vous a écouté. C’est ungrand point, croyez-le ; et je ne serais pas étonné si, aprèsune ou deux visites à votre usine, il mettait à votre disposition,non pas deux cent mille francs, mais trois cent mille.

– Oh ! oh ! dis-je, unpeu au hasard – car je ne comprends pas du tout la significationdes coups de pied qu’Issacar me lance sous la table – oh !oh ! c’est aller bien vite…

– Mon Dieu ! dit l’industrieldont les yeux s’allument, quand un placement est bon… Il ne s’agitpas ici des Bitumes du Maroc ou du percement du Caucase,savez-vous. C’est une affaire sérieuse, que vous pouvez étudiervous-même…

– Certainement. Mais…

– Auriez-vous quelques objections àprésenter, pour une fois ?

Moi ? Pas du tout. Mais Issacar ena pour moi.

– Oui, dit-il, M. Randal acertaines raisons qui le font hésiter, jusqu’à un certain point, àplacer ses capitaux dans une entreprise comme la vôtre. Il me les aexposées et je vais vous les traduire brièvement. D’abord, ilredoute l’accroissement des frais généraux. Les ouvriers réclamentconstamment des augmentations de salaires…

– Ils les réclament ! ricanel’industriel. Oui, ils les réclament ; mais ils ne les ontjamais. Et quand même ils les obtiendraient, croyez-vous qu’ils enseraient plus heureux et nous plus pauvres ? Quelleplaisanterie ! Ce que nous leur donnerions de la main droite,nous le leur reprendrions de la main gauche. Il est impossiblequ’il en soit autrement. La science nous l’apprend. La science,Monsieur ! La main-d’œuvre est pour rien ici ; savez-vouspourquoi ? Parce que la Belgique est un pays riche, pour unefois. Plus un pays est riche, plus le travailleur est pauvre. LaFrance, au XVe siècle, était bien loin d’avoir lafortune qu’elle possède aujourd’hui, n’est-ce pas ? Eh !bien, à cette époque, l’ouvrier et le paysan français gagnaientbeaucoup plus qu’ils ne gagnent à présent. Loi économique,Monsieur, loi économique !

– La science est une admirablechose, dit Issacar. Mais M. Randal, qui a pour elle tout lerespect nécessaire, n’ignore pas combien elle exige de ménagementsdans ses diverses applications. Et il a entendu dire que deuxaccidents terribles s’étaient produits chez vous l’annéedernière…

L’honnête industriel sourit.

– Des accidents ! Oui, il y ades accidents. Nous traitons des matières dangereuses, pour unefois. Il y a eu quinze hommes tués à la première explosion ;dix seulement à la deuxième. Mais ces catastrophes donnent à unemaison une publicité gratuite si merveilleuse ! D’ailleurs, iln’y a rien à payer aux familles des victimes, car toutes lesprécautions sont prises. Je ne dis pas qu’elles le soientconstamment, savez-vous ; on se ruinerait. Mais elles le sontquand se présentent les inspecteurs, qui nous préviennent toujoursde leur visite ; question de courtoisie ; c’est nous,industriels, qui les faisons vivre… Ah ! oui, cela fait unebelle réclame ! Et l’enterrement en masse ! Tous lescœurs réconciliés dans la douleur commune ! Plus decastes ! L’union de tous, patrons et ouvriers, pleurant àl’unisson aux accents du De profundis ! Tu sais, lesbâtiments sont assurés.

– C’est une grande consolation, ditIssacar. Malheureusement, cette union que produisent si à propos depareils événements n’est peut-être pas de longue durée ; etalors arrivent les grèves, dont l’idée seule effrayeM. Randal.

– Oui, dis-je, obéissant à unepression du pied d’Issacar, je crains énormément lesgrèves.

– Crainte chimérique, affirmel’honnête industriel ; les grèves n’ont jamais fait de tortaux capitalistes ; au contraire. Voulez-vous que je vous disele fin mot ? Les trois quarts et demi des grèves, c’est nousqui les provoquons. En Angleterre, en France, en Amérique, partout.Le capitaliste, le manufacturier encombré par la surproduction serefait par la grève. Il est curieux que vous ne vous en soyez pasdouté. Tout le monde le sait, et personne n’y trouve à redire.Savez-vous pourquoi ? C’est parce qu’on se rend bien compte,malgré les criailleries des détracteurs du système actuel, que lemonde n’est pas si mal fait, pour une fois : si les unsjouissent de toutes les faveurs de la fortune, les autresconservent, par le fait même de leur indigence, le pouvoir de lesapprécier.

– C’est une compensation, en effet,accorde Issacar ; mais elle est peut-être un peu narquoise. Etil se pourrait bien qu’un jour une révolution sociale…

Coup de pied d’Issacar. Silence. Secondcoup de pied d’Issacar. Je parle.

– Certainement, une révolutionsociale qui… que…

– Je devine ce que vous voulez medire, assure l’honnête industriel. Une révolution qui prendraitd’assaut les Banques et dilapiderait les épargnes des genslaborieux et économes, qui s’approprierait les capitaux deshonnêtes gens. Cela n’est guère probable en Belgique ; nousavons la garde civique, ici, Monsieur, pour une fois. Mais enfin,c’est possible. Eh ! bien, il n’y a qu’une chose àfaire : C’est de ne pas confier son argent aux Banques et dele garder chez soi. C’est ce que je fais, savez-vous.

Et l’honnête industriel me regardetriomphalement dans les yeux, tandis que le jeune homme blond,après avoir soigneusement plié son journal, se met à examiner lespoints noirs dans le marbre blanc de la table. Quel imbécile !Pourquoi ne s’en va-t-il pas ?

– Oui, continue l’industriel, jegarde tout mon argent chez moi et, en cas de besoin, je saurais ledéfendre. Mon coffre-fort se trouve dans mon cabinet particulier,au troisième étage de ma maison, et mon appartement est aupremier ; j’ai en ce moment pour plus de cinq cent millefrancs de bonnes valeurs, sans compter les espèces ; pouraller les prendre, il faudrait passer sur mon cadavre. Quant auxvoleurs, je m’en moque. Ma porte est solide et je ne me couchejamais sans en avoir poussé moi-même les trois grosverrous.

– Un avertisseur électrique seraitpeut-être prudent, suggère Issacar.

– Je ne dis pas. Mais je puis m’enpasser ; j’ai l’oreille fine et je ne dors que d’un œil, engendarme.

– Excellente habitude, ditIssacar ; nous n’aurons pas de mal à vous réveiller, un de cesmatins, pour vous demander à déjeuner, M. Randal etmoi.

– Le plus tôt possible me feraplaisir, affirme l’industriel ; on ne traite bien les affairesque devant une bonne table ; c’est pourquoi, je pense, lespauvres ne réussissent jamais ; ils mangent si mal ! Netardez pas trop, et venez de bonne heure ; nous irons faire untour à l’usine avant déjeuner.

Il nous donne son adresse : 67, ruede Darbroëk ; et se retire après force compliments, absolumentenchanté de lui.

– Pourquoi m’avez-vous imposé unepareille corvée ? demandai-je à Issacar.

– Vous le verrez bientôt, merépond-il en souriant. Mais que pensez-vous du personnage ?C’est un symbole. À une époque où tout, même les plus vilssentiments, perd de sa force et se décolore, l’égoïsme pur, sansmélange et naïf ne se rencontre plus guère que dans les classesmoyennes ; mais il s’y cramponne. Et quelleinconscience ! Cet homme que vous venez de voir était candidataux dernières élections municipales, candidat libéral etdémocratique ; il représentait la démocratie, la seule, lavraie !

– Il la représente encore, dis-je.La vraie démocratie est celle qui permet à chaque individu dedonner, en pure perte, son maximum d’efforts et desouffrance ; Prudhomme seul ne l’ignore pas. Ah ! quellelame de sabre ne vaudrait mille fois son parapluie ?… Et commetout ce que pensent ces gens-là est exprimé bassement ! Ce quime répugne surtout dans la bourgeoisie, c’est son manque dedignité ; elle a eu beau tremper son gilet de flanelle dans lesang des misérables, elle n’en a pu faire un manteau depourpre.

– Et quand les déshérités laprendront aux épaules pour la jeter dans l’égout où elle doitcrever, on ira leur demander leurs raisons, on s’étonnera de leurmanque de ménagements, on leur reprochera leurs façons brutales…Ah ! l’ironie anglaise : « Le chien, pour arriver àses fins, se rendit enragé, et mordit l’homme »…

– Ma foi, dis-je, c’est presque unsoulagement, quand on vient de quitter un de ces honnêtes gens, quede penser qu’on doit avoir pour amis des canailles, qu’onfréquentera des êtres destinés à l’échafaud ou au bagne.

J’ai prononcé la phrase un peu haut, etj’ai vu sourire le jeune homme blond. De quoi se mêle-t-il ?Il commence à m’agacer. Et je me penche sur la table pour murmurerà Issacar :

– Allons-nous en d’ici ; etconduisez-moi auprès de ce voleur si adroit dont vous m’avez parlétantôt et que vous devez me faire connaître ce soir.

– Volontiers, répond Issacar ;mais il est inutile de sortir.

Il se lève et pose la main sur l’épauledu jeune homme blond.

– J’ai l’honneur, me dit-il, devous présenter mon ami Roger Voisin, dont vous désirez si vivementfaire la connaissance.

J’esquisse un geste d’étonnement ;mais le jeune homme blond me tend la main.

– Je suis vraiment enchanté,Monsieur… Permettez-moi seulement une petite rectification ;mon nom est bien Roger Voisin mais, d’ordinaire, on m’appelleRoger-la-Honte.

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