Je dis non

Chapitre 3MISTRESS MOSEY

Arrivée en haut de l’escalier de la cuisine,Émily remarqua que la porte, qui s’était refermée quand elle étaitentrée dans la chambre de sa tante, se trouvait maintenant toutegrande ouverte. Émily appela mistress Ellmother.

Ce fut une voix étrangère qui luirépondit ; les intonations en étaient douces et polies, etcontrastaient fort avec la rudesse d’accent de la morose servantede miss Létitia.

« Y a-t-il quelque chose, miss, que jepuisse faire pour vous servir ? »

La personne qui parlait avec cette déférencevenait de faire son apparition au bas des degrés. C’était une femmed’un certain âge, douillettement potelée et d’assez jolie figure.Elle regardait Émily avec un sourire aimable.

« Je vous demande pardon, repartit lajeune fille, je ne voudrais pas vous déranger. C’est mistressEllmother qu’il me faudrait. »

L’étrangère, à mi-chemin de l’escalier qu’ellemontait sans se presser, répliqua :

« Mistress Ellmother ? elle n’estpas ici.

– Pensez-vous qu’elle reviennebientôt ?

– Faites excuse, miss, je ne pense pasqu’elle revienne du tout.

– Voulez-vous dire qu’elle a quitté lamaison ?

– Oui, miss, c’est précisément ça, elle aquitté la maison.

– Comment se fait-il ?… s’écriaÉmily stupéfaite. Veuillez venir par ici, » dit-elle àl’inconnue.

La femme la suivit dans le salon.

« Pouvez-vous m’expliquer une pareillechose ? demanda Émily.

– Non, miss, je ne peux pas.

– Puis-je tout au moins m’informer sic’est mistress Ellmother qui vous a demandé de venir ici ?

– Oui, miss, je suis venue à sarequête.

– Et comment se fait-il qu’elle vous aitfait cette demande ?

– Je vous l’expliquerai bien volontiers,miss. Mais d’abord, comme vous me trouvez ici à la place de votreservante habituelle, peut-être ferais-je bien de vous indiquer mesréférences.

– Commencez par me dire votre nom, sivous le voulez bien.

– Merci de me le rappeler, miss. Mon nomest Élisabeth Mosey. Je suis bien connue du médecin qui soigne missLétitia. Le docteur Allday vous garantira ma capacité commegarde-malade, aussi bien que mon honorabilité. Si vous désirez uneseconde référence…

– Ce serait tout à fait superflu,mistress Mosey.

– Je vous remercie bien, miss. J’étaischez moi ce soir quand mistress Ellmother est venue me trouver.« Élisabeth, qu’elle m’a dit, je vais vous demander une faveurau nom de mon ancienne amitié. – Ma chère, que j’ai dit, quoi quece soit, vous n’avez qu’à ordonner. » Si je vous parais un peuprompte, miss, à promettre sans savoir de quoi il s’agit, je vousprierai de remarquer que mistress Ellmother m’avait rappelé notreancienne amitié, c’est-à-dire mon défunt mari et un grand servicerendu. Il y a eu un moment où, sans qu’il y ait eu rien de notrefaute, nous avons été dans la peine. Des gens en qui nous avionsconfiance s’étaient joués de nous, et nous étions ruinés, simistress Ellmother ne nous avait prêté toutes ses épargnes. Grâce àDieu, tout lui a été rendu avant la mort de mon mari. Mais je n’aijamais cru, et je ne pense pas que vous le croyiez non plus, quenous nous soyons dégagés par là de notre reconnaissance, de sortequ’il n’y a rien que mistress Ellmother ne puisse medemander. »

Mistress Mosey était trop loquace, trop éprisedu son de sa douce voix persuasive ; mais, à part ces petitesimperfections, l’impression qu’elle produisait était décidémentfavorable ; de plus, si irréfléchie que pût sembler sasoumission vis-à-vis de mistress Ellmother, on ne pouvait qu’enrespecter la cause. Après quelques mots bienveillants en ce sens,Émily la ramena à ce qu’elle voulait savoir.

« Mistress Ellmother ne vous a-t-elledonné aucune raison qui puisse motiver son départ dans un pareilmoment ?

– C’est précisément, miss, ce que je luiai fait observer à elle-même.

– Et que vous a-t-elle répondu ?

– Elle a éclaté en sanglots, ce que je nelui ai jamais vu faire depuis vingt ans que je la connais.

– Et elle vous a priée de prendre saplace sur-le-champ ?

– Oui, miss, sur-le-champ. Je n’ai pas eubesoin de lui dire mon étonnement, ma figure parlait assez pourmoi. À voir et à entendre mistress Ellmother, on la croitdure ; mais, voyez-vous, elle est plus tendre et plus sensiblequ’on ne le suppose. « Si vous êtes une véritable amie,qu’elle a crié, ne me demandez pas mes raisons. Ce que je fais, jele fais contrainte et forcée et j’ai le cœur gros de lefaire. » À ma place, miss, est-ce que vous auriez insisté pourla faire s’expliquer ? Je n’ai osé lui demander qu’unechose : à qui devais-je me présenter avant de m’installer dansla maison ? Mistress Ellmother m’a parlé alors de vous,puisque votre pauvre tante n’est pas en question.

– Semblait-elle fâchée en parlant demoi ?

– Non, miss, tout au contraire. Elle adit : « Vous trouverez miss Émily au cottage. C’est lanièce de miss Létitia. Tout le monde l’aime et tout le monde araison de l’aimer. »

– Elle a réellement dit cela ?

– Ce sont ses propres paroles. De plus,avant de me quitter, elle m’a chargé d’un message pour vous.« Si miss Émily est surprise, présentez-lui mes respects etdites-lui de se souvenir de mon dernier mot quand elle a pris maplace au chevet de sa tante. » Je n’ai pas la prétention decomprendre ce que cela signifie, ajouta mistress Mosey, quiattendait avec curiosité mais avec respect les explicationsqu’Émily allait sans doute lui donner. Je vous fais la commission,miss, telle que je l’ai reçue. Après ça, mistress Ellmother a étéde son côté et moi du mien.

– Savez-vous où elle estmaintenant ?

– Non, miss.

– N’avez-vous rien de plus à medire ?

– Rien, sauf qu’elle m’a donné mesinstructions de garde-malade et que je les ai écrites biensoigneusement. Voyez, miss, tout est noté ; les heures et lesmédecines.

– Suivez-moi donc auprès de lamalade, » dit Émily.

La nouvelle garde entr’ouvrit doucement lesrideaux.

« La malade est calme etsilencieuse, » dit-elle.

Après avoir consulté sa montre, elle examinatour à tour les flacons et ses notes.

« Jusqu’ici, rien d’embarrassant,murmura-t-elle en mettant de côté une petite fiole dont elle allaitavoir besoin. Vous paraissez bien lasse, miss ; oserai-je vousconseiller de prendre un peu de repos ?

– S’il survenait quelque changement, enbien ou en mal, mistress Mosey, naturellement vous viendriezm’appeler.

– Certainement, miss. »

Émily retourna au salon, non pour dormir, lerepos lui était impossible après ce qu’elle avait entendu, maispour réfléchir. Si incompréhensible que fût pour elle la plusgrande partie de ce qui venait de se passer, la jeune fille enpouvait cependant tirer quelques conclusions fort nettes.

À l’aide de ce que lui avait dit le docteur dela nature du délire en général, Émily se rendait compte de laconduite énigmatique de mistress Ellmother ; évidemment lafidèle garde savait par expérience quelle route prenaient lesdivagations de sa maîtresse pendant la fièvre. Cela expliquaitpourquoi on avait caché à la jeune fille la maladie de sa tante,pourquoi on lui interdisait l’entrée de sa chambre.

Mais c’était surtout le départ précipité demistress Ellmother qui faisait naître en elle les plus étrangessoupçons.

La bonne créature avait quitté la maîtresseaimée et servie par elle durant des années, alors qu’elle sedébattait contre la mort, et elle avait mis une autre femme à saplace, sans tenir compte des révélations que pourrait faire lamalade en proie à la fièvre, plutôt que d’affronter les questionsque lui aurait sans doute adressées Émily. Qu’est-ce donc quesavait mistress Ellmother ? Quel était ce secret sijalousement gardé ?

Pour se servir de ses propres expressions,elle n’avait abandonné miss Létitia que « le cœur biengros ». De même, si elle avait laissé Émily à la merci d’uneétrangère, ce n’était pas par rancune ou mauvaise humeur, mais aucontraire en témoignant pour elle le plus sincère attachement. Queses craintes eussent dépassé la réalité, qu’elle eût redouté desdécouvertes qu’Émily ne songeait point à faire, cela ne modifiaitpas le sens fort clair qui ressortait de sa façon d’agir. On n’enpouvait douter : ce qu’elle craignait par-dessus tout, c’étaitde voir la jeune fille mise au courant du mystérieux mensonge. Cemensonge la regardait donc ? La nièce innocente se trouvaitmêlée à son insu à une fraude commise jadis par la tante !

On ne pouvait s’expliquer autrement la fuitede mistress Ellmother ; placée entre l’alternative de toutrévéler à Émily et celle d’abandonner sa maîtresse, c’était ladernière qu’elle avait choisie.

La table à écrire de la pauvre miss Létitiaétait placée près de la fenêtre du salon. Désireuse de se dérober àdes pensées offensantes pour celle qui se mourait à quelques pas dedistance, Émily se chercha une occupation de nature à ramener unpeu de calme dans son cœur. Ne devait-elle pas une lettre àCécilia ? Certes, cette généreuse amie avait bien droit à êtrela première informée de ce qui l’empêchait de tenir ses engagementsenvers sir Jervis.

Émily écrivit longuement, mentionnant tous lesdétails de cette journée jusqu’à l’arrivée du télégramme. Là ellereprenait :

« Dès que je fus assez calme pourm’occuper d’affaires, j’allai prévenir mistress Rook de la maladiede ma tante.

» Bien qu’elle se soit renfermée dans lesformules d’une sympathie banale, je pus finalement constaterqu’elle était ravie de ne point m’avoir pour compagne de voyage. Necroyez pas que j’aie été prise d’une aversion de pure fantaisiecontre mistress Rook, ni que vous soyez le moins du monde à blâmerdans l’impression odieusement déplaisante qu’elle m’a produite. Jevous expliquerai tout quand nous nous reverrons. En attendant, jen’ai pas besoin d’ajouter que je lui ai remis pour sir Jervis unbillet d’excuses, où je lui donne mon adresse à Londres, en lepriant de m’y envoyer vos lettres, s’il se trouve que vous m’enayez écrit avant de recevoir la mienne.

» Le bon M. Alban Morris m’aaccompagnée à la gare et m’a recommandée aux soins du chef detrain. Nous le croyions sans cœur, vous rappelez-vous ? Nousavions tort. Je ne sais dans quel pays il compte passer sesvacances ; mais, où qu’il aille, je me souviendrai toujoursavec reconnaissance de son affectueuse sollicitude et je lui envoiemes vœux de bonheur les plus sincères.

» Ma chérie, je ne veux pas attristervotre joyeux séjour dans l’Engadine en m’étendant sur mon chagrin.Vous savez combien j’aime ma tante et quelle tendresse maternelleelle m’a toujours témoignée. Le docteur ne m’a pas caché la vérité.À son âge, il n’y a aucun espoir ; la sœur de mon père, laseule parente qui me reste au monde, ma plus chère amie, estmourante !

» Ma seule amie ?… Non, je suis uneingrate de parler ainsi ; je vous ai, et mon uniqueconsolation est de penser à vous.

» Dans ma solitude, il me tarde tant derecevoir une lettre de ma douce Cécile ! Personne ici neviendra me voir, je suis perdue dans cette immense ville où je nepossède pas la moindre relation. Les parents de ma mère sontétablis en Australie ; ils ne m’ont pas donné signe de viependant toutes ces longues années qui se sont écoulées depuis samort. Vous rappelez-vous avec quelle gaieté j’envisageaisl’existence qui m’attendait au sortir de pension. Hélas !

» Adieu, ma chérie. Quand votre charmantvisage se dresse dans mon souvenir, je ne songe plus à désespérer,si noir, si lugubre que soit l’horizon. »

Émily venait de fermer cette lettre et d’ymettre l’adresse, quand elle entendit, de l’autre côté de la porte,la voix de la nouvelle garde.

« Puis-je vous dire un mot ? »demandait mistress Mosey.

En la voyant entrer pâle et tremblante, Émilyse sentit défaillir et retomba sur la chaise qu’elle venait dequitter.

« Morte ? » s’écria-t-elle.

Mistress Mosey la regarda d’un air étonné.

« Non, mais je voulais vous prévenir,miss, que votre tante me fait peur.

– Vous n’avez pas besoin d’en direplus ; je sais déjà trop à quel point ma pauvre tante al’esprit dérangé par la fièvre. »

Si troublée, si effarée que fût mistressMosey, elle n’avait cependant nullement perdu l’usage de salangue.

« Maintes et maintes fois, dit-elle, j’aisoigné des malades de la fièvre. Maintes et maintes fois, elles ontdivagué devant moi ; mais jamais, miss, quelle que soit monexpérience, jamais, jusqu’ici, je n’avais entendu…

– Ne me répétez rien, interrompitÉmily.

– Mais il le faut. Dans votre propreintérêt, miss Émily, dans votre propre intérêt. Je ne serai pasassez inhumaine pour vous laisser toute seule cette nuit ;mais si ce délire continue, je vous prierai de chercher une autregarde. C’est affreux, les soupçons qui me viennent dans cettechambre ! Je ne pourrais pas y tenir si je retournais écouterdes choses pareilles à ce que dit votre tante depuis plus d’unedemi-heure. Mistress Ellmother a exigé de moi l’impossible. Cen’est pas que d’une manière elle ne m’ait un peu prévenue.« Élisabeth, qu’elle m’a dit, vous savez comme on bat lacampagne quand on a la maladie de miss Létitia. N’y faites pasattention. Ça doit entrer par une oreille et sortir par l’autre. Simiss Émily vous fait des questions, vous lui répondrez que vous nesavez rien ; si elle prend peur, vous ne saurez toujours rien.Si elle se met à pleurer, plaignez-la, la pauvre petite, mais n’yfaites pas attention. » C’est très bien tout ça, et çaressemble à de la franchise, n’est-ce pas ? Et pourtant ça neme préparait guère à l’horreur que je viens d’entendre dans l’autrepièce : cette horreur, c’est… »

Elle baissa la voix lugubrement.

« C’est un assassinat ! »

Déjà fort ébranlée par l’angoisse des heuresprécédentes, Émily demeura un instant muette et attérée sousl’impression d’effroi que lui causait le récit emphatique de lagarde-malade.

Satisfaite de cet accablement, mistress Moseypoursuivit avec une solennité théâtrale, jouissant délicieusementd’ailleurs du plaisir de se terrifier elle-même :

« Une auberge, miss Émily ! uneauberge solitaire, quelque part dans la campagne. Dans cetteauberge, une chambre délabrée. Un lit improvisé à chaque bout. Cesont là les paroles mêmes de votre tante. Et puis, deux hommescouchés, endormis. Dans les deux lits, vous comprenez. Je croisbien qu’elle a dit deux gentlemen, mais je n’en suis pas sûre, etpour rien au monde je ne voudrais vous tromper en me trompant. MissLétitia bégayait des mots confus, la pauvre âme. Je me fatiguais àessayer de la suivre et de la comprendre. Tout à coup ce terriblemot, « assassinat », bien net, cette fois, lui a échappéde nouveau…

– En voilà assez ! interrompitvivement Émily, un peu revenue à elle-même. Je ne veux pas enentendre davantage. »

Mais mistress Mosey était trop désireuse degarder son importance après sa très réelle frayeur, pour se laisserintimider.

Sans tenir compte de l’ordre d’Émily, ellereprit d’une voix plus haute qu’auparavant. :

« Écoutez, miss, écoutez ; je n’aipas dit ce qu’il y a de plus terrible. Il s’agit donc de deuxgentlemen. L’un d’eux a été égorgé ! égorgé, vous m’entendezbien. Et s’il faut en croire votre tante, quel serait sonassassin ? C’est l’autre !… Quand vous étiez près de missLétitia, est-ce qu’elle croyait s’adresser à toute une foule ?À un moment, elle a crié comme quelqu’un qui lance uneproclamation : « Cent livres de récompense, bonnes gens,cent livres à celui, quel qu’il soit, qui découvrira lemeurtrier ! Cherchez, cherchez partout un petit être chétifqui porte beaucoup de bagues à ses jolies mains blanches. Il n’ad’un homme que la voix, une belle voix sonore… Mes amis, c’est à savoix que vous reconnaîtrez le misérable, le monstre. » Voilàses propres paroles, je le répète, voilà ses propres paroles !L’avez-vous entendue crier à tue-tête ?… Non… Ah ! machère jeune lady, tant mieux pour vous !… L’avez-vous entenduecrier : « Oh ! l’épouvantable affaire ! il fautl’étouffer ! » Je le jurerais sur ma Bible devant lajustice, exclama mistress Mosey dont les accents onctueux se firentsubitement aigus. Votre tante a dit : « Il faut étoufferl’affaire ! »

L’énergie d’Émily s’était enfin réveillée.Elle traversa la chambre, elle alla prendre la sotte créature parles épaules, la replaça de force sur la chaise qu’elle venait dequitter dans le feu de son récit, et sans prononcer un seul mot, laregarda fixement.

Pendant une seconde, mistress Mosey restapétrifiée.

Elle comptait qu’à la fin de sa narration,Émily allait tomber à ses pieds en la conjurant de ne pasl’abandonner, et elle s’était d’avance décidée à se laisser fléchirpar les supplications d’une pauvre jeune dame sans appui. C’estlà-dessus qu’elle avait tablé, et voilà qu’on la traitait comme unefolle !

« Comment ! mais vous me brutalisez,fit-elle lamentablement. Si ce n’est pas une pitié ! Dieum’est témoin que je n’avais que de bonnesintentions ! »

Émily desserra l’étreinte de ses doigts.

« Vous ne seriez pas la première,dit-elle, qui aurait fait le mal avec d’excellentes intentions.

– C’était mon devoir, miss, de vousrépéter ce qu’a dit votre tante.

– Votre devoir était de fermer l’oreilleà des paroles arrachées au délire.

– Permettez, je vais m’expliquer…

– Non ! pas un mot de plus à cesujet ne s’échangera entre nous. Je vais vous faire connaître mesintentions. »

Maintenant qu’elle avait repris sa luciditéd’esprit, un doute odieux s’insinuait dans son esprit, quoi qu’ellefît pour l’écarter. Ayant elle-même admis, une heure auparavant,qu’il y avait un élément de réalité dans les divagations de missLétitia, elle ne pouvait pas rejeter avec dédain le rapport demistress Mosey. Dès lors elle n’avait qu’un parti à prendre :elle se résolut à braver une nuit de solitude près d’un litd’agonie, plutôt que de laisser à mistress Mosey une seule chancede pénétrer de nouveau dans la chambre de miss Létitia et d’ysurprendre ses secrets.

« Comptez-vous me retenir longtemps ici,miss ?

– Pas une minute de plus qu’il ne voussera nécessaire pour vous remettre. Je ne vois pas pourquoi vousattendriez ici la visite matinale du docteur. Rien ne s’oppose à ceque vous vous en alliez ce soir même.

– Je vous demande pardon, miss, maconscience s’y oppose. Je vous ai déjà dit que je ne pourrais pasme résigner à vous laisser ici toute seule. J’ai un cœur de femme,moi ! »

Et mistress Mosey, attendrie par sa propregénérosité, porta son mouchoir à ses yeux.

« Je vous suis fort obligée, dit Émily,de vouloir demeurer avec moi, mais…

– Mais ça n’empêche pas que vouspersistez à me renvoyer ?

– Je persiste à croire qu’il n’y a aucunenécessité que vous restiez ici.

– À votre aise ! Je n’en suis pasréduite à imposer ma société à personne. »

Mistress Mosey avait remis son mouchoir danssa poche pour déployer plus commodément sa dignité blessée. La têtedroite, la démarche raide, elle sortit d’un pas lent etmajestueux.

Émily demeura seule dans la maison avec lamourante.

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