La Bataille invisible – Aventures effroyables de M. Herbert de Renich – Tome II

Chapitre 12OÙ IL EST REPARLÉ DE CERTAINES ÎLES

Tout en bavardant et en buvant, Gabriel met sagarde-robe à ma disposition, et c’est sans vergogne que j’acceptesa dernière paire de chaussettes et un tricot solide. C’est tout cequi lui reste. Ses coffres sont vides. Il a tout donné auxnaufragés. Voilà un homme comme je les aime.

« Ah ! ah ! Herbert de Renich,savez-vous bien que le capitaine Hyx est furieux contrevous !…

– D’abord, fis-je, des nouvelles deMme von Treischke, s’il vous plaît ?

– Ma parole, je ne l’ai plus revue ! Lesévénements se sont précipités après votre départ. Je puis vous diresimplement que, lorsque je quittai le bord de ce mauditVengeur, il n’était point survenu d’autres fâcheusesaventures, que celle que vous connaissez, à cette honorablepersonne !… Quant au capitaine Hyx, il était dans un état defureur sombre contre vous et jurait qu’il vous ferait payer chervotre fuite et certaines initiatives que vous auriez prises,paraît-il, et qui m’ont paru avoir contrarié ses desseins ! Jedois dire, du reste, que je n’ai compris qu’à moitié ce qu’ildisait, tant sa parole était pleine de colère et de sous-entendusobscurs…

– Hélas ! répliquai-je, moi, je lecomprends tout à fait, bien que ne l’ayant pas entendu… Il fut untemps, ajoutai-je, où je me serais extasié sur le mauvais sort quidéchaîne contre moi le ressentiment de certains hommes redoutablesdont je n’ai jamais cherché l’amitié mais dont j’aurais voulum’épargner la haine… mais aujourd’hui, je suis devenu un peufataliste et ne m’étonne plus de rien !… Il est écrit que jene pourrai rien faire sans m’attirer du désagrément et je vois bienque je ne serai tout à fait tranquille que lorsque je seraimort !… Ce qui est une dernière ressource à laquelle jecommence à penser sérieusement… J’ai là-dessus une idée que je vousdirai tout à l’heure…

– Vous n’allez pas vous suicider ? medemanda Gabriel avec un intérêt touchant.

– Non ! la religion le défend !…Mais, avant de traiter un sujet pour lequel je réclamerai votreconseil, dites-moi donc comment vous avez échappé vous-même à vosgeôliers et faites-moi savoir des nouvelles de la señoritaDolorès ! »

Ici, un léger nuage obscurcit le front dubrave et beau Gabriel, et il me répondit, en baissant lavoix :

« Vous savez que, lors de l’affaire desîles Ciès, Dolorès fut débarquée ?

– Si je le sais, m’écriai-je, mais je l’ai vueaux îles Ciès même, soignant les blessés de je ne sais quellebataille et la croix noire au front !

– Miséricorde ! gronda Gabriel,vous n’avez pas fini de gueuler comme ça ! »

Et il alla fermer la porte, qui était restéeentrouverte. Je retrouvai chez Gabriel cet effroi qui se peignaitsur tous les visages dès qu’il était question du mystère des îlesCiès ou plutôt lorsqu’il était fait une simple allusion à cetteextraordinaire et incompréhensible Bataille invisible dontelles paraissaient être le centre… Alors, lui aussi savait quelquechose… lui aussi savait qu’il fallait se taire ! Maissavait-il pourquoiil fallait se taire ?…

« Je vois, déclarai-je en baissant tout àfait le ton, que j’ai touché à un sujet brûlant. »

Gabriel me considéra en silence, avec uneattention fatigante.

« Écoutez ! repris-je, nous pouvonscontinuer longtemps comme ça à parler inutilement !…Mon avis est que, si nous voulons être utiles l’un à l’autre, ilfaut que nous nous confions l’un à l’autre… Je sais qu’il y a desparoles dangereuses à prononcer… Moi, pour vous mettre à l’aise, jevais vous dire tout ce que je sais ! (Je venais de prendre monparti.) Mais à une condition, c’est que, pas plus tard que ce soir,vous m’aiderez de tout votre pouvoir dans certain dessein que j’aiqui pourra m’ôter à jamais tout ennui !…

– S’il ne s’agit point d’un acte de désespoir,je suis votre homme ! répondit Gabriel.

– Je retiens votre parole ! fis-je, et jecommence… »

Alors je lui relatai tous les événements quiavaient accompagné et suivi mon évasion, toute l’histoire des îlesCiès, ma vision de l’étrange artillerie lente, le défilé desblessés, les usines et les casernes, l’hôpital où m’était apparueDolorès, l’étrange émoi qui s’emparait de mes interlocuteurs dèsque je prononçais ces mots : la cote six mètresquatre-vingt-cinq (chose inouïe, à ces mots Gabriel ne bronchapas, puis l’hydroplane, mes démêlés avec von Treischke, le conseilde guerre où j’avais eu à m’expliquer sur Le Vengeur, monséjour forcé à bord du sous-marin… tout, je lui dis tout… toutce qui me concernait, à l’exception de la dame voilée !…(ça, c’était une affaire entre le capitaine Hyx et moi et ma mère,hélas !… puisque son existence dépendait de mon silencerelativement à Amalia…).

Il m’avait écouté avec une attention aiguë. Ilparla à son tour :

« Dolorès, dit-il, en sait beaucoup pluslong que moi. J’ai la sensation qu’elle ne m’a pas tout dit danscette cruelle aventure. Elle est très pieuse ; plus, elle esttrès superstitieuse… Le capitaine Hyx a dû lui faire jurer sur jene sais quelle image de Compostelle ou quelle vierge del Pilar dene point me confier certaines choses !… Tout cela s’éclairciraplus tard et tous comptes seront réglés, veuillez le croire !…Tant est qu’elle obéit au capitaine Hyx avec une soumission qu’ilfaudra bien expliquer.

« Elle quitta Le Vengeur pourles îles Ciès, moi je restai à bord et elle trouva cela toutnaturel !… Au moment de son départ, j’avais beau m’étonner, merévolter, elle m’ordonna avec tranquillité de la laisser partirsans éclat, me promettant un prompt retour. Savait-elle qu’elle nereviendrait pas ? Je n’en sais rien !… Moi, je ne savaispas à ce moment qu’elle allait soigner des blessés… je ne l’apprisque plus tard… et je vais vous dire comment… puisque vousparaissez en savoir au moins autant que moi !… EnfinLe Vengeur reprit sa route… Je ne vous dirai point mafureur. Elle était compréhensible et éclatante.

« Le capitaine Hyx parvint cependant à mecalmer avec des promesses. Je devais toujours revoir Dolorès lelendemain. C’est alors que votre fuite le mit dans un étatd’exaspération pas ordinaire. Je le rencontrai sur ces entrefaiteset lui déclarai que je ne resterais pas une heure de plus sur sonsous-marin de malheur, que je ne prendrais du reste pas la peine depréparer une évasion comme vous l’aviez fait, mais que je me feraissauter le caisson devant lui et je sortis un revolver. »Rentrez cette arme, me dit-il. Ce n’est pas elle qui vous libérera,mais ma propre volonté. Au surplus je n’ai plus besoin de vousici et je vais vous faire rentrer dans le rang. Ce soir mêmevous serez à Brest, mais à une condition, c’est que vous medonnerez votre parole d’honneur qu’aussitôt débarqué vous irez vousmettre à la disposition de vos chefs comme c’est, du reste, votredevoir.

« – Nous sommes d’accord, fis-je, maisque leur dirai-je à mes chefs, quand ils me demanderont ce que j’aifait pendant cette longue absence ?

« – Vous leur répondrez que vous étiezprisonnier du capitaine Hyx !… Cela leur suffira ! Ilsconnaissent votre bravoure et votre patriotisme, ils ne mettrontpoint votre parole en doute.

« – Connaissent-ils le capitaineHyx ?

« – S’ils le connaissent, réponditl’énigmatique capitaine avec un singulier sourire que ne parvintpas à cacher entièrement son masque, je vous aurais déjà donné unpli pour eux ; mais personne au monde ne connaît lecapitaine Hyx ! Cependant il ne vous est pas défendu d’enparler. »

« Je ne le revis plus. Le soir même, unechaloupe automobile du Vengeur me débarquait sur la côte,à quelques kilomètres au nord de Brest. Je me rendis dans cetteville et, comme je l’avais promis, je m’en fus aussitôt à laplace.

Chose singulière, là, on ne parut pas étonnéde me voir. Je reçus l’ordre de me rendre immédiatement àSaint-Jean-de-Luz et de prendre la mer avec l’Anne-Marie,dès que des instructions cachetées me seraient parvenues.

« Ces plis, je ne devais les ouvrir qu’enmer. C’était là une formalité à laquelle j’étais déjà habitué et jene m’en étonnai en aucune façon.

« En somme, tout se passait le mieux dumonde et je me voyais déjà, comme je l’avais décidé, à bord del’Anne-Marie, surveillant la mer, surveillant les côtes,et surtout, avant tout, cinglant vers les îles Ciès, où rien nem’empêcherait de rejoindre Dolorès et de l’emporter bon gré mal gréà mon bord !

« Or, lorsque je fus en mer et dès quej’eus commencé de prendre connaissance des instructions de meschefs, quelles ne furent pas ma stupéfaction et ma colère en lisantqu’il m’était défendu d’approcher des îles Ciès !

« Maintenant, je comprenais l’insistanceavec laquelle le capitaine Hyx m’avait fait jurer de me mettre, dèsmes premiers pas sur la terre de France, à la disposition desautorités maritimes : il savait qu’on me défendraitd’approcher des îles Ciès !

« Mais quel était donc ce mystère siprécieux, si redoutable, et si bien gardé, et si bien défendupar tout le monde ? Je frémissais de rage en me répétantqu’il resterait pour moi impénétrable et que, ne pouvantl’approcher, je ne pouvais approcher de Dolorès !…

« Cependant, en relisant mesinstructions, je constatai que la défense d’approcher des îles Cièsétait rédigée de telle sorte qu’un esprit subtil pourrait peut-êtretirer parti de cette rédaction-là. En effet, il m’était défendud’approcher des îles Ciès avec mon bâtiment !… Ehbien ! j’irais vers elles sans l’Anne-Marie, voilàtout !

« Imagination coupable et dont je faillisêtre terriblement châtié. Mais l’amour, n’est-ce pas, est plus fortque tout et vous rend le plus ingénieux du monde, dès qu’il s’agitde tromper le monde et son père pour atteindre à sonbut !…

« Ce but, cependant, je ne l’atteignispas et je manquai bien, dans cette expédition, de laisser ma peau,comme vous allez voir !

« Voici ce qu’il advint. Une nuit, jem’étais fait débarquer tout seul et fort mystérieusement dans labaie d’Aldan, qui est au nord des îles Ciès et la plus procheégalement au nord de la baie de Vigo.

« Je savais trouver là, à la pointeEstripero, un ami à moi, un ami sûr du temps de la contrebande, quiavait un vigoureux petit cheval comme on en a souvent besoin dansle métier…

« Avec ce petit cheval-là, je me trouvaià la pointe du jour dans la crique de la Redonda, qui se trouvejuste en face de la plus grande île des îles Ciès, dite l’île deMonte-Agudo.

« J’avais donc traversé en grande partietoute cette presqu’île déserte qui sépare la baie d’Aldan et labaie de Vigo. Là aucun village, aucune habitation ; je savaisne rencontrer que le désert et les rochers, et aussi la cabane deterre dans laquelle somnolait à l’ordinaire un bon douanier,également ami de moi, nommé Gallardo par la grâce deDieu !

« Je ne trouvai point Gallardo dans sontrou, peut-être était-il en tournée, surveillant la côte contre lesentreprises illégales des mauvais garçons, ainsi que c’était sondevoir ; mais je savais où trouver sa petite barque, laquellenous avait été utile plus d’une fois et qui se garait du vent dularge derrière les rochers du cap del Home.

« De cette pointe à la pointe du montAgudo, dans la plus grande des îles Ciès, il n’y a pas deux millesmarins. C’est vous dire avec quel entrain, après avoir attaché monpetit cheval au pieu où je trouvai la barque de Gallardo, jesaisis, les rames et pris la mer.

« Celle-ci était encore couleur d’encreet l’aurore venait de naître derrière le mont de la Señora delAlba. J’espérais arriver aux îles Ciès sans avoir été aperçu dequiconque, car une brise favorable s’était levée sur cesentrefaites, et j’avais dressé mon mât et sa voile et je filaisjoliment vent arrière.

« Malheureusement, on avait dû medécouvrir de la côte de l’île, car je vis se détacher de celle-ciune chaloupe automobile qui me courut droit dessus. Une voix mehéla et me demanda en espagnol ce que je voulais. Je répondis quemon dessein était d’aller pêcher aux îles Ciès. Il me fut répliquéque je devais savoir que non seulement je n’avais pas le droit depêcher aux îles Ciès, mais encore que l’accès en était interdit parordre de l’amirauté.

« Et l’on me commanda de passer aularge.

« En même temps, ces messieurs quimontaient la chaloupe automobile découvrirent un joli petit canondont la gueule d’acier commençait de luire sous les premiers rayonsdu soleil.

« Je n’avais qu’à rebrousserchemin ; ce que je fis lof pour lof !… Au retour, je melaissai entraîner, par un courant que je ne soupçonnais pas,beaucoup plus bas que je ne pensais et j’abordai non pas à laRedonda mais à la pointe de Subsido, d’où l’on découvre toute labaie de Barra, qui ouvre une première poche intérieure dansl’immense estuaire de Vigo, poche si bien fermée et si hautementceinturée de falaises que l’on peut bien dire qu’il y a là comme unport à part dans la rade, si bien et si naturellement défenducontre toute inquisition et toute curiosité venues du dehors que,dans un temps qui n’est pas encore loin, j’en avais faitpersonnellement comme l’entrepôt de certaines marchandises sur lanature desquelles vous me permettrez de ne pas insister, mon cherami.

« Avec cela, le pays à l’intérieur estencore plus désert et plus sauvage si possible que toute la contréequi l’entoure et qui cependant n’a rien de bien séduisant, je vousassure, si ce n’est, bien entendu, pour les mauvais garçons.

« Pas une habitation non plus de ce côtéjusqu’à la ville de Cangas, dont on est séparé encore par la baiede Limens. (Pour mieux me faire suivre les péripéties de sonaventure, non seulement Gabriel me citait précisément tous leslieux en question, mais encore me les indiquait de son doigt surune carte qu’il avait déroulée devant moi.) Or, écoutez cela, cherami… quelle ne fut pas encore ma stupéfaction en découvrant que cecoin, que j’avais connu si abandonné une année auparavant, étaitmaintenant presque entièrement bâti.

« Il y avait là des constructionsbizarres qui s’avançaient jusqu’au bord de l’eau, et même dessortes de magasins sur pilotis qui recouvraient une partie de lacrique, cependant que, au ras de l’eau même, toujours sur pilotis,il y avait comme une grande barrière formant barbacane, défendantpar conséquent l’approche de toute la bâtisse et empêchant que l’onpût voir du large l’ouvrage qui s’y faisait.

« Bien mieux ! je pus constater quedes toiles goudronnées glissaient de cette barbacane jusqu’auniveau des eaux lorsque la mer baissait !… En dehors de cela,on n’apercevait âme qui vive…

« Très intrigué, je sautai sur le rivageet me mis à gravir la falaise.

« Là encore mon étonnement grandit, enapercevant de véritables casernes entourées de murs énormes.

« Instinctivement je me dissimulai enapercevant une sorte de ronde qui sortait de l’entrée principale etqui semblait être venue là pour faire la police et poser desquestions indiscrètes aux voyageurs de mon espèce.

« Ces gens, apparemment, n’étaient pointarmés, mais (je vous le dis, comme je le pense) ils avaient uneallure militaire de Boches, une façon d’être en rang et d’allongerles pattes comme à la parade qui ne pouvait me tromper. Ils avaientdes habits civils, mais quelle discipline !… Qu’est-ce quetout cela signifiait ?… Je n’étais pas assez sot pour aller leleur demander ; mais, dès qu’ils eurent disparu, je ne pus meretenir de glisser contre les murs derrière lesquels j’entendais desinguliers bruits.

« C’est de là que je vis sortir tout àcoup une véritable armée d’ouvriers (ils étaient bien quatre cents)portant tous des engins bizarres sur leurs épaules, devant eux, ouderrière eux et se dirigeant vers le fond de la crique où ilsdisparaissaient dans les mystérieuses bâtisses du bord del’eau !

« À quoi donc tous ces gens-làtravaillaient-ils ? Quelle entreprise était-ce là ?… Etpourquoi n’allais-je pas, tout simplement et tout honnêtement, m’enenquérir auprès d’eux ?… Eh ! à cause de l’allureboche !…

« Tous ces gens-là à mon avis, étaientdes Boches ! J’en restais persuadé. Après tout c’était bienleur droit ! Ils étaient en pays neutre ! Qu’y avait-ild’extraordinaire à ce que des Boches continuassent à exploiter uneaffaire boche en pays neutre ? Eh ! cette affaire-làétait née depuis la guerre !… Enfin, elle avait le droitd’être là, puisqu’elle y était !…

« Et moi aussi j’avais le droit d’êtrelà !… C’était à voir ! Je n’étais point descendu enEspagne d’une façon bien catholique, et, autant que possible, il mefallait éviter toute histoire.

« Cependant j’étais curieux. Ainsi,j’étais arrivé derrière un mur dont certaines pierres dépassaientde place en place, ainsi qu’il arrive aux constructions qui sontappelées à en soutenir d’autres et à qui l’on conserve une amorcede maçonnerie.

« C’est par là que je m’élevai jusqu’aufaîte avec mille précautions et en prenant grand soin de n’être pasdécouvert.

« Vous me parliez tout à l’heure del’artillerie lente que vous avez vue aux îles Ciès et des étrangesmanœuvres auxquelles vous aviez comme par hasard assisté ! Jevous écoutais avec un intérêt soutenu, car, moi aussi, dans lescours de ces sortes de casernes, j’ai vu de l’artillerie et desartilleurs aux manœuvres bizarres, incroyablement bizarres.

« Sachez que j’ai vu là d’énormescanons carrés, que des artilleurs ne manœuvraient pas avecleurs mains, mais avec des bras de bronze au bout desquels, enguise de mains, il y avait des pinces d’acier.

« J’aurais voulu, comme vous pensez bien,prêter une attention plus prolongée aux étranges évolutions decette étrange artillerie et de ces singuliers artilleurs, mais jen’en eus pas le temps, car quelques coups de feu me furent tirésd’une petite lucarne dont jusqu’alors je n’avais pas soupçonnél’existence, et je me rejetai au bas du mur avec une promptitudebien compréhensible.

« L’alarme était donnée. Vous imaginezfacilement quelle chasse commença et quel en fut le gibier.

« Si je n’avais pas connu le pays mieuxque mes chasseurs je ne fusse jamais assurément sorti de cetteimpasse. Mais encore je fus servi par mon ami le douanier Gallardo,qui me cacha aux yeux de tous dans un moment extrême et réponditpar de tels mensonges à toutes les questions qui lui furent poséesque, le soir même de cette inexplicable aventure, je pouvais meconsidérer comme sain et sauf.

« La nuit suivante il me reconduisitlui-même au point de la côte où j’avais donné rendez-vous à mesmatelots et je m’embarquai après l’avoir embrassé avec effusion,bien qu’il n’eût répondu que par des faux-fuyants à toutes mesdemandes d’explication.

« Quant à moi, rentré à mon bord, jesongeai à mon devoir, qui me commandait de faire part à mes chefsde tout ce que j’avais vu aux alentours des îles Ciès et de la baiede Barra. Pour cela, je devais leur avouer que j’avais passé outresinon à la lettre même des ordres que j’avais reçus, du moins àleur esprit. Mais je n’hésitai point. L’affaire me paraissaitd’importance. Je fis un rapport secret que j’expédiai, sitôt arrivéà Saint-Jean.

« Le lendemain je voyais monter surl’Anne-Marie un gros bonnet qui s’enferma avec moi danscette cabine et me dit : « Vous mériteriez de passer enconseil de guerre et peut-être d’être fusillé. Tout vous serapardonné néanmoins si vous prenez rengagement de ne plus retourneraux îles Ciès. Ce qui se passe aux îles Ciès ne vous regardepas !… Nous savons ce qui vous y attire. Rassurez-vous.Votre fiancée s’y trouve en toute sécurité et y rend des servicesprécieux. Laissez-la accomplir son devoir et faites levôtre ! »

« Là-dessus, il s’en alla, me laissant denouvelles instructions relatives aux sous-marins et à leur base deravitaillement. Et j’étais bien résolu à ne plus entendre parler,comme vous dites, de la Bataille invisible, quand vousavez commencé votre récit. Le vôtre et le mien se complètent ;et, bien qu’il n’en ressorte point un grand éclaircissement, jesuis rassuré sur le sort de Dolorès, et c’est déjàbeaucoup !… »

Il cessa de parler et, tout en vidant notretroisième cocktail, nous prîmes le temps de réfléchir.

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer