La Bataille invisible – Aventures effroyables de M. Herbert de Renich – Tome II

Chapitre 25OÙ JE CONTINUE PAR DÉVOUEMENT ET PAR AMOUR À ÊTRE LE DOMESTIQUE DETOUT LE MONDE ET OÙ CET EMPLOI NE ME PARUT JAMAIS SI DIFFICILE

L’auto nous conduisit à la plage de Coriza,une des plus désertes de la baie de Vigo, et là nous fûmestransportés à bord d’une chaloupe dont nous entendions déjà lemoteur à pétrole.

Une heure, une heure et demie plus tard, enpleine mer, à la hauteur, approximativement, de l’île deSaint-Martin, et hors des eaux territoriales espagnoles, jecommençais à distinguer une masse sombre sur la mer ; puis,au-dessus de cette masse sombre, quelque chose qui s’agitait dansle vent. Et je reconnus, non sans émotion, le fatal drapeaunoir !…

On nous avait délivrés de nos liens. On nousavait fouillés, nous étions désarmés. Nous n’étions plus à craindre(personnellement ai-je jamais été à craindre ?) et nousn’avions qu’à obéir. Entre prisonniers, nous ne nous étions pas ditun mot. Le von Treischke avait craché de mon côté, tout simplement.Le docteur remuait ses clefs dans ses poches d’une façonénervante ; le midship fumait paisiblement une cigarette.

Quant au Fritz, il était redevenu tout rose,lui que j’avais vu si pâle. Je jugeai que sa pusillanimité dans lecrime devait se réjouir depuis qu’il savait que sa victime étaittoujours vivante et qu’il n’avait plus à redouter son fantôme. Pourle reste, il s’en remettait à la grâce de son bon vieuxDieu !…

Et maintenant me voici à nouveau à bord duVengeur !Je le revois ! Voici sa carapace vertsombre, son kiosque mystérieux, ses échelles, ses escaliers, sescoursives… Que de souvenirs aigus, lancinants, diaboliques, àchaque pas que je fais !… Ma parole ! je tremble sur mesjambes !…

Où allait-on nous conduire à bord ?Comment allions-nous être traités ? Le drame dont la prise devon Treischke devait être le signal allait-il éclater tout desuite ? Je le pensais lorsque, ayant pénétré, sur l’ordre del’Irlandais, dans la coursive centrale, nous fûmes dirigés versla petite chapelle !…

Comment vous dépeindre les sentimentsd’angoisse et de désespoir qui m’entreprirent tout entier enrevoyant ces lieux où j’avais passé des heures si extraordinaires,si curieuses, si exceptionnelles, et, aussi, si atroces… enreconnaissant les endroits où j’avais souffert, dans la penséed’Amalia !

Amalia ! ne suis-je donc rentré dansLe Vengeur que pour assister à ton supplice et ne suis-jerevenu près de toi que pour mieux te perdre, moi qui ramène lemonstre tant attendu de tes bourreaux ?…

Et certes, quand je me remémore mes actes àVigo, je ne les trouve point tous d’une prudence excessive. Lapolice du capitaine Hyx (ceci est prouvé maintenant) y était aumoins aussi active que celle de von Treischke. En conséquence, quime dit que ce n’est pas moi, moi seul qui, par mes démarches,peut-être par mes paroles, lui ai révélé la présence à Vigo du vonTreischke ? Enfin, n’est-ce pas moi qui ai fait ce beau coupde leur amener le Tigre dans cet antre où ils l’attendaient ?Décidément, cela ne me réussit pas non plus de sortir de laneutralité ! Il y a des gens à qui rien ne réussit !

Et puis, pour sortir de cette neutralité,ai-je sans doute trop attendu, tergiversé, pesé le pour et lecontre des choses… et quand le moment fut venu d’agir, il étaittrop tard !… Ah ! que n’ai-je abattu le monstre tout desuite, quand il venait violer ma demeure, à Renich !…

Maintenant, je sens bien qu’indifférent àceux-ci, et ayant excité la colère de ceux-là, je vais être le boucémissaire de tout le monde au moment de la reddition descomptes.

Ah ! je tremble en approchant de lapetite chapelle. Nous avons rencontré au coin de certainescoursives des figures très hostiles, très hostiles ! des yeuxde fauves qui brillaient dans l’ombre… et on nous a fait avancerplus vite ! plus vite !

… Nous sommes dans la petite chapelle… Nousnous découvrons !… Nous avançons derrière le von Treischke etle Fritz, comme si nous appartenions à leur bande, ma parole !ou comme si nous étions leurs complices !

Ô honte !… oui, la honte embrase monfront… et je m’arrête ; je ne tiens pas, du reste, à allerbeaucoup plus loin !

Et le docteur aussi s’arrête.

Quant au midship, il continue son chemin commes’il était tout seul, en regardant en haut et en bas, comme unvisiteur – amateur de la petite chapelle – un monsieur qui daignes’intéresser au gothique flamboyant dans ce qu’il a de plus délicatet à la couleur des verrières dans ce qu’elles ont de plusmagique.

Mais moi, j’ai vu, là-bas, tout au fond… j’aivu, entouré de ses principaux officiers et assis dans sa cathèdre,à droite de l’autel, comme un roi prélat sur un trône, j’ai vu lecapitaine Hyx, le visage nu !…

Oh ! il y a quelque chose de changé àbord du Vengeurpour que le maître de céans se montre àvisage découvert !… Quelque chose de nouveau !… Maisoui !… Et cette chose nouvelle, c’est le Tigre qui s’avancevers le capitaine Hyx, c’est le Bourreau des Flandres, gage etsignal du supplice !… Nous touchons à la fin du drame,n’est-ce pas ? Le capitaine Hyx n’a plus besoin de secacher !… Il peut montrer son visage à ceux qui vontmourir !…

Regarde-le donc ce visage-là, ô Herbert deRenich !… C’est le visage d’un homme, celui-là !… Tupourras penser de cet homme (si tu en as encore le temps) tout ceque tu voudras ! Et écrire sur lui (s’il t’en laisse leloisir) tout ce que tu voudras ! Et tantôt trouver qu’il atort et tantôt trouver qu’il a raison !… Et tantôt leconsidérer comme l’homme de Dieu et tantôt comme l’homme dudiable !… Mais c’est un homme !… c’est-à-dire unevolonté !… Il a su choisir entre le Boche etl’Antiboche ! voilà l’Antiboche !… Et tu pourrasécrire et penser, Herbert de Renich ! qu’il estl’Antiboche, jusqu’au crime !… Possible… mais c’estson affaire ! Il s’en expliquera avec Dieu ! Salue cethomme !

Et je salue, oh ! bien humblement, lecapitaine Hyx ! Mais il ne me prêta aucune attention ;ses yeux, chargés de la foudre, fixèrent le von Treischke, et leSeigneur, au jour du jugement dernier, ne doit pas regarder avecplus d’irritation sacrée le pécheur qui n’a passé sur la terre quepour le scandale du monde !…

Commencée ainsi, je m’attendais à une scèned’une grandeur biblique entre le suppôt de Satan et le porteur deglaive ! Du choc de la bête et de l’archange des eaux, queléclat ne pouvions-nous attendre ?…

Or, il suffit d’une courte phrase, prononcéepar von Treischke, pour que tout retombât à des discussionshumaines…

Au lieu de deux forces de la nature dresséesl’une contre l’autre, au lieu de deux idées contraires, de deuxpôles chargés d’une électricité hostile et dont la rencontre allaitpeut-être nous réduire en poudre, il n’y eut plus soudain quedeux hommes qui réclamaient chacun sa femme !…

Ah ! j’entendrai longtemps (si leSeigneur le permet, ce dont je doute de plus en plus,hélas !), j’entendrai longtemps le von Treischke s’avancer,sans peur ni faiblesse, jusqu’au capitaine Hyx et lui déclarer toutde go :

« Votre femme vit,monsieur ! »

Et longtemps je verrai le capitaine se dresserhors de sa cathèdre, comme s’il en avait été rejeté par quelqueexplosion de mine, puis retomber comme une loque en gémissant. Quegémissait-il ?… que disait-il ?… Cela n’avait ni sens, niforme, ni signification autre que celle-ci : nous montrer ceque c’est au fond qu’un archange des eaux : ni plus ni moinsqu’un pauvre homme vulgaire, comme nous sommes tous dès qu’on aprononcé devant nous le nom d’une femme.

Eut-il honte soudain de se montrer nu devantnous qui avions connu son orgueilleuse armure et son masqueimpressionnant ? Voulut-il simplement n’être point dérangédans les pourparlers d’un traité synallagmatique (rends-moi mafemme, je te rendrai la tienne) qui manquait assurément degrandeur et de royauté (comme on dit dans les opéras français),toujours est-il que, d’un geste, il nous mit tous à la porte etnous balaya de sa présence.

Oui, il retrouva la force de cela : nouschasser !

Il voulait rester seul dans la petite chapelleavec le von Treischke ; et nous les y laissâmes, comme vouspensez bien !

On nous entassa dans une petite pièce, à côté,qui communiquait, je crois, avec l’abside ; et les choses nedevaient pas aller toutes seules dans la chapelle, car de temps àautre, nous entendions comme un roulement de tonnerre qui, je lesus bientôt à mes dépens, n’était que le roulement de la colère ducapitaine Hyx !

De fait, au bout d’un quart d’heure au plus,on vint m’appeler et je fus introduit dans la petitechapelle.

Je trouvai le capitaine Hyx tout seul, entrele Livre et la Loi, son tabernacle, sa cathèdre et les registresverts qui avaient roulé par terre…

Où était passé le von Treischke ?Qu’est-ce que le capitaine en avait fait ? Car, par la Viergedel Pilar ! (comme disent les Espagnols dans les romansfrançais), ce n’était plus une loque que j’avais devant moi, maisla plus farouche gueule de corsaire que j’eusse pu imaginer, mêmeau temps de la grande flibuste.

Enfin le von Treischke avait disparu.

Et le capitaine (je crus en vérité qu’ilallait me dévorer) me dit, ou plutôt non, me cria, me cracha :Donnez-moi donc ce pli dont vous avait chargé votremaître !

Mon maître !… Le von Treischke,mon maître !… Voilà où j’en étais !… »Devant cette fureur qui soufflait autour de moi, je me mis àtourner comme un imbécile ou comme une toupie, cherchant dans mespoches ce pli qui ne me quittait jamais et que je ne trouvaisnaturellement point, tout simplement parce que je le cherchais dansun affolement sans nom…

Enfin, je mis la main dessus et je tendis lafameuse enveloppe au capitaine. Il en tira quelques papiers degrand format qu’il parcourut en soufflant et en rugissant, puis ilarracha tout cela, anéantit tout cela, avec des mouvements d’unerage terrible :

« Ah ! malheur ! hurla-t-il,,malheur sur vous deux !… car si vous avez inventé tousdeux ce supplice de m’avoir fait croire une seconde que mafemme fût encore vivante, et cela pour me voler votreAmalia, je vous jure, moi, sur la Bible et sur le NouveauTestament, sur le ciel et sur l’enfer, que je saurai, pour vousdeux, inventer des tortures dont on n’a pas encore l’idée dansles petites baignoires grillées !… »

Il écumait, je tombai à genoux :

« Et moi, je vous jure que votre femmevit, capitaine !… Sur mon salut et sur la tête de ma mère, jejure que l’amiral a dit vrai : Mrs G… est vivante ! Jejure qu’hier je lui ai parlé ! Je jure que vous lareverrez !… »

Ces paroles, au lieu de l’apaiser, ne firentqu’augmenter sa folie, si possible. Il se rua sur moi et je crusque c’était fini de moi… Et puis tout à coup, sa fureur resta commesuspendue au-dessus de moi… Peu à peu, son visage, qui était enfeu, pâlit et prit une teinte terreuse, puis verdâtre… Ilétouffait ! Il porta les mains à sa gorge, arracha son col,respira bruyamment, souffla.

Il était sauvé. Il alla s’effondrer sur sacathèdre et de là me jeta ces mots :

« Monsieur ! vous avez jusqu’àce soir minuit ! Si ma femme est vivante, il n’est point tantbesoin de paroles, ni de stratagèmes, ni de commission, ni depapiers, ni d’enveloppes scellées, ni d’entrer dans les détailsimpossibles d’un troc que me propose von Treischke et qui empestenttous la trahison : si ma femme est vivante, qu’elle m’écrivedonc un petit mot et alors nous pourrons parlersérieusement !…

– Vous avez raison ! Vous avezraison ! m’écriai-je… Oh ! comme je comprenais maintenantla colère de cet homme ! Comment n’eût-il pas cru, en effet,qu’on le voulait jouer ? Est-ce que moi-même, qui avaiscependant vu la Dame voilée de mes propres yeux et qui l’avaistouchée, est-ce que moi-même je n’avais point renoncé à comprendre,à expliquer sa singulière attitude ?

– Oui, capitaine, il faut qu’elleécrive !… et cela a toujours été mon avis ; mais,hélas ! elle ne veut pas écrire !… elle me l’adit elle-même ! »

La voix du capitaine, très lasse, tomba encored’un ton : « Monsieur, si ma femme est vivante – ce queje ne crois plus – elle a pu vous dire, du temps qu’elle était dansla geôle de von Treischke, votre maître, elle a pu vousdire des choses que l’autre exigeait qui fussent dites !…Maintenant que le von Treischke est dans ma geôle à moi, elle n’aplus rien à craindre de lui et elle ne vous répétera plus qu’ellene veut pas écrire. Qu’elle m’écrive donc… Vous êtes libre,monsieur !… Vous êtes libre jusqu’à minuit !… À minuit,si vous n’êtes pas ici avec l’écriture de ma femme, où que voussoyez, vous êtes mort !… Allez, monsieur ! le lieutenantSmith se mettra à votre disposition !… »

J’eusse désiré entrer dans quelquesexplications, mais on ne m’en laissa pas le temps. Le capitaine Hyxs’éloigna et l’Irlandais vint me trouver.

Il me remit un sauf-conduit signé de l’amiralvon Treischke pour pénétrer dans le château de la Goya, avecrecommandation à son neveu de me mettre, aussitôt après monarrivée, en présence de la dame voilée.

Nous partîmes aussitôt, nous remontâmes dansla même chaloupe, et alors je pus constater que Le Vengeurdevait s’être considérablement rapproché des îles Ciès, car nous nemîmes pas une demi-heure à aborder la plage de Coresju, d’où nousétions partis.

Là, une auto nous attendait qui nous conduisità Vigo.

J’avais demandé au lieutenant Smith s’il nevoyait aucun inconvénient à ce que je passasse à mon hôtel avantque de me rendre au château de la Goya, il m’avait répondu quej’étais entièrement libre de mes faits et gestes et qu’il ne setrouvait là que pour me servir.

Oui, je savais ce que cela voulait dire !libre jusqu’à minuit ! libre jusqu’à la mort !

Tout de même, je profitai de ma liberté pourcourir à ma chambre, où j’eus la chance de trouver Potaje.

Potaje était consterné, tout flapi sur sapetite planchette, d’abord parce que, m’expliqua-t-il, « il nevivait pas en mon absence », ensuite parce que l’affaire del’évasion ne marchait pas aussi vite qu’il l’eût désiré.

Cette dernière confidence me troubla beaucoupplus que la première. Au fond, je ne comptais plus, pour me tirerde l’effroyable impasse où je m’étais si légèrement engagé, je necomptais plus que sur cette évasion-là, celle de la damevoilée.

« Qu’est-il donc arrivé, interrogeai-jehaletant et secouant Potaje sur sa petite planchette…

– Il est arrivé, me répondit-il en me donnantdes coups de patin sur les mains pour me faire lâcher prise, car jele remuais à lui donner le mal de mer, il est arrivé que la damevoilée est rarement absente de sa chambre, mais que, lorsqu’elle setrouve dans sa chambre, elle y est rarement seule. On aperçoitpresque toujours avec elle une vieille duègne qui la surveille etlui sert de dame de compagnie et aussi de femme de chambre… detelle sorte que j’ai dû bien souvent suspendre ma besogne.Toutefois, je dois dire que l’un des barreaux est scié par en baset à moitié scié un peu plus haut, et lorsqu’il sera tout à faitscié à cette place-là, il sera très facile à la dame voilée devenir nous rejoindre…

– Et quand penses-tu que ton ouvrage puisseêtre terminé ?

– Pas avant demain soir ! » réponditPotaje en soupirant. Je sursautai :

« Comment ! pas avant demainsoir ! Mais qu’est-ce que tu fais en ce moment ?… –Rien ! répliqua de plus en plus lugubrement Potaje… et, si jene fais rien, c’est qu’il n’y a rien à faire !… rien à fairepour moi, là-bas, avant minuit !… Alors seulement, à minuit,je reprendrai, sans danger d’être surpris par personne, ma petitebesogne, señor ! – Malheureux ! mais tu ne sais donc pasqu’à minuit je serai mort, moi ! »

J’eus tort de faire part aussi brusquement àPotaje du péril mortel qui me menaçait, car ce furent deslamentations, des protestations et des explications qui me firentperdre un bon quart d’heure.

Enfin, après m’être fâché dix fois pour lefaire se tenir tranquille et l’empêcher de me suivre, je pus lâcherPotaje et rejoindre le lieutenant Smith.

« Au château de la Goya ! »commandai-je…

Le soir était tombé. Nous arrivâmes par lanuit noire. Je n’avais plus qu’un espoir : que la dame voilée,cette fois, voulût bien écrire à son mari qu’elle était vivante.Mais je l’avais toujours vue si obstinée dans son incroyable refusd’écrire que, en arrivant au château, je recommandais déjà mon âmeà Dieu…

Cependant, il fallait tout tenter. Lesauf-conduit de von Treischke eut tôt fait de me mettre en face duneveu, dans le cabinet même de l’amiral où, quelques secondes plustard, la dame voilée fit son entrée…

Il se passa tout d’abord une scène assezpénible. Le neveu de von Treischke ignorait naturellement que sononcle et Fritz von Harschfeld fussent prisonniers du capitaine Hyx…C’est moi qui le lui appris, devant la dame voilée, qui pâlitaussitôt et s’assit, défaillante.

Le jeune homme ne voulait point me croire.

Je lui fis relire le sauf-conduit de l’amiralet lui fis remarquer que celui-ci était tracé sur du papier à lamarque du Vengeur (le V au centre d’une bouée surlaquelle se lisaient ces trois lettres : Hyx), puis je melevai et dis :

« La situation est nette. Je suismoi-même prisonnier du capitaine Hyx et viens ici faire la seuledémarche qui pourra sauver l’amiral et son officier d’ordonnance,et j’ajouterai qui puisse me sauver moi-même, Herbert de Renich,car on m’a promis ma mort pour minuit au plus tard si je ne revienspas à bord du Vengeur avec un billet de l’écriture demadame adressé à son mari !… »

Disant cela, je fixais la dame voilée ;elle paraissait dans une grande agitation intérieure. Je voyais samain trembler sur les bras de son fauteuil. Elle parla :

« Cela est impossible ! finit-ellepar dire d’une voix si basse que j’avais peine à l’entendre…Vous savez bien que je ne veux pasécrire ! »

J’explosai littéralement, je l’aurais battue,cette femme ! Elle ne le voulait pas… Oui, j’explosai… Mesbras se projetèrent si violemment à droite et à gauche de mon corpsqu’on put les croire soudain détachés !

« Pourquoi ne voulez-vous pas ?

– Parce que je ne veuxpas !… »

Ah ! je l’aurais tuée !…

Et le lieutenant, lui, ne disait rien !ne me soutenait pas ! ne l’invitait pas, elle, à faire ce queje lui demandais, c’est-à-dire la seule chose qui pût sauver sonchef !

Je leur tournai le dos en annonçant « quec’était bien, que j’allais mourir » !

À ce moment, la dame voilée poussa un cri, merappela et s’arrachant du sein le médaillon où elle avait enferméle portrait du capitaine Hyx, elle me le donna avec sachaînette.

« Portez-lui de ma part ces objetssacrés, s’écria-t-elle dans un sanglot. Ils lui prouveront que jevis, que je l’aime toujours, et que je n’ai pas cessé de penser àlui !… Allez ! »

Je m’emparai du médaillon et de la chaînetteet sortis du château comme un fou.

Je me disais : « Certes, lecapitaine Hyx ne comprendra pas plus que moi pourquoi elle ne veutpas écrire, mais au moins il aura la preuve qu’ellevit ! »

Eh bien, une heure plus tard, après lui avoirappris que je revenais sans écriture, lorsque j’eus remisau capitaine Hyx les preuves de l’existence de sa femme, savez-vousce qu’il me dit ?…

D’abord, il s’appuya à la cloison de sachambre dans laquelle on m’avait introduit… (il s’y appuya, car lavue de ses objets semblait lui avoir ôté toute force) et il medit :

« Monsieur Herbert de Renich, vous nem’avez point rapporté ce que je vous demandais, parce qu’on ne faitpas écrire une morte, monsieur Herbert de Renich !… Vous êtesun misérable ; jamais, de son vivant, ma femme n’eût consentià se séparer de ces objets. Ces reliques saintes ont été voléessur son cadavre ! »

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