La Dame de Monsoreau – Tome II

Chapitre 16La rue de la Ferronnerie.

Chicot avait de bonnes jambes, et il s’en fûtservi avec avantage pour rejoindre l’homme qui venait de bâtonnerGorenflot, si quelque chose d’étrange dans la tournure de cethomme, et surtout dans celle de son compagnon, ne lui eût faitcomprendre qu’il y avait danger à provoquer brusquement unereconnaissance qu’ils paraissaient vouloir éviter. En effet, lesdeux fuyards cherchaient visiblement à se perdre dans la foule, nese détournant qu’aux angles des rues pour s’assurer qu’ilsn’étaient pas suivis.

Chicot songea qu’il n’y avait pour lui qu’unmoyen de n’avoir pas l’air de les suivre : c’était de lesprécéder. Tous deux regagnaient la rue Saint-Honoré par la rue dela Monnaie et la rue Tirechappe : au coin de cette dernière,il les dépassa, et, toujours courant, il alla s’embusquer au boutde la rue des Bourdonnais.

Les deux hommes remontaient la rueSaint-Honoré, longeant les maisons du côté de la halle au blé, et,le chapeau rabattu sur les sourcils, le manteau drapé jusqu’auxyeux, marchaient d’un pas pressé, et qui avait quelque chose demilitaire, vers la rue de la Ferronnerie. Chicot continua de lesprécéder.

Au coin de la rue de la Ferronnerie, les deuxhommes s’arrêtèrent de nouveau pour jeter un dernier regard autourd’eux.

Pendant ce temps, Chicot avait continué degagner du terrain et était arrivé, lui, au milieu de la rue.

Au milieu de la rue, et en face d’une maisonqui semblait prête à tomber en ruines, tant elle était vieille,stationnait une litière attelée de deux chevaux massifs. Chicotjeta un coup d’œil autour de lui, vit le conducteur endormi sur ledevant, une femme paraissant inquiète et collant son visage à lajalousie ; une illumination lui vint que la litière attendaitles deux hommes ; il tourna derrière elle, et, protégé par sonombre combinée avec celle de la maison, il se glissa sous un largebanc de pierre, lequel servait d’étalage aux marchands de légumesqui, deux fois par semaine, faisaient, à cette époque, un marchérue de la Ferronnerie.

À peine y était-il blotti, qu’il vitapparaître les deux hommes à la tête des chevaux, où de nouveau ilss’arrêtèrent inquiets ; un d’eux alors réveilla le cocher, et,comme il avait le sommeil dur, celui-là laissa échapper un capdé diou des mieux accentués, tandis que l’autre, plusimpatient encore, lui piquait le derrière avec la pointe de sonpoignard.

– Oh ! oh ! dit Chicot, je nem’étais donc pas trompé : c’étaient des compatriotes ;cela ne m’étonne plus qu’ils aient si bien étrillé Gorenflot parcequ’il disait du mal des Gascons.

La jeune femme, reconnaissant à son tour lesdeux hommes pour ceux qu’elle attendait, se pencha rapidement horsde la portière de la lourde machine. Chicot alors l’aperçut plusdistinctement : elle pouvait avoir de vingt à vingt-deuxans ; elle était fort belle et fort pâle ; et, s’il eûtfait jour, à la moite vapeur qui humectait ses cheveux d’un blonddoré et ses yeux cerclés de noir, à ses mains d’un blanc mat, àl’attitude languissante de tout son corps, on eût pu reconnaîtrequ’elle était en proie à un état de maladie dont ses fréquentesdéfaillances et l’arrondissement de sa taille eussent bien vitedonné le secret.

Mais de tout cela Chicot ne vit que troischoses : c’est qu’elle était jeune, pâle et blonde.

Les deux hommes s’approchèrent de la litière,et se trouvèrent naturellement placés entre elle et le banc souslequel Chicot s’était tapi.

Le plus grand des deux prit à deux mains lamain blanche que la dame lui tendait par l’ouverture de la litière,et, posant le pied sur le marchepied et les deux bras sur laportière :

– Eh bien ! ma mie, demanda-t-il àla dame, mon petit cœur, mon mignon, comment allons-nous ?

La dame répondit en secouant la tête avec untriste sourire et en montrant son flacon de sels.

– Encore des faiblesses,ventre-saint-gris ! Que je vous en voudrais d’être maladeainsi, mon cher amour, si je n’avais pas votre douce maladie à mereprocher !

– Et pourquoi diable aussi emmenez-vousmadame à Paris ? dit l’autre homme assez rudement : c’estune malédiction, par ma foi, qu’il faut que vous ayez toujoursainsi quelque jupe cousue à votre pourpoint.

– Eh ! cher Agrippa, dit celui desdeux hommes qui avait parlé le premier, et qui paraissait le mariou l’amant de la dame, c’est une si grande douleur que de seséparer de ce qu’on aime !

Et il échangea avec la dame un regard pleind’amoureuse langueur.

– Cordioux ! vous me damnez, sur monâme, quand je vous entends parler, reprit l’aigre compagnon ;êtes-vous donc venu à Paris pour faire l’amour, beauvert-galant ? Il me semble cependant que le Béarn est assezgrand pour vos promenades sentimentales, sans pousser cespromenades jusqu’à la Babylone où vous avez failli vingt fois nousfaire éreinter ce soir. Retournez là-bas, si vous voulez mugueteraux rideaux des litières ; mais ici, mordioux ! ne faitesd’autres intrigues que des intrigues politiques, mon maître.

Chicot, à ce mot de maître, eût bien voululever la tête ; mais il ne pouvait guère, sans être vu,risquer un pareil mouvement.

– Laissez-le gronder, ma mie, et ne vousinquiétez point de ce qu’il dit. Je crois qu’il tomberait maladecomme vous, et qu’il aurait, comme vous, des vapeurs et desdéfaillances s’il ne grondait plus.

– Mais au moins, ventre-saint-gris, commevous dites, s’écria le marronneur, montez dans la litière, si vousvoulez dire des tendresses à madame, et vous risquerez moins d’êtrereconnu qu’en vous tenant ainsi dans la rue.

– Tu as raison, Agrippa, dit le Gasconamoureux. Et vous voyez, ma mie, qu’il n’est pas de si mauvaisconseil qu’il en a l’air. Là, faites-moi place, mon mignon, si vouspermettez toutefois que, ne pouvant me tenir à vos genoux, jem’asseye à vos côtés.

– Non seulement je le permets, sire,répondit la jeune dame, mais je le désire ardemment,

– Sire, murmura Chicot, qui, emporté parun mouvement irréfléchi, voulait lever la tête et se la heurtadouloureusement au banc de grès ; sire ! que dit-elledonc là ?

Mais, pendant ce temps, l’amant heureuxprofitait de la permission donnée, et l’on entendait le plancher duchariot grincer sous un nouveau poids.

Puis le bruit d’un long et tendre baisersuccéda au grincement.

– Mordioux ! s’écria le compagnondemeuré en dehors de la litière, l’homme est en vérité un bienstupide animal.

– Je veux être pendu si j’y comprendsquelque chose, murmura Chicot ; mais attendons : toutvient à point pour qui sait attendre.

– Oh ! que je suis heureux !continua, sans s’inquiéter le moins du monde des impatiences de sonami, auxquelles d’ailleurs il semblait depuis longtemps habitué,celui qu’on appelait sire ; ventre-saint-gris, aujourd’hui estun beau jour. Voici mes bons Parisiens, qui m’exècrent de touteleur âme et qui me tueraient sans miséricorde s’ils savaient où mevenir prendre pour cela ; voici mes Parisiens qui travaillentde leur mieux à m’aplanir le chemin du trône, et j’ai dans mes brasla femme que j’aime. Où sommes-nous, d’Aubigné ? je veux,quand je serai roi, faire élever, à cet endroit même, une statue augénie du Béarnais.

– Du Béarn….

Chicot s’arrêta ; il venait de se faireune deuxième bosse juxtaposée à la première.

– Nous sommes dans la rue de laFerronnerie, sire, et il n’y flaire pas bon, dit d’Aubigné, qui,toujours de mauvaise humeur, s’en prenait aux choses quand il étaitlas de s’en prendre aux hommes.

– Il me semble, continua Henri, car noslecteurs ont sans doute reconnu déjà le roi de Navarre ; il mesemble que j’embrasse clairement toute ma vie, que je me vois roi,que je me sens sur le trône, fort et puissant, mais peut-être moinsaimé que je ne le suis à cette heure, et que mon regard plonge dansl’avenir jusqu’à l’heure de ma mort. Oh ! mes amours,répétez-moi encore que vous m’aimez, car, à votre voix, mon cœur sefond.

Et le Béarnais, dans un sentiment demélancolie qui parfois l’envahissait, laissa, avec un profondsoupir, tomber sa tête sur l’épaule de sa maîtresse.

– Oh ! mon Dieu ! dit la jeunefemme effrayée, vous trouvez-vous mal, sire ?

– Bon ! il ne manquerait plus quecela, dit d’Aubigné, beau soldat, beau général, beau roi quis’évanouit.

– Non, ma mie, rassurez-vous, dit Henri,si je m’évanouissais près de vous, ce serait de bonheur.

– En vérité, sire, dit d’Aubigné, je nesais pas pourquoi vous signez Henri de Navarre, vous devriez signerRonsard ou Clément Marot. Cordioux ! comment donc faites-voussi mauvais ménage avec madame Margot, étant tous deux si tendres àla poésie ?

– Ah ! d’Aubigné ! par grâce,ne parle pas de ma femme. Ventre-saint-gris ! tu sais leproverbe : si nous allions la rencontrer ?

– Bien qu’elle soit en Navarre, n’est-cepas ? dit d’Aubigné.

– Ventre-saint-gris ! est-ce que jen’y suis pas aussi, moi, en Navarre ? est-ce que je ne suispas censé y être, du moins ? Tiens, Agrippa, tu m’as donné lefrisson ; monte et rentrons.

– Ma foi non, dit d’Aubigné, marchez, jevous suivrai par derrière ; je vous gênerais, et, ce qui pisest, vous me gêneriez.

– Ferme donc la portière, ours du Béarn,et fais ce que tu voudras, dit Henri.

Puis, s’adressant au cocher :

– Lavarenne, où tu sais !dit-il.

La litière s’éloigna lentement, suivi ded’Aubigné, qui, tout en gourmandant l’ami, avait voulu veiller surle roi.

Ce départ délivrait Chicot d’une appréhensionterrible, car, après une telle conversation avec Henri, d’Aubignén’était pas homme à laisser vivre l’imprudent qui l’auraitentendue.

– Voyons, dit Chicot tout en sortant àquatre pattes de dessous son banc, faut-il que le Valois sache cequi vient de se passer ?

Et Chicot se redressa pour rendre l’élasticitéà ses longues jambes engourdies par la crampe.

– Et pourquoi le saurait-il ? repritle Gascon, continuant de se parler à lui-même ; deux hommesqui se cachent et une femme enceinte ! En vérité, ce seraitlâche. Non, je ne dirai rien ; et puis, que je sois instruit,moi, n’est-ce pas le point important, puisqu’au bout du comptec’est moi qui règne ?

Et Chicot fit tout seul une joyeusegambade.

– C’est joli, les amoureux !continua Chicot ; mais d’Aubigné a raison : il aime tropsouvent, pour un roi in partibus, ce cher Henri deNavarre. Il y a un an, c’était pour madame de Sauve qu’il revenaità Paris. Aujourd’hui, il s’y fait suivre par cette charmante petitecréature qui a des défaillances. Qui diable cela peut-ilêtre ? la Fosseuse, probablement. Et puis, j’y songe, si Henride Navarre est un prétendant sérieux, s’il aspire au trônevéritablement, le pauvre garçon, il doit penser un peu à détruireson ennemi le Balafré, son ennemi le cardinal de Guise, et sonennemi ce cher duc de Mayenne. Eh bien ! je l’aime, moi, leBéarnais, et je suis sûr qu’il jouera un jour ou l’autre quelquemauvais tour à cet affreux boucher lorrain. Décidément, je nesoufflerai pas le mot de ce que j’ai vu et entendu.

En ce moment, une bande de ligueurs ivrespassa en criant : «Vive la messe, mort au Béarnais ! aubûcher les huguenots ! aux fagots les hérétiques !»

Cependant la litière tournait l’angle du murdu cimetière des Saints-Innocents et passait dans les profondeursde la rue Saint-Denis.

– Voyons, dit Chicot, récapitulons :j’ai vu le cardinal de Guise, j’ai vu le duc de Mayenne, j’ai vu leroi Henri de Valois, j’ai vu le roi Henri de Navarre ; un seulprince manque à ma collection, c’est le duc d’Anjou ;cherchons-le jusqu’à ce que je le trouve. Voyons, où est monFrançois III ? ventre de biche ! j’ai soif del’apercevoir, ce digne monarque.

Et Chicot reprit le chemin de l’égliseSaint-Germain-l’Auxerrois.

Chicot n’était pas le seul qui cherchât le ducd’Anjou et qui s’inquiétât de son absence ; les Guise, euxaussi, le cherchaient de tous côtés, mais ils n’étaient pas plusheureux que Chicot. M. d’Anjou n’était pas homme à se hasarderimprudemment, et nous verrons plus tard quelles précautions leretenaient encore éloigné de ses amis.

Un instant, Chicot crut l’avoir trouvé :c’était dans la rue Béthisy ; un groupe nombreux s’était forméà la porte d’un marchand de vins, et dans ce groupe Chicot reconnutM. de Monsoreau et le Balafré.

– Bon, dit-il, voici les remoras :le requin ne doit pas être loin.

Chicot se trompait. M. de Monsoreauet le Balafré étaient occupés à verser, à la porte d’un cabaretregorgeant d’ivrognes, force rasades à un orateur dont ilsexcitaient ainsi la balbutiante éloquence.

Cet orateur, c’était Gorenflot ivre mort.Gorenflot racontant son voyage de Lyon et son duel dans une aubergeavec un effroyable suppôt de Calvin.

M. de Guise prêtait à ce récit, danslequel il croyait reconnaître des coïncidences avec le silence deNicolas David, l’attention la plus soutenue.

Au reste, la rue Béthisy était encombrée demonde ; plusieurs gentilshommes ligueurs avaient attaché leurschevaux à une espèce de rond-point assez commun dans la plupart desrues de cette époque. Chicot s’arrêta à l’extrémité du groupe quifermait ce rond-point et tendit l’oreille.

Gorenflot, tourbillonnant, éclatant, culbutantincessamment, renversé de sa chaire vivante, et remis tant bien quemal en selle sur Panurge ; Gorenflot ne parlant plus que parsaccades, mais malheureusement parlant encore, était le jouet del’insistance du duc et de l’adresse de M. de Monsoreau,qui tiraient de lui des bribes de raison et des fragmentsd’aveux.

Une pareille confession effraya le Gascon auxécoutes bien autrement que la présence du roi de Navarre à Paris.Il voyait venir le moment où Gorenflot laisserait échapper son nom,et ce nom pouvait éclaircir tout le mystère d’une lueur funeste.Chicot ne perdit pas de temps, il coupa ou dénoua les brides deschevaux qui se caressaient aux volets des boutiques du rond-point,et, donnant à deux ou trois d’entre eux de violents coupsd’étrivières, il les lança au milieu de la foule, qui, devant leurgalop et leur hennissement, s’ouvrit, rompue et dispersée.

Gorenflot eut peur pour Panurge, lesgentilshommes eurent peur pour eux-mêmes ; l’assemblées’ouvrit, chacun se dispersa. Le cri : «Au feu !»retentit, répété par une douzaine de voix. Chicot passa comme uneflèche au milieu des groupes, et, s’approchant de Gorenflot, touten lui montrant une paire d’yeux flamboyants qui commencèrent à ledégriser, saisit Panurge par la bride, et, au lieu de suivre lafoule, lui tourna le dos, de sorte que ce double mouvement, fait ensens contraire, laissa bientôt un notable espace entre Gorenflot etle duc de Guise, espace que remplit à l’instant même le noyautoujours grossissant des curieux accourus trop tard.

Alors Chicot entraîna le moine chancelant aufond du cul-de-sac formé par l’abside de l’égliseSaint-Germain-l’Auxerrois, et, l’adossant au mur, lui et Panurge,comme un statuaire eût fait d’un bas-relief qu’il eût vouluincruster dans la pierre :

– Ah ! ivrogne ! luidit-il ; ah ! païen ! ah ! traître !ah ! renégat ! tu préféreras donc toujours un pot de vinà ton ami ?

– Ah ! monsieur Chicot !balbutia le moine.

– Comment ! je te nourris,infâme ! continua Chicot, je t’abreuve, je t’emplis les pocheset l’estomac, et tu trahis ton seigneur !

– Ah ! Chicot ! dit le moineattendri.

– Tu racontes mes secrets,misérable !

– Cher ami !

– Tais-toi ! tu n’es qu’unsycophante, et tu mérites un châtiment.

Le moine trapu, vigoureux, énorme, puissantcomme un taureau, mais dompté par le repentir et surtout par levin, vacillait sans se défendre, aux mains de Chicot, qui lesecouait comme un ballon gonflé d’air.

Panurge seul protestait contre la violencefaite à son ami par des coups de pieds qui n’atteignaient personne,et que Chicot lui rendait en coups de bâton.

– Un châtiment à moi ! murmurait lemoine ; un châtiment à votre ami, cher monsieurChicot !

– Oui, oui, un châtiment, dit Chicot, ettu vas le recevoir.

Et le bâton du Gascon passa pour un instant dela croupe de l’âne aux épaules larges et charnues du moine.

– Oh ! si j’étais à jeun ! fitGorenflot avec un mouvement de colère.

– Tu me battrais, n’est-ce pas,ingrat ? moi, ton ami ?

– Vous, mon ami, monsieur Chicot !et vous m’assommez.

– Qui aime bien châtie bien.

– Arrachez-moi donc la vie tout desuite ! s’écria Gorenflot.

– Je le devrais.

– Oh ! si j’étais à jeun !répéta le moine avec un profond gémissement.

– Tu l’as déjà dit.

Et Chicot redoubla de preuves d’amitié enversle pauvre génovéfain, qui se mit à beugler de toutes sesforces.

– Allons, après le bœuf voici le veau,dit le Gascon. Çà, maintenant, qu’on se cramponne à Panurge etqu’on aille se coucher gentiment à la Corned’Abondance.

– Je ne vois plus mon chemin, dit lemoine, des yeux duquel coulaient de grosses larmes.

– Ah ! dit Chicot, si tu pleurais levin que tu as bu, cela au moins te dégriserait peut-être. Mais non,il va falloir encore que je te serve de guide.

Et Chicot se mit à tirer l’âne par la bride,tandis que le moine, se cramponnant des deux mains à la blatrière,faisait tous ses efforts pour conserver son centre de gravité.

Ils traversèrent ainsi le pont aux Meuniers,la rue Saint-Barthélemy, le Petit-Pont, et remontèrent la rueSaint-Jacques, le moine toujours pleurant, le Gascon toujourstirant.

Deux garçons, aides de maître Bonhomet,descendirent, sur l’ordre de Chicot, le moine de son âne, et leconduisirent dans le cabinet que nos lecteurs connaissent déjà.

– C’est fait, dit maître Bonhomet enrevenant.

– Il est couché ? demandaChicot.

– Il ronfle.

– À merveille ! mais, comme il seréveillera un jour ou l’autre, rappelez-vous que je ne veux pointqu’il sache comment il est revenu ici, pas un mot d’explication, ilne serait même pas mal qu’il crût n’en être pas sorti depuis lafameuse nuit où il a fait un si grand esclandre dans son couvent,et qu’il prit pour un rêve ce qui lui est arrivé dansl’intervalle.

– Il suffit, seigneur Chicot, réponditl’hôtelier ; mais que lui est-il donc arrivé à ce pauvremoine ?

– Un grand malheur ; il paraît qu’àLyon il s’est pris de querelle avec un envoyé deM. de Mayenne, et qu’il l’a tué.

– Oh ! mon Dieu !… s’écrial’hôte, de sorte que….

– De sorte que M. de Mayenne ajuré, à ce qu’il paraît, qu’il le ferait rouer vif ou qu’il yperdrait son nom, répondit Chicot.

– Soyez tranquille, dit Bonhomet, sousaucun prétexte il ne sortira d’ici.

– À la bonne heure ; et maintenant,continua le Gascon rassuré sur Gorenflot, il faut absolument que jeretrouve mon duc d’Anjou, cherchons.

Et il prit sa course vers l’hôtel de SaMajesté François III.

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