Le Kama Sutra

Chapitre 2De la courtisane vivant maritalement avec un homme.

Lorsqu’une courtisane vit avec son amant comme si elle étaitmariée, elle doit se conduire en femme chaste et le satisfaire entout.

Son devoir, en deux mots, est de lui donner du plaisir ;mais il ne faut pas qu’elle s’attache à lui, bien qu’elle seconduise comme si elle lui était réellement attachée.

Or voici la manière dont elle doit procéder pour réaliserl’objet en question. Elle aura une mère dépendante d’elle, qu’ellepuisse représenter comme très âpre au pain et uniquement préoccupéed’amasser de l’argent. Si elle n a pas de mère, elle fera jouer cerôle à une vieille nourrice ou femme de confiance. La mère ou lanourrice, pour leur art, se montreront mal disposées pour l’amant,et lui retireront la fille de force. Quant à celle-ci, elleaffectera, dans ces occasions, de la colère, de l’abattement, de lacrainte et de la honte ; mais en aucun cas elle ne désobéira àla mère ou à la nourrice.

Elle dira à la mère ou à la nourrice que l’homme est atteintd’une indisposition, et, sous ce prétexte, elle ira le voir. Voici,de plus, les différentes choses qu’elle devra faire pour s’assurerla faveur de l’homme :

Elle enverra sa servante chercher les fleurs qui lui aurontservi la veille, afin de s’en servir elle-même en signed’affection ; elle demandera également le mélange de noix debétel et de feuilles de bétel qu’il n’aura pas mangé ; elleexprimera son étonnement de l’expérience dont il aura fait preuvedans le commerce sexuel et dans les divers modes de jouissancequ’il aura employés ; elle apprendra de lui lessoixante-quatre sortes de plaisirs énumérées par Babhravya ;pratiquera continuellement les moyens de jouissance qu’il lui auraenseignés, en se conformant à sa fantaisie ; gardera sessecrets ; lui confiera ses propres désirs et secrets ;dissimulera sa colère ; ne le négligera jamais au litlorsqu’il tournera son visage de son côté ; touchera, suivantson caprice, une partie quelconque de son corps ; le baiseraet l’embrassera pendant son sommeil ; le regardera d’un aird’anxiété lorsqu’il sera songeur, ou qu’il pensera à quelque autreobjet qu’à elle-même ; ne montrera ni complète indifférence niexcessive émotion, lorsqu’il la rencontrera ou que, de la rue, illa verra debout sur la terrasse de sa maison ; haïra sesennemis ; aimera ceux qui lui sont chers ; montrera dugoût pour ce qu’il aime ; sera gaie ou triste, suivant qu’ille sera lui-même ; exprimera le désir de voir sesfemmes ; ne restera pas longtemps en colère ; affecterade soupçonner que les marques et égratignures, faites par elle-mêmesur son corps avec ses ongles et ses dents, aient été faites parquelque autre femme ; ne manifestera pas son amour pour luipar des paroles, mais par des actes, des signes, desdemi-mots ; restera silencieuse lorsqu’il sera endormi, ivreou malade ; écoutera attentivement le récit qu’il pourra fairede ses bonnes actions, et les répétera ensuite à sa louange ;lui répondra avec vivacité et gaieté lorsqu’elle le verrasuffisamment familiarisé ; prêtera l’oreille à tout ce qu’ilracontera, sauf ce qui concernera ses rivales ; exprimera sessentiments d’abattement et de chagrin s’il soupire, bâille ous’évanouit ; s’il éternue, prononcera aussitôt les mots de »longue vie ! » ; se prétendra malade, ou désireuse d’êtreenceinte, lorsqu’elle sentira de l’ennui ; s’abstiendra delouer les bonnes qualités de personne autre, et de censurer ceuxqui auront les mêmes défauts que son amant ; portera n’importequel objet qu’il pourra lui avoir donné ; évitera de revêtirses ornements et s’abstiendra de manger lorsqu’il sera souffrant,malade, découragé, ou atteint de quelque malheur, le consolant etpartageant avec lui son affliction ; demandera del’accompagner, s’il lui arrive de quitter le pays volontairement ous’il en est banni par le Roi ; exprimera le désir de ne paslui survivre ; lui dira que le seul objet, le seul vœu detoute sa vie était d’être unie à lui ; offrira à la divinitéles sacrifices promis d’avance, lorsqu’il acquerra de la richesseou obtiendra satisfaction de quelque désir, ou lorsqu’il serarétabli de quelque infirmité ou maladie ; mettra chaque jourses ornements ; n’agira pas trop librement avec lui ;mêlera son nom et celui de sa famille ans ses chansons ;placera sa main sur ses reins, sa poitrine et son front, et tomberapâmée du plaisir qu’elle aura ressenti à ses attouchements ;s’assiéra sur ses genoux et s’y endormira ; voudra avoir unenfant de lui ; ne désirera pas vivre plus longtemps quelui ; s’abstiendra de révéler ses secrets le dissuadera desvœux et des jeûnes, en lui disant : « Laissez le péché pour moncompte » ; observera avec lui les vœux et les jeûnes, lorsqu’illui sera impossible de changer sa détermination à ce sujet ;lui dira que les vœux et les jeûnes sont difficiles à observer,même par elle, lorsqu’elle aura à leur propos quelque discussionavec lui ; s’occupera de sa propre fortune et de la sienne,sans distinction ; s’abstiendra de paraître sans lui auxassemblées Publiques, et l’accompagnera s’il en exprime ledésir ; se plaira à employer des choses déjà employées parlui, et à manger de la nourriture qu’il aura laissée ;respectera sa famille, son caractère, son habileté ans les arts, sacaste, sa couleur, son pays natal, ses amis, ses bonnes qualités,son naturel aimable ; le priera de chanter, et de faired’autres choses de ce genre, s’il en est capable ; ira letrouver sans crainte aucune, et sans s’inquiéter du froid, de lachaleur ou de la pluie ; à l’égard de l’autre monde, lui diraque, là encore, elle sera sa maîtresse ; réglera ses propresgoûts et ses actions suivant son désir ; s’abstiendra desorcellerie ; se querellera continuellement avec sa mère ausujet des visites à lui rendre, et si sa mère l’entraîne de forcedans un autre endroit, menacera de s’empoisonner, de se laissermourir de faim, de se percer avec une arme quelconque, ou de sependre ; enfin, lui inspirera, au moyen de ses agents, uneconfiance entière dans sa constance et son amour ; et tout enrecevant elle-même de l’argent, évitera toute discussion avec samère sur des affaires d’intérêt.

Si l’homme se met en route pour un voyage, elle lui fera jurerqu’il reviendra promptement, et, en son absence, négligera ses vœuxd’adoration à la divinité, et ne mettra d’autres ornements que ceuxqui portent bonheur. Si le temps fixé pour son retour est passé,elle essaiera d’en connaître l’époque réelle d’après certainsprésages, les propos de ses voisins, et d’après la position desplanètes, de la lune et des étoiles. À l’occasion de quelqueamusement ou de quelque songe le bon augure, elle dira : « Puissé-jelui être bientôt réunie ! » Et si elle se sent de lamélancolie, ou voit un mauvais présage, elle accomplira quelquecérémonie pour apaiser la divinité.

Lorsque l’homme sera de retour, elle adorera le dieu Kama(c’est-à-dire le Cupidon indien), et fera des oblations aux autresdivinités ; puis, s’étant fait apporter par ses amis un vaseplein d’eau, elle honorera le corbeau qui mange les offrandes quenous faisons aux mânes de nos parents décédés. Après la premièrevisite, elle priera son amant l’accomplir aussi certains rites, cequ’il fera s’il lui est suffisamment attaché.

Or on dit qu’un homme est suffisamment attaché à une femmelorsque son amour est désintéressé ; lorsqu’il a en vue lemême objet que sa bien-aimée ; lorsqu’il est entièrementexempt de soupçons ; et lorsqu’il ne compte pas avec elle enmatière d’argent.

Telle est la manière dont une courtisane doit vivre maritalementavec un homme : elle est établie ici pour lui servir de guide,d’après les règles de Dattaka. Ce qui n’est pas indiqué ici devraêtre pratiqué suivant la coutume et la nature de chaqueindividu.

Il y a aussi, sur ce sujet, deux versets dont voici le texte:

« L’étendue de l’amour des femmes n’est pas connue, même de ceuxqui sont les objets de leur affection, à cause de sa subtilité, etaussi de l’avarice et de la finesse naturelle du sexe féminin. » »Les femmes ne sont presque jamais connues sous leur vrai jour soitqu’elles aiment les hommes, ou qu’elles leur deviennentindifférentes ; qu’elles leur procurent de la jouissance, oules abandonnent ; ou qu’elles réussissent à en tirer toute lafortune qu’ils possèdent. »

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