Les-Belles-de-nuit ou Les Anges de la famille – Tome II

XX. – LA VENGEANCE DE PENHOËL.

Le matin de ce jour, pour la première foisdepuis deux mois, des regards étrangers avaient pu mesurerl’affreuse misère du grenier où se mouraient les anciens maîtres dePenhoël.

Jusqu’alors, le secret de ce dénûment absoluet de cette mortelle détresse avait été surpris seulement par lesdeux filles de l’oncle Jean.

Madame Cocarde, la principale locataire, quimontait parfois l’escalier roide avec sa robe de satin et sonbonnet aux rubans couleur de feu, pour demander le pauvre loyer dutaudis, avait connaissance officielle de cette lugubreagonie ; mais la petite femme ne se mêlait point des affairesd’autrui. En descendant du grenier, où la faim torturait toute unefamille, elle s’asseyait à sa table solitaire et mangeait avec cetappétit concentré des amoureuses en retraite.

Madame Cocarde eût appris que ces malheureuxlocataires étaient décidément morts de faim, qu’elle n’en eût pasperdu la moindre bouchée.

Il avait fallu que le hasard donnât l’éveil àun voisin charitable.

Le matin même, on était monté dans le grenierde Penhoël, et tout d’abord, on avait transporté à l’hôpital lepauvre père Géraud, qui s’en allait lentement dans l’autre monde,sans autre maladie que l’épuisement et la famine.

Car, depuis que sa faiblesse l’avait cloué surle matelas, le vieil aubergiste refusait obstinément de manger,pour ne point diminuer la part de pain de la pauvre famille.

En se retirant, le voisin, qui emmenait Géraudà l’hôpital, mit sur le coin du matelas un petit écu de troislivres.

Il était pauvre aussi et ne pouvait fairedavantage.

Dès que le matelas fut vide, René de Penhoëlse glissa sur ses mains et ses genoux dans la poussière, afin deprendre la place encore chaude du malade. Il trouva l’écu de troislivres et le glissa furtivement dans sa poche.

Sa face hâve et comme pétrifiée eut un sourireidiot.

Madame était toujours assise à la place oùnous l’avons vue la veille. Ses deux mains se croisaient sur sesgenoux. Elle s’appuyait à la muraille et demeurait immobile. Safigure amaigrie était si pâle qu’on aurait pu croire que la viel’avait abandonnée.

L’oncle Jean était à genoux auprès d’elle etla contemplait en silence.

On frappa à la porte du grenier. L’oncle ensabots pensa que c’était le voisin qui revenait.

– Entrez…, dit-il.

La porte s’ouvrit, et un homme, portant lecostume de velours râpé des commissionnaires, entra.

Il regarda tout autour de lui d’un airétonné.

– C’est ici que demeure M. Jean dePenhoël ?

– Oui…, répliqua l’oncle c’est moi quisuis Jean de Penhoël.

– Alors, reprit l’Auvergnat, c’est à vousque je dois donner cette lettre.

Puis il ajouta tout d’un trait, pour avoir ledroit de s’échapper, car la vue de cette misère lui chargeait lecœur :

– Il n’y a pas de réponse et lacommission est payée… Salue bien, messieurs et madame !

Il sortit brusquement ; on l’entenditdescendre l’escalier quatre à quatre.

L’oncle avait entre les mains la lettre queRobert avait tracée à la hâte chez un écrivain public du faubourgSaint-Honoré.

Cette lettre disait en substance :

« Vous avez du courage, vous aimez madameMarthe, et vous êtes désormais le seul gardien de l’honneur dePenhoël.

« Blanche, votre nièce, est entre lesmains d’un homme riche et puissant… si puissant et si riche qu’onn’aurait point raison de lui en s’adressant à la justicehumaine.

« Vous avez été soldat, et vous êtesgentilhomme.

« Le personnage dont on vous parle est unAnglais du nom de Berry Montalt ; vous le rencontrerez auCercle des Étrangers, rue Saint-Honoré, n°…

Pour être introduit au Cercle, le meilleurpasse-port est le nom de Berry Montalt lui-même. »

Tandis qu’il lisait, Marthe avait relevé surlui son regard.

C’était quelque chose de si étrange qu’unelettre arrivant au milieu de cette misère abandonnée.

L’oncle Jean lui baisa les deux mains.

– Je vais sortir, ma fille…, dit-il,courage ! Dieu aura pitié de nous.

Marthe secoua la tête et baissa les yeux. Ellen’interrogea point. Elle n’avait plus la force d’être curieuse.

L’oncle prit son chapeau de paysan ets’éloigna.

Marthe était seule avec le maître de Penhoël.Pareille circonstance ne s’était pas présentée une seule foisdepuis leur départ du manoir ; il y avait toujours eu entreeux soit l’oncle Jean, soit le pauvre père Géraud.

Durant les deux mois qui venaient des’écouler, personne n’avait jamais fait allusion à cette scène deviolence sauvage qui avait eu lieu dans le grand salon de Penhoëlau moment du départ.

René semblait l’avoir oubliée, Marthe nevoulait point s’en souvenir.

Quant à l’oncle Jean, il avait exercélongtemps sur Penhoël une surveillance active et cachée ;mais, depuis quelques semaines, cette surveillance s’était peu àpeu ralentie. Tout semblait mort chez René, jusqu’à la colère, etil suffisait de le voir de près pour acquérir la certitude qu’ilétait incapable de se relever désormais jusqu’à une pensée devengeance.

Sa nature morale et sa nature physique avaientfléchi pareillement. C’était un vieillard imbécile et faible ;sa pensée dormait engourdie, comme le ressort de ses membres,autrefois si robustes.

Il restait des journées entières, accroupidans son coin, immobile et ne secouant son inerte apathie que pourporter à ses lèvres la bouteille fêlée, où l’oncle Jean mettaitparfois quelques gouttes d’eau-de-vie.

Quand il n’y avait plus rien dans labouteille, il laissait retomber sa tête barbue sur sa poitrine, etrestait plongé, depuis le matin jusqu’au soir, dans un pesantsommeil.

Il ne bougeait pas ; il ne parlait pas.Il recevait les soins de sa femme sans témoigner ni plaisir nipeine. Et quand son regard éteint tombait sur elle par hasard, oneût cherché en vain dans cette morne prunelle l’indice d’unsentiment quelconque : haine ou tendresse.

L’oncle Jean se fiait à ces signes et necraignait plus.

Une fois qu’on avait allumé une chandelle dansle pauvre grenier, le père Géraud disait avoir vu, en s’éveillantau milieu de la nuit, René de Penhoël, dressé de son haut contre lemur, regarder sa femme avec des yeux flamboyants.

Ses lèvres blêmes tremblaient en murmurant demenaçantes paroles, qui arrivaient, confuses, jusqu’à l’oreille dumalade.

Marthe dormait, couchée sur sa paille.

Les doigts de René se crispaientconvulsivement ; on eût dit qu’il allait s’élancer sur elle etl’étouffer entre ses bras décharnés.

Mais le vieux Géraud avait la fièvre qui amèneles visions terribles et les mauvais rêves…

Le lendemain René était toujours accroupi dansson coin et rien n’avait troublé le pauvre sommeil de Marthe.

L’oncle Jean ne songeait plus à cettecirconstance. L’idée ne lui vint même pas de craindre tandis qu’ilfermait la porte du grenier sur René de Penhoël et sur safemme.

René était étendu sur le matelas, à la placedu père Géraud, et faisait mine de dormir.

Dès que le bruit des sabots de l’oncle Jeans’étouffa au bas de l’escalier, il rouvrit les yeux pour jeterautour de lui son regard indécis et lourd.

Puis il se souleva lentement et s’assit sur lematelas.

Il prit dans sa poche l’écu de troislivres ; il le plaça dans le creux de sa main ; il letourna, le retourna, l’examina dans tous les sens.

Un vague sourire venait à sa lèvre.

Quand ses yeux quittèrent la pièce de monnaie,ce fut pour se tourner vers sa bouteille qu’il avait laissée à sonancienne place.

Son sourire se renforça plus joyeux.

Mais quand son œil, en faisant de nouveau letour du grenier, vint à tomber sur Marthe qui lui tournait le dos,il n’eut plus de sourire.

Ses prunelles éteintes brûlèrent tout àcoup ; les rides de son front se creusèrent.

Quiconque eût vu ce regard aurait frissonné àla pensée d’un crime.

Le crime devait être hideux dans ce réduittout nu, entre ces deux êtres affaiblis et brisés par lamisère…

Marthe ne savait pas. Elle songeait, commetoujours, au martyre présent et au bonheur passé. Trois nomsétaient sur sa lèvre et au fond de son cœur.

Diane, Cyprienne… Blanche ! Blanche,surtout, qui vivait, Blanche, l’idole adorée à genoux, l’amour dece cœur flétri, l’espoir de cette vie brisée !

Les autres étaient mortes ; elles avaientle bonheur aux pieds de Dieu. Mais Blanche qui souffrait, Blanche,la victime d’un piége mystérieux, inexplicable ! Blanche, lapauvre vierge, qui allait être mère !

Car Marthe avait compté les jours ; lajeune fille devait s’étonner, épouvantée, aux tressaillements deses flancs…

Que faisait-elle ? Qui la sauvait de sesterreurs ? Dans quel sein cacherait-elle son front rougissantà l’heure fatale ?

Et l’enfant ! le cœur de Marthe battait,soulevé par une émotion double : car il y avait un souvenirqui se mêlait à l’angoisse présente.

Le malheur de la fille avait été le malheur dela mère, et il semblait que la colère de Dieu eût jeté deux foiscette calamité dans la maison de Penhoël, comme un funestehéritage.

Un soir, la pauvre Marthe s’était enfuie de sachambre, alors qu’elle était jeune fille. Son cœur était viergecomme celui de Blanche ; mais son flanc douloureux luicriait : « Tu es mère ! »

En même temps, bien qu’il n’y eût rien dansses souvenirs, une voix mystérieuse parlait au fond de son âme etlui disait le nom du père de son enfant… un homme qu’elle aimaitd’une tendresse pure et dévouée, son premier, son seul amour,l’aîné de Penhoël qui l’avait abandonnée…

Car il y avait déjà plusieurs mois que Louisavait quitté la Bretagne.

Elle se voyait descendre la pente ombreuse quimenait des portes du manoir à la rivière d’Oust.

Elle allait, affolée par la souffrance,épouvantée, découragée.

Et la porte du pauvre Benoît Haligan, lepasseur, s’ouvrait pour la recevoir. Là, sur un lit de paille, à lalueur tremblante d’une résine, Marthe mettait au monde deux enfantsjumeaux… deux belles petites filles dont le premier sourirepassait, en ce moment, devant ses yeux et la faisait pleurer.

Pauvre Diane ! pauvre Cyprienne !leur malheur avait précédé leur naissance !…

Chez Benoît, le passeur, Marthe n’était pointseule. Jean de Penhoël était auprès du lit avec sa femme. Ilsn’abandonnèrent point la jeune accouchée les amis dévoués.

La femme de Jean de Penhoël emporta les deuxenfants, et devint leur mère.

Oh ! que Blanche était bien plusmalheureuse encore ! Point d’amis auprès de son chevet !Il n’y avait autour d’elle que le mépris et l’insultepeut-être…

Marthe songeait ainsi.

René, pendant cela, semblait subir unetransformation étrange. L’animation revenait à son visageinerte ; ses yeux roulaient, vifs et hagards.

Un éclair venait de traverser la nuit profondede son intelligence, et pour un instant son idiotisme montaitjusqu’à la folie.

Il regardait toujours l’écu de trois livres.Ses lèvres remuaient, produisant un son vague et inarticulé. Sonpoing fermé menaçait Marthe par derrière, et sa bouches’entr’ouvrait en un sauvage sourire.

Il se leva tout chancelant ; ses jambesn’étaient plus habituées à le porter ; quiconque l’eût aperçuainsi debout se fût effrayé de sa maigreur cadavéreuse. On voyait,en quelque sorte, ses os à travers les trous de ses haillonssouillés.

Il n’y avait plus rien en lui du maître dePenhoël, et ceux qui, autrefois, avaient bu le vin de sa table seseraient refusés à le reconnaître.

Il se rendit d’abord auprès de la petitecroisée à charnière qui s’ouvrait sur le toit, et l’examinasoigneusement. Il hocha la tête d’un air satisfait.

Puis il redescendit vers la cloison, derrièrelaquelle nous avons vu Diane épier, les larmes aux yeux, la misèrede la pauvre famille.

Il y avait à cette cloison une très-grandequantité de trous et de fentes. René les compta l’une aprèsl’autre, sans omettre la plus petite fissure.

Il paraissait se complaire à ce patienttravail.

Il était maintenant devant Marthe, qui pouvaitsuivre chacun de ses mouvements ; mais la pauvre femme nejetait sur lui qu’un regard machinal. Sa pensée allaitailleurs ; elle ne savait pas pourquoi Penhoël comptait ainsiles fentes de la cloison ; elle ne cherchait pas à savoir.

René mit son doigt dans la dernière fissure ethocha la tête encore. Ses grands cheveux gris suivaient lemouvement de son front et tombaient en désordre sur sa jouehave.

Il les rejeta en arrière à deux mains ;puis il fixa ses yeux assombris sur Marthe, qui ne le regardaitplus.

– Je suis le maître !… murmura-t-ilavec emphase.

Il prit sous son bras la bouteille fêlée, oùil ne restait plus une seule goutte d’eau-de-vie, et se dirigeavers la porte avec le pas incertain d’un homme ivre.

Marthe entendit la porte s’ouvrir, puisretomber.

Elle était seule.

Bien des fois, déjà, elle avait erré dans cegrand Paris, cherchant sa fille au hasard et toujours envain ; mais l’espoir est immortel dans le cœur des mères. Sapremière pensée fut de fuir et d’aller encore si loin que ses paspourraient la porter, de maison en maison, le long des ruesinconnues, demander Blanche.

Elle se leva ; sa faiblesse, qui étaitgrande, n’aurait pu l’arrêter ; mais René avait fermé la porteen dehors.

Marthe revint tristement à sa place et selaissa retomber sur sa paille.

Elle ne devait pas attendre longtemps leretour de son mari. Au bout de quelques minutes, la porte s’ouvritde nouveau et le maître de Penhoël rentra.

Marthe put entendre sa respiration essouffléeet pénible.

Il avait remonté à la hâte les six étages etrevenait bien chargé, malgré sa faiblesse.

L’écu de trois livres y avait passé toutentier. La bouteille fêlée était pleine d’eau-de-vie. Il apportaiten outre un assez grand panier, plein de charbon, un cahier depapier et un pot plein de colle.

Il s’assit sur le matelas pour reprendrehaleine et pour boire une longue gorgée d’eau-de-vie. Sonexcitation, loin de se calmer, semblait augmenter de minute enminute.

– Oui !… oui !… murmurait-il latête haute et l’œil brillant ; je suis le maître !

Quand il se fut reposé durant un instant, ildéchira le papier par bandes et l’enduisit de colle, pour boucher,l’une après l’autre, toutes les fentes de la cloison.

Cela dura longtemps, car les planchesvermoulues se déjetaient de tous côtés.

Marthe pensait que René en agissait ainsi pouréviter le froid des nuits d’hiver.

Mais la première fois que son regard rencontracelui du maître de Penhoël, sa croyance changea. Sans savoirpourquoi encore, elle se sentit frissonner.

René travaillait tant qu’il pouvait. Desgouttes de sueur glissaient sur sa tempe jaunie ; il nes’arrêtait que pour boire.

Et à mesure qu’il buvait, un enthousiasmesauvage secouait la morne apathie de ses traits.

Tout le cahier était employé, mais il n’yavait plus de trous à la cloison. Avant de sortir, René avait bienpris sa mesure.

Il passa le revers de sa main sur son fronthumide, et regarda joyeusement son ouvrage terminé.

– Celui qui vint, l’autre fois, se mettreentre nous deux…, grommela-t-il, n’est pas ici… Je suis lemaître !

Il prit dans un coin un gril rongé de rouille,oublié là, sans doute, par les anciens locataires du grenier, etdisposa dessus, en pyramide, tout le contenu de son panier decharbon.

Puis il battit le briquet et mit le feu aubrasier.

Marthe le regardait faire maintenant. Durantun instant, ses yeux tout grands ouverts peignirent l’épouvante.Elle comprenait.

C’était la mort qui était là tout prèsd’elle.

La pensée de l’Ange de Penhoël lui vint. Ellevoulut se lever et se défendre, pour que sa fille, si elle vivaitencore, ne fût point une orpheline.

Mais, avant qu’elle eût quitté sa place, uneautre idée vint à la traverse de sa terreur. Ses grands yeux bleuseurent un rayonnement doux.

– Dieu me les rendra au cielpensa-t-elle ; toutes trois !

Elle croisa ses bras sur sa poitrine ets’adossa contre la muraille.

Les vapeurs du charbon commençaient à emplirla chambre. René, agenouillé auprès du gril, soufflait de toute saforce. Le brasier s’allumait et mettait un sanglant reflet sur sajoue décharnée.

Il riait. Il prononçait le nom de sa femme. Ilprononçait avec plus de haine encore le nom de son frère.

Et il répétait d’une voix sourde :

– J’étais riche !… j’étaisheureux !… j’aimais !… Qui m’a pris mon bonheur, monamour et ma richesse ?… Elle et lui !… Oh ! cettefois, personne ne viendra… Je suis le maître !

Sa tête tournait déjà. Le brasier ne formaitplus qu’un seul monceau de feu. Il avala d’un trait le reste de sabouteille d’eau-de-vie et se laissa choir, comme une masse, sur lematelas.

Marthe avait les yeux fermés. Ses idéesvacillaient et s’égaraient dans ce songe enchanté qui précède,dit-on, la mort par asphyxie.

En ce moment, comme toujours, elle était avecses filles, la pauvre mère !

Mais, entre ses trois filles, il n’y avaitplus de différence. Elle pouvait les aimer d’une tendresse égale etpartager entre elles ses baisers heureux.

Oh ! les trois beaux anges, vêtus delongues robes blanches, et couronnés de fleurs !

Dieu les lui amenait par la main, et lessaints du paradis souriaient à son bonheur de mère.

Un poids était sur sa poitrine haletante, maiselle ne le sentait point, tant elle avait de joie.

Diane, Cyprienne, Blanche ! pauvresenfants perdues et retrouvées, qui riaient et qui pleuraient surson sein.

Comme elles s’aimaient toutes trois, et commeelles l’aimaient !

Et derrière leurs visages angéliques, àtravers le voile diaphane qui couvre les visions, Martheentrevoyait une autre figure : les traits mâles d’un homme quisemblait avoir honte et se cacher.

Oh ! Dieu pardonne à tous, et ce n’estpas au ciel qu’il faut garder souvenir du mal enduré sur laterre.

Au ciel, tout amour est chaste, toute passions’épure sous l’œil de Dieu. Le sourire de Marthe appelait Louis dePenhoël…

Le voile s’épaississait ; la nuit sefaisait ; Marthe se sentait mourir.

Tandis qu’elle essayait d’assembler les motsde sa suprême prière, sa léthargie reçut un choc soudain ; unsouffle d’air frais tomba sur sa bouche vivifiée ; ellerouvrit les yeux… ou plutôt elle crut les rouvrir, et c’était sansdoute une nouvelle phase de son dernier rêve, car ce qu’elle voyaitmaintenant était encore l’impossible.

Ses deux filles mortes étaient auprès d’elle,Diane et Cyprienne, non plus en longues robes blanches, mais avecce costume des vierges de Bretagne qu’elles portaient lorsqu’elleslui étaient apparues dans la loge de Benoît Haligan…

– Pauvres belles-de-nuit !… pensaitMarthe ; aujourd’hui comme alors.

Et ses yeux s’étaient refermés.

L’air frais continuait, cependant, de tombersur son front et sur sa bouche.

Elle entendait autour d’elle un bruit de paslégers.

Elle essaya encore de soulever ses paupières.Il y avait un nuage sur son regard.

Elle put voir, néanmoins, durant une seconde,Diane et Cyprienne qui lui souriaient de loin.

Puis la vision disparut, comme si les jeunesfilles eussent percé la cloison.

Le brasier était éteint ; la fenêtreouverte laissait passer à flots l’air libre. Comme elle baissaitles yeux, Marthe vit briller quelque chose auprès d’elle dans lapoussière.

C’était une poignée de pièces d’or.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer