Le Mystérieux Docteur Cornélius – Tome II

Le Mystérieux Docteur Cornélius – Tome II

de Gustave Le Rouge

SEPTIÈME ÉPISODE – …Un drame au Lunatic-Asylum

CHAPITRE PREMIER – Une maladie foudroyante

Il n’était bruit dans New York que du prochain mariage de l’ingénieur Harry Dorgan et de miss Isidora, la fille du milliardaire Fred Jorgell, directeur de la Compagnie de navigation des paquebots Éclair. Fred Jorgell était une personnalité très sympathique dans les milieux financiers et industriels. Ces paquebots Éclair, construits avec la collaboration de l’ingénieur Harry Dorgan, détenaient le record de la vitesse ; grâce à leur coque extra-légère en aluminium et nickel, grâce à leur machine chauffée au pétrole, ils effectuaient en quatre jours la traversée du Havre à New York. Aussi les actions de la société émises à cent dollars étaient maintenant cotées trois mille dollars dans toutes les Bourses de l’univers.

Bien qu’à cause de certains malheurs de famille le mariage de miss Isidora dût être célébré dans l’intimité la plus stricte, il n’était question que des innombrables et fabuleux cadeaux adressés à la fiancée de tous les points de l’Amérique.

On citait entre autres merveilles une reproduction exacte du célèbre « collier de la reine »que dut acheter Marie-Antoinette et qui fut volé par la comtesse deLamotte-Valois, un service de toilette en or massif avecincrustations d’opales et d’aigues-marines, un meuble de salon enquartz fondu, c’est-à-dire en cristal de roche, une bicyclette envermeil, sans compter les tableaux de maîtres, les bijoux, lesfourrures précieuses et les objets d’art de toute sorte.

Chaque matin, en compagnie de sa lectrice,l’excellente mistress Mac Barlott, et du secrétaire particulier deFred Jorgell, miss Isidora prenait plaisir à ouvrir elle-même lescaisses et les écrins qui arrivaient en foule au palaispaternel.

À peine convalescent d’une blessure qu’ilavait reçue dans une attaque nocturne, le secrétaire de FredJorgell, un Français nommé Agénor Marmousier, était encore trèsfaible et très pâle ; mais le bonheur de miss Isidora avaithâté sa guérison et il goûtait une joie enfantine en assistant audéballage des cadeaux de noce.

– Qu’est-ce que ceci ? dit mistressMac Barlott avec curiosité.

Et elle coupa les ficelles qui entouraient lepapier de soie où se trouvait un écrin.

– Peuh ! fit-elle d’un tonméprisant, une parure d’émeraudes, nous en avons déjà sept ouhuit !

Pendant ce temps, Agénor ouvrait avecprécaution une longue caisse de cèdre. Cette caisse en renfermaitune seconde en acajou.

– Je me demande ce qu’il peut bien yavoir là-dedans ! s’écria miss Isidora, dévorée de la fièvrede la curiosité.

– Nous allons bien voir, répondit Agénoren poussant le verrou d’argent qui fermait la caisse d’acajou.

La jeune fille jeta un cri de surprise enapercevant une réduction en argent du dernier paquebot que venaitde lancer Fred Jorgell et qui s’appelait le Miss Isidora.Les moindres détails du bâtiment avaient été scrupuleusementimités, mais toutes les pièces de cuivre étaient reproduites en or,les fanaux rouges et verts étaient figurés par des rubis et leshublots par de petits diamants. Ce navire en miniature était unénorme bijou d’un prix fabuleux.

À ce moment, miss Isidora se sentit doucementsaisie par la taille, puis deux mains se posèrent sur ses yeux enmême temps que des lèvres brûlantes effleuraient son front.

La jeune fille poussa un petit cri, mais ellese rassura bien vite et sourit en reconnaissant dans l’auteur decette tendre plaisanterie l’ingénieur Harry Dorgan qui était entrédans le salon sur la pointe des pieds.

– Je suis furieuse, dit miss Isidora avecun radieux sourire qui était en formelle contradiction avec sesparoles. Est-ce agir en homme sérieux ?

– Il faut me pardonner cetenfantillage.

– Soit, mais à une condition, c’estqu’une autre fois vous m’embrasserez d’une façon moins« shocking ».

– Je suis prêt à le faire, ditl’ingénieur.

Et de nouveau il appuya ses lèvres sur lefront pur de la jeune fille dans un long et tendre baiser.

– Vous ne restez pas avec nous, monsieurHarry ? demanda Agénor. Vous assisteriez à l’ouverture detoutes ces caisses mystérieuses.

– Impossible. Je ne suis venu que poursouhaiter le bonjour à ma chère Isidora avant de me rendre à monbureau. Le lancement des trois nouveaux paquebots nous donne unebesogne terrible.

– Je ne vous retiens plus. À tantôt, moncher Harry, murmura miss Isidora en serrant avec une délicieuseémotion la main de son fiancé.

L’ingénieur une fois parti, l’examen descadeaux continua.

– Qui a bien pu donner à miss Isidora lebeau paquebot d’argent ? demanda Agénor.

– Ce ne peut être que Mr. FredJorgell, répondit mistress Mac Barlott.

– Je suis sûre que c’est bien lui, fitmiss Isidora. Le paquebot d’argent, c’est certainement la surprisedont il me parlait hier à table. Ce présent m’est doublement cher,car il me rappelle à la fois mon père et mon fiancé. N’est-ce pasHarry – j’en suis justement fière – qui a dressé les plans de cepaquebot, le plus rapide de l’univers ?

À ce moment, deux serviteurs apportèrent unelongue caisse de bois de santal ornée des initiales de la jeunefille. Mistress Mac Barlott ouvrit la caisse d’une mainimpatiente.

– Cela vient de Paris !s’écria-t-elle ; voici la marque de Worth, le grand couturier.C’est une robe sans doute plus belle que celles que vous avez déjàreçues.

– Voyons, dit miss Isidora.

Et d’une main agitée de la petite fièvre de lacoquetterie, elles déplièrent les nombreux papiers de soie.

– Je m’en doutais, dit la gouvernante,c’est une robe de satin blanc toute brodée de perles.

– Elle est splendide. Qu’en pensez-vous,monsieur Agénor ?

– C’est une pure merveille, une véritableœuvre d’art. Il faut la déployer, que nous puissions l’admirer dansson entier.

Aidée de mistress Mac Barlott, miss Isidoraétala avec mille précautions la luxueuse robe virginale sur un desdivans du salon.

Mais tout à coup la jeune fille jeta un crid’épouvante : sur le corsage, à la place du cœur, une mainsanglante était brodée avec de petits rubis et cette empreinteeffrayante se détachait nettement sur la blancheur immaculée del’étoffe aux reflets d’argent.

– Je suis maudite ! s’écria la jeunefille en se reculant avec un frisson d’horreur. Mes ennemis veulentme faire comprendre par cet affront que le nom que j’apporte àHarry est souillé d’une tache sanglante et que je suis la sœur deBaruch l’assassin. Ah ! je le vois maintenant, je ne seraijamais heureuse.

– Remettez-vous, mademoiselle, murmuraAgénor. Ne croyez pas que l’on ait voulu vous faire injure. Jecrains plutôt que cet envoi ne vienne de l’association de la MainRouge dont votre père s’est toujours montré un adversaireacharné…

Miss Isidora ne l’écoutait plus. L’émotionavait été trop forte. La jeune fille venait de perdre connaissance.Agénor et mistress Mac Barlott n’eurent que le temps de la recevoirdans leurs bras.

Les soins usités en pareil cas lui furentprodigués. Elle revint à elle et, à force de raisonnementsingénieux et de bonnes paroles, ses amis parvinrent à la rassurerun peu.

La fatale robe fut soustraite à tous lesregards et il fut convenu qu’on ne mettrait pas Fred Jorgell aucourant de l’incident ; mais toute la joie de la fiancée étaitgâtée. Ce fut avec une languissante indifférence qu’elle assista audéballage des autres cadeaux. La Main Rouge avait fané les souriressur tous les visages et semé l’angoisse dans tous les cœurs.

Tous pensaient à la fatale robe, mais personnen’osait en parler. Ce fut la gouvernante qui, la première, sehasarda à dire :

– Ne croyez-vous pas, miss Isidora, qu’ilserait bon de prévenir votre fiancé ?

– Non, murmura la jeune fille, pascela !

– Cependant, si vous courez un danger, sicet envoi n’est pas une macabre fumisterie, si c’est bien uneréelle menace de la redoutable association…

– Qu’importe. C’est déjà suffisant quej’aie, moi, à souffrir, sans que le bonheur de mon cher Harry, satranquillité soient troublés par des misérables.

– Mais, miss, avez-vous bienréfléchi ?

– Oui. Je vous le dis une fois pourtoutes, je veux que mon fiancé ne soit pas prévenu et je vous seraireconnaissante, à vous, mistress, ainsi qu’à M. Agénor, de neplus jamais me rappeler cette sinistre main sanglante.

Après cette déclaration, la jeunemilliardaire, délaissant le salon où s’amoncelaient les cadeaux,remonta dans sa chambre pour y réfléchir.

La courageuse jeune fille possédait une grandepuissance sur elle-même et lorsque, deux heures plus tard, elleredescendit pour s’asseoir aux côtés de son père et de son fiancé,son visage s’était complètement rasséréné ; elle paraissaitcalme, heureuse et souriante comme chaque jour. Harry Dorgan, siperspicace qu’il fût, ne put lire sur ses traits la trace d’aucunsouci, d’aucune préoccupation.

L’ingénieur était d’excellente humeur. Ilvenait de découvrir un dispositif qui permettait de réaliser uneéconomie de vingt pour cent sur le combustible.

– Tout va pour le mieux, dit-il à FredJorgell, et je suis assez en avance dans mes travaux pour que lecongé que je prendrai à l’occasion de notre mariage ne nuise enrien à la bonne conduite des travaux de la Compagnie des paquebotsÉclair.

– Vous pourrez prendre autant de congéque vous voudrez, dit Fred Jorgell avec un gros rire. N’est-ce pas,ma petite Isidora ?

La jeune fille ne répondit que par un timidesourire et baissa les yeux en rougissant.

– Ce matin, dit tout à coup l’ingénieur,j’ai reçu une lettre très intéressante d’un inventeur inconnu. Ils’agit d’un nouveau moteur à turbines.

Et il tira de sa poche une enveloppe quirenfermait une carte carrée couverte, sur les deux faces, d’unemicroscopique écriture. Fred Jorgell jeta un coup d’œil sur lamissive et la rendit à Harry Dorgan.

– Ces caractères sont beaucoup trop finspour ma vue, murmura-t-il. Il sera plus simple que vousm’expliquiez l’affaire en deux mots.

Harry Dorgan remit la lettre dans sapoche.

– De fait, dit-il, ces pattes de mouchesont presque indéchiffrables. J’ai mis une bonne demi-heure à leslire.

À ce moment, miss Isidora remarqua quel’ingénieur avait aux extrémités du pouce et de l’index de la maindroite deux rougeurs qui ressemblaient à des écorchures.

– Qu’est-ce que cela ?demanda-t-elle en prenant la main du jeune homme. Vous vous êtesblessé, mon cher Harry ?

– Mais non. C’est une légère irritationde la peau que je ne sais trop à quoi attribuer et qui me cause unecertaine démangeaison.

– Vous n’aviez pas ces rougeurs ce matin,ce me semble ?

– Non. Cela m’est venu tout d’un couppendant que je lisais mon courrier. Mais bah ! cela s’en iratout seul comme c’est venu.

L’incident fut oublié et, après avoir déjeunérapidement, l’ingénieur se rendit de nouveau à son bureau et seplongea dans un travail absorbant. Au courrier du soir, il y avaitune nouvelle lettre de l’inventeur inconnu du nouveau moteur àturbines.

Le texte, de même que la signature, étaientaussi peu lisibles que ceux de la première missive et Harry Dorganpassa beaucoup de temps à la déchiffrer. Quand il en eut terminé lalecture, il s’aperçut tout à coup que ses doigts avaient beaucoupenflé, puis il ressentit un étrange malaise, une sorte de vertige.Il quitta son bureau plus tôt que de coutume, persuadé que le grandair dissiperait ce mal de tête qu’il attribuait au surmenage desjours précédents. Mais, une fois dans la rue, le mal, au lieu des’atténuer, ne fit que s’accroître et empirer. Ses jambesflageolaient sous lui, il avait des éblouissements, ses oreillesbourdonnaient. Il se trouvait si faible qu’au lieu de revenir àpied comme il se l’était promis il dut prendre un taxi-cab.

Au dîner, il ne put toucher à aucun des mets.Une soif ardente le dévorait et il voyait danser devant ses yeuxdes myriades de points noirs comme il arrive dans certains cas defièvre. Enfin, il se sentait accablé d’une inexplicable fatigue.Mais pour ne pas inquiéter miss Isidora il se raidit contre lasouffrance et réussit à prendre part à la conversation comme decoutume.

Cependant miss Isidora n’avait pu s’empêcherde remarquer sa pâleur, et elle avait observé que les rougeurssuspectes qui se trouvaient aux extrémités du pouce et de l’indexs’étaient entourées d’un cerne violâtre et s’étaient creusées aucentre comme deux petites plaies. Sur les instances de la jeunefille, il promit de soigner ce qu’il appelait un bobo insignifiantet, sous prétexte de travaux urgents, il regagna l’appartementmeublé qu’il occupait à peu de distance de l’hôtel de son futurbeau-père.

Une fois seul dans sa chambre, Harry fut prisde frissons, de douleurs lancinantes dans la région de l’estomac etil se sentit si mal qu’il dut se coucher en envoyant le domestiqueattaché à sa personne lui chercher un médecin.

Le praticien, après avoir examiné le malade,déclara que son état était de peu de gravité et devait êtreattribué à la fièvre causée par la fatigue. Il conseilla dusommeil, du repos, un bain tiède et des calmants.

Sitôt après le départ du docteur, Harry Dorgantomba dans un sommeil de plomb. Il ne se réveilla que très tarddans la matinée.

– Comment ! balbutia-t-il en jetantun coup d’œil sur la pendule électrique placée près de son lit,déjà neuf heures et demie, mais je devrais être à mon bureau depuisune heure !

Il fit un mouvement brusque pour se lever. Ilne put y réussir. Ses membres étaient ankylosés, il éprouvait unesourde douleur dans toutes les articulations. Péniblement, il sedressa sur son séant et ses regards se portèrent sur la grandeglace de la psyché placée en face de lui et où se reflétait sonimage. Il poussa un cri de surprise.

Son visage, d’une pâleur livide, était marbréde taches violâtres, ses lèvres blêmes et ses paupières rouges etgonflées.

– Je suis malade et même très malade,bégaya-t-il. Que va dire ma chère Isidora ?

Il allongea la main jusqu’au bouton du timbreélectrique situé à son chevet. Quelques minutes plus tard, lewaiter entra dans la chambre. À la vue d’Harry Dorgan il se recula,vaguement épouvanté.

– Qu’avez-vous donc, master,demanda-t-il, vous êtes malade ?

– Oui, balbutia l’ingénieur d’une voixfaible. Je suis même très malade… Voulez-vous aller prévenirMr. Fred Jorgell que je n’irai pas à mon bureau ce matin etque je ne viendrai sans doute pas déjeuner… Mais n’exagérez rien.Dites que je suis légèrement indisposé et que ce soir j’irai mieuxsans doute…

Le waiter se hâta d’aller faire lacommission.

Quand il entra dans le cabinet de FredJorgell, miss Isidora s’y trouvait en compagnie de son père. Enapprenant la maladie de son fiancé, elle fut envahie d’un funèbrepressentiment. Tout de suite elle songea à la main sanglante brodéesur la robe nuptiale.

– Mon Dieu, murmura-t-elle Harry estmalade !… Je tremble d’apprendre une catastrophe !… Etmoi qui n’ai voulu prévenir ni mon fiancé ni mon père de la menaceterrible suspendue sur leur tête !

Miss Isidora se sentait le cœur bourrelé deremords. S’exagérant sa faute, elle se regardait comme la cause dela maladie de l’ingénieur.

– J’aurais dû l’avertir, serépétait-elle.

Elle résolut de réparer le mal en racontantimmédiatement la vérité à son père.

Le milliardaire se montra très affecté decette confidence et pourtant il essaya de rassurer sa fille.

– Évidemment, dit-il, tu as eu tort de nepas me prévenir, mais je suis persuadé qu’il n’y a aucunecorrélation entre la maladie d’Harry Dorgan et l’injurieux envoid’hier.

Miss Isidora s’était levée.

– Je vais voir Harry !s’écria-t-elle impétueusement. Ma place est au chevet de monépoux !…

– Je t’accompagne, dit Fred Jorgell avecagitation, mais auparavant je vais donner des ordres pour que lechef de la police de New York soit prévenu et que mon hôtel soitparticulièrement surveillé, gardé s’il le faut par une vingtaine derobustes détectives. D’ailleurs, ajouta le milliardaire, tut’inquiètes peut-être à tort. Le waiter n’a parlé que d’une légèreindisposition.

– Non. Harry est gravement malade. Je ledevine, je le sens, j’en suis sûre.

Un quart d’heure plus tard, le milliardaire etsa fille pénétraient dans la chambre du malade. En apercevant lestraits défigurés d’Harry Dorgan, miss Isidora eut un cridéchirant.

– Mes pressentiments ne m’avaient pastrompée, murmura-t-elle avec accablement. Harry est trèsmalade ! Mais, puisqu’il en est ainsi, je ne veux plus lequitter, c’est moi qui le soignerai, qui le veillerai et qui leguérirai !…

L’ingénieur, rassemblant toute son énergie parun suprême effort, s’était redressé en souriant – d’un sourirenavrant.

– Je ne suis pas si mal que vous croyez,balbutia-t-il d’une voix faible comme un souffle ; je vousassure, ma chère Isidora, que je vais déjà beaucoup mieux…

– Je veux vous soigner moi-même. N’est-cepas déjà comme si j’étais votre épouse, ne la serai-je pas dansquelques jours ?

Le malade eut un geste de vive dénégation.

– Non, articula-t-il péniblement, je neveux pas. La maladie dont je souffre est peut-être contagieuse etc’est déjà une imprudence d’être venue et de m’avoir serré lamain.

Fred Jorgell s’était approché.

– Harry, dit-il, je vous considère déjàcomme si vous faisiez partie de la famille, j’approuve entièrementIsidora et je trouve son dévouement tout naturel. D’ailleurs, vousn’êtes pas si gravement malade que vous le croyez et j’ai déjà prisles mesures nécessaires pour qu’avant une heure les plus célèbresmédecins de New York soient ici. Il faudrait que votre mal fûtvraiment bien grave pour ne pas céder devant la science.

– D’ailleurs, ajouta Isidora, quand oncombat énergiquement le mal, il s’en va. C’est une lutte comme uneautre. Il s’agit d’être vainqueur.

– De l’énergie, j’en ai, murmura lemalade d’une voix faible.

– Et nous en aurons, s’il le faut, pourvous. Que diable ! je ne tiens pas à être privé d’uncollaborateur dont les services me sont aussi précieux.

Et le milliardaire, bien qu’il fût au fondsérieusement alarmé, eut un rire cordial comme s’il n’eût pas prisau sérieux la maladie de l’ingénieur.

Laissant miss Isidora au chevet de son fiancé,Fred Jorgell se retira, après avoir constaté qu’Harry Dorgan setrouvait moralement très réconforté par cette visite. Lemilliardaire devait revenir peu après, accompagné des médecinsqu’il avait fait mander téléphoniquement. Il venait de sortir de lamaison meublée lorsqu’un personnage, vêtu comme un domestique, ypénétra.

– Je voudrais voir Mr. Harry Dorgan,dit-il au gérant.

– C’est que, lui fut-il répondu,Mr. Dorgan est très malade. Il garde le lit et l’on attendplusieurs médecins qui doivent venir en consultation. Mais de lapart de qui venez-vous ?

– De la part de Mr. FredJorgell.

– Mais il sort d’ici, reprit le gérantavec méfiance.

– Alors c’est que nous nous sommescroisés en route. Je cours le rejoindre.

Et l’homme s’esquiva sans demander de plusamples explications.

Cent pas plus loin, il entra dansl’arrière-salle d’un bar, en ce moment presque désert, et où deuxhommes l’attendaient. C’étaient Joe Dorgan, le frère même del’ingénieur, et un médecin célèbre à New York où il était connusous le nom de « sculpteur de chair humaine », le docteurCornélius Kramm. L’homme leur rendit rapidement compte de samission et se retira.

Cornélius et Joe Dorgan, une fois seuls,échangèrent un sourire diabolique.

– Je crois, fit Cornélius, que le mariagede miss Isidora n’est pas près de se conclure. La charmante misspourrait bien devenir veuve avant que d’être mariée.

– Cet Harry que je déteste va enfindisparaître, murmura Joe avec une haineuse crispation de laface.

– Pour cela, soyez sans crainte. Avec lemicrobe que je lui ai inoculé et qui est à peine connu de quelquesrares savants, Harry Dorgan n’en a pas pour plus de huit jours aumaximum.

Les deux bandits s’entretinrent encore pendantquelque temps, puis ils regagnèrent l’automobile qui les attendaità quelque distance de là.

La Main Rouge triomphait cette fois encore.Harry Dorgan allait mourir.

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