Le Mystérieux Docteur Cornélius – Tome II

CHAPITRE II – Une lettre rassurante

L’armateur du yacht dont la constructionmettait en rumeur toutes les cervelles des matelots de SanFrancisco, c’était le milliardaire Fred Jorgell. Nul ne doutait quele spéculateur, célèbre dans toute l’Amérique par ses audacieusesentreprises, ne préparât quelque expédition d’un genre original etgrandiose.

Mais, là-dessus, personne n’eût été capable defournir le moindre renseignement. Le milliardaire et les gens deson entourage observaient envers tout le monde la réserve la pluscomplète. Les curieux en étaient réduits aux suppositions.

Les uns disaient que Fred Jorgell allaitexploiter, sans avoir rempli aucune formalité légale, une mine d’orsituée dans une île inconnue ; les autres parlaient d’un bancd’huîtres perlières découvert près d’un récif océanien ; pourd’autres encore, il s’agissait d’un gisement de guano plus richeque ceux des îles Chincha.

Le riche Yankee ne démentait aucun de cesbruits, mais il se renfermait dans un mutisme absolu ; etaprès plusieurs semaines, les indiscrets n’étaient pas plus avancésqu’au premier jour.

Quotidiennement appelé par ses multiplesaffaires à San Francisco et à New York, le milliardaire faisaitsans cesse la navette entre les deux villes ; et le wagon deluxe qui était sa propriété personnelle était attelé, pour ainsidire en permanence, à l’un des trains rapides du « CentralPacific Railroad », qui coupe dans toute sa largeur lecontinent américain.

À dix lieues de San Francisco, au milieu d’unsite enchanteur, Fred Jorgell avait installé sa fille, missIsidora, dans un vaste et luxueux cottage où plusieurs amis dumilliardaire trouvaient aussi l’hospitalité.

« Golden-Cottage » étaitvéritablement une résidence unique ; bâtie dans une valléeverdoyante, au pied d’une colline boisée où se voyaient encorequelques-uns de ces sequoia gigantea qui atteignentparfois jusqu’à cent mètres de haut, la demeure était construitesur le plan exact d’une de ces villas élégantes et simples que l’ontrouve dans la campagne romaine.

– Avec ses galeries à colonnes de marbreblanc, ses balustrades et ses terrasses garnies de précieux vasesde faïence qui renfermaient des arbustes rares, Golden-Cottages’harmonisait parfaitement avec ce ciel californien d’un bleu sidoux, et se détachait poétiquement sur le fond sombre des cèdres,des érables et des pins gigantesques confondant leurs branches dansun dôme naturel plus haut et plus magnifique que celui de notrePanthéon.

Le jardin de la villa, dessiné dans le goût dela Renaissance, était peuplé de statues, de fontaines et de grottesde rocaille, entourées de hauts massifs de citronniers, decédratiers et d’orangers.

Ce superbe cottage était demeuré longtempssans être habité, son précédent propriétaire étant mort, victimed’un assassinat dont on n’avait jamais pu découvrir les auteurs.Les habitants des haciendas du voisinage prétendaient même queGolden-Cottage était hanté, que l’on y entendait la nuit des bruitssinistres, et enfin qu’il avait porté malheur à tous ceux quil’avaient occupé ; mais, en Amérique, pays pratique parexcellence, les superstitions de ce genre ne sont pas longtempsadmises.

Fred Jorgell avait trouvé une magnifiquepropriété à un prix modéré, dans une situation isolée en pleinecampagne – précisément ce qu’il désirait –, et il n’avait pashésité un seul instant à en faire l’acquisition.

Parmi les hôtes de la villa, on remarquaitl’ingénieur Harry Dorgan, fiancé de miss Isidora, et dont lemariage depuis longtemps annoncé par les journaux de l’Union avaitété retardé par diverses circonstances.

L’ingénieur passait ses journées à SanFrancisco, où il dirigeait la construction du yacht laRevanche, et il ne rentrait à Golden-Cottage que le soir.Il s’était d’ailleurs adjoint dans ses travaux deux savantsfrançais du plus haut mérite, l’ingénieur Paganot et le naturalisteRavenel. Eux aussi rentraient chaque soir au cottage où ilsretrouvaient leurs fiancées, Andrée de Maubreuil et Frédérique,toutes deux amies intimes de miss Isidora.

Les autres invités du milliardaire étaientl’excentrique lord Astor Burydan, un moment célèbre à Paris sous lenom de milord Bamboche, le secrétaire et l’ami de ce dernier, lepoète Agénor Marmousier. Enfin un Peau-Rouge nommé Kloum, attaché àla personne du lord, et un spirituel petit bossu, Oscar Tournesol,ancien protégé de M. de Maubreuil et qui, lui, étaitl’ami intime de tout le monde.

Le lendemain de la scène dont labodega du Vieux-Grillage avait été le théâtre, les troisjeunes filles se trouvaient seules au cottage. Comme presque tousles jours, Fred Jorgell était à San Francisco, ainsi quel’ingénieur Dorgan et ses deux collaborateurs français.

Lord Burydan était allé en excursion dans laforêt.

Agénor, le Peau-Rouge et Oscar l’avaientaccompagné.

Miss Isidora, Andrée et Frédérique s’étaientabritées de la chaleur du jour dans une salle de verdure garnie debancs de marbre et que rafraîchissait l’humide poussière d’un jetd’eau.

Sauf Mlle de Maubreuil,toujours un peu mélancolique, les jeunes filles étaientradieuses.

– Savez-vous, mes chères amies, dit missIsidora, que mon fiancé Harry a reçu ce matin une lettre de sonpère, et, ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que William Dorganlui-même est aussi d’avis que je retarde mon mariage ?

– Quelle en peut être la raison ?demanda Frédérique.

– Depuis que mon futur beau-père estréconcilié avec son fils, il a décidé de l’avantager d’une sommeaussi considérable au moins que ma propre dot, et, pour en fixer lechiffre, attendant le règlement de comptes trimestriels, il arésolu que notre mariage n’aurait lieu qu’une fois cette questionentièrement liquidée.

– Mr. Harry Dorgan doit se trouverheureux d’être rentré dans les bonnes grâces de son père ?

Miss Isidora eut un sourire mélancolique.

– C’est étrange, murmura-t-elle, ondirait qu’une sorte de fatalité s’oppose à mon mariage avec Harry.Au moment où nous croyons qu’il va avoir lieu, il se trouvetoujours quelque raison pour le retarder. Ainsi, la date en étaitfixée, lorsque mon fiancé, empoisonné par les bandits de la MainRouge, est tombé gravement malade, atteint d’une maladie presqueinconnue.

– La « lèpre verte » ! fitAndrée de Maubreuil.

– Sans M. Paganot, c’en était faitde lui.

– Mais, reprit Andrée, puisqueMr. Harry est maintenant rétabli, vous auriez pu vous marierdéjà depuis plusieurs semaines.

Miss Isidora prit les mains des deux jeunesfilles et les serra affectueusement.

– Je sais bien, dit-elle, que j’aurais pule faire, mais alors, c’est moi qui n’ai plus voulu. Et mon fiancéet mon père ont entièrement approuvé ma décision. Après l’immenseservice que vous nous aviez rendu, j’ai déclaré que je ne seraisunie à Harry Dorgan que lorsque M. Bondonnat aurait été renduà la liberté.

– Miss Isidora, murmura Frédérique avecémotion, vous êtes la plus généreuse et la meilleure des amies.Nous n’oublierons jamais le dévouement que vous nous montrez. Et ily a presque de l’égoïsme de notre part à accepter un tel sacrifice.Qui sait, ajouta-t-elle tristement, si nous n’aurons pas à attendrelongtemps la délivrance de mon père !

– Non, répliqua chaleureusementl’interlocutrice de Mlle Bondonnat, d’autant plusque, depuis le retour de lord Burydan qui fut lui-même prisonnierdans l’île des pendus, nous possédons des données certaines.L’univers n’est pas si vaste qu’avec les moyens d’action dont nousdisposons une île située sous un climat glacial ne soit promptementdécouverte par nous !

– Dans combien de temps croyez-vous quevous aurez retrouvé mon père ? demanda Frédérique.

– Mais je suis sûre que ce résultat serarapidement atteint. Je compte, moi, six semaines, peut-être un peuplus, peut-être un peu moins.

– Ce qui fait, dit Andrée, que nos troismariages pourront avoir lieu le même jour.

– Mon père et mon beau-père, dit missIsidora, ont promis de donner à cette occasion des fêtes superbes.Vous allez voir, mes chères amies, que la série des malheurs vaenfin se clore et que l’avenir nous dédommagera largement dupassé…

– Je n’ai plus le courage de croire aubonheur, murmura Andrée, nous avons éprouvé déjà de si cruellesdéceptions ! Ne craignez-vous pas que les bandits de la MainRouge…

– Ne pensez pas à cela, interrompit missIsidora, vous savez bien que, depuis les arrestations en masse quiont été opérées, on n’entend plus parler d’eux. C’est un ramassisde misérables qui ne sont pas de force à lutter contre lesmilliards de mon père et la science de mon fiancé. S’ils tentaientquelque chose, ils seraient vaincus d’avance.

À ce moment la gouvernante écossaise, mistressMac Barlott, pénétra dans la salle de verdure. Elle annonçait leretour de lord Burydan et de ses amis, qui ne tardèrent pas à seprésenter eux-mêmes pour montrer aux trois jeunes filles le gibierqu’ils avaient tué.

La carabine en bandoulière, le bowie-knife àla ceinture, le lord excentrique et Agénor étaient vêtus desuperbes costumes de chasse et coiffés de larges chapeaux de paillemexicains. Le bossu et le Peau-Rouge, plus simplement habillés d’uncomplet de toile kaki, pliaient sous le poids du gibier.

Ils étalèrent aux regards des jeunes fillesdes chapelets de ramiers et de perdrix rouges, des paons sauvages,des dindons de prairies et jusqu’à un grand vautour roux quel’infaillible balle de lord Burydan était allé chercher presquedans les nuages.

Les chasseurs reçurent les félicitationsauxquelles ils avaient droit. Cette exhibition cynégétique n’étaitpas terminée, lorsqu’un domestique vint dire à lord Burydan qu’unétranger demandait à lui parler pour « affaireurgente ».

– Eh bien ! qu’il vienne ici, ditl’excentrique, je me demande, par exemple, ce qu’on peut bien mevouloir. Je ne connais personne dans ce pays.

Le domestique revint bientôt suivi d’unpersonnage à la face basanée, au regard oblique et fuyant, et quiavait l’aspect inquiétant d’un de ces aventuriers, moitiénégociants et moitié pirates, qui sont nombreux à San Francisco. Ilportait sous le bras une boîte de carton assez volumineuse.

Laissant ses amis un peu à l’écart, lordBurydan s’avança vers le visiteur, qui ne paraissait nullementintimidé par la nombreuse société au milieu de laquelle il venaitd’être introduit.

– Qui êtes-vous ? demandal’excentrique, que la mine et les allures du nouveau venu nedisposaient guère en sa faveur.

– Je suis le capitaine Christian Knox,bien connu à San Francisco et ancien commandant de la goélette laFusée, qui malheureusement a péri corps et biens, il y aun mois de cela, sur les récifs de coraux qui avoisinent l’île dePâques. Vous êtes lord Astor Burydan ?

– Parfaitement.

– Alors j’ai quelque chose à vousremettre, en mains propres.

Le capitaine avait ouvert la boîte de carton.Il en retira une bouteille qu’un long séjour au fond de la meravait recouverte de coquillages et de concrétions calcaires – lamême que Cornélius avait achetée au « publicain » de labodega du Vieux-Grillage. Mais elle avait subi un truquagesavant, et une inscription qui paraissait gravée à l’aide del’acide fluorhydrique, comme les étiquettes des siphons d’eau deSeltz, était encore assez nettement lisible sur un des côtés.

– Qu’est-ce que c’est que cela ?demanda lord Astor avec surprise.

– Ma foi, je n’en sais rien, répliqual’aventurier, mais ce qu’il y a de sûr, c’est que c’est à vous quec’est adressé. Lisez plutôt.

Lord Burydan prit la bouteille et déchiffranon sans peine les mots gravés dans le verre ; ils étaienttracés d’une écriture cursive aux caractères compacts comme si l’onse fût servi d’un pinceau trempé dans l’acide. Lord Burydan lut àhaute voix : Cent dollars de récompense à qui remettracette bouteille à lord Burydan.

Les deux jeunes filles s’étaient rapprochéeset examinaient curieusement le singulier flacon. Mais tout à coupFrédérique jeta un cri de surprise.

– Cette inscription est de l’écriture demon père, s’écria-t-elle.

– Où avez-vous trouvé cettebouteille ? demanda lord Burydan.

– Au large des côtes du Chili, en péchantautour d’un récif. C’est un de mes matelots qui l’a découverte aumilieu d’une masse de plantes marines qui remplissaient notrefilet.

– Ce matelot existe encore ? Vouspouvez le faire venir ?

– Hélas ! non, milord, le pauvrediable est mort avec ses camarades dans le naufrage de laFusée, et c’est une vraie chance que j’aie sauvé cettebouteille qui se trouvait dans mon coffre avec d’autreseffets !

– C’est bien, je vous remercie.L’expéditeur de la bouteille promettait cent dollars, en voici deuxcents.

Le capitaine Christian Knox empocha la sommeavec un sourire satisfait, salua jusqu’à terre et se retira aprèsavoir eu soin de remettre à lord Astor un bout de papier graisseuxsur lequel se trouvait l’adresse de la bodegaduVieux-Grillage où le pirate avait installé ses pénates.

L’impatience de tous les témoins de cettescène était à son comble. D’après ce que venait de direMlle Bondonnat, ils étaient persuadés que labouteille contenait un message du vieux savant.

On sait que ce hasardeux moyen decorrespondance est depuis des siècles employé par les matelots enpéril, et, chose extraordinaire, il est beaucoup plus fréquentqu’on ne se l’imaginerait que de pareilles missives arrivent àdestination.

Au milieu d’un solennel silence, lord Burydangratta avec son couteau de chasse les coquillages qui recouvraientle bouchon et le goulot de la bouteille.

Au-dessous des coquillages, il y avait unecapsule de plomb qu’il arracha et qui avait si bien protégé lebouchon que celui-ci n’avait été que très peu endommagé parl’action corrosive des eaux marines. Quand il l’eut enlevé, lordAstor aperçut un objet long et arrondi qu’il fit sortir de labouteille en la penchant avec précaution.

– C’est un tube de verre fermé aux deuxbouts et recouvert de cuir, déclara lord Burydan au milieu d’unsilence émotionnant.

– C’est là que se trouve la lettre !s’écria Frédérique, le cœur palpitant d’angoisse.

Le tube de verre qui avait été scellé à lalampe dut être brisé.

Il contenait un papier minutieusement roulé.Dans son impatience, Frédérique l’arracha presque des mains de lordBurydan et le déplia avec précipitation.

– Mon père ! mon père !balbutia-t-elle. C’est de mon père ! C’est bien sonécriture ! Je ne puis m’y tromper ! Oh ! que je suisheureuse !… Mais je vais vous la lire à haute voix. Et ellelut, d’une voix tremblante d’émotion :

« Milord,

« Je ne sais si cette lettre vousparviendra ; cependant, étant donné la direction des courantsque j’ai soigneusement étudiés, cela me paraît très possible. Ellea été recopiée par moi à vingt exemplaires, enfermés en autant debouteilles mises à la mer à un jour de distance l’une de l’autre.Enfin, j’ai pris les précautions les plus minutieuses pour quel’eau ne puisse altérer le papier ni l’écriture. J’ai même, grâceaux produits dont je dispose dans mon laboratoire, pu graver votrenom dans le verre en promettant une récompense à celui qui vousremettra cette bouteille.

« Si je vous écris, c’est que je suissûr, étant donné la perfection de mon aéronef, que le brave Kloumsait parfaitement manœuvrer, que votre évasion a réussi.

« Je souhaite et j’espère de tout moncœur que vous êtes en sûreté avec Kloum et mon bon chien Pistolet.Et je suis certain, s’il en est ainsi, que vous ferez l’impossiblepour me tirer des griffes de mes bourreaux. Demeuré seul entreleurs mains après l’insuccès de ma tentative, je craignais qu’ilsne s’en vengeassent en me faisant subir toutes sortes de vexations.Il n’en a rien été heureusement. On s’est contenté de me surveillerplus étroitement, et l’on ne me donne plus, pour m’aider dans mesexpériences, que des bandits à figure sinistre près desquels toutessai de corruption serait inutile. Ma santé continue à être assezbonne, en dépit de l’ennui et de l’inquiétude dont je suistorturé.

« Mais venons au fait. Le but decette lettre, mon cher lord, est de vous donner un renseignementsans lequel vous auriez les plus grandes peines à découvrir monlieu d’exil. En effet, vous ignorez la latitude et la longitude del’île des pendus, que j’ai réussi à déterminer et qui sont lessuivantes : l’île des pendus se trouve par 110° de longitudeest, méridien de Paris, et 50° de latitude sud ; c’est-à-direapproximativement dans le voisinage du cercle antarctique, entre lecap Horn et la Terre de la Désolation… »

– M. Bondonnat, interrompit lordBurydan en se tournant vers Kloum, ne vous avait donc jamais parléde ces chiffres ?

– Je ne crois pas, répondit le Peau-Rougeen cherchant dans son souvenir. Il me semble pourtant qu’il aprononcé les mots de longitude et latitude, mais il me regardaitcomme trop ignorant sans doute pour comprendre quelque chose àcela.

– Je reprends ma lecture, ditFrédérique.

« Je suppose qu’avec cette indicationprécise il vous sera facile de découvrir le repaire des bandits. Jen’ai d’espérance qu’en vous, car je crains bien que, malgré toutesleurs promesses, les coquins qui me détiennent ne me remettentjamais en liberté si on ne les y contraint par la force.

« Je vous prie aussi de faireparvenir de mes nouvelles à ma fille et de la tenir au courant dece que vous tenterez pour me sauver.

« Croyez à la reconnaissance de votrecompagnon de geôle.

« Prosper Bondonnat. »

– Il n’y a pas à dire, s’écria lordBurydan, cette lettre présente tous les caractères del’authenticité !

– Elle est certainement de monpère ! déclara Frédérique.

– Je le crois aussi, fit Andrée.

– Et moi de même, dit le poèteAgénor.

Seuls le bossu et le Peau-Rouge ne disaientrien. Tous deux, sans pouvoir s’en rendre compte, flairaientquelque piège. Mais ils eurent beau examiner la lettre et labouteille, ils ne trouvèrent aucune objection sérieuse à faire àl’opinion de leurs amis. Et ils furent obligés de convenir quel’arrivée du message n’avait rien, après tout, de plusextraordinaire que tant d’événements auxquels il leur avait étédonné d’assister.

Miss Isidora ne cachait pas sonenthousiasme.

– Maintenant, s’écria-t-elle, on pourraitpresque fixer le jour exact où seront célébrés les trois mariages.C’est Harry qui va être content !

Andrée de Maubreuil réfléchissait.

– Je m’explique maintenant, fit-elle, quela première lettre que nous avons reçue de mon cher tuteur soitpartie de La Nouvelle-Orléans. Elle venait du sud évidemment, parla voie chilienne ou péruvienne, et elle avait dû être remise à laposte par un des correspondants de la Main Rouge.

– Pauvre Pistolet, dit tout à coup lepetit bossu, M. Bondonnat sera désolé quand il saura que sonfidèle compagnon a disparu.

– Ce n’est pas de ma faute, riposta lordBurydan, ni de celle de Kloum. Lorsque notre aéronef est descendu àdeux pas d’un village de Noirs et que nous avons été assaillis pareux, Pistolet reçut des pierres et même, j’en ai peur, des ballesde revolver. Il s’est enfui absolument affolé et il a dû se cacherdans un champ de cotonniers. Nous étions traqués nous-mêmes, nousn’avons pu aller à son secours !

– On retrouvera Pistolet, dit gaiementmiss Isidora qui voyait l’avenir sous les couleurs les plusfavorables. Mon père mettra, s’il le faut, d’habiles détectives encampagne pour ramener ce chien, puisqu’il est de vosamis !

On sourit de cette boutade. Tout le mondepartageait l’optimisme de la jeune fille. Maintenant qu’on savaitl’endroit exact où était détenu M. Bondonnat, on regardaitpresque sa délivrance comme un fait accompli.

Chacun attendait avec impatience le retour deFred Jorgell et des trois fiancés pour leur montrer la fameusebouteille et leur lire la lettre de l’illustre prisonnier.

Les habitants de Golden-Cottage eussentéprouvé la plus amère des déceptions s’ils avaient pu se douter quela lettre qui leur causait une telle satisfaction avait été écritepar un des plus habiles faussaires de la Main Rouge et que lerécipient qui la renfermait leur était adressé par leurs pluscruels ennemis.

Le yacht la Revanche allait sediriger vers le pôle austral, tandis que l’île des pendus setrouvait dans les parages du pôle boréal. Qui sait ce qu’iladviendrait de Fred Jorgell et de ses amis égarés par de faussesindications dans les mers désertes du sud, loin de toute côtehospitalière et de tout peuple civilisé !

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