Le Mystérieux Docteur Cornélius – Tome II

CHAPITRE VII – Déception

Fritz Kramm songea d’abord à quitter New Yorkau plus vite. Il lui semblait voir déjà son hôtel cerné par lespolicemen.

Mais, en y réfléchissant, il se dit qu’aprèstout, les domestiques de Balthazar Buxton ne connaissant pas sonnom, il y avait grande chance pour qu’il ne fût pas découvert. Nepourrait-il d’ailleurs soutenir qu’il était innocent. Balthazarlui-même lui ayant donné de sa main – les gardiens ducouloir pourraient en témoigner – l’exeat nécessaire !

Un peu rassuré, il se rendit chez Cornélius,qu’il mit au courant des faits, sans omettre la plus légèrecirconstance. Le « sculpteur de chair humaine » pensa luiaussi que le péril n’était pas urgent et, plus audacieux encore queson frère, il alla jusqu’à envisager la possibilité de toucher leschèques ; après une longue conversation, ils résolurent de nerien faire jusqu’au lendemain. Leur décision dépendrait de latournure que prendraient les événements.

Fritz venait de se réveiller, après une nuitdes plus agitées, lorsque Cornélius entra dans sa chambre ; iltenait à la main une feuille du matin.

– Tout s’arrange, déclara-t-il avecsatisfaction, le feu a pris chez Balthazar, dont on a retrouvé lecadavre carbonisé. Tableaux et objets d’art sont en cendres, et laplupart des serviteurs ont été asphyxiés en essayant de s’échapperdu labyrinthe.

– Comment expliquer cela ? murmuraFritz avec stupeur. C’est à croire vraiment qu’une Providencediabolique nous protège.

– Rien n’est plus simple. Afin d’êtremieux servi, de ne donner à ses gens aucune raison de souhaiter samort, Balthazar – il me l’a raconté lui-même – leur donnait desgages très élevés, qu’il doublait encore chaque année, mais il nedevait rien leur laisser par testament ; de cette façon ilsavaient intérêt à ce qu’il vécût le plus longtemps possible.

– Je comprends qu’ils aient dû êtrefurieux en trouvant son cadavre.

– Non seulement cela, mais ils ont dûavoir peur d’être soupçonnés, et ils ont risqué le tout pour letout. Il est évident pour moi qu’ils n’ont dû allumer l’incendiequ’après avoir fait main basse sur ce qu’il avait de plusprécieux.

– Mais ceux qui ont étéasphyxiés ?

– C’était ceux qui n’étaient pas ducomplot ; les autres ont mis leur butin en sûreté, cela nefait pas l’ombre d’un doute.

– Et le portrait de LucrèceBorgia ?

– Brûlé, anéanti…

– Tout va bien, s’écria Fritz gaiement,nous allons pouvoir toucher nos chèques.

– Et cela d’autant plus aisément queBalthazar a dû aviser la banque du versement important qu’elleaurait à effectuer.

Les deux bandits se séparèrent, enchantés dela tournure inespérée qu’avaient prise les événements. Fritz Krammdéjeuna de bon appétit ; débarrassé de toutes préoccupations,il ne songea plus qu’à se rendre chez la belle Lorenza qui, sansdoute, allait cette fois se montrer moins farouche.

Avenue de Broadway, une déception l’attendait.Le cottage de la guérisseuse de perles était désert, les voletshermétiquement clos et un écriteau, house to let (maison àlouer), se balançait au-dessus de la grille.

Les voisins, interrogés, racontèrent quel’Italienne et sa bonne étaient parties avec de nombreux bagages laveille au soir pour une destination inconnue.

Furieux et décontenancé de ce qu’il appelaitune trahison, Fritz remonta en auto et jeta au cocher l’adresse deLouis Grivard. C’était l’artiste qui allait essuyer sa colère etqui serait obligé de donner des explications sur le faux tableau duTitien ; n’était-ce pas en somme ce misérable barbouilleur quiétait la cause de la mort de Balthazar ?

Mais chez Louis Grivard, comme chez Lorenza,Fritz Kramm trouva porte close et visage de bois.

– Une jeune dame brune d’une beautéadmirable est venue le chercher en auto, hier soir, à la tombée dela nuit, expliqua la concierge.

– Vous ne savez pas où ils sontallés ?

– M. Louis, à ce qu’il semble, adonné au chauffeur l’adresse de la gare maritime destransatlantiques.

Fritz remonta en voiture sans prononcer uneparole. Il avait compris qu’il était joué, mais il possédait unétonnant empire sur lui-même ; maintenant toute sa colèreétait tombée ; ce fut d’un ton parfaitement calme qu’il jeta àson chauffeur l’adresse de Cornélius.

Laissant de côté toute autre préoccupation,les deux bandits devaient partir pour San Francisco le lendemain,pour veiller en personne à l’exécution du plan qui devait amener laperte du yacht la Revanche et de tous ses passagers.

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