Biribi – Discipline Militaire

Chapitre 16

 

– C’est la première fois que vous prenezla garde ?

– Oui, sergent.

– Venez avec moi. Je vais vous expliquerla consigne ; et, quand vous serez de faction, si lesprisonniers ne vous écoutent pas, vous n’aurez qu’à venir me ledire.

C’est la première fois, en effet, que je suisde garde à Aïn-Halib. Je suis descendu, à cinq heures du soir, avecune dizaine d’hommes en armes, pour garder pendant vingt-quatreheures les prisonniers parqués dans ce qu’on appelle « leravin ». C’est, au bas du camp, un quadrilatère fermé par unmur en pierres sèches et en terre, entouré d’un fossé. Outre lestentes des prisonniers, il y a deux marabouts, l’un pour les hommesde garde, l’autre pour le chef de poste.

Le sergent qui nous commande aujourd’hui passepour une des plus belles rosses de la compagnie ; c’est unCorse, face plate agrémentée d’un nez énorme, qui ne donnerait passes deux mauvais galons pour tout l’or du Pérou et qui se redresse,quand il est en fonctions, comme un pou sur une gale. Il s’appelleSalpierri, mais on l’a surnommé Bec-de-Puce. Il bégaye en bavant eta l’habitude d’avancer les lèvres, en cul de poule, ne laissantentre elles qu’un tout petit interstice. Il me semble toujours,quand il me parle, qu’il a l’intention de me souffler un noyau decerise à la figure.

– Vous savez, a-t-il sifflé encrachotant, à sept heures, quand j’ai pris la faction, vous avezdroit de vie et de mort sur ces gens-là.

Et il m’a indiqué du doigt un écriteau cloué àun poteau et qui porte ces mots : « Les sentinelles sontautorisées à faire usage de leurs armes. »

Usage ! quel usage ? Est-on autoriséà donner des coups de crosse ou des coups de baïonnette ?

A-t-on le droit d’assommer les malheureuxqu’on surveille ou de les fusiller à bout portant ?

Elle ne vous renseigne guère à ce sujet, lapancarte.

D’ailleurs, je m’en fiche, moi, de lapancarte, et je ne perdrai pas mon temps à en discuter larédaction, comme les bourriques qui voudraient bien savoir au justes’il leur est permis de larder leurs camarades ou simplement deleur enfoncer les côtes. J’étais déjà décidé, en arrivant au ravin,à ne pas me montrer dur pour les prisonniers ; mais,maintenant, je suis résolu à les laisser faire ce qu’ils voudront.Ils peuvent parler et même chanter, si ça leur fait plaisir. Jeleur distribue mon tabac. Je leur fais cadeau de mes allumettes.Ils ont soif ; je leur apporte un seau d’eau que je trimballede tente en tente. Ils boivent, ils fument et ils causent. Ilscommencent à chantonner. Ils ont bien raison de ne pas segêner.

Une série de sifflements part du marabout duchef de poste.

– Factionnaire, il me semble quej’entends du bruit. Si ça continue, je vous fiche dedans.

Ça m’est égal.

– Vous savez que vous avez le droit defaire usage de vos armes.

Faire usage de mes armes ? De lapeau !

Ah ! ça, pour qui me prend-il, ceCorse ? Est-ce qu’il se figure que j’ai, comme lui, dans lesveines, du sang de ces bandits sinistres qui sont brigands dans lesmaquis ou garde-chiourmes dans les bagnes ? Est-ce qu’ilcroit, réellement, que j’aurai jamais la lâcheté de maltraiter ceshommes, qui sont là, couchés sur la terre nue, chacun sous unesimple toile de tente si basse et si étroite qu’ils ne peuvent mêmepas s’y remuer. On les appelle des tombeaux, ces tentesmontées avec la toile réglementaire portée par les deux moitiés desupports et haute à peine de cinquante centimètres, sur soixante delargeur. Les prisonniers y entrent en se mettant à plat ventre,rampant, usant de précautions infinies pour ne pas lesdémonter ; et une fois dedans, c’est tout au plus s’ilspeuvent changer de position, quand ils ont tout un côté du corpscomplètement ankylosé. C’est sous ce lambeau de toile, exposés àtoutes les intempéries, garantis du froid des nuits par uncouvre-pieds dérisoire, qu’il leur faut réparer leurs forces. Et,chaque matin, en dehors des corvées les plus pénibles, ils doiventfaire trois heures du peloton de chasse le plus éreintant ;autant l’après-midi, sous la chaleur accablante. Il est vrai qu’onles nourrit bien : ils ne touchent ni vin, ni café et n’ont deviande qu’une fois par jour. Leur seconde gamelle ne contient quedu bouillon.

Ah ! ils n’ont pas oublié la faim dansl’arsenal des peines atroces dont ils peuvent disposer, lestortionnaires ! Ils n’ont pas dédaigné ce châtiment infâme etqui déshonorerait un bourreau, ces hommes qui osent dire à descitoyens libres, au nom d’un hypocrite patriotisme de caste :« Il faut être soldat ou crever ! »

Il n’y a pas que des hommes punis de prison,dans ces tombeaux devant lesquels je passe et je repasse,le fusil sur l’épaule ; il y a aussi des hommes punis decellule. Ceux-là ne font pas le peloton. Ils restent nuit et jourétendus sous leur tente dont ils ne doivent sortir sous aucunprétexte. Seulement, ils n’ont droit qu’à une soupe sur quatre,soit une gamelle tous les deux jours. Ils restent donc un jouret demi sans manger, reçoivent une soupe, jeûnent encore pendanttrente-six heures, et ainsi de suite pendant le nombre de jours decellule qu’ils ont à faire. L’eau aussi, on la leur mesure. On leuren donne un bidon d’un litre tous les jours, pas une goutte deplus. La chaleur étant étouffante, à dix heures du matin cette eauest en ébullition.

Je n’aurais jamais imaginé qu’on pût infligerà des hommes – surtout à des hommes qui ne sont sous le coupd’aucun jugement – des traitements semblables.

 

Et ces deux punitions ne sont pas encore lesplus terribles. Il en existe une troisième qui l’emporte debeaucoup sur elles en horreur et en ignominie : c’est lacellule avec fers. L’homme puni de fers est soumis au même régimealimentaire que l’homme puni de cellule : il n’a qu’une soupetous les deux jours. De plus, on lui met aux pieds une barre,c’est-à-dire deux forts anneaux de fer qu’on lui passe à la hauteurdes chevilles et qui sont réunis, derrière, par une barre de fermaintenue par un écrou accompagné d’un cadenas. Cette barre, longued’environ quarante centimètres, est assez forte pour servird’entrave à la bête féroce la plus vigoureuse. L’homme, une foisses pieds pris dans l’engin de torture, doit se coucher à platventre. On lui ramène derrière le dos ses deux mains auxquelles onmet aussi les fers. On lui prend les poignets dans une sorte dedouble bracelet séparé par un pas de vis sur lequel se meut unetringle de fer qu’on peut monter et descendre à volonté. On tournecette tringle jusqu’à ce qu’elle serre fortement les poignets et onl’empêche de descendre en la fixant au moyen d’un cadenas.

L’homme mis aux fers, on le pousse sous sontombeau. Quand on lui apporte sa soupe, tous les deux jours, il lamange comme il peut, en lapant comme un chien. S’il veut boire, ilest obligé de prendre le goulot de son bidon entre ses dents et depencher la tête en arrière pour laisser couler l’eau. S’il renversesa gamelle, s’il laisse tomber son bidon, tant pis pour lui. Il luifaut rester vingt-quatre heures sans boire et trente-six heuressans manger.

Et, si le malheureux fait entendre uneplainte, si la souffrance lui arrache un cri, on lui met unbâillon ; on lui passe dans la bouche un morceau de bois qu’onassujettit derrière la tête avec une corde. Quelquefois – car ilfaut varier les plaisirs – les chaouchs préfèrent le mettre à lacrapaudine. Rien de plus facile. Les fers des mains sont terminéspar un anneau. On passe dans cet anneau une corde qu’on faitglisser autour de la barre ; on tire sur la corde et onl’attache au moyen d’un ou de plusieurs nœuds au moment précis oùles poignets du patient sont collés à ses talons.

Ils sont trois, là-bas, tout au bout du ravin,qui sont aux fers depuis plusieurs jours déjà, attachés comme onn’attache pas des bêtes fauves, les membres brisés, dévorés le jourpar les mouches, la nuit transis de froid, mangés vivants par lavermine. Ils nous ont demandé, quand nous avons pris la garde, deverser un peu d’eau, par pitié, sur leurs chevilles en sang et surleurs poignets gonflés et bleuis. Le Corse les a menacés, pourtoute réponse, de leur mettre le bâillon s’ils disaient un mot deplus. Il a fallu que j’aille, tout à l’heure, à pas de loup, verserle contenu d’un bidon sur les chairs tuméfiées et meurtries de cesmisérables qu’on torture, au nom de la discipline militaire, avecdes raffinements de barbarie dignes de l’Inquisition.

 

Et maintenant, en écoutant leurs plaintesdouloureuses et le grincement des fers qu’ils font crier enessayant de se retourner, je pense à toutes sortes de chosesatroces qui m’ont été racontées, là-haut, par des hommes surlesquels s’est exercée, depuis de longues années, la férocité desbuveurs de sang. Les ateliers de Travaux Publics, les Pénitenciersmilitaires… tous ces bagnes que remplissent des tribunaux dont lessentences iniques eussent indigné Torquemada et fait rougirLaubardemont ; ces bagnes dans lesquels les condamnés doiventproduire une somme de travail déterminée par la cupidité desgarde-chiourmes, intéressés aux bénéfices ; ces bagnes danslesquels les ressentiments des chaouchs se traduisent par despunitions épouvantables : trente, soixante jours de cellule,avec une soupe tous les deux jours ; les fers aux pieds, auxmains, la crapaudine, le Camisard. Le Camisard,un supplice qui dépasse en horreur tout ce qu’on pourraitimaginer : le détenu a les pieds pris dans des pédottesscellées au mur de sa cellule ; on lui passe une camisole quilui maintient derrière le dos les bras qu’on tire verticalement etqu’on attache à un anneau scellé aussi au mur à la hauteur de latête ; à cet anneau pend un collier qui enserre le cou. Ilreste là, le patient, pendant quatre ou huit jours, au régime, auquart de pain, satisfaisant ses besoins sous lui, dormantdebout…

Et le fort Barreau, dont on lit périodiquementle régime dans les Pénitenciers, et où sont envoyés les détenuscontre lesquels ont été épuisées toutes les mesuresdisciplinaires ! Quatre-vingt-dix jours de cellule au quart depain, dans une casemate absolument nue, avec bastonnades, aspersionde cellule, au moindre mot, au moindre signe ! Un régimetellement atroce que les malheureux qui doivent le subir yrésistent à peine un mois et, épuisés, anémiés, tués à petit feu,doivent être dirigés sur un hôpital dont ils ne sortent, neuf foissur dix, que les pieds en avant…

Ah ! bon Dieu ! Et dire qu’on aaboli le servage, la torture et les oubliettes !…

J’ai pensé toute la nuit à cesmonstruosités.

 

Le lendemain matin, quand j’ai pris lafaction, à six heures, les prisonniers s’alignaient, un énorme sacau dos, pour le peloton.

Ils sont huit.

– Garde à vos ! crie Bec-de-Puce ensortant de sa tente, le revolver au côté.

Et il passe devant le rang, inspectant latenue, soulevant les sacs, pour s’assurer qu’ils ont bien le poidsréglementaire – un poids incroyable.

– Pourquoi n’avez-vous pas astiqué lesboutons de votre capote, vous ?

– Parce que j’ai peur de les user.

– Comment vous appelez-vous,déjà ?

– Hominard.

– Bien, Vous aurez huit jours de salle depolice avec le motif. Vous verrez si ça fait des petits.

– Pourvu qu’ils soient moins vilains quetoi, c’est tout ce qu’il me faut.

Le chaouch ne répond pas. Il fait mettrebaïonnette au canon et commande du maniement d’armes endécomposant :

– Portez armes !… Deux !…Trois !

Et il espace ses commandements ! Chaquemouvement dure plus de cinq minutes. C’est qu’il est fait depuislongtemps, le pied-de-banc, à ces luttes quotidiennes entre gradéset disciplinaires qui, outrés, poussés à bout, se fichant de toutexcepté du conseil de guerre, ont appris par cœur le code pénal etfont essuyer à leurs bourreaux toutes les avanies, tous lesoutrages que la loi n’a pas prévus. Ce sont eux qui ont imaginé dene jamais parler aux chaouchs qu’en les tutoyant, le tutoiementétant considéré comme un acte d’indiscipline, mais non comme uneinjure. Ils n’iront jamais, ceux-là, traiter un gradéd’imbécile ; mais ils lui diront, vingt-cinq fois par jourque, sur cent individus, lui compris, quatre-vingt-dix-neuf sontdoués d’une intelligence de beaucoup supérieure à la sienne. Ilsrépondront à ses coups de fouet par des coups d’épingle et à sesbrutalités par des vexations sanglantes. Picadores qui ontentrepris d’exciter le taureau et de le mettre en rage en lepiquant d’aiguillons, sans que jamais la pointe acérée s’enfoncedans les chairs et fasse jaillir le sang.

 

Le chaouch, les dents serrées, reçoit, sansrien dire, les quolibets et les railleries qui le font blêmir etles offenses qui le font trembler de colère. D’une voix saccadée,il continue à commander du maniement d’armes, en espaçant les tempsde plus en plus. Il a l’air d’attendre quelque chose qui ne vientpas, et il attend, en effet. Il sait que la comédie se termineparfois en drame, et qu’il suffit d’un instant d’oubli pour quel’un des malheureux qu’il esquinte laisse échapper une parole unpeu trop vive ou une exclamation irréfléchie. Il sait que, vaincupar la fatigue, à bout de forces, l’un d’eux refusera peut-être decontinuer le peloton. C’est le conseil de guerre : cinq ans,dix ans de prison dans le premier cas, deux dans le second. Alors,il se frottera les mains ; il pourra s’arracher, pendantquelque temps, au pays perdu où il exerce son ignoble métier ;comme témoin à charge, il accompagnera sa victime à Tunis, où siègele tribunal ; là, il pourra s’amuser. Et il oubliera, entreles bouteilles d’absinthe et les filles à quinze sous, lemalheureux qui gémit dans une cellule, seul avec la vision terriblede sa vie brisée.

Combien en ai-je vu, déjà, de ces gradés, lelendemain d’un rengagement, exciter et provoquer odieusement deshommes, dans le dessein, s’ils arrivaient à les faire mettre enprévention de conseil de guerre, de les suivre comme témoinsjusqu’à Tunis où ils pourront rigoler, au moins, en dépensant lemontant de leur prime !

– Pas gymnastique… marche ! crie lesergent.

Les huit hommes se mettent en mouvement et, enpassant devant lui, chacun d’eux lui lance un coup depatte :

– Tiens, ce pauvre Bec-de-Puce, il esttout pâle ! On dirait qu’il va claquer !

– C’est vrai que tu répètes ton rôle pouraller figurer à la Morgue ?

– On ne voudrait pas de lui. On neverrait plus que son nez dans l’établissement.

– Tais-toi donc. Ça et ses pieds, c’estce qu’il a de plus beau dans la figure.

– Faut pas blaguer son tassot ; ilsert de portemanteau à son camarade de lit.

– C’est égal, il ferait un fameux chiende chasse !

– Oui ! mais c’est dommage qu’on luivoie la cervelle par les narines. La pluie pourraitl’endommager.

– Faut-il tout de même qu’une femme soitmalheureuse, pour être forcée de s’éreinter pendant neuf mois àporter un oiseau pareil !

Bec-de-Puce ne sourcille pas.

– Par le flanc gauche… halte !Reposez… armes !

Lentement, il passe devant le rang, les mainsderrière le dos. Il rectifie les positions.

– La crosse en arrière… les doigtsallongés… Tubois, huit jours de salle de police… le canon détachédu corps. Hominard, joignez les talons…

À chacune de ses observations répond unmurmure dont je ne distingue guère le sens, bien que je ne soisqu’à cinq ou six pas.

– Sergent, dit Hominard sans quitter laposition, j’ai quelque chose à vous demander.

– Après le peloton.

– Sergent, c’est très pressé et ça vousregarde.

– Qu’est-ce que c’est ?

– Est-ce que c’est vrai qu’en Corse,quand on a envie de manger du dessert, on s’en va flanquer descoups de pied dans les chênes, pour faire tomber des pralines àcochons ?

– Huit jours de salle de police, avec lemotif.

– Vache !

L’exclamation m’est parvenue, très distincte,cette fois. Bec-de-Puce se tourne vers moi.

– Vous avez entendu,factionnaire ?

– Quoi donc, sergent ?

– Ce que cet homme vient de me dire.

– Oui, sergent ; il vous a demandési c’était vrai qu’en Corse…

– Mais non, pas cela. Ce qu’il vient dedire. Il m’a appelé vache.

– Je n’ai pas entendu.

– Non ?

– Non.

– Très bien.

Il griffonne quelques mots sur un bout depapier et appelle un des hommes de garde qui sort en courant dumarabout.

– Portez ça au capitaine. Vous attendrezla réponse.

 

Elle ne s’est pas fait attendre, la réponse.Elle est laconique, mais expressive : « Mettezimmédiatement aux fers cet indiscipliné. »

On m’a mis aux fers.

– Ce n’est pas la peine de faire voirvotre colère, allez ! ricane Bec-de-Puce, comme je grince desdents en sentant la tringle, vissée sans pitié, me faire craquerles os.

 

Moi, en colère ? Allons donc ! Etcontre qui ? contre toi, peut-être, vil instrument,tortionnaire inconscient ? Contre toi ? Mais je ne t’enveux même pas, entends-tu ? de tes brutalités idiotes et detes lâches sarcasmes. Et certes, si jamais l’heure de la justicevient à sonner, ce ne sera ni à toi ni à tes semblables que jecrèverai la paillasse ; mais je me ruerai comme un fauve surle système abject qui t’a jeté sur le dos, à toi, une livrée debourreau et qui m’a revêtu, moi, d’un costume de forçat ; jel’agripperai à la gorge et je ne lâcherai prise que quand jel’aurai étranglé. Et, si je ne réussis pas à étouffer le monstre,s’il me saigne avant que j’aie pu en faire un cadavre, j’aurai dumoins montré à d’autres comment il faut s’y prendre pour arriver àterrasser l’ennemi et pour le jeter, étripé et sanglant, comme unecharogne immonde, dans le cloaque de la voirie.

C’est pour cela que je ne me mets pas encolère. Je souffre… Je souffrirai encore longtemps, sansdoute ; mais, tant que j’aurai un souffle, tant que jesentirai mon cœur d’homme battre sous ma capote grise de galérien,je résisterai à l’âpre montée des passions qui usent, desemportements stériles. Elle dure trop peu, vois-tu, la colère. Jen’ai que faire, moi, des délires que le vent emporte et des fureursqu’une nuit abat.

Ce qu’il me faut, ce que je veux emporterd’ici, tout entière, terrible et me brûlant le cœur, c’est lahaine ; la haine que je veux garder au dedans de moi, sousl’impassibilité de ma carcasse. Car la haine est forte etimpitoyable ; le temps ne l’émousse pas ; elle netransige point. Elle s’accroît avec les années ; chaque jourd’abjection l’augmente ; chaque heure d’indignation laféconde, chaque larme la fait plus saine, chaque grincement dedents plus implacable.

La haine, c’est comme les balles : en lamâchant, on l’empoisonne.

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