Biribi – Discipline Militaire

Chapitre 32

 

On nous a mis en subsistance, à Tunis, à lacaserne des zouaves et – naturellement – on nous a fourrés enprison. Queslier, lui, avec les hommes en prévention, est détenu àla Kasbah.

Je m’y morfonds, dans cette prison, d’où je nepeux sortir qu’une heure et demie par jour, pour prendre l’air, etoù je me trouve en tête-à-tête avec des hommes de différents corpsqui passent leur temps à comparer les uns aux autres, partialement,les régiments auxquels ils appartiennent. Presque toujours ils sedisputent. Quelquefois ils se battent. On dirait qu’il s’agit dechoses sérieuses. Pauvres diables !

 

– L’affaire Queslier ne sera pasprobablement appelée avant une quinzaine de jours, m’a dit unzouave, qui a un copain employé au tribunal, et qui vient d’entrerà la malle.

Il n’y est resté que deux jours.Malheureusement, car il était moins bête que les autres et, dansmon égoïsme de reclus, j’aurais préféré le garder plus longtemps –pour pouvoir causer avec lui.

– Je te ferai passer des journaux,m’a-t-il dit en s’en allant. Ça te distraira.

Je l’ai remercié d’avance – tout en necomptant guère sur lui.

 

J’ai eu tort. Un des hommes de corvée qui nousapportent la soupe m’a remis ce soir, de sa part, un paquet depapiers. De vieux journaux de France, un roman-feuilleton et deuxnuméros d’un journal local, imprimé moitié en arabe, moitié enfrançais.

Voyons le dernier numéro… Tiens :« Conseil de guerre de Tunis. » Ce doit êtreintéressant.

 

« Hier, le soldat Passaré, du4e tirailleurs, ayant lancé son soulier à la tête ducommissaire pendant que celui-ci lui lisait le jugement qui lecondamnait aux travaux publics, a été, séance tenante, frappé d’unecondamnation à mort. »

 

Quels singuliers magistrats, que ces membresd’un tribunal qui s’érige en juge et en partie, dans sa proprecause ! Quelle drôle de justice, tout de même, que cettejustice qui n’a même pas la pudeur de se considérer comme au-dessusdes offenses et qui inflige la monstrueuse peine de mort à unmalheureux exaspéré !

Poursuivons.

 

« Avant-hier a eu lieu l’exécution d’unjeune soldat du 175e de ligne. Ce soldat s’était, à lasuite d’une simple punition de deux jours de consigne, jeté sur soncaporal et l’avait souffleté. Le coupable a été fusillé devant desdétachements des divers corps de troupe de la garnison. Une fouleénorme d’indigènes étaient accourus de la ville et des environspour assister au spectacle. L’exécution d’un Français par desFrançais éveillait quelque peu la curiosité. Le condamné a faitpreuve du plus grand courage et a conservé devant le peloton laplus ferme des attitudes. Au point de vue du prestige moral du nomfrançais en Afrique, nous ne saurions que nous enféliciter… »

 

Quel est le plus misérable, le plus vil, duCode qui condamne à mort un homme qui en a giflé un autre,ou du journal qui déclare n’avoir qu’à se féliciter d’unsemblable assassinat ?…

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