Chapitre 12
Quelques jours se passèrent. La situation à lafabrique ne se modifiait pas. Pierken et Fikandouss restaientabsolument à l’écart des autres ouvriers. Ils continuaient derefuser obstinément leurs gouttes et persistaient dans leurattitude distante et hostile. Ils semblaient plongés en desréflexions profondes. On eût dit que Pierken méditait l’exécutiond’un plan secret, que Fikandouss n’était pas encore tout à faitdisposé à suivre. Parfois ils tenaient de longs et mystérieuxconciliabules, où Fikandouss disait à peine quelques mots. Il avaitmauvaise mine et maigrissait à vue d’œil. Sauf le moment où ils’entretenait avec Pierken, il n’échangeait mot avec qui que ce fûtet passait des journées entières sombrement absorbé dans sespensées : « Ça y est ; il est maboul ! »disaient les autres. De toute son excitation fébrile, et souventexagérée, de jadis, il ne restait plus rien. Il ne riait plus, necriait plus, n’effarouchait plus les ouvrières, et jamais plus onn’entendait son obsédant et agaçant« Fikandouss-Fikandouss ! » Du reste, sur toute lafabrique semblait peser une lourde et accablante tristesse. Seules,les tournées de Sefietje avec sa bouteille amenaient une passagèredétente.