Cyrano de Bergerac

Scène XI

Cyrano, Christian, Roxane, lecapucin, Ragueneau.

 

LE CAPUCIN.

 

C’est ici, – je m’obstine –

Magdeleine Robin !

 

CYRANO.

 

Vous aviez dit :Ro-lin.

 

LE CAPUCIN.

 

Non : Bin. B, i, n, bin !

 

ROXANE, paraissant sur le seuilde la maison, suivie de Ragueneau qui porte une lanterne, et deChristian.

 

Qu’est-ce ?

 

LE CAPUCIN.

 

Une lettre.

 

CHRISTIAN.

 

Hein ?

 

LE CAPUCIN, à Roxane.

 

Oh ! il ne peut s’agir que d’une sainte chose !

C’est un digne seigneur qui…

 

ROXANE, à Christian.

 

C’est De Guiche !

 

CHRISTIAN.

 

Il ose ?…

 

ROXANE.

 

Oh ! mais il ne va pas m’importuner toujours !

 

(Décachetant la lettre.)

 

Je t’aime, et si…

 

(À la lueur de la lanterne de Ragueneau, elle lit, àl’écart, à voix basse.)

 

« Mademoiselle,

 

Les tambours

Battent ; mon régiment boucle sa soubreveste ;

Il part ; moi, l’on me croit déjà parti : jereste.

Je vous désobéis. Je suis dans ce couvent.

Je vais venir, et vous le mande auparavant

Par un religieux simple comme une chèvre

Qui ne peut rien comprendre à ceci. Votre lèvre

M’a trop souri tantôt : j’ai voulu la revoir.

Éloignez un chacun, et daignez recevoir

L’audacieux déjà pardonné, je l’espère,

Qui signe votre très… et cætera… »

 

(Au capucin.)

 

Mon Père,

Voici ce que me dit cette lettre. Écoutez.

 

(Tous se rapprochent, elle lit àhaute voix.)

 

« Mademoiselle,

 

Il faut souscrire aux volontés

Du cardinal, si dur que cela vous puisse être.

C’est la raison pourquoi j’ai fait choix, pour remettre

Ces lignes en vos mains charmantes, d’un très saint,

D’un très intelligent et discret capucin ;

Nous voulons qu’il vous donne, et dans votre demeure,

La bénédiction

 

(Elle tourne la page.)

 

nuptiale sur l’heure.

Christian doit en secret devenir votre époux ;

Je vous l’envoie. Il vous déplaît. Résignez-vous.

Songez bien que le ciel bénira votre zèle,

Et tenez pour tout assuré, Mademoiselle,

Le respect de celui qui fut et qui sera

Toujours votre très humble et très… et cætera. »

 

LE CAPUCIN, rayonnant.

 

Digne seigneur !… Je l’avais dit. J’étais sanscrainte !

Il ne pouvait s’agir que d’une chose sainte !

 

ROXANE, bas à Christian.

 

N’est-ce pas que je lis très bien les lettres ?

 

CHRISTIAN.

 

Hum !

 

ROXANE, haut, avecdésespoir.

 

Ah !… c’est affreux !

 

LE CAPUCIN, qui a dirigé surCyrano la clarté de sa lanterne.

 

C’est vous ?

 

CHRISTIAN.

 

C’est moi !

 

LE CAPUCIN, tournant la lumièrevers lui, et, comme si un doute lui venait, en voyant sabeauté.

 

Mais…

 

ROXANE, vivement.

 

Post-scriptum.

« Donnez pour le couvent cent vingt pistoles. »

 

LE CAPUCIN.

 

Digne,

Digne seigneur !

 

(À Roxane.)

 

Résignez-vous !

 

ROXANE, en martyre.

 

Je me résigne !

 

(Pendant que Ragueneau ouvre la porte au capucin queChristian invite à entrer, elle dit bas à Cyrano.)

 

Vous, retenez ici De Guiche ! Il va venir !

Qu’il n’entre pas tant que…

 

CYRANO.

 

Compris !

 

(Au capucin.)

 

Pour les bénir

Il vous faut ?…

 

LE CAPUCIN.

 

Un quart d’heure.

 

CYRANO, les poussant tous vers lamaison.

 

Allez ! moi, jedemeure !

 

ROXANE, à Christian.

 

Viens !…

 

(Ils entrent.)

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