Scène V
Christian, Roxane, quelquesprécieux et précieuses, et la duègne, un instant.
ROXANE, sortant de la maison deClomire avec une compagnie qu’elle quitte : révérences etsaluts.
Barthénoïde ! –Alcandre ! –
Grémione !…
LA DUÈGNE, désespérée.
On a manqué le discours sur leTendre !
(Elle rentre chezRoxane.)
ROXANE, saluant encore.
Urimédonte !… Adieu !…
(Tous saluent Roxane, se resaluent entre eux, se séparent ets’éloignent par différentes rues. Roxane voit Christian.)
C’est vous !…
(Elle va à lui.)
Le soir descend.
Attendez. Ils sont loin. L’air est doux. Nul passant.
Asseyons-nous. Parlez. J’écoute.
CHRISTIAN, s’assied près d’elle,sur le banc. Un silence.
Je vous aime.
ROXANE, fermant lesyeux.
Oui, parlez-moi d’amour.
CHRISTIAN.
Je t’aime.
ROXANE.
C’est le thème.
Brodez, brodez.
CHRISTIAN.
Je vous…
ROXANE.
Brodez !
CHRISTIAN.
Je t’aime tant.
ROXANE.
Sans doute. Et puis ?
CHRISTIAN.
Et puis… je serais si content
Si vous m’aimiez ! – Dis-moi, Roxane, que tum’aimes !
ROXANE, avec une moue.
Vous m’offrez du brouet quand j’espérais des crèmes !
Dites un peu comment vous m’aimez ?…
CHRISTIAN.
Mais… beaucoup.
ROXANE.
Oh !… Délabyrinthez vos sentiments !
CHRISTIAN, qui s’est rapproché etdévore des yeux la nuque blonde.
Ton cou !
Je voudrais l’embrasser !…
ROXANE.
Christian !
CHRISTIAN.
Je t’aime !
ROXANE, voulant selever.
Encore !
CHRISTIAN, vivement, laretenant.
Non ! je ne t’aime pas !
ROXANE, se rasseyant.
C’est heureux !
CHRISTIAN.
Je t’adore !
ROXANE, se levant ets’éloignant.
Oh !
CHRISTIAN.
Oui… je deviens sot !
ROXANE, sèchement.
Et cela me déplaît !
Comme il me déplairait que vous devinssiez laid.
CHRISTIAN.
Mais…
ROXANE.
Allez rassembler votre éloquence enfuite !
CHRISTIAN.
Je…
ROXANE.
Vous m’aimez, je sais. Adieu.
(Elle va vers la maison.)
CHRISTIAN.
Pas tout de suite !
Je vous dirai…
ROXANE, poussant la porte pourrentrer.
Que vous m’adorez… oui, je sais.
Non ! Non ! Allez-vous-en !
CHRISTIAN.
Mais je…
(Elle lui ferme la porte aunez.)
CYRANO, qui depuis un moment estrentré sans être vu.
C’est un succès.