Belphégor

Chapitre 5OÙ L’ON VOIT LE BOSSU ET L’HOMME À LA SALOPETTE TRAVAILLER UNE FOISDE PLUS POUR BELPHÉGOR

Vers minuit, l’homme à la salopette descendaitde moto devant la masure où nous avons vu s’enfermer l’homme deconfiance du baron Papillon. Il s’en fut tout droit tirer le nœudd’une corde qui pendait à travers une étroite ouverture pratiquéeau milieu de la porte.

Le tintement d’une sonnette fêlée retentit àl’intérieur de la bicoque…

Puis, ce fut presque aussitôt un bruit deferraille retentissant, et l’huis s’entrebâilla… laissantapparaître la tête de Lüchner, qui d’un simple signe, invita soncomplice à entrer.

L’homme à la salopette, tout en tenant à lamain sa moto, franchit le seuil, appuya sa machine contre lamuraille ; et tandis que le bossu replaçait la chaîne etpoussait les verrous, il regarda autour de lui. Il se trouvait dansune sorte d’atelier de mécanicien, uniquement éclairé par unepuissante lampe électrique dont un abat-jour concentrait la lumièresur un établi qui supportait un compteur à gaz… et tout un attirailcomplet de pinces, de tenailles, d’écrous et de clefsanglaises.

Tout de suite, l’homme à la salopettereprenait :

– Il vient de se passer de gravesévénements !

– Quoi donc ?

– Jacques Bellegarde est vivant.

– C’est impossible !

– J’en suis sûr.

– Allons donc ! Je l’ai vu couler àpic dans l’Oise… et vous avez constaté aussi bien que moi qu’aubout de cinq minutes, il n’avait pas reparu à la surface.

– J’ignore comment il a pu se tirerd’affaire… Mais aussi vrai que j’existe – et je n’ai pas eu laberlue – je l’ai vu, il y a deux heures, pénétrer dans l’hôtel deSimone Desroches.

« Je n’ai fait ni une ni deux ; j’aivite couru chez un marchand de vins du voisinage et j’ai téléphonéà la police, près de laquelle je me suis fait passer pour un agentde service dans le quartier, que le gibier qu’elle recherchait setrouvait chez son ancienne amie.

« Une demi-heure après, l’inspecteurMénardier arrivait, en auto, avec quatre « bourres »,mais il était trop tard, Bellegarde les avait déjà« mis ».

Le bossu mâchonna un juron de colère. Puis ilfit rageusement :

– Il faut absolument retrouver satrace.

– C’est fait, répliquait l’homme à lasalopette d’un air triomphant.

« Après avoir téléphoné à la police, jeme suis empressé de regagner les abords de l’hôtel, et je me suismis en observation. J’avais peur que Bellegarde ne quittât lamaison avant l’arrivée de la rousse… Mais ces messieurs de lapréfecture ont vite fait… Moins de vingt minutes après mon coup detéléphone… ils rappliquaient en auto… J’ai attendu un bon moment…Pour moi, il n’y avait pas d’erreur, Ménardier et ses hommesavaient trouvé l’oiseau au nid… Sans doute étaient-ils en train dele cuisiner et, comme j’avais hâte de vous rejoindre, je m’en fuschercher ma moto, que j’avais cachée sous un tas de broussailles,dans le chemin des Lilas.

« Mais au moment où je débouchais danscette ruelle, qu’est-ce que je vois ? Bellegarde qui sautaitdans une auto arrêtée juste devant la petite porte du jardin… et jereconnais notre ami Chantecoq qui, de la main, faisait signe auchauffeur de filer.

La voiture a démarré aussitôt et Chantecoq estrentré dans le jardin. Je suis resté là un moment, caché dansl’ombre, puis j’ai enfourché ma machine, et au lieu de chercher àrejoindre l’auto, j’ai filé droit avenue des Ternes.

« Après avoir rangé ma moto le long dutrottoir, j’ai guetté l’arrivée du véhicule, que j’avais dûcertainement devancer… car j’avais marché à un train d’enfer. Je nem’étais pas trompé dans mes prévisions. Cinq minutes après, uneauto franchissait la porte qui donne accès à l’allée de Verzy. Lafille de Chantecoq était au volant. Près d’elle, se trouvaitGautrais, le gardien du Louvre que Chantecoq a pris à son service,et j’ai eu le temps de repérer Bellegarde qui, dans l’intérieur dela voiture, semblait ne pas en mener bien large. Alors, je suisvenu vous prévenir tout de suite.

– Parfait ! approuvait le bossu.

– Dois-je avertir de nouveau la policeque Bellegarde se trouve chez Chantecoq ?

– Non, répliquait Lüchner.

Et, avec un accent sinistre, ilmartela :

– Nous avons mieux à faire.

Puis, d’un air mystérieux et menaçant, ilajouta :

– Demain soir, ils sauteront tousensemble. Venez voir la petite surprise que je suis en train deleur ménager.

Et, se dirigeant vers l’établi, il s’emparad’une boîte métallique en forme de cube et qui portait à chaqueangle de sa face supérieure quatre petites têtes de vis autourdesquelles s’enroulaient des fils métalliques de quinze centimètresenviron de longueur et reliés ensemble à leur sommet.

– Ceci, expliquait Lüchner, est une bombede mon invention. Elle contient une charge d’explosifs capable defaire sauter une maison de six étages.

Avec précaution, il prit la bombe etl’introduisit à l’intérieur du compteur à gaz ; puis ils’empara d’une petite pendulette en forme de réveil qu’il plaçaprès de la bombe, et il rejoignit l’extrémité du fil métallique àune autre vis placée sur le cadran du réveil… juste à l’endroitd’une aiguille fixée sur la dixième heure.

L’homme à la salopette le regardait manipulercet engin de destruction et de mort.

– Grâce à ce mécanisme d’horloge,déclarait Lüchner, la bombe éclatera au moment que j’ai fixé.

Son complice observait :

– Encore faudra-t-il que Chantecoq soitchez lui !

Tout en poursuivant sa besogne, le secrétairedu baron Papillon affirma :

– Il y sera !

Et, après avoir refermé le compteur, ils’écria :

– Demain soir, à dix heures,poum !

– Monsieur Lüchner, s’écriait l’homme àla salopette, vous êtes l’as des as !

Le lendemain, vers quatre heures del’après-midi, Chantecoq, suivi de Jacques Bellegarde, de nouveautransformé en Cantarelli, sonnait à la porte de l’hôtel desPapillon… Le concierge s’en vint leur ouvrir assez rapidement… Maisreconnaissant les deux personnages qui s’étaient déjà présentés laveille, il prit aussitôt une mine renfrognée qui exprimaitclairement :

« Encore vous ! »

Chantecoq, nullement impressionné par ce peufavorable accueil, fit avec une courtoisie parfaite :

– Monsieur le baron Papillon ?

Le portier répliquait :

– M. le baron et Mme labaronne sont sortis.

– Cependant ! reprenait ledétective.

Et prenant dans son portefeuille un pneu qu’ilavait reçu dans la matinée, il le tendit au concierge tout endisant :

– Veuillez prendre connaissance dececi.

Le cerbère s’empara du message et lut ce quisuit :

M. le baron Papillon fait savoir à M.Chantecoq qu’il le recevra aujourd’hui, jeudi, vers quatreheures.

Ces lignes étaient suivies d’une signatureabsolument illisible.

Le portier reprenait, d’un airperplexe :

– C’est bien, en effet, l’écriture de M.le secrétaire. Sans doute M. le baron aura-t-il oublié qu’il vousavait donné rendez-vous… car je vous assure qu’il n’est pas là… pasplus que Mme la baronne.

« Il y a une heure qu’ils sont partis enauto… Je ne sais même pas s’ils rentreront dîner.

– C’est incompréhensible, murmurait ledétective.

– Que voulez-vous que j’y fasse ?grommelait le concierge.

Chantecoq voulut insister.

Mais le portier lui coupa la parole, enproférant d’un air courroucé :

– Puisque je vous dis que M. le baronn’est pas là !

Et il referma la porte au nez desvisiteurs.

– C’est bizarre, dit le grand détectiveau reporter.

– En effet… ponctuait le fauxCantarelli.

Mais le grand limier reprenaitaussitôt :

– Ne nous frappons pas ! Je vousgarantis que, dès demain, je verrai le baron Papillon ; et ilfaudra bien qu’il me dise d’où vient le grimoire.

À la même heure, une voiture à bras traînéepar l’homme à la salopette et poussée par le bossu, camouflé envieil ouvrier plombier, s’arrêtait devant la villa deChantecoq.

L’homme à la salopette s’arrêtait à la porte…Aussitôt, des aboiements de chiens s’élevaient, et Gautrais, fidèleet vigilant gardien, s’avançait et demandait aux arrivants, àtravers la grille de clôture :

– Qu’est-ce que vous voulez, vousautres ?

Lüchner répliquait :

– Nous venons changer le compteur àgaz.

Et, à travers les barreaux, il tendit àGautrais un papier que le brave garçon lut avec la plus grandeattention.

Pandore et Vidocq, dans l’expectative,fixaient leurs yeux ardents sur Gautrais, attendant des ordres.Celui-ci, au bout d’un instant, rendit au bossu le papier quireproduisait d’une façon rigoureusement exacte la formuleordinairement usitée en pareil cas.

Puis, il ajouta, en ouvrant lui-même laporte :

– C’est bon ! vous pouvezentrer.

L’homme à la salopette retourna vers lavoiture à bras, chargea le compteur sur son épaule et pénétra dansle jardin, suivi par le bossu, qui portait son sac à outils enbandoulière.

Après avoir imposé silence à ses chiens quicommençaient à grogner d’une façon peu rassurante, Gautrais sedirigea vers la fenêtre du jardin qui était ouverte et à traverslaquelle on apercevait la silhouette opulente de Marie-Jeanne entrain de préparer son dîner.

– Marie-Jeanne ! Marie-Jeanne !appelait Gautrais.

– Qu’est-ce qu’il y a ? répliqua lecordon-bleu, sans quitter son fourneau.

– Viens un peu.

– Et mon bœuf-mode ?

– Viens, te dis-je…

Marie-Jeanne, tout en bougonnant, rejoignitson mari. Celui-ci, tout en lui désignant l’homme à la salopette etle bossu, lui ordonna :

– Ces hommes viennent pour changer lecompteur. Conduis-les à la cave.

– Et mon bœuf ?

– Tu sais bien que je ne dois pas bougerd’ici.

Marie-Jeanne objectait :

– Il y a une panne d’électricité.

– Eh bien ! répliquait Gautrais…prends une lanterne.

– Ils ne pouvaient pas venir plustôt ? fit Marie-Jeanne en rentrant dans la maison.

Un instant après, Marie-Jeanne reparaissaitsur le seuil, son falot à la main :

– Venez ! fit-elle d’un tonautoritaire… Et puis dépêchons !… Je n’ai pas envie de laisserbrûler mon bœuf-mode… Un bon morceau de viande que le boucher a,tout exprès, découpé pour moi.

Tous trois descendirent à la cave.

Marie-Jeanne conduisit les deux hommesjusqu’au compteur… et, pressée de retourner à son fourneau, ellefit :

– Je vous laisse ; je vais m’occuperde mon dîner.

Et, passant la lanterne au bossu, elles’empressa de regagner l’escalier.

L’homme à la salopette déposa le compteur àterre. Le bossu, tout en s’éclairant avec le falot, examina l’objetqu’il devait remplacer. Puis, rejoignant son compagnon, il luidit :

– Au travail !

L’homme à la salopette remarquait :

– Avec tout ça, la villa va être privéede gaz.

– Ah çà ! fit Lüchner en haussantles épaules, vous me prenez donc pour un enfant !… Je vaisbrancher la canalisation directement sur la conduite… Tant pis pourla compagnie du gaz si elle y perd quelques mètres… Elle coûteassez cher à ses abonnés.

Et, prenant dans son sac à outils une clefanglaise, il commença à déboulonner le compteur.

Tandis que les complices de Belphégor selivraient à cette sinistre besogne, Chantecoq et Cantarellirentraient dans la villa.

Chantecoq, en traversant le jardin, lançait àGautrais :

– Rien de nouveau ?

– Non, monsieur. C’est-à-dire que si.

– Quoi donc ?

– Il y a des employés du gaz qui sontvenus changer le compteur… Comme ils avaient leurs papiers enrègle, je les ai laissés descendre à la cave avec Marie-Jeanne.

– Tu as bien fait !

Le détective et le journaliste rentrèrent dansla maison et se rendirent directement dans le studio où Coletteétait en train de feuilleter l’histoire du Louvre. À leur vue, ellese leva et s’en fut vers eux.

– Rien de nouveau ? demanda-t-elleavec une expression de vif intérêt.

Chantecoq répondit :

– Non… le baron Papillon n’était pas chezlui.

Et, tout de suite, il se dirigea vers sonbureau, au milieu duquel une enveloppe à son adresse, mais sanstimbre, avait été déposée. Il la décacheta aussitôt… C’était unecarte du baron Papillon qui le prévenait qu’obligé de s’absentertout l’après-midi, pour une affaire imprévue, il prévenait M.Chantecoq qu’il passerait chez lui le même soir, vers dixheures.

Chantecoq, le front soucieux, demanda à safille :

– Il y a longtemps qu’on a apporté cettelettre ?

– Une demi-heure environ.

Silencieusement, le détective passa la carte àBellegarde, qui la lut à son tour.

– De plus en plus bizarre, n’est-cepas ?… lançait le grand limier.

– En effet !

Chantecoq réfléchit un instant, puis il gagnala fenêtre, et, l’ouvrant, il appela :

– Pierre !

À ce moment, l’homme à la salopette quiportait sur son dos le compteur qu’il venait de remplacer, et lebossu, son sac en bandoulière, traversaient le jardin et sedirigeaient vers la sortie.

– Pierre !… répéta Chantecoq d’unevoix vibrante, car le gardien, occupé à ouvrir la porte aux deuxfaux « gaziers », n’avait pas entendu le premier appel dudétective.

Abandonnant les deux personnages, quis’empressèrent de gagner la rue et de déguerpir avec leur voiture àbras, Gautrais accourut vers son patron, qui lui fit signe de lerejoindre dans le studio.

Dès qu’il apparut, le détective, l’œilbrillant, les narines dilatées, lui renouvela la question qu’ilavait déjà posée à sa fille :

– Qui a apporté cette lettre ?

– Je ne sais pas, monsieur… répliquaitGautrais… Je l’ai trouvée sous la porte.

– Vous étiez cependant dans lejardin ?

– Oui, monsieur.

– Avec les chiens ?

– Avec les chiens.

– Et comment se fait-il que vous n’ayezrien vu et qu’ils n’aient pas aboyé ?

– Pour ce qui est de moi, monsieur, commeje faisais les cent pas, afin de me dégourdir les jambes, il estpossible, il est même certain que le type qui a apporté cela auraglissé cette lettre pendant que j’avais le dos tourné.

« Quant aux chiens, ils ont fait leurmétier… Ils ont hurlé ; c’est ce qui m’a fait me retourner, etc’est alors que j’ai vu l’enveloppe… Les chiens étaient déjà à laporte… debout contre la grille… J’ai regardé au dehors, il n’yavait personne… Alors j’ai pris la lettre et je l’ai remise àMarie-Jeanne, qui a dû la déposer sur le bureau de Monsieur.

– Bien… fit Chantecoq, en appuyant sur lebouton d’une sonnerie électrique.

Colette allait l’interroger. Mais, d’un gestebref, son père lui imposa silence.

Marie-Jeanne venait d’apparaître.

Tout de suite, le détective luidemandait :

– C’est vous qui avez accompagné à lacave les hommes qui venaient changer le compteur ?

– Oui, monsieur.

– Vous êtes restée avec eux ?

– Rien qu’un petit moment… Je suisremontée à cause de mon bœuf-mode qui était sur le feu.

Chantecoq fronça les sourcils.

La bonne Mme Gautraisreprenait :

– J’ai cru que je pouvais le faire sansinconvénient… les employés du gaz sont des gens très bien…

Le détective répliquait, d’un airgrave :

– Oui, quand ce sont les employés dugaz.

Marie-Jeanne, pressentant qu’elle avait faitune lourde gaffe et peut-être pire encore, baissa le nez.

– Allons voir cela ! décidait ledétective d’un air résolu.

Et il ajouta :

– Vous, Pierre, reprenez votre faction,et vous, Marie-Jeanne, accompagnez-moi ; car j’aurai sansdoute des questions à vous poser, et il faut que vous soyez là pourme répondre.

– L’électricité est revenue, déclarait lacommère, navrée à l’idée d’être de nouveau arrachée à sesfourneaux.

– Cela ne fait rien !… posaitChantecoq, sur un ton qui n’admettait pas de réplique.

– Et mon bœuf ?

– Il cuira sans vous.

– Mais il cuira trop !

– Eh bien ! nous mangeronsmoins.

Quelques secondes après, Chantecoq, sa fille,le reporter et la cuisinière pénétraient dans la cave. Le détectivetourna un commutateur… Une clarté se répandit, très suffisante pourpermettre au limier de procéder à ses investigations.

Celui-ci se dirigea tout droit vers lecompteur… contre lequel il appuya son oreille.

Et, dans un profond silence, il écouta.

Le très léger tic-tac du réveil parvint à sonoreille… Il écouta encore, puis, se tournant vers Jacques, Coletteet Marie-Jeanne, il scanda froidement :

– Il y a une bombe, là-dedans.

– Une bombe ! répéta Marie-Jeanne,effrayée.

Et elle se laissa tomber sur une caisse àsavons, qui s’effondra sous son poids.

Tandis que le reporter l’aidait à se relever,Chantecoq, avec ce merveilleux sang-froid qui ne l’abandonnaitjamais, même au cours des situations les plus périlleuses, dit à safille :

– Va vite me chercher la boîte B, qui setrouve dans mon laboratoire, dans le tiroir de l’armoire numéro3.

La jeune fille obéit aussitôt.

– Mon Dieu ! Mon Dieu ! selamentait Marie-Jeanne… Pourvu que nous ne sautions pas, pendant cetemps-là !

– Ne dites donc pas de bêtises, proféraitChantecoq… Cette bombe, j’en suis sûr, a été réglée de telle sortequ’elle ne doit éclater qu’à une heure où celui qui l’a fabriquéeest bien sûr que je serai chez moi… c’est-à-dire pendant lanuit.

– C’est la logique et l’évidence mêmes,affirmait Bellegarde.

Marie-Jeanne reprenait :

– Monsieur Chantecoq, pardonnez-nous, àmon mari et à moi ; je vous assure que Pierre fait pourtantbien attention et moi aussi… On fait tout ce qu’on peut, je vous lejure.

« Mais qu’est-ce que vous voulez,poursuivait le cordon-bleu, on ne peut pas penser à tout… Cesbonshommes-là étaient si naturels… Je suis certaine que vous-mêmes,qui êtes le plus malin de tous les malins, vous les auriez pris,comme mon mari et moi, pour des ouvriers du gaz.

– Vous dites qu’ils étaient deux ?interrogeait le détective.

– Oui, monsieur. Un noiraud en salopettebleue… avec une petite moustache et…

– Tiens !… tiens !… fitJacques.

Marie-Jeanne continuait :

– Et un bossu.

– Un bossu ? répéta lejournaliste.

– Qui portait son sac à outils sur sondos…

Chantecoq n’écoutait plus la commère. D’unregard, il interrogeait Bellegarde qui lui répondaitaussitôt :

– Il n’y a pas l’ombre d’un doute. Cesdeux hommes qui ont apporté ici ce compteur sont bien ceux qui ontvoulu m’assassiner.

Colette reparaissait avec la boîte que sonpère l’avait envoyée chercher.

Elle contenait plusieurs outils… à l’aidedesquels, rapidement, le détective démonta le compteur, tout enayant soin de laisser la canalisation branchée sur le tuyaud’arrivée.

– Je m’arrangerai avec la compagnie,fit-il… Car il ne faut pas que cette bonne Marie-Jeanne manque degaz.

Après avoir placé le compteur sur son épaule,il quitta la cave, suivi par Colette, Jacques et Marie-Jeanne, quiavait eu soin de reprendre la boîte à outils.

Il gagna aussitôt son laboratoire… déposa lecompteur sur une table et, avec une dextérité remarquable, ildévissa les écrous qui maintenaient la paroi intérieure.

– Vous voyez que j’avais raison, fit-ilen désignant à sa fille et au journaliste l’intérieur du compteuroù Lüchner, avait déposé la bombe et la pendulette.

Et, tout en désignant l’aiguille d’arrêt, ilajouta :

– Je ne me suis pas trompé… Belphégoravait bien décidé de nous faire sauter à vingt-deuxheures !

Colette, en un geste instinctif, saisit lamain de Jacques.

Son père reprenait, en souriant :

– Très ingénieux ce petit appareil.

Et, avec un calme étonnant, en même tempsqu’une adresse merveilleuse, il commença à enlever, à l’aide d’unepince, les fils qui reliaient la pendulette à la bombe.

Tandis qu’il achevait son délicat travail,Colette reprenait :

– Nous l’avons échappé belle !

Jacques s’écriait :

– Tout est bien qui finit bien, et nousn’avons plus qu’à attendre la visite du baron Papillon.

– Oh ! le baron Papillon… lançaChantecoq, j’ai l’idée que nous ne le verrons pas ce soir.

– Pourquoi ? firent simultanémentles deux jeunes gens.

Chantecoq ne répondit pas à leur question… Etcomme s’il poursuivait uniquement sa pensée, il martela :

– Mais demain, il faudra bien qu’il melivre son secret !

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