Belphégor

Chapitre 4LE TRÉSOR DES VALOIS

Ainsi que nous venons de le constater, siChantecoq avait déjà réussi à mettre debout contre Belphégor unplan de campagne qui, sans lui offrir encore de sérieuses garantiesde succès, avait au moins l’avantage d’être inspiré par la logiquemême et basé sur des événements dont il avait pu contrôler lui-mêmel’authenticité, l’inspecteur Ménardier, malgré toute l’activitéqu’il avait déployée, se débattait toujours dans les ténèbres duplus obscur mystère.

Les fouilles qu’il avait fait opérer àl’intérieur de notre grand musée, pas plus que les explorations etrecherches auxquelles il avait procédé lui-même n’avaient donnéaucun résultat.

Aucune des empreintes, que le serviceanthropométrique avait photographiées, ne correspondait aux fichesde malfaiteurs dont on tient, à la préfecture, un répertoire siexact et si complet… Et pas un des limiers chargés d’enquêter surles individus suspects, étrangers ou non, n’avait découvert lemoindre indice qui pût permettre de les accuser vraisemblablementd’être le Fantôme du Louvre.

À la direction de la police, chefs etsubalternes montraient des visages plutôt renfrognés.

En effet, l’opinion publique commençait às’énerver : plusieurs journaux avaient déjà publié quelquesentrefilets aigres-doux à l’adresse de ceux qui sont chargés deveiller sur la sécurité de leurs concitoyens. Et M. Ferval avaitconvoqué Ménardier, non pas pour le gourmander, mais pourrechercher avec lui le moyen d’en finir.

– Monsieur le directeur, déclaraitnettement l’inspecteur, plus je me creuse la cervelle, plus je medis que pour être revenu deux nuits de suite dans la salle desDieux barbares et pour n’avoir pas hésité à assommer d’uncoup de casse-tête l’infortuné Sabarat, il faut que le Fantôme soitguidé par d’importants et d’impérieux motifs, que le désir des’emparer d’un objet de valeur est insuffisant à expliquer.

– Alors ? ponctuait M. Ferval.

– J’ai d’abord cru que notre mystérieuxbandit avait eu l’intention de faire sauter le Louvre… Mais je nem’y suis guère arrêté… Car je ne vois pas très bien à qui un pareilattentat profiterait.

– En effet, à moins d’être fou.

– Et notre mystérieux gredin ne l’estpas… J’en répondrais sur ma tête… Car, pour agir ainsi qu’il l’afait, pour entrer et sortir du Louvre sans qu’on puisse se doutercomment, il ne suffit pas d’avoir toute sa raison, il faut encoreêtre doué d’un génie que je qualifierai d’infernal.

– D’accord.

– Et j’en suis arrivé à me persuaderqu’il y a là-dessous une affaire politique. Lorsque j’ai étéchargé, à plusieurs reprises, de filer des Orientaux suspects, j’aipu me rendre compte qu’il existait, dans ce pays, un grand nombrede sociétés secrètes extrêmement puissantes et qui ont desramifications un peu partout.

– Nous savons cela.

– Voilà pourquoi, déclarait l’inspecteur,j’en suis arrivé à me demander si la statue de Belphégor n’auraitpas jadis servi de cachette à l’une de ces nombreuses sectes quiserait en ce moment désireuse de récupérer les papiers qu’on yavait déposés.

– Mon cher Ménardier, c’est un sujet deroman pour Pierre Benoît, que vous me racontez là… C’est évidemmenttrès captivant, et nul doute que ce grand romancier populaire n’entirerait un très amusant récit. Mais un limier tel que vous doit seméfier de son imagination… vous auriez tort de vous engager sur unepiste qui ne peut que vous procurer une amère déconvenue. De toutce que vous m’avez dit, je ne retiens qu’une chose, car elle estcapitale, c’est que, pour être revenu deux nuits de suite auLouvre, le Fantôme doit avoir un motif aussi grave qu’impérieux.J’ajouterai qu’il n’y a pas de raison pour qu’il ne revienne pasencore dans la salle des Dieux barbares…

– Monsieur le directeur, j’allais vous ledire, et j’ai l’intention d’établir, dès ce soir, une souricièredans cette salle où il s’est déjà passé de si terribles choses.Seulement, voilà, maintenant qu’il nous sent à ses trousses, leFantôme osera-t-il reparaître ?

– Oui, si nous lui donnons le change,affirmait le haut fonctionnaire.

– Peut-être, en effet…

– Attendez un instant…

Et M. Ferval se mit à griffonner les lignessuivantes, qu’il lut ensuite à Ménardier :

Nous apprenons que l’inspecteur Ménardier,chargé d’enquêter sur l’affaire du Louvre, serait sur la piste ducoupable. Celui-ci, dans l’impossibilité de passer la frontière, seserait réfugié dans un petit village du Nord, où il serait dès àprésent traqué par la brigade mobile.

Ajoutons que l’inspecteur Ménardier estparti ce matin en mission confidentielle pour une destinationinconnue.

Nous ne dirons rien de plus, afin de nepas entraver l’action de la police, mais attendons-nous à desrévélations aussi prochaines qu’inattendues.

Sa lecture terminée, M. Fervalreprit :

– Je vais adresser immédiatement cettenote à la presse, afin qu’elle paraisse dans la troisième éditiondes journaux de ce soir. Elle ne manquera pas de tomber sous lesyeux de notre gredin. Vous allez donc rester ici bien tranquille,dans mon arrière-bureau, où l’on vous apportera à dîner. Versvingt-deux heures, avec deux agents que vous choisirez vous-même,vous vous rendrez au Louvre. Vous vous cacherez avec eux dans lasalle en question et si, comme je l’espère, dupé par notrecommuniqué, le Fantôme y revient, cette fois, il ne vous échapperapas.

– Et moi, monsieur le directeur, j’ensuis sûr ! affirmait l’inspecteur avec force.

Fidèle aux directives que lui avait donnéesson supérieur, Ménardier, le même soir, d’accord avecl’administration du musée, s’introduisait subrepticement au Louvreavec ses deux meilleurs agents.

Ceux-ci, après avoir reçu ses instructions, sedissimulèrent derrière deux grandes statues qui décoraient la salledes Dieux barbares. Ménardier se blottit dans une énormevasque où il disparut tout entier, tandis qu’à travers les largesfenêtres garnies de barreaux qui donnaient sur la cour du Louvre,les rayons de la lune se glissaient, nimbant de leur argent clairla tête du dieu Belphégor, gisant toujours au pied de son socle,sur les dalles en mosaïque encore marquées par le sang du gardienSabarat.

À la même heure, une scène étrange sedéroulait à l’intérieur de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois quidresse, en face de la célèbre colonnade de Perrault, son admirablefaçade, dont le portail, si délicatement ouvragé, date, paraît-il,de Philippe le Bel.

Au milieu du sanctuaire, désert et silencieux,brillait, devant le maître-autel, muette et perpétuelle prière, lapetite lampe aux reflets rouges qui ne doit s’éteindre jamais. Toutà coup, la porte d’un confessionnal, qui s’appuyait contre le murde l’un des bas-côtés, s’ouvrait lentement. Une ombre en sortait,puis une autre… C’étaient le bossu mystérieux et l’homme à lasalopette.

Celui-ci portait à la main une valise assezvolumineuse… Tous deux se glissèrent, à pas de loup, derrière lemaître-autel. Un instant, ils demeurèrent immobiles, l’oreille auxaguets. Mais aucun bruit ne s’élevait dans la nef, dont lescolonnades et les ogives se perdaient dans la nuit… Le bossu pritdans sa poche une lampe électrique, dont il fit fonctionner lecontact… et projeta la lumière vers le sol. Il s’agenouilla etpromena sa main sur une dalle, au centre de laquelle on pouvaitencore apercevoir les vestiges très vagues d’une fleur de lis qui,plusieurs siècles auparavant, avait été sculptée en pleingranit.

Peu à peu, la dalle se déplaça, comme si ellebasculait sur un axe invisible, et démasqua une excavation oùs’amorçait un étroit escalier de pierre.

Le bossu s’y engouffra le premier… suivi parson compagnon, dont il éclairait la marche avec sa lampe… Dèsqu’ils eurent disparu, la dalle reprit sa place.

Après avoir descendu une quarantaine demarches, les deux hommes atteignirent un couloir dont les voûtes etles parois, en maçonnerie puissante, ne semblaient pas avoir reçudes ans le moindre outrage.

Sur le sol, légèrement détrempé par uneinfiltration qui provenait du voisinage assez rapproché de laSeine, ils s’avancèrent à pas comptés, faisant fuir devant euxd’énormes rats et sautiller de non moins gros crapauds qui avaientélu domicile dans ce souterrain, désormais ignoré des humains.

Ils parcoururent ainsi une centaine de mètreset s’arrêtèrent devant une petite porte en chêne massif garnie degrosses ferrures rouillées en forme de trèfle… Le bossu heurta detrois coups espacés. La porte s’entrebâilla, livrant passage auxdeux complices, qui pénétrèrent dans une sorte de crypte en formede rotonde. Le reflet rougeâtre d’une lanterne accrochée au murenveloppait sinistrement une forme humaine assise sur un banc.C’était le Fantôme du Louvre.

Le corps drapé dans un linceul noir et la têtedissimulée dans son capuchon, il semblait attendre le bossu etl’homme à la salopette qui s’approchèrent de lui en une attitudenon de frayeur, mais de respect.

L’homme à la salopette déposa la valise à sespieds. Le bossu, tout en continuant à s’éclairer avec sa lampeélectrique, en retira un tube de la dimension et de la forme de cesbouteilles d’air qui servent à regonfler les pneusd’automobiles…

Puis, il se mit à donner quelquesexplications, à voix basse, au Fantôme qui l’écoutait attentivementet l’approuvait de quelques brefs hochements de tête.

Alors, après avoir replacé le tube dans lavalise, le bossu se releva et fit :

– Cette fois, Belphégor, la victoire està nous !

Le Fantôme se penchant vers la valise,s’empara du tube à air que le bossu y avait déposé et le glissasous son linceul. Puis, il se dirigea vers la porte, qu’il ouvrittoute grande…

Précédé par le bossu, qui avait rallumé salampe électrique, et suivi par l’homme à la salopette, il s’engageadans le souterrain qui se dirigeait vers le Louvre.

Belphégor et ses deux complices, après avoirmarché environ pendant cent cinquante mètres, arrivèrent devant unescalier exactement semblable à celui dont l’ouverture secrètedonnait derrière le maître-autel de Saint-Germain-l’Auxerrois.

Ils le gravirent sans bruit et se trouvèrentbientôt en face d’un mur qui ne présentait aucune fissure.

Le Fantôme appuya le doigt sur le centre d’unepetite pierre qui, en légère aspérité, ressortait sur la paroi. Lamuraille s’entrouvrit sans le moindre bruit, sans le plus petitgrincement, laissant apparaître une ouverture par laquelles’engouffrèrent successivement Belphégor, l’homme à la salopette etle bossu qui se trouvèrent de plain-pied sur le palier où sedressait la Victoire de Samothrace, à l’endroit même oùChantecoq et Bellegarde avaient vu précédemment disparaître leFantôme.

Les trois personnages, sans s’y attarder,descendirent les degrés, et atteignirent le palier du bas.Belphégor fit signe au bossu d’éteindre sa lampe et, seul, ils’engagea dans une galerie obscure. Presque en rampant, avec unesouplesse féline, sans hésiter, sans tâtonner, en homme qui connaîtadmirablement les lieux et qui a soigneusement, méticuleusementrepéré d’avance tous les obstacles qu’il pourrait rencontrer surson chemin, il atteignit l’entrée de la salle des Dieuxbarbares… et, s’arrêtant, il déposa à terre l’instrument qu’iltenait caché sous son suaire.

Il s’agenouilla et commença à dévisser unepetite manette fixée à l’entrée du tube, d’où s’échappa aussitôtune vapeur légère, presque impalpable, dont il dirigea le jet versla salle où Ménardier et ses deux hommes se tenaient aux aguets.Puis, se relevant, il attendit, immobile, invisible dans lanuit.

Du fond de la vasque où il était tapi,Ménardier, qui avait l’ouïe excessivement fine, entendit sans douteun bruit insolite, car, tout doucement, il se leva et regardaautour de lui. Il lui sembla que l’un des inspecteurs qui sedissimulait derrière une statue chancelait comme s’il était prisd’un subit étourdissement. En proie lui-même à un malaiseindéfinissable, Ménardier sortit de la vasque. Au même instant, sonagent, comme assommé, s’écroulait sur les dalles. La tête lourde,les jambes de plomb, à demi suffoqué, Ménardier s’approcha de lui.En même temps, l’autre inspecteur sortait de sa cachette, titubant,lui aussi, comme un homme ivre. Ménardier le considéra avecstupeur. En un geste instinctif, il le saisit par le bras, maisl’homme glissa sur le sol, à côté de son collègue, près duquel ildemeura étendu, inanimé. Se raidissant contre la torpeur quil’envahissait, le limier voulut faire quelques pas… Mais, soudain,il s’arrêta, sidéré… Un spectre effrayant venait de surgir del’ombre et s’avançait lentement vers lui, du pas automatique d’unhalluciné… Machinalement, Ménardier porta la main vers sa poche àrevolver… Mais il n’eut pas le temps de saisir son arme… Le Fantômeétait près de lui, un poignard à la main. Rassemblant ses dernièresforces, qui semblaient prêtes à l’abandonner, le policier saisit lebras menaçant de Belphégor et, en même temps, il releva brusquementle capuchon qui lui masquait entièrement la tête.

Un cri, un râle plutôt, lui échappa…

Le mystérieux bandit portait un masque contreles gaz asphyxiants.

D’un bond en arrière, le Fantôme se dégagea…Ménardier voulut s’élancer sur lui, mais battant l’air de ses bras,il s’écroula, évanoui, près des corps des deux hommes qui, ainsique lui-même, ne donnaient plus signe de vie.

Tour à tour, Belphégor se pencha au-dessus destrois inspecteurs… et certain qu’ils étaient immobilisés pour unlong moment, il fit entendre un bref sifflement. Le bossu etl’homme à la salopette apparurent. Chacun d’eux portait un masqueexactement semblable à celui de Belphégor, et qui les protégeaitcontre les émanations grâce auxquelles le Fantôme du Louvre avaitréussi à endormir profondément les trois policiers…

Frôlant d’un pas ouaté les mosaïques de lasalle, les trois personnages s’approchèrent de la statue du dieudes Moabites qui gisait toujours à la même place. Mais ils ne s’yattardèrent point. Sur un signe du Fantôme, les deux acolytessaisirent à bras-le-corps le socle de la statue… et, non sanseffort, mais habilement, silencieusement, ils le poussèrent decôté, de façon à découvrir la partie des dalles sur lesquelles ilreposait.

Pendant cette délicate opération, qui demandaplusieurs minutes, le Fantôme demeura immobile… les yeux rivés surMénardier et ses agents, qui semblaient, d’ailleurs, aussi rigidesque les images de marbre et de pierre qui les entouraient… Ce futseulement lorsque le socle eut laissé entièrement apparaîtrel’emplacement qu’il recouvrait, que Belphégor regarda à terre.Éclairé par le rayonnement de la lampe électrique que le bossuavait rallumée, il fixa le rectangle plus clair, moins patiné, quis’offrait à son attention.

Bientôt il se pencha. Son doigt ganté de noirs’en fut vers une fleur de lis qui occupait le centre d’unemosaïque représentant le blason des Valois et s’y appuya avecforce… Lentement et sans bruit, comme celle deSaint-Germain-l’Auxerrois, la dalle bascula, démasquant un trounoir qui se prolongeait sous le sol.

Belphégor s’empara de la lampe du bossu et lapromena à l’intérieur de l’excavation, au fond de laquelle gisaitun coffre assez volumineux. Puis, se relevant, il adressa un simplesigne à ses deux complices qui s’étendirent tout de leur long dechaque côté de l’orifice et y plongèrent chacun un bras…

Leurs mains rencontrèrent et saisirent lespoignées métalliques fixées aux deux extrémités du coffre que, nonsans peine – car il était fort lourd – ils retirèrent de sacachette et déposèrent près de la statue renversée. Avec sa lampeélectrique, le Fantôme l’examina.

Sur le couvercle en cuir de Cordoue, quefermaient de solides ferrures rouillées, il aperçut, à demieffacées, des armes royales, au-dessus desquelles on pouvait encoredéchiffrer les initiales en or terni d’Henri III, roi de France.L’une des quatre serrures d’angle était presque entièrementdétachée…

Belphégor l’arracha tout à fait, l’examina,réfléchit un instant, puis, sans prononcer un mot, il désignasimplement l’entrée de la salle au bossu et à l’homme à lasalopette… Ce dernier s’empara du coffre et le chargea sur sesépaules, qui ployèrent légèrement sous le poids. Alors, après avoirjeté à terre la ferrure, le Fantôme, éclairant la marche, sedirigea vers la galerie, suivi par ses deux aides. En passant, lebossu reprit le tube qui était resté sur le seuil. Tous trois, telsdes ombres, gravirent l’escalier de la Victoire deSamothrace et atteignirent le palier.

Belphégor fit de nouveau manœuvrer le ressortde l’entrée secrète que, plus perspicace que les historiens et lesarchitectes du Louvre, il avait su découvrir…

Quelques instants après, nos personnagess’enfermaient dans la crypte où nous les avons vus tout à l’heurese rassembler. L’homme à la salopette, dont le front ruisselait desueur, déposa à terre le coffre et, sans perdre une minute, aprèsavoir, ainsi que le bossu, retiré son masque, il fit sauter lestrois serrures à l’aide d’un ciseau à froid qu’il avait pris danssa poche, et, vivement, il souleva le couvercle… Aussitôt, le bossuapprocha sa lampe électrique et Belphégor, qui s’était avancé, neput réprimer mieux qu’une exclamation de surprise, un cri devictoire… Le coffre était rempli de bijoux, de joyaux et de piècesd’or.

L’homme à la salopette y plongea la main… eten retira une poignée d’écus… qui étaient marqués à l’effigie duroi Henri III. Tandis qu’il les faisait retomber en cascades, lebossu, à son tour, retirait du coffre une magnifique couronneenrichie de pierreries.

– Le diadème de Catherine deMédicis ! murmura-t-il en le faisant admirer au Fantôme.

Presque aussitôt, à voix basse, mais tout enscandant ses mots d’un geste autoritaire, celui-ci murmura àl’oreille du bossu quelques paroles qui devaient être desordres ; car le bossu s’empressa de replacer le précieux etsomptueux objet à la place où il l’avait pris… et, tirant uncouteau, il attaqua une des ferrures d’angle… tandis qu’immobile,Belphégor contemplait le trésor étalé devant lui.

Une heure plus tard, la voiturette du bossustationnait, avenue d’Antin, quelques maisons plus bas que lerez-de-chaussée de Jacques Bellegarde.

Mais, cette fois, c’était l’homme à lasalopette qui se tenait sur le siège. De temps en temps, celui-cise retournait pour jeter un rapide coup d’œil vers l’entrée del’immeuble où demeurait le jeune reporter. Il était visible qu’ilattendait quelqu’un. Or, ce quelqu’un n’était autre que le bossuqui, à ce moment, était occupé à une étrange besogne.

Après avoir pénétré, à l’aide de fausses clefsdont il possédait un trousseau des plus complets, dansl’appartement du journaliste, dont il semblait connaître àmerveille toutes les dispositions, le bossu, tout en s’éclairant desa lampe électrique, était entré droit dans le bureau, dont lesvolets étaient clos et les rideaux fermés.

Après avoir refermé la porte, dont il poussale verrou, il tourna le commutateur qui faisait fonctionner lecourant d’un petit plafonnier placé au centre de la pièce, éteignitsa lampe, qu’il déposa sur la table ; et, après avoir jetéautour de lui un regard investigateur, il s’approcha de labibliothèque.

Saisissant quelques-uns des livres quigarnissaient les rayons du centre, et tout en les gardant sous sonbras gauche, il fouilla dans l’une des poches de sa houppelande, enretira un objet qu’il glissa rapidement derrière les bouquinsdemeurés sur la planche et remit les autres livres à leurplace…

Puis, se transportant jusqu’au bureau deBellegarde, après avoir choisi, d’un œil expérimenté, l’une desclefs de son trousseau, il l’introduisait dans la serrure de l’undes tiroirs qu’il ouvrit sans la moindre peine…

Il déposa d’abord à l’intérieur du meuble uneliasse de lettres, puis la ferrure du coffre Renaissance qu’ilavait prise dans l’une de ses autres poches…

Il referma soigneusement le tiroir, ralluma salampe électrique, éteignit le lustre, quitta la pièce, traversal’antichambre, sortit dans le vestibule, donna un simple tour declef à la porte et lança, devant la loge du concierge, unsonore :

– Cordon, s’il vous plaît !

Un bruit de déclic… et le bossu se retrouvadans la rue… À grandes enjambées, il rejoignit l’homme à lasalopette, grimpa près de lui, et… la voiture s’éloigna dans lanuit.

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