On ne s’avise jamais de tout
Certain jaloux ne dormant qued’un œil,
Interdisait tout commerce à sa femme.
Dans le dessein de prévenir la dame
Il avait fait un fort ample recueil
De tous les tours que le sexe sait faire.
Pauvre ignorant ! comme si cetteaffaire
N’était une hydre, à parler franchement.
Il captivait sa femme cependant ;
De ses cheveux voulait savoir lenombre ;
La faisait suivre, à toute heure, en touslieux,
Par une vieille au corps tout remplid’yeux,
Qui la quittait aussi peu que son ombre.
Ce fou tenait son recueil fort entier
Il le portait en guise de psautier,
Croyant par là cocuage hors de gamme.
Un jour de fête, arrive que la dame
En revenant de l’église passa
Près d’un logis, d’où quelqu’un lui jeta
Fort à propos plein un panier d’ordure.
On s’excusa : la pauvre créature
Toute vilaine entra dans le logis.
Il lui fallut dépouiller ses habits.
Elle envoya quérir une autre jupe,
Dès en entrant, par cette douagna,
Qui hors d’haleine à Monsieur raconta
Tout l’accident. « Foin, dit-il,celui-là
N’est dans mon livre, et je suis pris pourdupe :
Que le recueil au diable soitdonné. »
Il disait bien ; car on n’avait jeté
Cette immondice, et la dame gâté,
Qu’afin qu’elle eut quelque valable excuse
Pour éloigner son dragon quelque temps.
Un sien galant ami de là-dedans
Tout aussitôt profita de la ruse.
Nous avons beau sur ce sexeavoir œil :
Ce n’est coup sûr encontre tousesclandres.
Maris jaloux, brûlez votre recueil
Sur ma parole, et faites-en des cendres.