Contes et Nouvelles en vers – Livre I

On ne s’avise jamais de tout

 

Certain jaloux ne dormant qued’un œil,

Interdisait tout commerce à sa femme.

Dans le dessein de prévenir la dame

Il avait fait un fort ample recueil

De tous les tours que le sexe sait faire.

Pauvre ignorant ! comme si cetteaffaire

N’était une hydre, à parler franchement.

Il captivait sa femme cependant ;

De ses cheveux voulait savoir lenombre ;

La faisait suivre, à toute heure, en touslieux,

Par une vieille au corps tout remplid’yeux,

Qui la quittait aussi peu que son ombre.

Ce fou tenait son recueil fort entier

Il le portait en guise de psautier,

Croyant par là cocuage hors de gamme.

Un jour de fête, arrive que la dame

En revenant de l’église passa

Près d’un logis, d’où quelqu’un lui jeta

Fort à propos plein un panier d’ordure.

On s’excusa : la pauvre créature

Toute vilaine entra dans le logis.

Il lui fallut dépouiller ses habits.

Elle envoya quérir une autre jupe,

Dès en entrant, par cette douagna,

Qui hors d’haleine à Monsieur raconta

Tout l’accident. « Foin, dit-il,celui-là

N’est dans mon livre, et je suis pris pourdupe :

Que le recueil au diable soitdonné. »

Il disait bien ; car on n’avait jeté

Cette immondice, et la dame gâté,

Qu’afin qu’elle eut quelque valable excuse

Pour éloigner son dragon quelque temps.

Un sien galant ami de là-dedans

Tout aussitôt profita de la ruse.

 

Nous avons beau sur ce sexeavoir œil :

Ce n’est coup sûr encontre tousesclandres.

Maris jaloux, brûlez votre recueil

Sur ma parole, et faites-en des cendres.

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