En famille

XIV

Enfin elle se décida à quitter saplace ; la nuit tombait, et déjà dans l’étroite vallée, commeplus loin dans celle de la Somme, montaient des vapeurs blanchesqui flottaient, légères, autour des cimes confuses des grandsarbres ; des petites lumières piquaient çà et là l’obscurité,s’allumant derrière les vitres des maisons, et des rumeurs vaguespassaient dans l’air tranquille, mêlées à des bribes dechansons.

Elle était assez. aguerrie pour n’avoirpas peur de s’attarder dans un bois ou sur la grand’route ;mais à quoi bon ! Elle possédait maintenant ce qui lui avaitsi misérablement manqué ; un toit et un lit ; d’ailleurs,puisqu’on devait se lever le lendemain tôt pour aller au travail,mieux valait se coucher de bonne heure.

Quand elle entra dans le village, ellevit que les rumeurs et les chants qu’elle avait entendus partaientdes cabarets, aussi pleins de buveurs attablés que lorsqu’elleétait arrivée, et d’où s’exhalaient par les portes ouvertes desodeurs de café, d’alcool chauffé et de tabac qui emplissaient larue comme si elle eût été un vaste estaminet. Et toujours cescabarets se succédaient, sans interruption, porte à portequelquefois, si bien que sur trois maisons il y en avait au moinsune qu’occupait un débit de boissons. Dans ses voyages, sur lesgrands chemins et par tous les pays, elle avait passé devant biendes assemblées de buveurs, mais nulle part elle n’avait entendutapage de paroles, claires et criardes, comme celui qui sortaitconfusément de ces salles basses.

En arrivant à la cour de mère Françoise,elle aperçut, à la table où elle l’avait déjà vu, Bendit qui lisaittoujours, une chandelle entourée d’un morceau de journal pourprotéger, sa flamme, posée devant lui sur la table, autour delaquelle des papillons de nuit et des moustiques voltigeaient, sansqu’il parût en prendre souci, absorbé dans sa lecture.

Cependant quand elle passa près de luiil leva la tête et la reconnut ; alors, pour le plaisir deparler sa langue, il lui dit :

« A good night’s rest toyou. »

À quoi elle répondit :

« Good evening,sir. »

« Où avez-vous été ?continua-t-il en anglais.

– Me promener dans les bois,répondit-elle en se servant de la même langue

– Toute seule ?

– Toute seule, je ne connais personne àMaraucourt.

– Alors pourquoi n’êtes-vous pas restéeà lire ? Il n’y a rien de meilleur, le dimanche, que lalecture.

– Je n’ai pas de livres.

– Êtes-vous catholique ?

– Oui, monsieur.

– Je vous en prêterai tout de mêmequelques-uns : farewell.

Good-bye,sir. »

Sur le seuil de la maison, Rosalie étaitassise, adossée au chambranle, se reposant à respirer lefrais.

« Voulez-vous vous coucher ?dit-elle.

–Je voudrais bien.

– Je vas vous conduire, mais avant ilfaut vous entendre avec mère Françoise ; entrons dans ledébit. »

L’affaire, ayant été arrangée entre lagrand’mère et sa petite-fille, fut vivement réglée par le payementdes vingt-huit sous que Perrine allongea sur le comptoir, plus deuxsous pour l’éclairage pendant la semaine.

« Pour lors, vous voulez vousétablir dans notre pays, ma petite ? dit mère Françoise d’unair placide et bienveillant.

– Si c’est possible.

– Ça sera possible si vous vouleztravailler.

– Je ne demande que cela.

– Eh bien, ça ira ; vous neresterez pas toujours à cinquante centimes, vous arriverez à unfranc, même à deux ; si, plus tard, vous épousez un bonouvrier qui en gagne trois, ça vous fera cent sous par jour ;avec ça on est riche… quand on ne boit pas, seulement il ne fautpas boire. C’est bien heureux que M. Vulfran ait donné dutravail au pays ; c’est vrai qu’il y a la terre, mais la terrene peut pas nourrir tous ceux qui lui demandent àmanger. »

Pendant que la vieille nourrice débitaitcette leçon avec l’importance et l’autorité d’une femme habituée àce qu’on respecte sa parole, Rosalie atteignait un paquet de lingedans une armoire et Perrine qui, tout en écoutant, la suivait del’œil, remarquait que les draps qu’on lui préparait étaient ungrosse toile d’emballage jaune ; mais, depuis si longtempselle ne couchait plus dans des draps, qu’elle devait encores’estimer heureuse d’avoir ceux-là, si durs qu’ils fussent.Déshabillée ! La Rouquerie, qui durant ses voyages ne faisaitjamais la dépense d’un lit, n’avait même pas eu l’idée de luioffrir ce plaisir, et, longtemps avant leur arrivée en France, lesdraps de la roulotte, excepté ceux qui servaient à la mère, avaientété vendus ou s’en étaient allés en lambeaux.

Elle prit la moitié du paquet, et,suivant Rosalie, elles traversèrent la cour où une vingtained’ouvriers, hommes, femmes, enfants étaient assis sur des billotsde bois, des blocs de pierre, attendant l’heure du coucher encausant et en fumant. Comment tout ce monde pouvait-il loger dansla vieille maison qui n’était pas grande ?

La vue de son grenier, quand Rosalie eutallumé une petite chandelle placée derrière un treillis en fil defer, répondit à cette question. Dans un espace de six mètres delong sur un peu plus de trois de large, six lits étaient alignés lelong des cloisons, et, le passage qui restait entre eux au milieuavait à peine un mètre. Six personnes devaient donc passer la nuitlà où il y avait à peine place pour deux ; aussi, bien qu’unepetite fenêtre fût ouverte dans le mur opposé à l’entrée,respirait-on dès la porte une odeur âcre et chaude qui suffoquaPerrine. Mais elle ne se permit pas une observation, et commeRosalie disait en riant :

« Ça vous paraît peut-être un peupetiot ? »

Elle se contenta derépondre :

« Un peu.

– Quatre sous, ce n’est pas centsous.

– Bien sûr. »

Après tout, mieux encore valait pourelle cette chambre trop petite que les bois et les champs :puisqu’elle avait supporté l’odeur de la baraque de Grain de Sel,elle supporterait bien celle-là sans doute.

« V’là votre lit », ditRosalie en lui désignant celui qui était placé devant lafenêtre.

Ce qu’elle appelait un lit était unepaillasse posée sur quatre pieds réunis par deux planches et destraverses ; un sac tenait lieu d’oreiller,

« Vous savez, la fougère estfraîche, dit Rosalie, on ne mettrait pas quelqu’un qui arrivecoucher sur de la vieille fougère ; ce n’est pas à faire,quoiqu’on raconte que dans les hôtels, les vrais, on ne se gênepas. »

S’il y avait trop de lits dans cettepetite chambre, par contre on n’y voyait pas une seulechaise.

« II y a des clous aux murs, ditRosalie, répondant à la muette interrogation de Perrine, c’est trèscommode pour accrocher les vêtements. »

Il y avait aussi quelques boîtes et despaniers sous les lits dans lesquels les locataires qui avaient dulinge pouvaient le serrer, mais, comme ce n’était pas le cas dePerrine, le clou planté aux pieds de son lit lui suffisait dereste.

« Vous serez avec des braves gens,dit Rosalie ; si la Noyelle cause dans la nuit, c’est qu’elleaura trop bu, il ne faudra pas y faire attention : elle est unpeu bavarde. Demain, levez-vous avec les autres ; je vousdirai ce que vous devrez faire pour être embauchée.Bonsoir.

– Bonsoir, et merci.

– Pour vous servir. »

Perrine se hâta de se déshabiller,heureuse d’être seule et de n’avoir pas à subir la curiosité de lachambrée. Mais, en se mettant entre ses draps, elle n’éprouva pasla sensation de bien-être sur laquelle elle comptait, tant ilsétaient rudes : tissés avec des copeaux, ils n’eussent pas étéplus raides, mais cela était insignifiant, la terre aussi étaitdure la première fois qu’elle avait couché dessus, et, bien vite,elle s’y était habituée.

La porte ne tarda pas à s’ouvrir et unejeune fille d’une quinzaine d’années étant entrée dans la chambrecommença à se déshabiller, en regardant, de temps en temps du côtéde Perrine, mais sans rien dire. Comme elle était endimanchée, satoilette fut longue, car elle dut ranger dans une petite caisse sesvêtements des jours de fête, et accrocher à un clou pour lelendemain ceux du travail.

Une autre arriva, puis une troisième,puis une quatrième ; alors ce fut un caquetageassourdissant ; toutes parlant en même temps, chacuneracontait sa journée ; dans l’espace ménagé entre les litselles tiraient et repoussaient leurs boîtes ou leurs paniers quis’enchevêtraient les uns dans les autres, et cela provoquait desmouvements d’impatience ou des paroles de colère qui toutes setournaient contre la propriétaire du grenier.

« Queu taudis !

– El’mettra bentôt d’autres lits aumitan.

– Por sûr, j’ne resterai point làd’ans.

_ Où qu’ t’iras ; c’est-y mieuxcheux l’zautres ? »

Et les exclamations se croisaient ;à la fin cependant, quand les deux premières arrivées se furentcouchées, un peu d’ordre s’établit, et bientôt tous les lits furentoccupés, un seul excepté.

Mais pour cela les conversations necessèrent point, seulement elles tournèrent ; après s’être ditce qu’il y avait eu d’intéressant dans la journée écoulée, on passaà celle du lendemain, au travail des ateliers, aux griefs, auxplaintes, aux querelles de chacune, aux potins de l’usine entière,avec un mot de ses chefs : M. Vulfran, ses neveux qu’onappelait les « jeunes », le directeur, Talouel, qu’on nenomma qu’une fois, mais qu’on désigna par des qualificatifs quidisaient mieux que des phrases la façon dont on le jugeait :la Fouine, l’Mince, Judas.

Alors Perrine éprouva un sentimentbizarre dont les contradictions l’étonnèrent : elle voulaitêtre tout oreilles, sentant de quelle importance pouvaient êtrepour elle les renseignements qu’elle entendait ; et d’autrepart elle était gênée, comme honteuse d’écouter cespropos.

Cependant ils allaient leur train, maissi vagues bien souvent, ou si personnels qu’il fallait connaîtreceux à qui ils s’appliquaient pour les comprendre ; ainsi ellefut longtemps sans deviner que la Fouine, l’Mince et Judas nefaisaient qu’un avec Talouel, qui était la bête noire des ouvriers,détesté de tous autant que craint, mais avec des réticences, desréserves, des précautions, des hypocrisies qui disaient quelle peuron avait de lui. Toutes les observations se terminaient par le mêmemot ou à peu près :

« N’empêche que ce soit ein benbrav’ homme !

– Et juste donc !

– Oh ! pourça ! »

Mais tout de suite une autreajoutait :

« N’empêcheaussi… »

Alors les preuves étaient données defaçon à montrer cette bonté et cette justice.

« S’il ne fallait point gagner sonpain ! »

Peu à peu les langues seralentirent.

« Si on dormait, dit une voixalanguie.

– Qui t’en empêche ?

– La Noyelle n’est pasrentrée.

– Je viens de la voir.

– Ça y est-il ?

– En plein.

– Assez pour qu’elle ne puisse pasmonter l’escalier ?

– Ça je ne sais pas.

– Si on fermait la porte à lacheville ?

– Et le tapage qu’elleferait.

– Ça va recommencer comme l’autredimanche.

– Peut-être pireencore. »

À ce moment on entendit un bruit de paslourds et hésitants dans l’escalier.

« La voila. »

Mais les pas s’arrêtèrent et il y eutune chute suivie de gémissements.

« Elle est tombée.

—-Si elle pouvait ne pas serelever.

– Elle dormirait aussi ben dansl’escalier qu’ici.

– Et nous dormirionsmieux. »

Les gémissements continuaient mêlésd’appels.

« Viens donc, Laïde : un p’titcoup de main, m’n’éfant.

– Plus souvent que je vas yaller.

– Ohé ! Laïde,Laïde ! »

Mais Laïde n’ayant pas bougé, au boutd’un certain temps les appels cessèrent.

« Elle s’endort.

– Quelle chance. »

Elle ne s’endormait pas du tout ;au contraire, elle essayait à nouveau de monter l’escalier, et ellecriait :

« Laïde, viens me donner la main,m’n’éfant, Laïde, Laïde. »

Elle n’avançait pas évidemment, car lesappels partaient toujours du bas de l’escalier de plus en pluspressants à chaque cri, si bien qu’ils finirent par s’accompagnerde larmes :

« Ma p’tite Laïde, ma p’tite Laïde,p’tite, p’tite ; l’escalier s’enfonce, oh ! la !la ! »

Un éclat de rire courut de lit enlit.

« C’est-y que t’es pas rentrée,Laïde, dis, dis Laïde, dis ; je vas aller te qu’ri.

– Nous v’là tranquilles, dit unevoix.

– Mais non, elle va chercher Laïdequ’elle ne trouvera pas, et quand elle reviendra dans une heure, çarecommencera.

– On ne dormira doncjamais !

– Va lui donner la main,Laïde.

– Vas-y, té.

– C’est té qu’é veut. »

Laïde se décida, passa un jupon etdescendit.

« Oh ! m’n’éfant,m’n’éfant », cria la voix émue de la Noyelle.

Il semblait qu’elles n’avaient qu’àmonter l’escalier qui ne s’enfoncerait plus, mais la joie de voirLaïde chassa cette idée :

« Viens avec mé, je vas te payer unp’tiôt pot. »

Laïde ne se laissa pas tenter par cetteproposition.

« Allons nous coucher,dit-elle.

– Non, viens avec mé, ma p’titeLaïde. »

La discussion se prolongea, car laNoyelle, qui s’était obstinée dans sa nouvelle idée, répétait sonmot, toujours le même :

« Un p’tiot pot.

– Ça ne finira jamais, dit unevoix.

– J’voudrais pourtant dormir,mé.

– Faut s’lever demain.

– Et c’est comme ça tous lesdimanches. »

Et Perrine qui avait cru que, quand elleaurait un toit sur la tête, elle trouverait le sommeil le pluspaisible ! Comme celui en plein champ, avec les effarements del’ombre et les hasards du temps, valait mieux cependant que cetentassement dans cette chambrée, avec ses promiscuités, son tapageet l’odeur nauséeuse qui commençait à la suffoquer d’une façon sigênante qu’elle se demandait comment elle pourrait la supporteraprès quelques heures.

Au dehors, la discussion durait toujourset l’on entendait la voix de la Noyelle qui répétait :« Un p’tiot pot », à laquelle celle de Laïderépondait :

« Demain ».

« Je vas aller aider Laïde, dit unedes femmes, ou ça durera jusqu’à demain. »

En effet elle se leva etdescendit ; alors dans l’escalier se produisit un grandbrouhaha de voix, mêlé à des bruits de pas lourds, à des coupssourds et aux cris des habitants du rez-de-chaussée, furieux de cetapage : toute la maison semblait ameutée.

À la fin la Noyelle fut traînée dans lachambre, pleurant avec des exclamationsdésespérées :

« Qu’est-ce que je vous aifait ? »

Sans écouter ses plaintes, on ladéshabilla et on la coucha ; mais pour cela elle ne s’endormitpoint et continua de pleurer en gémissant.

« Qu’est que je vos ai fait pourque vous me brutalisiez ? Je suis-t’y malheureuse ! Jesuis-t’y une voleuse qu’on ne veut pas boire avec mé ? Laïde,j’ai sef. »

Plus elle se plaignait, plusl’exaspération contre elle montait dans la chambrée, chacune criantson mot plus ou moins fâché.

Mais elle continuaittoujours :

« Salut, turlututu, chapeau pointu,fil écru, t’es rabattu. »

Quand elle eut épuisé tous les mots en uqui amusaient son oreille, elle passa à d’autres qui n’avaient pasplus de sens.

« Le café, à la vapeur, n’a paspeur, meilleur pour le cœur ; va donc, balayeur ; et tasœur ? Bonjour, monsieur le brocanteur. Ah ! vous êtesbuveur ? ça fait mon bonheur, peut-être votre malheur. Çadonne la jaunisse ; faut aller à l’hospice ; voyez ladirectrice ; mangez de la réglisse ; mon père en vendaitet m’en régalait, aussi ça m’allait. Ce que j’ai sef, monsieur lechef, sef, sef, sef ! »

De temps en temps la voix seralentissait et faiblissait comme si le sommeil allait bientôt seproduire ; mais tout de suite elle repartait plus hâtée, pluscriarde, et alors celles qui avaient commencé à s’endormir seréveillaient en sursaut en poussant des cris furieux quiépouvantaient la Noyelle, mais ne la faisaient pastaire :

« Pourquoi que vous mebrutalisez ? Écoutez, pardonnez, c’est assez.

– Vous avez eu une belle idée de lamonter !

– C’est té qu’as voulu.

– Si on laredescendait ?

– On ne dormirajamais ; »

C’était bien le sentiment de Perrine quise demandait si c’était vraiment ainsi tous les dimanches, etcomment les camarades de la Noyelle pouvaient supporter sonvoisinage : n’existait-il pas à Maraucourt d’autres logementsoù l’on pouvait dormir tranquillement ?

Il n’y avait pas que le tapage qui fûtexaspérant dans cette chambrée, l’air aussi qu’on y respiraitcommençait à n’être plus supportable pour elle : lourd, chaud,étouffant, chargé de mauvaises odeurs dont le mélange soulevait lecœur ou le noyait.

À la fin cependant le moulin à parolesde la Noyelle se ralentit, elle ne lança que des mots à demiformés, puis ce ne fut plus qu’un ronflement qui sortit de sabouche.

Mais, bien que le silence se fûtmaintenant établi dans la chambre, Perrine ne put pass’endormir : elle était oppressée, des coups sourds luibattaient dans le front, la sueur l’inondait de la tête auxpieds.

Il n’y avait pas à chercher la cause dece malaise : elle étouffait parce que l’air lui manquait, etsi ses camarades de chambrée n’étouffaient pas comme elle, c’estqu’elles étaient habituées à vivre dans cette atmosphère,suffocante pour qui couchait ordinairement en pleinchamp.

Mais puisque ces femmes, des paysannes,s’étaient bien habituées à cette atmosphère, il semblait qu’elle lepourrait comme elles : sans doute il fallait du courage et dela persévérance ; mais si elle n’était pas paysanne, elleavait mené une existence aussi dure que la leur pouvaitl’être ; même pour les plus misérables, et dès lors elle nevoyait pas de raisons pour qu’elle ne supportât pas ce qu’ellessupportaient.

Il n’y avait donc qu’à ne pas respirer,qu’à ne pas sentir, alors viendrait le sommeil, et elle savait bienque pendant qu’on dort l’odorat ne fonctionne plus.

Malheureusement, on ne respire pas quandon veut, ni comme on veut : elle eut beau fermer la bouche, seserrer le nez, il fallut bientôt ouvrir les lèvres, les narines etfaire une aspiration d’autant plus profonde qu’elle n’avait plusd’air dans les poumons ; et le terrible fut que, malgré tout,elle dut répéter plusieurs fois cette aspiration.

Alors quoi ? Qu’allait-il seproduire ? Si elle ne respirait pas, elle étouffait ; sielle respirait, elle était malade.

Comme elle se débattait, sa main frôlale papier qui remplaçait une des vitres de la fenêtre, contrelaquelle sa couchette était posée.

Un papier n’est pas une feuille deverre, il se crève sans bruit et, crevé, il laissait entrer l’airdu dehors. Quel mal y avait-il à ce qu’elle le crevât ? Pourêtre habituées à cette atmosphère viciée, elles n’en souffraientpas moins certainement. Donc, à condition de n’éveiller personne,elle pouvait très bien déchirer ce papier.

Mais elle n’eut pas besoin d’en venir àcette extrémité qui laisserait des traces ; comme elle letâtait, elle sentit qu’il n’était pas bien tendu, et de l’ongleelle put avec précaution en détacher un côté. Alors se collant labouche à cette ouverture, elle put respirer, et ce fut dans cetteposition que le sommeil la prit.

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