La Garden-party et autres nouvelles

Chapitre 11

 

De la lumière brillait aux fenêtres dubungalow. Deux taches d’or carrées tombaient sur lesœillets et sur les renoncules frileusement refermées. La chatteFlorrie sortait sous la véranda et vint s’asseoir sur la plus hautemarche, ses pattes blanches rapprochées, sa queue recourbée enboucle. Elle paraissait satisfaite, comme si elle eût attendu cemoment tout le jour.

– Dieu merci, il se fait tard, ditFlorrie. Dieu merci, la longue journée est finie.

Ses yeux de reine-claude s’ouvrirent.

Bientôt retentit le grondement de ladiligence, le claquement du fouet. Elle approcha assez pour qu’onentendît les voix des hommes qui revenaient de la ville et quicausaient ensemble bruyamment. Elle s’arrêta à la barrière desBurnell.

Stanley avait déjà parcouru la moitié del’allée, lorsqu’il vit Linda.

– Est-ce toi, chérie ?

– Oui, Stanley.

Il franchit d’un saut la plate-bande et lasaisit dans ses bras. Elle fut enveloppée de cette étreinte pleined’ardeur, robuste et familière.

– Pardonne-moi, ma chérie, pardonne-moi,balbutia Stanley, et il lui passa la main sous le menton, relevantvers lui son visage.

– Te pardonner ? dit Linda,souriante. Mais pourquoi donc ?

– Bon Dieu ! ce n’est pas possibleque tu aies oublié, cria Burnell. Moi, je n’ai pensé à rien d’autretout le jour. J’ai passé une journée infernale. J’avais décidé debondir à la poste te télégraphier, et puis je me suis dit que letélégramme pourrait ne pas arriver avant moi. J’ai été à latorture, Linda.

– Mais, Stanley, dit-elle, que faut-ilque je te pardonne ?

– Linda !

Stanley était sérieusement blessé.

– Ne t’es-tu pas rendu compte… tu doist’être rendu compte… que je suis parti ce matin sans t’avoir ditadieu ? Je ne peux pas me figurer comment j’ai pu faire unechose pareille. C’est mon sacré caractère, bien entendu. Mais…enfin…

Et il soupira et la reprit dans ses bras.

– J’en ai été assez puni aujourd’hui.

– Que tiens-tu donc à la main ?demanda Linda. Des gants neufs. Laisse-moi voir.

– Oh ! seulement une paire de gantsde chamois bon marché, dit Stanley humblement. J’avais remarqué queBell en portait ce matin, dans la diligence ; aussi, enpassant devant le magasin, je suis entré à la course et je m’ensuis acheté une paire. Qu’est-ce qui te fait sourire ? Tu netrouves pas que j’ai eu tort, dis ?

– Bien au contraire, mon chéri, réponditLinda, je pense que c’était tout à fait raisonnable.

Elle enfila ses doigts dans un des gants pâleset regarda sa main, en la tournant de tous côtés. Elle souriaittoujours.

Stanley aurait voulu dire : « –C’est à toi que je pensais tout le temps, pendant que je lesachetais. » C’était la vérité, mais, pour une raison ou uneautre, il fut incapable de prononcer ces mots-là.

– Rentrons, dit-il.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer