La Garden-party et autres nouvelles

Chapitre 5

 

Enfin, toute cette partie des événements étaitpassée, en tout cas, et pourtant ni l’une ni l’autre ne pouvait sepersuader que papa ne reviendrait jamais. Joséphine avait eu unmoment d’épouvante absolue au cimetière, lorsqu’on avait descendule cercueil, à la pensée qu’elle et Constance avaient fait cettechose-là sans lui en demander la permission. Que dirait-il, quandil s’en apercevrait ? Car, tôt ou tard, il ne pouvait manquerde s’en rendre compte. Il savait toujours tout.« Enterré ! Vous m’avez fait enterrer, vousdeux ! » Elle entendait taper sa canne. Oh ! quediraient-elles ? Quelle excuse pourraient-elles bien luifaire ? Une chose pareille semblait révéler un manque de cœursi abominable. C’était abuser si cruellement de l’étatd’impuissance où quelqu’un se trouvait par hasard. Les autrespersonnes avaient l’air de considérer ce procédé comme toutnaturel. Mais c’étaient des étrangers ; on ne pouvaits’attendre à ce qu’ils comprennent que papa était le dernier hommeau monde qu’on pût exposer à une aventure pareille. Non, c’étaitsur elle et sur Constance que retomberait tout le blâme. Et ladépense ? se disait-elle en montant dans le fiacrehermétiquement clos. Et quand il faudrait lui faire voir lanote ? Que dirait-il alors ?

Elle l’entendait pousser de véritablesrugissements :

– Vous vous figurez que je vais payer lesfrais de vos ineptes équipées ?

– Oh ! gémit tout haut la pauvreJoséphine, nous n’aurions jamais dû faire ça, Connie !

Et Constance, blême comme un citron dans toutce noir, répondit en un murmure de terreur :

– Faire quoi, Jou ?

– Les laisser en… enterrer père comme ça,dit Joséphine ; et perdant courage, elle se mit à pleurer dansson mouchoir neuf, à bordure noire, qui avait une si drôled’odeur.

– Mais qu’est-ce que nous pouvionsfaire ? demanda Constance étonnée. Nous ne pouvions par legarder, Jou… Nous ne pouvions pas le garder sans l’enterrer ;en tout cas, pas dans un petit appartement comme le nôtre.

Joséphine se moucha ; il faisait unechaleur étouffante dans la voiture.

– Je ne sais pas, dit-elle d’un air dedétresse. C’est si affreux, tout ça ! Je sens que nous aurionsdû essayer, au moins pendant quelque temps. Pour être absolumentsûres. Une chose est bien certaine – et ses larmes jaillirent denouveau – c’est que papa ne nous pardonnera jamais ça…jamais !

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