Chapitre 9
Elles frappèrent à la porte et Cyril suivitses tantes dans la chambre de grand-père, où l’air chaud avait uneodeur fade.
– Entrez, voyons, dit grand-père Pinner.Ne restez pas là ! Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce quevous avez encore manigancé ?
Il était assis devant un feu ardent, les mainscroisées sur sa canne. Une épaisse couverture s’étalait sur sesjambes : un beau mouchoir de soie jaune pâle reposait sur sesgenoux.
– Papa, c’est Cyril, dit timidementJoséphine ; et prenant son neveu par la main, elle le fitavancer.
– Bonsoir, grand-père, dit Cyril, enessayant de dégager sa main de l’étreinte de tante Joséphine.Grand-père Pinner braqua ses yeux sur lui avec cette fixité pourlaquelle il était célèbre. Où donc était tante Connie ? Ellese tenait de l’autre côté de tante Joséphine ; ses longs braspendaient devant elle ; elle joignait les mains ; sonregard ne quittait pas grand-père.
– Eh bien, interrogea grand-père Pinner,en commençant à taper le parquet de sa canne, qu’est-ce que tu as àme dire ?
Oui, qu’est-ce qu’il avait, qu’est-ce qu’ilavait donc à lui dire ? Cyril eut conscience de sourire commeun parfait imbécile. Et puis, on étouffait dans cette chambre.
Mais tante Joséphine vint à son secours. Ellecria avec entrain.
– Cyril nous raconte que son père aimetoujours beaucoup les meringues, cher papa !
– Hein ? dit grand-père Pinner, enarrondissant sur son oreille une main semblable à une coque demeringue violacée.
Joséphine répéta :
– Cyril nous raconte que son père aimetoujours beaucoup les meringues.
– Peux rien entendre, riposta le vieuxcolonel Pinner.
Et, d’un geste de sa canne, il écartaJoséphine, puis darda le bâton vers Cyril.
– Dis-moi ce qu’elle bafouille,ordonna-t-il.
– Faut-il ? demanda Cyril, enrougissant et en regardant tante Joséphine les yeuxécarquillés.
– Mais oui, mon chéri, répondit-elle,souriante. Cela lui fera tant de plaisir.
– Allons, finis-en ! cria le colonelavec impatience, en recommençant à taper sur le plancher.
Et Cyril se pencha en avant ethurla :
– Mon père aime toujours beaucoup lesmeringues !
Là-dessus, grand-père Pinner sursauta comme sion l’avait fusillé.
– Ne crie pas comme ça ! glapit-il.Qu’est-ce qui le prend, ce garçon ? Desmeringues ! Et puis après ?
– Oh ! tante Joséphine, faut-ilcontinuer ? gémit Cyril désespéré.
– Ça va très bien, mon cher enfant, dittante Joséphine comme s’ils avaient été, lui et elle, chez ledentiste. Il va comprendre dans un instant.
Elle chuchota à l’oreille de Cyril :
– Il devint un peu sourd, tu sais.
Alors elle se pencha en avant et, à pleinspoumons hurla :
– Cyril voulait seulement vous dire, cherpapa, que son père à lui aime toujours beaucoup les meringues.
Cette fois, le colonel Pinner entendit,entendit et réfléchit, en examinant Cyril de haut en bas.
– En voilà une choseextraordinaire ! dit le vieux grand-père Pinner. Envoilà une chose extraordinaire à venir me raconterici !
Et Cyril fut du même avis.
– Oui, j’enverrai la montre à Cyril, ditJoséphine.
– Ce serait tout à fait gentil, réponditConstance. Il me semble me rappeler que, la dernière fois qu’il estvenu, nous avons eu un peu de difficulté pour savoir l’heure.