Le Mystérieux Docteur Cornélius – Tome III

CHAPITRE V – La tour fiévreuse

Lorsque Slugh eut scellé la massive pierre quibouchait la dernière ouverture de la muraille construite à la placede la porte de la cellule, Dorypha s’abandonna quelque temps audésespoir. Cette fois, elle était perdue, sans ressource. Nul neviendrait à son secours, il ne lui restait plus qu’à mourir.

Elle regretta amèrement l’idée qu’elle avaiteue de se mettre à sonner la cloche au lieu de s’enfuir le plusloin possible.

– Si j’avais mis à profit l’absence deSlugh, songeait-elle en frissonnant de rage et en se tordant dansles liens qui ensanglantaient ses chevilles et ses poignets,j’aurais pu atteindre le bord de la mer et je serais libre, au lieuque, maintenant, il ne me reste plus qu’à mourir de faim !

La gitane possédait heureusement un de cestempéraments taillés pour la lutte et qui réagissent vigoureusementcontre les choses, après avoir subi quelques moments de passagèredépression.

Il n’y avait pas un quart d’heure que ladernière pierre du mur avait été posée dans son alvéole que Doryphas’était déjà mise au travail pour essayer de se débarrasser descordes qui lui liaient les poignets.

Il ne fallait pas songer à les défaire, lesnœuds en avaient été trop habilement et trop fortement serrés. Ilne restait plus à Dorypha qu’un moyen de s’en délivrer, c’était deles couper en les usant, petit à petit, contre la pierre.

La gitane choisit le granit le plus raboteuxqu’elle pût découvrir le long des murailles de sa cellule, et ellese mit à l’œuvre. Mais la tâche était des plus pénibles. En limantla corde elle s’excoriait du même coup l’épiderme de la main et dupoignet.

Lorsque au bout d’une heure de travail elleput enfin rompre les liens, elle était tout ensanglantée. Mais elleavait les mains libres et c’était là un grand point.

Encouragée par ce premier succès, elleattendit que ses mains engourdies et tuméfiées – car elle étaitgarrottée depuis la veille – eussent recouvré le mouvement etl’élasticité ; puis elle défit, sans trop de peine, les cordesqui lui attachaient les chevilles.

Alors elle regarda autour d’elle pour voir si,parmi les objets hétéroclites qui se trouvaient dans ce réduit,aucun ne pourrait lui être utile. Et, tout d’abord, elle découvritun vieux chandelier de cuivre qu’elle mit précieusement de côté,avec l’idée de s’en faire une arme ou un levier. C’est alorsqu’elle remarqua qu’il était armé d’une pointe aiguë qui avait dûservir à ficher les cierges. C’était là un instrument tout à faitpropre à gratter le mortier et à desceller les pierres.

La gitane, sans attendre l’épuisement completde ses forces, diminuées par un long jeûne, se mit aussitôt autravail.

Elle pensa qu’il ne fallait pas s’attaquer àla muraille, faite de lourds blocs réunis par du ciment, que Slughavait construite ; elle jugea qu’elle triompherait plusfacilement du vieux mortier déjà friable et des pierres moinsvolumineuses dont se composait l’ancienne muraille.

Le point d’attaque qu’elle choisit se trouvaitjuste au ras du sol. La recluse s’était dit que le trou qu’elle seproposait de creuser resterait longtemps inaperçu, à cause del’épaisse litière de jonc qui couvrait les dalles de lachambre.

Elle travailla patiemment pendant tout lereste de la journée. Hélas ! quand le soleil se coucha, elles’aperçut que ce qu’elle avait fait n’était presque rien. Le trouqu’elle avait pratiqué dans la muraille lui parut ridiculementpetit. Et pourtant, elle se sentait brisée de fatigue.

La nuit la força d’interrompre sa besogne.Elle se coucha, avec la ferme résolution de bien se reposer afin decontinuer dès qu’il ferait jour.

Toute la journée du lendemain, elle travaillaavec le même courage, quoique la faim lui tordît les entrailles.Elle trouva cependant quelque soulagement en mâchant les tiges desjoncs qui lui servaient de lit. Palliatif bien anodin, car, lesoir, elle était complètement à bout de forces.

Ses efforts cependant n’avaient pas étéinutiles. La pierre de taille à laquelle elle s’était attaquéeétait maintenant complètement déchaussée. Il devait suffire d’unesimple pesée pour l’arracher du mortier auquel elle n’adhéraitpresque plus.

Cette nuit-là, la captive entendit dansl’escalier de la tour le grand remue-ménage qui précédaitd’ordinaire l’illumination du clocher.

Comme les autres fois, elle vit par lameurtrière l’étoile rouge s’éteindre à l’horizon pendant qu’unevive lueur tombait du sommet de la tour.

L’intérieur de la cellule se trouvaitbrillamment éclairé. Un rayon de lumière, pénétrant obliquement parla meurtrière, venait tomber d’aplomb sur le christ d’étain que lagitane avait nettoyé et accroché à la muraille dans les premierstemps de sa captivité.

– Qui sait ? murmura-t-elle, frappéed’une inspiration, j’ai peut-être là, entre les mains, unprovidentiel moyen de faire connaître ma situation au-dehors.

Elle détacha le christ du mur et, se servantde la pointe aiguë du chandelier en guise de stylet, elle gravapéniblement quelques mots sur le revers de la croix ; puis, sehaussant autant qu’elle le pouvait, elle le lança par lameurtrière.

C’est ce christ que, le lendemain même, PierreGilkin devait apporter à lord Burydan.

Cet effort avait achevé de briser les forcesde la captive. Une fièvre, causée par la privation de nourriture,la dévorait également, et, malgré sa lassitude, ne lui permettaitpas de dormir. La pauvre gitane passa une nuit horrible. La faim latenaillait. Ses oreilles bourdonnaient. Il lui semblait voirdanser, devant ses yeux, des mouches de feu.

Le jour venu, elle se leva et essaya de seremettre à l’ouvrage. En vain ! Elle était si affaiblie qu’aubout de quelques minutes elle fut prise d’une syncope ets’évanouit.

Un sommeil profond succéda sans transition àcet évanouissement.

Comme tous ceux qui souffrent de la faim, lagitane rêva qu’elle assistait à de magnifiques festins. Ce sont lesparoles inarticulées qu’elle prononçait pendant ses rêves que lordBurydan entendit lors de sa visite à la tour.

Elle dormit plusieurs heures. Il y avait tantde ressources dans sa robuste nature que cette courte période derepos suffit à lui rendre une partie de son énergie.

Comme elle s’éveillait, elle perçut un bruitde voix dans la pièce contiguë à sa prison. Elle colla son oreillecontre la muraille, et elle crut comprendre que c’était Slugh qui,avant de partir pour une de ses mystérieuses promenades, faisait àEdward Edmond ses recommandations.

Elle ne s’était pas trompée.

Des pas résonnèrent dans l’escalier de latour. Slugh était parti, et Dorypha entendit bientôt l’Irlandaisdéboucher une bouteille, ouvrir une boîte de conserve et se mettreà manger. À travers la cloison, elle distinguait même trèsnettement le craquement de ses mâchoires.

La faim de la gitane s’augmenta de ces bruits,qui semblaient insulter à sa détresse. Elle se jura à elle-mêmequ’elle aurait sa part du repas de l’Irlandais.

Elle arracha doucement, avec d’infiniesprécautions, la pierre qu’elle avait eu tant de mal àdécimenter.

*

**

Tout à coup, Edward Edmond, qui, tout entier àson occupation, n’avait rien entendu, vit une longue main brune etsèche sortir d’entre les joncs, s’emparer de la bouteille de whiskyet de la boîte de corned-beef, puis disparaître.

Ce larcin s’était opéré si rapidement quel’Irlandais, la bouche pleine, n’avait eu ni le temps ni la penséede s’y opposer.

La surprise qu’il ressentait confinait à lafrayeur.

– Est-ce toi, Dorypha ?balbutia-t-il tout tremblant.

Un éclat de rire moqueur lui répondit del’autre côté de la muraille.

Il n’était pas encore revenu de sastupéfaction que la main brune s’allongea de nouveau hors du trouet rafla le restant des provisions de l’Irlandais, c’est-à-dire unbloc de biscuits de mer et une tranche de jambon.

Dorypha s’était jetée avidement sur cesvictuailles inespérées. Elle se contraignit, toutefois, à ne mangerque très lentement et très peu à la fois, elle avait entendu direque la nourriture ne doit être prise qu’avec beaucoup de modérationaprès un long jeûne. Elle but une gorgée de whisky. Oh ! commeelle eût sacrifié de bon cœur tout ce qu’elle possédait pour unecruche d’eau fraîche !

La gitane se sentait renaître à la vie et àl’espérance. Avec ce peu de vivres qu’elle possédait, elle sesentait de taille à pratiquer un trou assez grand pour lui livrerpassage. Ensuite, elle profiterait, pour s’échapper, d’un moment oùses bourreaux seraient absents ou endormis.

Elle ne voulait pas s’arrêter à cette penséeque l’Irlandais la dénoncerait à Slugh, et que celui-ci la tueraitpeut-être d’un coup de revolver par quelque trou du mur.

Edward Edmond était bien loin d’avoir unepareille pensée.

Il écarta les joncs, découvrit l’ouverturebéante et, se couchant à plat ventre, il appela denouveau :

– Dorypha !

– Laisse-moi donc déjeunertranquille ! répondit l’emmurée.

– Tu n’es donc pas morte ?

– Je ne meurs pas comme cela,moi !

– Comment as-tu fait pour percer lamuraille ?

– Cela ne te regarde pas.

– Ah ! murmura l’Irlandais avec unsoupir de regret, si tu n’étais pas si perfide et si fausse, si tun’avais pas agi si traîtreusement !… Mais on ne peut pas avoirconfiance en toi !…

Dorypha était profondément étonnée. Aprèsavoir jeté l’Irlandais du haut de la chambre des cloches, elle nese serait pas attendue à une pareille aménité.

– Où veux-tu donc en venir ?répliqua-t-elle.

– Écoute ! reprit-il avec un peud’hésitation, j’en ai assez, moi, de la Main Rouge. Tu n’aurais pasessayé de me tuer comme tu l’as fait, que j’eusse été le premier àaider à ton évasion. Maintenant, je te connais trop bien ! Jevais montrer ce soir, à Slugh, le trou que tu as creusé et ils’empressera de le reboucher avec du bon ciment. Ce n’est pas ledéjeuner que tu m’as volé qui te mènera bien loin !

La gitane réfléchissait.

« Évidemment, pensa-t-elle, il a unprojet, et je crois qu’il ne va pas m’être difficile de lui tirerles vers du nez. »

– Écoute ! lui dit-elle de sa voixla plus enjôleuse et la plus caressante, je reconnais que j’ai eude grands torts envers toi. Mais tu dois bien comprendre que j’aiaussi quelques excuses ! Si tu veux faire ce que je te dirai,un avenir des plus brillants s’ouvrira devant toi. Je vais teparler sans détour… Laisse-moi m’évader, suis-moi dans ma fuite, etje te jure que ton ancienne place, chez Fred Jorgell, te serarendue ou, ce qui vaut mieux encore, le milliardaire nous donneraune bonne somme pour aller vivre en Europe, loin de la Main Rouge…Tu sais qu’il ne peut rien me refuser, puisque c’est moi qui aisauvé tous ses amis…

– Oh ! ce Slugh, murmura l’Irlandaisentre ses dents, je le déteste ! Il me fait aller et venircomme si j’étais son esclave !…

– Si tu disais à certaines personnes queje connais tout ce que tu sais de la Main Rouge, ta fortune seraitfaite, insinua perfidement la gitane.

– Cela demande réflexion !

La conversation continua une heure entière surce ton. Dorypha, à qui l’imminence du péril prêtait une véritableéloquence, mit en œuvre toutes les protestations, toutes lespromesses. Même prévenu comme il l’était, Edward Edmond ne pouvaitcroire qu’elle ne fût pas de bonne foi.

– Laisse-moi m’évader !répéta-t-elle d’une voix suppliante. Qui t’empêche de remettre lamuraille dans le même état, une fois que je serai sortie ?Slugh ne s’apercevra de rien. Je trouverai bien, dans le village enruine, quelque endroit pour me cacher en attendant que nousprenions la fuite.

Ce dernier argument acheva de déciderl’Irlandais.

– Eh bien, soit !… Tant pis !grommela-t-il, je risque le tout pour le tout. Mais, cette fois dumoins, ne va pas me trahir ! Tu vois que tu fais de moi toutce que tu veux !

Il alla dans la crypte prendre le levier defer. En quelques minutes, il eut suffisamment agrandi l’ouverturecommencée par Dorypha pour que celle-ci pût se glisser, en rampant,en dehors de son cachot.

– Ah ! quel bonheur d’êtrelibre ! s’écria-t-elle en se détirant les membres.

– Oui, fit Edward Edmond d’un toninquiet. Mais descends vite et va te cacher dans les ruines duvillage. Il faut, moi, que je me hâte de réparer la muraille avantque Slugh soit de retour !

Dorypha s’empressa d’obéir. Elle était en cemoment de très bonne foi.

Mais, à peine avait-elle descendu quatremarches de l’escalier que, par la meurtrière, elle distingua, à unecentaine de pas de là, une troupe d’hommes qui la carabine surl’épaule se dirigeaient vers la tour fiévreuse. Parmi eux, il luisemblait reconnaître lord Burydan et, ce qui mit le comble à sonémotion, Pierre Gilkin lui-même.

Elle ressentit au cœur un choc si violentqu’elle fut près de défaillir. Cela ne dura qu’un instant. D’unélan irrésistible, elle dégringola les marches pour courir au plusvite au-devant de ses amis. Elle avait compté sans l’Irlandais. Luiaussi avait reconnu, d’un coup d’œil, lord Burydan, Oscar et PierreGilkin.

Il s’apercevait avec fureur que c’était pourd’autres qu’il s’était donné tant de mal. Il barra le passage à lagitane et la força de remonter.

– Tu ne t’en iras pas avec eux !criait-il écumant de rage, tu resteras avec moi, ou je tetuerai !

Éperdue, Dorypha remonta jusqu’à la dernièreplate-forme de la tour. Elle savait que, de là, elle serait aperçuede ses amis, et elle se mit à pousser de grands cris en agitant lesbras pour attirer leur attention.

Edward Edmond, au comble de l’exaspération etde la fureur, se précipita sur la gitane, le revolver au poing, ettira sur elle presque à bout portant.

Dorypha, se baissant rapidement, esquiva laballe et, se ressouvenant de son ancien métier, elle fit, d’unleste coup de pied, sauter l’arme des mains de l’Irlandais.

Celui-ci se rua sur elle, les mains ouvertes,pour l’étrangler.

Une lutte atroce s’engagea entre eux.

Pierre Gilkin, qui marchait en avant de lapetite troupe, vit cette scène de loin. Comprenant le péril où setrouvait Dorypha, il se mit à courir de toutes ses forces pouraller à son secours, sans même attendre ses amis.

Edward Edmond avait saisi Dorypha à la gorge,mais elle le mordit si cruellement qu’il dut lâcher prise et serejeter en arrière.

Dans ce brusque mouvement, il oubliacomplètement où il se trouvait et, heurtant des talons labalustrade de pierre, il perdit l’équilibre et, la tête lapremière, dégringola dans le vide.

Tout cela avait été si rapide que la gitane sedemanda tout d’abord comment elle avait pu faire pour jeter lerobuste Irlandais du haut du clocher.

Maintenant, elle était en proie à une sorte devertige. Après l’effort désespéré qu’elle venait de faire, la luttequ’elle venait de soutenir, sa faiblesse la reprenait de plusbelle. Elle ne se sentait pas plus de force qu’un petit enfant. Cefut lentement, péniblement, qu’elle commença à descendre les degrésde l’escalier.

Elle allait arriver au premier étagelorsqu’une apparition terrible lui barra le passage.

Slugh, la pipe aux dents, s’avançait, l’airgouailleur, le browning au poing.

– Ah ! ah ! fit-il, il paraîtque, quand le chat n’est pas là, les souris dansent !Vraiment, cet Irlandais est stupide ! Je ne puis pasm’absenter une heure sans qu’il commette quelquesottise !…

Dorypha devint pâle comme un linge. Tout sonsang reflua vers son cœur.

Alors, au moment même où Slugh étendait lamain vers elle, une détonation retentit.

Le bandit roula à terre, l’épaulefracassée.

Derrière lui, tenant encore à la main son armefumante, Dorypha aperçut Pierre Gilkin qui lui tendait lesbras.

Elle sauta par-dessus le corps sanglant duvieux tramp et serra sur son cœur avec passion cet époux qu’ellecroyait mort et qu’elle retrouvait si miraculeusement.

Tous deux se considéraient avec ravissement,si émus qu’ils ne trouvaient pas un mot.

– Comme tu es pâle, ma pauvreDorypha ! dit enfin Pierre Gilkin. C’est donc vrai, ce quiétait écrit sur le crucifix d’étain : que ces misérablest’avaient murée toute vivante ?

– Oui… Viens voir !

Dorypha entraîna son mari jusqu’à la salle dupremier. Elle lui montra l’ouverture béante grâce à laquelle elleavait pu s’échapper.

– Ah ! c’est comme cela !s’écria Pierre Gilkin tremblant de haine et de colère. Eh bien, tuvas voir !

– Que vas-tu faire ?

– Quelque chose qui t’amusera. Viens avecmoi, et tu verras.

Le Belge remonta jusqu’à l’endroit où il avaitlaissé Slugh, il lui lia les pieds et les mains avec la ceinturerouge dont le bandit lui-même était porteur. Puis, avec l’aide deDorypha, il descendit le vieux tramp, qui jurait et maugréait detout son cœur, jusqu’à la chambre du premier.

– Je comprends ! s’écria Dorypha enbattant des mains. Je n’aurais pas pensé à cela !

– Bon ! J’allais oublier quelquechose. Il faut le bâillonner, car lord Burydan et ses amis mesuivent de près et ne vont pas tarder à venir, et je ne veux pasqu’ils délivrent ce bandit, même pour le mener enprison !…

– Tu as raison. Aussidépêchons-nous !

En dépit de ses soubresauts, Slugh fut pousséla tête la première par la baie pratiquée dans la muraille. Lespierres furent remises en place tant bien que mal, et Dorypha cachales traces de ce travail en amoncelant, à cet endroit, une grandequantité de joncs.

Elle et son mari se promirent de revenir lelendemain pour parachever leur œuvre de vengeance. D’ici là, Slugh,blessé comme il l’était, ne pourrait pas s’échapper.

Pierre Gilkin et Dorypha en avaient à peinefini avec leur prisonnier que lord Burydan et ses amis entrèrent, àleur tour, dans les ruines.

Dorypha fut chaudement félicitée de sadélivrance.

Puis l’excentrique lui posa quelquesquestions. Grâce à la gitane, il ne tarda pas à éclaircir lemystère qui l’avait tant intrigué.

– Ce n’est pas étonnant, dit la jeunefemme, que vous n’ayez rien trouvé quand vous êtes venu. Il y a unecrypte sous l’église, c’est là que les deux bandits serraient leursvivres, leurs bagages et tout leur attirail.

– Il faut absolument que je visite cettecrypte ! déclara lord Burydan. Si je ne me suis pas trompédans mes suppositions, la découverte que je vais y faire mepermettra de sauver la vie à des milliers de personnes.

Deux des Noirs furent appelés et, à l’aide dulevier de fer, soulevèrent sans peine la dalle qui recouvraitl’entrée de l’escalier aboutissant au souterrain.

Il y avait là toutes sortes d’objets.

Mais lord Burydan avisa tout de suite unegrande caisse, sur laquelle il venait de remarquer l’adresse d’unmarchand d’appareils de physique et d’optique. La caisse contenaitune grosse lampe à acétylène, des verres lenticulaires : en unmot, tout ce qui avait servi à Slugh à changer en un phare éclatantle clocher de la tour fiévreuse.

– Je sais maintenant, déclara lordBurydan d’une voix grave, comment se sont produits les désastressuccessifs des navires de la Compagnie des paquebots Éclair. Lesgardiens du phare qui se trouve à l’entrée du golfe d’Oyster Baysont certainement affiliés à la Main Rouge. J’en ai maintenant lapreuve ! Aussi, les jours de tempête, lorsqu’ils avaientreconnu la présence d’un paquebot dans ces parages, ils éteignaientleur phare, en même temps que Slugh allumait le sien.

« Les capitaines, déroutés par cechangement, gouvernaient droit sur les récifs en croyant se dirigervers l’estuaire du fleuve, où ils eussent trouvé un abri contre latempête. Ils périssaient misérablement !

– Il reste maintenant à savoir, ditOscar, quels sont ceux qui ont intérêt à la ruine de la Compagniedes paquebots Éclair !

Lord Burydan ne releva pas cette observation.Il venait d’apercevoir des bocaux qui, d’après leurs étiquettes,avaient dû contenir des cultures microbiennes. Ce fut pour lui untrait de lumière. Il comprit soudainement à quoi était due larecrudescence de maladies contagieuses qui sévissaient depuisquelques semaines.

Appareils et bocaux furent soigneusementrangés dans les caisses, et les Noirs se chargèrent de lestransporter chez Mr. Bombridge.

Le soir même, lord Burydan écrivit à FredJorgell une longue lettre explicative.

Quant aux Noirs du phare d’Oyster Bay, ilsfurent cueillis le lendemain par la police de Tampa.

Pierre Gilkin et Dorypha gardèrent jalousementle secret de leur vengeance. Personne ne sut ce que Slugh étaitdevenu.

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