Actes et paroles – Pendant l’exil

VII LES SAUVETEURS
Hauteville-House, 14 avril 1870.

Messieurs les connétables de Saint-Pierre-Port,

En ce moment de naufrages et de sinistres, il faut encourager les sauveteurs. Chacun, dans la mesure de ce qu’il peut, doit les honorer et les remercier. Dans les ports de mer, le sauvetage est toujours à l’ordre du jour.

J’ai en ma possession une bouée et une ceinture de sauvetage modèles, exécu- tées spécialement pour moi par l’excellent fabricant Dixon, de Sunderland. M’en servir pour moi-même, cela peut se faire attendre ; il me semble meilleur d’en user dès aujourd’hui, en offrant, comme publique marque d’estime, ces engins de conservation de la vie humaine à l’homme de cette île auquel on doit le plus grand nombre de sauvetages.

Vous êtes nécessairement mieux renseignés que moi. Veuillez me le désigner. J’aurai l’honneur de vous remettre immédiatement la ceinture et la bouée pour lui être transmises.

Recevez l’assurance de ma cordialité, VICTOR HUGO.
A la suite de cette lettre, le capitaine Abraham Martin, maître du port, a été dé- signé comme ayant opéré dans sa vie environ quarante-cinq sauvetages. C’est à lui qu’ont été remis les engins de sauvetage, sur lesquels M. Victor Hugo a écrit de sa main :

Donné comme publique marque d’estime au capitaine Abraham Martin .

VIII LE TRAVAIL EN AMÉRIQUE
Hauteville-House, 22 avril 1870.

Vous m’annoncez, général, une bonne nouvelle, la coalition des travailleurs en Amérique ; cela fera pendant à la coalition des rois en France.

Les travailleurs sont une armée ; à une armée il faut des chefs ; vous êtes un des hommes désignés comme guides par votre double instinct de révolution et de civilisation.

Vous êtes de ceux qui savent conseiller au peuple tout le possible, sans sortir du juste et du vrai.

La liberté est un moyen en même temps qu’un but, vous le comprenez. Aussi les travailleurs vous ont-ils élu pour leur représentant en Amérique. Je vous félicite et les félicite.

Le travail est aujourd’hui le grand droit comme il est le grand devoir.

L’avenir appartient désormais à deux hommes, l’homme qui pense et l’homme qui travaille.

A vrai dire, ces deux hommes n’en font qu’un, car penser c’est travailler.

Je suis de ceux qui ont fait des classes souffrantes la préoccupation de leur vie. Le sort de l’ouvrier, partout, en Amérique comme en Europe, fixe ma plus pro- fonde attention et m’émeut jusqu’à l’attendrissement. Il faut que les classes souf- frantes deviennent les classes heureuses, et que l’homme qui jusqu’à ce jour a travaillé dans les ténèbres travaille désormais dans la lumière.

J’aime l’Amérique comme une patrie. La grande république de Washington et de John Brown est une gloire de la civilisation. Qu’elle n’hésite pas à prendre sou- verainement sa part du gouvernement du monde. Au point de vue social, qu’elle émancipe les travailleurs ; au point de vue politique, qu’elle délivre Cuba.

L’Europe a les yeux fixés sur l’Amérique. Ce que l’Amérique fera sera bien fait. L’Amérique a ce double bonheur d’être libre comme l’Angleterre et logique comme la France.

Nous l’applaudirons patriotiquement dans tous ses progrès. Nous sommes les concitoyens de toute nation qui est grande.

Général, aidez les travailleurs dans leur coalition puissante et sainte. Je vous serre la main.
VICTOR HUGO.

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer