La Compagnie blanche

Chapitre 24Comment un champion surgit de l’est

Le champ clos de Bordeaux était situé, commenous l’avons expliqué, sur la plaine longeant le fleuve ; versl’est, cette plaine montait doucement, s’étageait en vignobles. Uneroute blanche à multiples virages la traversait ; d’habitudefort fréquentée, elle était déserte ce jour-là à cette heure carles joutes avaient littéralement vidé la région de sapopulation.

Peu après le début du tournoi, si unspectateur avait tourné la tête vers la route, il aurait puremarquer très loin, très loin, deux points qui scintillaient etmiroitaient sous le soleil d’hiver. Moins d’une heure plus tard,ces points s’étaient rapprochés et étaient devenus plus nets :le spectateur se serait rendu compte qu’ils étaient le reflet descasques de deux cavaliers galopant à vive allure dans la directionde Bordeaux. Au bout d’une demi-heure, il aurait distingué plus dedétails. Le cavalier de tête était un chevalier revêtu d’une armurecomplète, et son cheval brun avait une flamme blanche sur le frontet le poitrail. Il n’était pas grand, mais la largeur de sesépaules faisait impression ; la visière de son heaume étaitfermée ; il ne portait aucun blason sur son modeste surcotblanc et sur son écu noir. L’autre, évidemment son écuyer ouquelqu’un à son service, avait pour toute armure un casque sur latête ; mais il tenait dans sa main droite une lance trèslongue et très lourde qui appartenait à son maître ; sa maingauche serrait non seulement les rênes de son propre cheval maisencore celles d’un grand destrier noir tout harnaché qui galopait àcôté de lui. Finalement ces trois chevaux et les deux cavaliersarrivèrent à l’extrémité du champ clos, et c’était la sonnerie debugle exécutée par l’écuyer au moment où son maître pénétrait surla lice qui avait interrompu la distribution des prix et distraitl’attention des spectateurs.

– Ah, John ! s’écria le Prince en seredressant. Qui est ce gentilhomme, et que désire-t-il ?

– Ma parole, monseigneur, répliquaChandos qui ne cherchait pas à dissimuler sa surprise, je crois quec’est un Français.

– Un Français ! répéta Don Pedro. Etcomment pouvez-vous l’affirmer, seigneur Chandos, alors qu’il n’ani cotte d’armes ni blason ?

– D’après son armure, sire, qui est plusarrondie au coude que celles que l’on fait en Angleterre ou àBordeaux. Il pourrait être Italien si son bassinet était plusincliné ; mais je jurerais que ces plates ont été soudéesentre ici et le Rhin. Voici d’ailleurs son écuyer : nousallons savoir quel curieux hasard l’amène à Bordeaux.

De fait, l’écuyer avait arrêté sa monturedevant la tribune du Prince, qu’il salua d’une deuxième sonnerie debugle ; c’était un homme maigre, au teint basané ; ilavait une barbe noire hérissée ; son maintien frisaitl’arrogance. Il remit son bugle dans sa ceinture, s’avança entreles deux groupes de chevaliers gascons et anglais, et immobilisa samonture à une longueur de lance du Prince.

– Je viens, cria-t-il d’une rude voixrauque marquée d’un fort accent breton, en qualité d’écuyer et dehéraut de mon maître, qui est un très vaillant poursuivant d’armes,vassal du grand et puissant monarque Charles, Roi de France. Monmaître a appris qu’un tournoi offre ici d’honorables perspectivesde distinction. Aussi est-il venu demander si quelque gentilhommeanglais voudrait daigner pour l’amour de sa dame courir une courseavec lui à la lance affilée, ou le rencontrer à l’épée, à la massed’armes, à la hache de bataille ou au poignard. Il m’a prié depréciser toutefois qu’il ne se battrait que contre un véritableAnglais, et non pas contre l’un de ces bâtards qui ne sont niAnglais ni Français, mais qui parlent la langue des uns et sebattent sous la bannière des autres.

– Messire ! cria Olivier de Clissond’une voix tonnante.

Ses compatriotes portèrent la main à l’épée.Mais l’écuyer ne s’inquiéta nullement de leurs visages irrités etcontinua à transmettre le message de son maître.

– Il est maintenant prêt, monseigneur,dit-il, bien que son destrier ait galopé de nombreuses lieuesaujourd’hui car nous avions peur d’arriver trop tard.

– Vous êtes en effet arrivés trop tard,répondit le Prince, puisque le prix allait être remis. Cependant jene doute pas que l’un de ces gentilshommes n’accepte de courir unecourse pour l’honneur avec ce chevalier de France.

– Quant au prix, monseigneur, intervintSir Nigel, je suis sûr d’être l’interprète de tous en déclarant quece chevalier français a notre parole de l’emporter s’il parvient àle gagner.

– Communiquez ceci à votre maître, dit lePrince, et demandez-lui lequel de ces cinq Anglais il désirerencontrer. Mais, un instant : votre maître ne porte pasd’armoiries et nous ne savons pas son nom ?

– Mon maître, monseigneur, a fait à laVierge le vœu de ne pas révéler son nom et de ne pas ouvrir savisière avant qu’il soit de retour en territoire français.

– Mais quelle assurance avons-nous, fitobserver le Prince, qu’il ne s’agit pas d’un valet déguisé ou d’unchevalier ayant forfait à l’honneur et dont la lance est entachéed’infamie ?

– Ce n’est pas cela, monseigneur !cria l’écuyer. Il n’existe pas d’homme au monde qui dérogerait encourant une lance contre mon maître.

– Vous parlez hardiment, écuyer !Mais si je ne possède pas une preuve plus valable de la nobleorigine et de la bonne réputation de votre maître, je ne permettraipas aux meilleures lances de ma cour de le rencontrer.

– Vous refusez, monseigneur ?

– Je refuse.

– Alors, monseigneur, j’ai été autorisépar mon maître à vous demander si vous reviendriez sur votre refusdans le cas où Sir John Chandos, connaissant le nom de mon maître,vous assurerait qu’il est vraiment un homme avec lequel vouspourriez vous-même croiser l’épée sans déchoir ?

– Je ne demande rien de plus, répondit lePrince.

– Dans ces conditions je dois vous prier,seigneur Chandos, de vous avancer. J’ai votre parole que le nomrestera toujours un secret, et que vous ne le prononcerez ni nel’écrirez pour le trahir ? Ce nom est…

Il se pencha au-dessus de l’encolure de soncheval et murmura quelque chose à l’oreille du vieux chevalier quisursauta et observa avec une curiosité accrue le nouveau« défiant ».

– Est-ce vraiment lui ?s’exclama-t-il.

– Oui, messire. Je le jure par saint Yvesde Bretagne.

– J’aurais pu le deviner, fit Chandos entortillant sa moustache et en fixant méditativement legentilhomme.

– Hé bien, Sir John ? interrogea lePrince.

– Monseigneur, il s’agit réellement d’unchevalier qu’il y a grand honneur à rencontrer, et je voudrais queVotre Grâce m’autorise à envoyer mon écuyer quérir mon équipement,car je serais vraiment très heureux de courir une lance aveclui.

– Non, non, Sir John ! Vous avezgagné autant d’honneur qu’il est possible à un homme d’engagner ; il serait malheureux que vous ne puissiez pas vousreposer maintenant. Mais je vous prie, écuyer, d’informer votremaître qu’il est le très bienvenu à notre cour, et que du vin etdes épices lui seront servis s’il désire se rafraîchir avant lesjoutes.

– Mon maître ne désire pas boire.

– Alors, qu’il nomme le gentilhomme avecqui il voudrait courir une lance.

– Il voudrait combattre ces cinqchevaliers, avec les armes que chacun d’eux lui désignera.

– Je comprends, dit le Prince, que votremaître est animé d’un grand courage et de nobles ambitions. Mais lesoleil est déjà bas vers l’ouest, et il restera à peine assez dejour pour ces joutes. Je vous prie, mes seigneurs, de prendre vosplaces, afin que nous puissions voir si les actes de ce chevalierseront à la hauteur de ses intentions.

Le chevalier inconnu était assis en selle,immobile comme une statue de métal ; pendant ces préliminairesil ne regarda ni à droite ni à gauche. Il avait enfourché son granddestrier noir. La carrure de ses épaules, son attitude toute defermeté et de sang-froid, la manière dont il portait l’écu et lalance suffisaient à convaincre les sceptiques qu’il serait unadversaire redoutable. Aylward, qui se tenait au premier rang desarchers en compagnie de Simon, du gros John et d’autres soldats,avait fait la critique des opérations depuis le début avec laliberté et l’aisance de l’homme qui avait passé sa vie sous lesarmes et qui avait appris à évaluer d’un seul regard les pointsfaibles d’un cheval et de son cavalier. À présent il contemplaitl’étranger en fronçant le sourcil ; visiblement il cherchait àrassembler certains souvenirs.

– Par ma garde, j’ai déjà vu cettesilhouette trapue quelque part ! Et pourtant je suis incapablede préciser l’endroit. À Nogent peut-être, ou à Auray ? Jevous le dis, mes garçons, cet homme est sûrement l’une des plusfortes lances de France, et il n’y en a pas de meilleures aumonde !

– Ce n’est qu’un jeu d’enfant, leurpousse-pousse ! fit John. J’aimerais bien m’y essayer un jour,car, par la croix noire, il me semble qu’on pourrait y jouerautrement !

– Et que ferais-tu, John ?interrogèrent ses voisins.

– Il y a un certain nombre depossibilités, répondit le forestier en réfléchissant. Je crois queje commencerais par briser ma lance.

– C’est ce qu’ils s’efforcent tous defaire.

– Non, pas sur l’écu de l’adversaire. Jela briserais sur mon genou.

– Et pourquoi cela vaudrait-il mieux,vieux sac à viande ? demanda Black Simon.

– Parce qu’ainsi je transformerais en untrès beau gourdin ce qui n’est qu’une grande épingle pourdamoiselles.

– Et ensuite, John ?

– Ensuite ? Je prendrais la lance del’autre dans le bras ou la jambe ou à tel endroit qu’ilpréférerait, mais moi je lui fracasserais le crâne avec mongourdin.

– Par les os de mes dix doigts, John,déclara Aylward, je donnerais volontiers mon lit de plumes pour tevoir courir une lance ! C’est un jeu très sportif et trèscourtois que tu nous indiques là.

– N’est-ce pas ? répondit Johnsérieusement. Ou encore, l’un des deux pourrait saisir l’autre parla taille, le soulever de sa selle, et l’emporter dans sa tente oùil ne le relâcherait que contre rançon.

– Bon ! s’écria Simon pendant queles archers riaient aux éclats. Par Thomas de Kent, nous ferons detoi un maréchal de camp, et tu établiras un règlement pour nosjoutes. Mais, John, que soutiendrais-tu dans ce genre decombats ?

– Que veux-tu dire ?

– Voyons, John ! Un briseur delances aussi fort que toi doit se battre pour les beaux yeux de sadame ou pour la courbure de ses cils, comme le fait Sir Nigel enl’honneur de Lady Loring.

– Ça je ne le sais pas, répondit le grosarcher en se grattant la tête avec embarras. Depuis que Mary s’estmoquée de moi, je ne peux plus me battre pour elle.

– Tant pis ! N’importe quelle femmefera l’affaire.

– Il y a ma mère, dit John. Elle s’estdonnée beaucoup de peine pour m’élever et sur mon âme, jesoutiendrais la courbure de ses cils, car quand je pense à ellecela me chatouille jusqu’au plus profond de mon cœur. Mais quis’avance ?

– Sir William Beauchamp. C’est unvaillant, mais je crains qu’il ne soit pas assez ferme sur sa sellepour supporter la pointe que cet étranger lui poussera.

Le pronostic d’Aylward se vérifiapromptement : les deux cavaliers se rencontrèrent au milieu dela lice. Beauchamp atteignit son adversaire au heaume, mais ilreçut en échange une pointe si formidable qu’il tournoya sur saselle, tomba et roula plusieurs fois sur lui-même. Sir Thomas Percylui succéda ; il n’obtint guère plus de succès car son écu futfendu, sa ventaille arrachée, et il fut légèrement blessé au flanc.Lord Audley et l’inconnu se touchèrent admirablement bien auheaume ; mais tandis que l’étranger demeurait rigide sur sondestrier, la violence du choc avait repoussé l’Anglais sur lacroupe de sa monture qui galopa un bon moment avant qu’il pûtrecouvrer son équilibre. Sir Thomas Wake fut abattu d’un coup dehache d’armes, qui était l’arme qu’il avait choisie, et il fallutle transporter dans sa tente. Ces succès rapides, obtenus auxdépens de quatre guerriers célèbres, déclenchèrent l’admiration etl’émerveillement de la foule. Les acclamations des soldats anglaisse mêlèrent à celles des paysans et des citadins : l’amour desactions d’éclat et des exploits chevaleresques pouvait s’éleverau-dessus des rivalités de races.

– Sur mon âme, John ! cria le Princeles joues en feu et les yeux brillants. Voici un homme d’un grandcourage et d’une audace peu commune ! Je n’aurais jamais cruqu’il existât sur la terre un bras capable de surclasser ces quatrechampions.

– Je vous l’avais dit, monseigneur :c’est vraiment un chevalier qu’il y a grand honneur à rencontrer.Mais le bord inférieur du soleil se mouille ; d’ici peu ilaura disparu sous la mer.

– Voici Sir Nigel Loring, à pied avec sonépée ! annonça le Prince. J’ai entendu dire qu’il était bonépéiste.

– Le meilleur de votre armée,monseigneur ! répondit Chandos. Mais aujourd’hui il lui faudratoute son habileté.

Les deux combattants avancèrent l’un versl’autre ; ils étaient revêtus de l’armure complète et tenaientinclinées sur l’épaule leurs épées à deux mains. L’étrangermarchait d’un pas pesant et mesuré, tandis que l’Anglais avait lepas si vif qu’on n’aurait pas cru que ses membres étaientembarrassés par leur coquille d’acier. À quatre pas de distance ilss’arrêtèrent, se dévisagèrent du regard un moment, puis tout à coupun cliquetis d’acier se déchaîna, si bruyant qu’on aurait dit deuxforgerons s’affairant sur leur enclume. Les longues lames luisantesse dressaient, se rabattaient, tournoyaient, se croisaient, seheurtaient, se désengageaient ; des étincelles jaillissaient àchaque parade. Sir Nigel bondissait, la tête rejetée en arrière,son panache désinvolte voletant au vent, tandis que son sombreadversaire décochait des coups fracassants, alternant la tailleavec la pointe, sans toutefois franchir le mur d’acier que luiopposait l’épée de l’Anglais. La foule hurlait sa joie quand SirNigel baissait la tête pour éviter un coup ou quand par une esquiverapide du buste il s’écartait de la trajectoire d’une botteterrible. Mais son heure sonna enfin. Le Français, en faisanttournoyer son épée, découvrit un instant une fente entre sonépaulière et le brassard qui protégeait son bras. Sir Nigel yplongea sa lame, avec une vitesse telle que les spectateurs nepurent pas la suivre du regard ; mais une tache rouges’élargissant rapidement sur le surcot blanc attesta que le coup depointe avait porté. La blessure n’était que légère et le Françaisallait repartir à l’assaut quand Chandos, à un signal du Prince,jeta son bâton ; les juges se précipitèrent sur la lice,relevèrent les épées, et arrêtèrent le combat.

– Il était temps d’y mettre fin, dit lePrince en souriant, car Sir Nigel m’est trop précieux pour que jele perde et, par les cinq plaies sacrées, si l’un de ces coups detaille avait atteint son but, j’aurais redouté le pire pour notrechampion. Qu’en pensez-vous, Pedro ?

– Je pense, Édouard, que votre petithomme était tout à fait capable de veiller sur lui-même. Pour mapart, j’aurais aimé voir le combat se poursuivre jusqu’à ladernière goutte de sang.

– Il faut que nous parlions à cetétranger. Un champion de cette valeur ne doit pas quitter ma coursans avoir pris du repos et des forces. Menez-le ici, Chandos, etcertes, puisque le seigneur Loring a renoncé à revendiquer ce vase,il est juste et décent que ce gentilhomme le rapporte en France entémoignage des prouesses qu’il a accomplies aujourd’hui.

Le chevalier errant, qui était remonté enselle, galopa vers la tribune du Prince ; il avait noué unfoulard de soie autour de son bras blessé. Le soleil couchantfaisait rougeoyer son armure et projetait sa longue ombre noirederrière lui sur le gazon. Le Français arrêta sa monture, inclinalégèrement la tête et demeura assis imperturbable, tandis queretentissaient les bravos des soldats et des jolies femmes quil’admiraient.

– Seigneur chevalier, dit le Prince, nousavons tous été émerveillés ce jour par la grande habileté et lavaleur dont Dieu a bien voulu vous pourvoir. Je serais heureux quevous vous attardiez à notre cour, au moins pour quelque temps,jusqu’à ce que votre blessure soit guérie et que vos chevaux soientreposés.

– Ma blessure n’est rien, monseigneur, etmes chevaux ne sont pas fatigués, répliqua l’étranger d’une voixgrave et ferme.

– Ne voudrez-vous pas du moins regagnerBordeaux avec nous pour boire une coupe et souper à notretable ?

– Je ne boirai pas de votre vin et je nem’assoirai pas à votre table, répondit le Français. Je ne vousporte aucune tendresse, ni à vous ni à votre race, et il n’y a rienque je souhaite autant que de voir la dernière voile vous ramenantdans votre île disparaître dans le ciel d’ouest.

– Ce sont des mots amers, messirechevalier ! fit le Prince Édouard dont le regard secourrouça.

– Qui viennent d’un cœur amer, confirmale chevalier inconnu. Depuis combien de temps mon malheureux paysn’a-t-il pas connu la paix ? Où sont les fermes, les vergers,les vignobles qui étaient la beauté de la France ? Où sont lescités qui en faisaient la grandeur ? De la Provence à laBourgogne nous sommes harcelés par tous les mercenaires de laChrétienté, qui ruinent un pays que vous avez trop affaibli pourqu’il puisse garder ses propres marches. Le peuple ne dit-il pasqu’un homme peut galoper tout un jour sur cette misérable terresans voir du chaume sur un toit ou sans entendre le cri d’uncoq ? Un seul beau royaume ne vous suffit-il donc pas, quevous vous efforciez de conquérir celui-ci qui ne vous aimepas ? Pardieu ! Les mots d’un vrai Français peuvent bienêtre amers, car amer est son lot, et amères ses pensées quand ilvoyage à travers ce pays trois fois malheureux !

– Messire chevalier, dit le Prince, vousparlez comme un homme brave, et notre cousin de France est heureuxde posséder un gentilhomme capable de soutenir sa cause aussi bienavec l’épée qu’avec la langue. Mais si vous nous jugez si mal,comment se fait-il que vous vous soyez fié à nous sans la garantied’un sauf-conduit ?

– Parce que je savais que vous seriezici, monseigneur. Si l’homme qui est assis à votre droite avait étéle gouverneur de ce pays, j’y aurais regardé à deux fois, car je leprends pour quelqu’un qui ignore tout ce qui est chevaleresque etgénéreux.

Sur un salut martial, il fit pivoter soncheval, descendit la lice au galop et disparut parmi la foule densedes piétons et des cavaliers qui quittaient le champ clos.

– L’insolent ! Le scélérat !cria Pedro furieux. J’ai vu arracher des langues pour moins quecela. Ne serait-il pas d’un bon exemple, Édouard, de lui dépêcherquelques cavaliers pour le ramener ? Réfléchissez qu’ilappartient peut-être à la maison royale de France, ou qu’il doitêtre l’un de ces chevaliers dont la perte serait cruellementressentie par son maître ! Sir William Felton, vous avez unbon cheval : galopez après ce lâche, je vous prie !

– Galopez et rejoignez-le, dit le Prince.Mais donnez-lui cette bourse de cent nobles en signe du respect queje lui porte. Car, par saint Georges, il a servi son maîtreaujourd’hui comme je voudrais que me servent toujours mesvassaux !

Sur ces mots, le Prince tourna le dos au Roid’Espagne et, sautant en selle, rentra au pas à l’abbaye deSaint-André.

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